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00:00 - Il adore le digression.
00:02 - D'ailleurs, c'est ce qu'on voit dans le film.
00:05 On voit que...
00:07 Moi, je trouve ça vraiment très beau parce que c'est indiscutable, en fait,
00:12 le point de vue des enfants.
00:14 C'est qu'on est à ce niveau où on voit...
00:17 On voit qu'il y a le monde des adultes.
00:20 Et bien évidemment, il y a la guerre qui se prépare,
00:24 il y a plein d'injustices, plein d'incohérences dans le système.
00:28 qui était mis en place en Algérie, bien sûr.
00:32 Mais on voit que...
00:34 qu'il y a...
00:36 Il y a des enfants qui se parlent,
00:39 qu'ils soient juifs, qu'ils soient arabes,
00:42 qu'ils soient italiens, espagnols.
00:45 Ça cohabite, les portes sont ouvertes, ça circule.
00:49 Oui, il y a de la complicité.
00:51 C'est un film sur la nostalgie d'une époque,
00:54 la nostalgie de l'enfance,
00:56 sur l'insouciance de l'enfance.
00:58 Ce qui est très fort aussi,
01:00 c'est que c'est les derniers moments d'insouciance
01:03 de cet enfant, de cette famille, de cet immeuble,
01:07 alors que la guerre est derrière la porte.
01:10 Dans le film, les enfants comprennent pas,
01:12 et les adultes comprennent pas.
01:14 Et pourtant, c'est nous qui vivons dans le monde,
01:17 nous, les êtres humains.
01:19 Et pourtant, vous avez vu, il y a une incompréhension
01:22 du début à la fin, et on n'y peut rien.
01:24 On est dans le cours de l'histoire qu'on nous impose,
01:27 et on est obligés de se séparer,
01:29 et ça devient parfois fratricide.
01:31 Fratricide, c'est des frères à la base.
01:33 Évidemment que c'est terrible.
01:35 Et c'est vraiment quand je vois un film comme ça,
01:37 j'ai envie de pleurer, mais j'ai envie de pleurer aussi,
01:39 parce que je pense à...
01:41 Je revois l'histoire de ma famille,
01:43 qui a dû partir, c'était aussi...
01:45 Pour eux, c'était leur terre,
01:47 et puis ils ont grandi là-dedans.
01:49 Et un jour, on leur a dit, non, c'est pas ta terre,
01:51 tu dégages. Chaud.
01:53 Vous savez, aujourd'hui,
01:55 c'est les voix qui s'élèvent pour la paix,
01:57 il faut le faire avec beaucoup de discernement.
01:59 Vous savez, c'est Platon qui disait,
02:01 la fin de la cité, c'est la fraude des mots.
02:03 À un moment donné, on prend des mots,
02:05 et on les utilise n'importe comment.
02:07 C'est notre tout-ci.
02:09 C'est notre tout-ci à nous, pour de vrai.
02:11 C'est génial, c'est d'avoir...
02:13 Arcadie s'est dit,
02:15 je ne peux pas la trouver, cette grand-mère que j'ai connue,
02:17 qui ne peut pas descendre d'un étage,
02:19 et qu'il faut treuiller,
02:21 et le donner à un homme.
02:23 Je lui dis, vous savez, ça, encore une fois,
02:25 c'est une proposition de cinéma.
02:27 C'est d'aller au bout d'un principe,
02:29 se dire, je vais le donner à un homme,
02:31 je vais le donner à un banguilly,
02:33 et on va faire en sorte qu'on y croie.
02:35 - Moi, je me rappelle que je lui remontais
02:37 ces bas de contention qui avaient tendance
02:39 à tomber sur ses pantoufles.
02:41 - C'est génial.
02:43 - Où apparaissaient un peu les effets spéciaux
02:45 du costume, parce qu'il n'est pas aussi gros.
02:47 Mais moi, j'ai adoré passer plein de moments
02:49 avec lui, parce qu'en plus,
02:51 il a plein de petites phrases en arabe,
02:53 et comme dans l'histoire,
02:55 la grand-mère d'Arcadie était berbère,
02:57 elle parlait arabe,
02:59 et donc il m'insufflait
03:01 plein de petits mots, des petites expressions.
03:03 Je ne sais pas, d'ailleurs,
03:05 s'il disait toujours des choses correctes,
03:07 mais on y croyait à fond.
03:09 - Oui, notre culture, elle est mêlée
03:11 de plein de mots, évidemment, en arabe.
03:13 Donc, on se parle comme ça,
03:15 ça nous permet de se retrouver aussi comme ça.
03:17 Ça nous ramène... C'est notre petite madame de Proust,
03:19 comme je disais à Arcadie, c'est notre macroute de Proust.
03:21 C'est notre petit...
03:23 - Macroute de Proust. - Notre petit macroute de Proust.
03:25 Il y a des mots comme ça qui nous... Hop !
03:27 Je vous assure, pour la première fois, je peux dire un mot en arabe,
03:29 malgré le fait que je ne l'ai pas vu depuis 20 ans,
03:31 je vais lui dire un mot, on va éclater de rire,
03:33 parce que ça nous ramène... 30 ans derrière.
03:35 Donc, vous voyez, la culture,
03:37 la culture, la culture,
03:39 la culture, c'est l'ignorance,
03:41 ravage tout, dévaste tout,
03:43 la vraie culture, la culture populaire,
03:45 la culture de la rue,
03:47 si cette culture, on l'avait préservée,
03:49 ça aurait été difficile de mettre des murs entre nous.
03:51 - Moi, c'était "E.T." de Steven Spielberg.
03:55 C'est vraiment le tout premier film que j'ai vu
03:57 dans une salle de cinéma. - C'est un film d'Arcadie.
03:59 C'est le coup de Sirocco,
04:01 avec mon grand-père,
04:03 qui ressemblait beaucoup à Roger Ladin,
04:05 qui jouait dans le film,
04:07 et c'était mon premier film,
04:09 amené par mon grand-père,
04:11 et je découvre des gens qui parlent comme nous,
04:13 avec la même culture,
04:15 donc d'un coup, je sais plus où j'étais.
04:17 C'est du cinéma, mais c'est chez moi.
04:19 C'était un vrai choc, quoi.
04:21 - Je crois que c'est une frite.
04:25 (rires)
04:27 Une vieille frite
04:29 avec de la mayonnaise que j'ai encadrée,
04:31 venant de Belgique.
04:33 - On le raconte dans le film, Arcadie.
04:35 On prend les photos de famille,
04:39 on prend notre histoire avec nous.
04:41 Notre histoire, c'est vraiment un objet,
04:43 c'est nous.
04:45 C'est pour ça que quand on part,
04:47 il y a beaucoup de gens qui sont partis,
04:49 qui ont été déplacés.
04:51 Je parle de l'Algérie,
04:53 parce que c'est mon histoire aussi.
04:55 Ils ont souvent cherché ces fameuses photos.
04:57 Il y en a plein qui n'ont pas pu partir
04:59 avec ces photos, c'est ce qui leur a manqué le plus.
05:01 Et si demain matin, je sais que c'est un copain
05:03 qui s'est réveillé, il a dû...
05:05 Vous savez, il y avait eu les feux en Californie,
05:07 et lui, il habitait en Californie,
05:09 pour partir.
05:11 Donc elle a appelé pour dire "je prends quoi ?"
05:13 "Évidemment, vous prenez quoi ? Rien."
05:15 "Vous arrivez nu, vous repartez nu."
05:17 Je peux avoir peut-être un bulletin,
05:19 non ? Le bulletin qu'on a été petits, que je gardais encore avec moi.
05:21 J'ai un bulletin.
05:23 - Ah bon, c'est un bulletin.
05:25 - Mon bulletin scolaire, les premiers bulletins scolaires.
05:27 "Élèves dissipés, peu mieux faire."
05:29 Ça, je l'ai eu souvent.