Lancement de la campagne des Restos du cœur : "C'est extrêmement difficile pour nos bénévoles de dire non à des personnes", déplore le président de l'association

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Patrice Douret, président des Restos du cœur, le 21 novembre 2023.

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Transcription
00:00 Bonjour Patrice Dourais, président du Restos du Coeur et grand témoin de France Info ce matin à l'occasion du lancement de votre campagne d'hiver 2023-2024.
00:09 Les restos c'est 35% de l'aide alimentaire en France. En septembre vous aviez lancé un appel aux dons.
00:15 Vous craignez de refuser des bénéficiaires ? Où en est-on aujourd'hui 21 novembre ?
00:21 Oui effectivement ce que l'on craignait est aujourd'hui en train d'arriver c'est à dire que mécaniquement par rapport aux personnes qui étaient inscrites à l'aide alimentaire au Restos du Coeur
00:30 nous avions défini un chiffre de 150 000 personnes qui pourraient ne pas être acceptées et aujourd'hui les inscriptions sont en cours.
00:37 C'est encore un peu tôt pour faire un bilan définitif mais c'est la tendance et ce qu'il faut souligner c'est que c'est extrêmement difficile
00:43 pour nos bénévoles de dire non à des personnes à qui on devait dire oui habituellement.
00:47 Mais c'est aussi une violence cette inflation et d'une violence inouïe pour les personnes en difficulté
00:52 et on a à coeur de les accueillir et de pouvoir garder quand même le lien avec toutes les personnes que l'on refuse.
00:57 Il est trop tôt pour faire un bilan on le fera dans les prochaines semaines.
01:00 On parle de chiffres et en effet le plus important c'est que derrière ces chiffres il y a des personnes.
01:04 Sur quels critères vous les sélectionnez ?
01:08 Alors ce sont des critères d'éligibilité qui sont simples.
01:12 On reste à vivre en fonction d'une différence entre principale ressource et principale dépense.
01:16 Ce qu'il faut ajouter c'est qu'il est important pour nous de les recevoir dignement.
01:20 C'est pour cela aussi qu'on a pris cette décision qui n'est pas uniquement comptable de freiner la machine
01:25 parce que accueillir les personnes pour nous c'est important de pouvoir les recevoir, les écouter, les orienter et répondre à leurs besoins.
01:31 Même si c'est pour leur dire non à la fin ?
01:33 Oui parce qu'on ne leur dit non que sur l'aide alimentaire.
01:35 Les personnes à qui nous devons dire non pour ces raisons là il est important de pouvoir les garder avec nous,
01:40 de continuer à les accueillir, à les écouter.
01:42 On a d'autres activités que l'aide alimentaire et elles sont autant indispensables que l'alimentation.
01:47 Ces personnes qui viennent vous voir et à qui vous êtes contraints de dire non, c'est quoi leur profil ?
01:53 On a tous les profils. Malheureusement ce qu'on a constaté sur la précédente campagne,
01:57 1 300 000 personnes accueillies c'est 171 millions de repas.
02:01 Ce qu'on constate c'est que l'augmentation de la précarité elle concerne tous les publics.
02:05 A la fois les retraités, les familles monoparentales, les personnes seules et surtout beaucoup d'enfants.
02:10 39% sont mineurs accueillis au Restos du Coeur.
02:13 Et des travailleurs pauvres ?
02:15 Oui et beaucoup de travailleurs pauvres, des personnes qui du jour au lendemain basculent,
02:19 qui ont un logement, un emploi, qui pensaient être à l'abri de cette chute,
02:23 cette précarité qui leur tombe dessus à cause de l'inflation et de la crise énergétique.
02:27 1 300 000 personnes, vous disiez 171 millions de repas distribués l'année dernière,
02:35 lors de la précédente campagne, c'était 30 millions de plus sur un an.
02:40 Vous êtes sur quel ordre de grandeur pour la campagne qui s'ouvre ?
02:44 Malheureusement la vague ne faiblit pas.
02:46 On constate aujourd'hui qu'on a, même en ayant réduit, limité nos critères d'éligibilité,
02:50 on constate qu'on a beaucoup de personnes qui se présentent et qui rentrent dans ce barème là.
02:54 Donc on va battre un nouveau record ?
02:56 Je le crains, je le crains et en tout cas on reste extrêmement attentifs à cette évolution.
03:00 Il faut nous parler de vos bénévoles parce qu'on les entendait tout à l'heure dans le journal,
03:03 vous en parliez, on a entendu cette femme qui nous dit "voilà on appréhende,
03:06 on ne sait pas jusqu'où on va pouvoir les aider".
03:09 Comment est-ce qu'ils réagissent vos bénévoles face à ce qui est parfois un refus, une contrainte ?
03:14 D'abord je tiens à souligner que c'est une magie,
03:17 c'est un travail exceptionnel que font nos 73 000 bénévoles tous les jours.
03:20 C'est très difficile de dire non.
03:22 Je le redis, malgré tout il y a une vraie bienveillance qui est là.
03:25 On a face à nous des personnes qui comprennent,
03:27 une forme de résignation des personnes à qui on dit non.
03:29 D'abord beaucoup disent "on le savait".
03:31 On le savait très bien puisque ça a été annoncé dans les médias,
03:34 que ce serait peut-être difficile.
03:36 Mais nos bénévoles se battent pour pouvoir continuer à garder ce lien qui est indispensable,
03:40 ne pas lâcher une personne à qui on a dit non,
03:42 et pour les personnes que l'on accompagne,
03:44 faire en sorte que rapidement, le plus rapidement possible,
03:47 par nos aides à la personne et l'accompagnement que l'on fait,
03:50 elles puissent rapidement sortir de nos effectifs.
03:52 Cette réalité que vous nous décrivez là depuis quelques minutes,
03:55 c'est le signe selon vous que la France s'appauvrit ?
03:58 Oui c'est clair, aujourd'hui il faut dire que la précarité augmente,
04:01 la faim progresse en France.
04:03 On a des familles qui font le choix entre se nourrir,
04:06 et se nourrir simplement.
04:08 Se chauffer, se loger, se déplacer,
04:10 c'est extrêmement difficile de constater que,
04:13 quand on n'avait pas du tout prévu,
04:15 que l'on pouvait sombrer un jour et basculer dans la précarité,
04:18 on doit faire appel à une association de solidarité.
04:20 C'est pas simple, il y a toujours ce sentiment un petit peu de honte,
04:23 et il faut pas, il faut pas, il faut faire appel à une association,
04:26 pour essayer de s'en sortir, et les Restos du Coeur font en sorte
04:28 que ce soit le plus rapidement possible.
04:30 Il faut qu'on revienne sur l'appel que vous avez lancé en septembre dernier,
04:32 35 millions d'euros, c'est ce qui vous manquait, vous en êtes où aujourd'hui ?
04:35 Alors aujourd'hui on peut dire que notre appel a été entendu,
04:38 à la fois par l'État qui a augmenté les crédits qui étaient prévus
04:42 d'un peu plus de 10 millions d'euros pour les Restos du Coeur,
04:44 mais également par les entreprises, et puis les particuliers,
04:46 et je tiens à remercier toutes les personnes qui ont donné,
04:48 que ce soit des petits ou des gros dons, c'est important encore une fois,
04:51 c'est l'addition de tout ça qui fait qu'on pourra,
04:54 on l'espère, passer au moins l'hiver qui arrive.
04:57 Vous allez pouvoir passer l'hiver grâce à la générosité des Français ?
05:00 Absolument.
05:01 Et vous disiez que vous étiez inquiet sur la survie des Restos à 3 ans,
05:05 là qu'en est-il de cette inquiétude ?
05:07 On reste attentif, encore une fois il reste quelques incertitudes,
05:10 la première c'est le nombre de personnes qui seront inscrites sur cette campagne,
05:14 et puis 60% des dons que l'on reçoit c'est novembre et décembre.
05:17 Donc on pourra être assuré que lorsqu'on aura passé cette période-là,
05:21 de novembre et décembre, parce qu'il faut absolument
05:23 qu'on puisse obtenir au moins l'équivalent des dons que nous avons eu l'an dernier,
05:26 pour pouvoir faire des projections un peu plus rassurantes.
05:28 Et puis attention, on reste très attentif à l'évolution de la précarité,
05:32 on n'aurait jamais pu prévoir une telle évolution en quelques mois,
05:35 donc quelle sera cette évolution dans les prochaines semaines et les prochains mois,
05:39 nous n'en savons rien.
05:40 Et pour ce qui est de l'aide publique, vous disiez qu'elle était insuffisante,
05:43 vous avez 150 millions d'euros, aujourd'hui vous en demandez 200 millions,
05:46 vous avez été entendu ?
05:48 Alors c'est une demande que nous portons avec nos amis des banques alimentaires,
05:51 c'est effectivement de porter le budget de l'aide alimentaire,
05:54 qui ne bénéficie pas qu'au Restos du Cœur, à toutes les associations d'aide alimentaire.
05:57 - Le chiffre que j'ai donné, c'est bien le chiffre global, pour l'ensemble de l'aide alimentaire.
06:00 - Absolument, à 200 millions d'euros, c'est ce qui nous semble nécessaire
06:03 pour que les associations de solidarité qui font de l'aide alimentaire,
06:06 puissent fonctionner normalement et aider toutes les personnes qui vont se présenter à nous.
06:10 - Merci beaucoup Patrice Dourais, on rappelle peut-être la meilleure manière
06:13 d'aider les Restos du Cœur pour les auditeurs qui nous écoutent.
06:16 - Faire un don sur le site des Restos du Cœur, qui est accessible,
06:18 et vous avez directement la page pour pouvoir le faire.
06:20 - Patrice Dourais, le président des Restos du Cœur,
06:22 merci beaucoup d'avoir été avec nous pour le lancement de la campagne 2023-2024,
06:26 campagne d'hiver des Restos.

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