Largo Winch - Au coeur de la célèbre BD de Jean Van Hamme et Philippe Francq

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00:00:00 [Bruit de la mer]
00:00:13 [Bruit de moteur]
00:00:36 [Bruit de moteur]
00:00:46 [Bruit de clavier]
00:01:08 La liberté, c'est de pouvoir se passer des autres quand c'est nécessaire
00:01:12 et de pouvoir aller vers les autres quand on en a envie.
00:01:16 La plupart de mes personnages essayent de trouver une forme de liberté.
00:01:20 Si Largot avait voulu être libre, il n'aurait pas accepté l'héritage du groupe W,
00:01:26 donc il a choisi, lui, de ne pas être libre.
00:01:31 [Bruit de moteur]
00:01:50 [Bruit de moteur]
00:02:19 [Bruit de moteur]
00:02:24 [Musique]
00:02:53 [Bruit de chants d'oiseaux]
00:03:00 On essaye toujours de sortir un bouquin par an pour avoir un espèce de rendez-vous avec le lecteur.
00:03:07 Et puis toujours le scénario six mois à l'avance avec Jean.
00:03:11 C'est la toute première année qu'il a pris du retard sur l'écriture
00:03:16 et donc je me retrouve dans une position pas habituelle en attente de scénario.
00:03:23 Et je me demande à quelle sauce je vais être mangé cette année.
00:03:29 [Bruit de chants d'oiseaux]
00:03:35 Le début de cette histoire-là se passera à Saint-Tropez.
00:03:39 Mais j'en sais pas plus, c'est-à-dire que la grosse découverte, ça va être la lecture du scénario.
00:03:44 Il réécrit au moins trois fois le scénario.
00:03:47 Un premier jeu qui doit faire une centaine de pages.
00:03:50 Après il réécrit, c'est au moment des dialogues surtout, il se rend compte que ça prend plus de place que prévu.
00:03:58 Il le réécrit une seconde fois où l'histoire fait en moyenne entre 70 et 80 pages.
00:04:06 Et puis il refait une version définitive qui tient dans 46 pages.
00:04:14 Format bande dessinée classique.
00:04:16 Le point de départ de la nouvelle histoire de Largo trouve son origine dans un passé relativement récent
00:04:25 où notre ami Largo avait besoin d'aide pour faire échapper Simon Vrenaz, son ami,
00:04:34 qui était enfermé dans une forteresse birmane.
00:04:36 [Musique]
00:04:49 Tout ce qu'il a trouvé comme moyen de se faire aider, c'est d'aller voir le représentant d'une triade
00:04:56 avec un mot de passe qui lui avait été à son tour donné par un Chinois
00:05:02 dont il avait sauvé la vie encore quelques années avant au Tibet.
00:05:06 Et le mot de passe c'est "Je cherche ce que voient les trois yeux des gardiens du Zao".
00:05:12 [Musique]
00:05:17 Le responsable de cette triade, le Kwon Lan, comme on dit, a dit "D'accord, je vous aide,
00:05:23 mais vous serez à votre tour en dette à notre égard.
00:05:26 Et un jour, dans six mois, dans dix ans, dans quarante ans peut-être,
00:05:30 un homme de ma race viendra vous trouver et vous rappellera les trois yeux des gardiens du Zao".
00:05:35 [Musique]
00:06:00 Bon. Quand il s'agissait de faire une nouvelle histoire de Largo,
00:06:07 Largo essaie toujours de suivre sur le plan économique une certaine actualité.
00:06:14 L'histoire qui vient de se terminer, qui vient de sortir,
00:06:17 concernait les délocalisations suite à la mondialisation,
00:06:21 donc des fermetures d'entreprises, des gens mis à la porte.
00:06:24 C'était tout à fait dans l'air du temps.
00:06:26 Maintenant, qu'est-ce qui est le plus dans l'air du temps,
00:06:30 de quoi parle-t-on le plus dans les magazines économiques ? C'est la Chine.
00:06:34 Donc, il fallait faire quelque chose avec la Chine,
00:06:37 et par la même occasion, la Chine me donnait la possibilité
00:06:42 de faire le retour de Manivelle vis-à-vis de cette triade,
00:06:48 plutôt de la triade vis-à-vis de Largo,
00:06:50 dont quelqu'un va le trouver en lui disant « Je cherche ce que voient les trois yeux des gardiens du Tao,
00:06:57 et Largo devra lui obéir. »
00:06:59 Donc, je suis un petit peu accuyant.
00:07:02 Mais, comme notre ami Philippe Tranque, ayant terminé son bouquin précédent,
00:07:08 a quand même besoin d'être alimenté,
00:07:10 et que pour la première fois de ma vie, je suis en retard à son dégât,
00:07:14 je vais quand même envoyer déjà 16 pages,
00:07:17 mais qui ne se passent pas du tout à Hong Kong.
00:07:20 Je lui ai envoyé 16 pages de scénario,
00:07:23 qui se passent un petit peu à New York,
00:07:26 une petite page à Pékin,
00:07:28 un petit peu à l'île de Sargevin,
00:07:30 qui est l'endroit où Largo aime bien se réfugier une fois par an,
00:07:33 et le résultat s'est attroppé.
00:07:35 [Bruit de moteur]
00:08:01 On a un petit bout de repérage à faire à Saint-Tropez,
00:08:04 donc ça va me permettre de préparer ça avant le voyage à Hong Kong.
00:08:08 [Bruit de moteur]
00:08:10 J'ai déjà de la documentation sur l'hôtel que je vais devoir dessiner,
00:08:13 qui est le Biblos de Saint-Tropez.
00:08:16 Mais, ce que je ne savais pas, jusqu'il y a quelques jours,
00:08:20 c'est qu'il y avait une poursuite de voitures dans les rues de Saint-Tropez.
00:08:24 Donc, j'ai dit à Jean, c'est de la science-fiction,
00:08:26 vu la circulation qu'il y a à Saint-Tropez en été,
00:08:29 et normalement, on va faire quelques prises de vue, des photos, des rues,
00:08:33 pour voir ce qui est intéressant, de montrer, de faire une, deux, cent, trois cent photos.
00:08:38 [Bruit de moteur]
00:08:45 Faire des repérages, c'est important, parce que ça permet de bien visualiser,
00:08:49 après, l'environnement géographique dans lequel se déroule l'histoire.
00:08:53 Et si je veux tricher avec la réalité,
00:08:56 je saurais, en connaissance de cause,
00:08:59 quel niveau je vais tricher.
00:09:03 Ce que j'aime bien dans les perspectives, c'est quand elles sont écrasées.
00:09:08 Pour parler techniquement, je préfère faire des angles de vue au 200 mm,
00:09:13 plutôt qu'au 35.
00:09:16 Ça permet de dessiner des buildings qui sont très éloignés, très grands,
00:09:21 et avoir un parallélisme des lignes de fuite.
00:09:24 Ça rend l'image grandiose.
00:09:27 [Bruit de bateau]
00:09:32 Ce que je préfère, c'est le jeté.
00:09:35 Parce que, pour une fois, je n'aurai pas trop à tricher avec la réalité.
00:09:40 Ce qui est génial, c'est le panneau vitesse limitée à trois nœuds.
00:09:46 Ça s'adresse au bateau, évidemment, mais ça fera un petit clin d'œil.
00:09:51 [Bruit de bateau]
00:09:56 [Bruit de pas]
00:10:01 Donc, j'ai trouvé mon prétexte économique.
00:10:05 Largo doit aller à Hong Kong,
00:10:08 signer un protocole d'accord avec un particulier,
00:10:12 c'est-à-dire un milliardaire, puisqu'il y a des milliardaires en Chine.
00:10:16 Avec un milliardaire, il doit signer un protocole d'accord
00:10:20 avec une John Venture pour faire, je dirais,
00:10:24 une succursale de la division aéronautique Winch
00:10:28 et pour produire des avions d'affaires pour la Chine.
00:10:31 J'ai mis le piège au point.
00:10:33 Le piège, bien entendu, va lui être tendu par le fameux milliardaire
00:10:37 avec qui il devrait faire affaire.
00:10:40 Et ce que je n'ai pas encore trouvé,
00:10:43 c'est de vous montrer qu'on n'arrive pas du premier coup à une histoire structurée,
00:10:47 ce que je n'ai pas encore trouvé, c'est qu'est-ce que...
00:10:50 Il est en fait tombé dans le piège, donc est en mesure de le faire chanter.
00:10:54 Qu'est-ce que ce milliardaire va exiger de lui ?
00:10:57 Et ça doit être quelque chose que Largo ne peut pas accepter.
00:11:00 Parce que sinon, il sort, il le donne et l'affaire est finie.
00:11:04 Et ça, je n'ai pas encore trouvé.
00:11:06 Ça ne doit pas être un meurtre, ça ne doit pas être des choses comme ça,
00:11:09 ça doit être quelque chose d'économique.
00:11:12 Et... Ah oui, ben oui, puisqu'on est quand même dans une histoire économique,
00:11:16 ce serait assez idiot que ce milliardaire, qui a tous les tueurs chinois à sa disposition,
00:11:20 se disait pour assassiner quelqu'un, je veux dire, il n'a pas besoin de Largo.
00:11:23 Non, c'est quelque chose que Largo seul peut lui donner
00:11:26 et quelque chose que Largo ne peut pas accepter.
00:11:29 Mais soyons honnêtes, dans cette histoire-ci, "Les Trois Yeux",
00:11:34 je crois que le piège, l'histoire sera moins...
00:11:38 L'intrigue même n'est pas une intrigue économique.
00:11:41 Ce sera une intrigue plus ou moins d'aventure, d'espionnage ou de choses comme ça.
00:11:45 L'économique n'étant qu'une toile de fond.
00:11:47 Contrairement à l'histoire précédente, "Le prix de l'argent", "La loi du dollar",
00:11:51 où c'était l'intrigue même qui avait une base financière, disons.
00:11:56 Et donc, c'est différent.
00:11:59 Ici, ce sera plus "L'homme de Rio" que "Wall Street", voilà.
00:12:05 Il faut changer de temps en temps.
00:12:08 Et en plus, je voudrais une histoire qui se termine mal.
00:12:13 Et pourquoi ?
00:12:15 Parce qu'après 14 albums, j'en ai un peu assez de ce héros où ça se termine toujours bien.
00:12:20 Donc on croit qu'il s'en tire comme une fleur.
00:12:24 Et il ne fait qu'augmenter sa petite tirelire.
00:12:30 Non, Jean-Vinus, un qui finisse mal.
00:12:33 Pas... Je veux dire qu'on ne va pas lui crever un oeil.
00:12:38 On ne va pas faire mourir son meilleur ami.
00:12:40 Non, mais qu'il finisse mal sur le plan économique, où il va perdre.
00:12:46 Ça me paraît assez nécessaire.
00:12:48 C'est nécessaire parce que ça fait 15 ans qu'il gagne.
00:12:53 À un moment, je trouve qu'il doit perdre.
00:12:55 Ça va le rendre plus attachant.
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00:13:36 Bonjour.
00:13:42 Ça va bien ?
00:13:43 Ça va.
00:13:44 Je viens cette fois-ci chercher d'abord une 4L.
00:13:49 Je sais que j'en ai besoin.
00:13:51 Ça existe un petit comme ça ou ça existe un plus grand ?
00:13:53 Le plus grand possible.
00:13:55 Le plus grand possible.
00:13:56 Et alors, une voiture de sport décapotable ou un modèle décapotable ?
00:14:03 Il y a une voiture de sport et il y a une 4L.
00:14:10 Voilà, donc je vais me mettre en chasse, essayer de trouver une maquette de 4L.
00:14:16 Et bon, la voiture de sport, je n'ai pas encore le modèle que je vais choisir.
00:14:21 J'ai mon petit magasin habituel où je vais fouiller, finir pour essayer de découvrir la voiture, l'hélicoptère, l'avion adéquat.
00:14:30 C'est génial.
00:14:33 C'est parfait.
00:14:35 Celle-là est typique, mais il n'existe plus que cette voiture.
00:14:38 Ça, ce n'est pas pour dessiner, c'est pour mon plaisir personnel.
00:14:42 J'aime bien cette petite voiture.
00:14:44 Bon, je vous prends ces trois-là.
00:14:46 Je me dessinerai plus tard.
00:14:48 Je ne sais pas encore les trois que je vais dessiner, je vais les inspecter.
00:14:54 [Bruit de clavier]
00:15:04 [Bruit de marteau]
00:15:16 [Bruit de clavier]
00:15:30 [Bruit de clavier]
00:15:37 [Bruit de marteau]
00:16:01 Pékin, ministère de l'administration générale de l'aviation civile.
00:16:07 Votre dossier semble correspondre point par point à la directive DVT 5 du plan, monsieur Belcourt.
00:16:13 Je vous remercie, monsieur le ministre.
00:16:16 Vous sigrez le protocole d'accord avec l'Alsaï Industry Corporation en 10 jours en école.
00:16:22 [Bruit de marteau]
00:16:37 [Sirène de police]
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00:16:54 [Bruit de moteur]
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00:49:35 Au début quand j'ai commencé à dessiner, je passais beaucoup de temps sur des choses essentielles,
00:49:40 enfin que je pensais être essentielles, parce que j'ai appris à dessiner en même temps que les albums s'empilaient.
00:49:47 Et je passe plus de temps sur le jeu des personnages maintenant.
00:49:52 Le jeu des personnages est quelque chose qui prend pratiquement la totalité de mon énergie.
00:49:57 Parce qu'on a toujours les mêmes scènes qui reviennent d'album en album,
00:50:03 et la chose intéressante dans cet exercice, c'est de les redessiner encore une fois mais d'une manière différente.
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00:51:16 "Ca y est" ça veut dire essentiellement commencer par le découpage, non plus séquence par séquence, mais je dirais image par image.
00:51:27 Et pour ça, qu'est-ce que je fais ? Je prends des feuilles de papier blanc,
00:51:31 en général je recycle les photocopies des articles de presse qui chantent mon éloge.
00:51:38 Je suis pour le recyclage de ce genre de choses, je ne vais pas les conserver.
00:51:42 J'essaie d'imaginer la première séquence, et je fais, je dirais, pour le visualiser, je me fais des petits découpages.
00:51:52 Et je dis voilà, ça va grosso modo se passer comme ça, là c'est la réunion.
00:51:57 Je note brièvement ce qui se dit.
00:52:03 Bravo, voilà.
00:52:07 Je note ce qui se dit.
00:52:10 Je note ici si c'est le gros plan de monsieur machin, le plan de X.
00:52:15 Et ainsi j'arrive au fond à avoir le découpage tel que je l'imagine, avec chaque fois la description de la scène.
00:52:29 Ça c'est ce qui prend, je vais dire, le plus de temps.
00:52:33 Ça me prend, une fois que l'histoire est construite, ça me prend un petit mois pour faire ça.
00:52:38 Pourquoi ? Parce que quand j'arrive, je peux parfaitement, en cours d'élaboration du processus,
00:52:46 tout à coup me vient une idée que je n'avais pas eu avant.
00:52:49 Pour ça il faut que je la replace dès le début, donc je modifie, je barre ça, je fais autre chose, je réajuste, je dirais, mes séquences.
00:53:02 Et c'est pour ça d'ailleurs que j'envoie toujours mon scénario en une seule fois au dessinateur,
00:53:07 parce que ça me permet de rectifier parfois certaines choses au début, parce que j'ai trouvé une meilleure fin.
00:53:12 J'aime pas trop les pages où il y a très peu de texte.
00:53:24 Bizarrement, je suis dessinateur, en principe je devrais être content d'avoir plus de place pour le dessin.
00:53:29 Mais c'est toujours pour une question d'existence de personnages.
00:53:33 Ils sont plus vivants avec du texte.
00:53:37 C'est quand même ce qu'on lit en premier, quand on ouvre un album, quand on lit une page,
00:53:45 le regard va toujours d'abord vers le texte, regarde ensuite le dessin,
00:53:49 mais d'un coup d'œil assez furtif pour passer à l'image suivante.
00:53:53 Donc il faut que le texte soit écrit d'une manière, comment dire, lisible, régulière.
00:53:58 Moi j'aime bien le faire à la main.
00:54:01 On a quand même ces petites imperfections qui font que le texte a un charme.
00:54:08 Il est moins froid.
00:54:12 Je connais certains dessinateurs qui travaillent à la couleur directe,
00:54:16 il n'y a aucun texte dans la page originelle.
00:54:19 Ça se fait après.
00:54:22 C'est très bizarre, parce qu'on a des pages très silencieuses.
00:54:26 Moi j'aime bien que la page que je finis, que je suis en train de finir,
00:54:35 ressemble à ce qu'il va y avoir dans le bouquin après.
00:54:38 Parce qu'un personnage sans texte en bouche, c'est un personnage qui ne vit pas.
00:54:45 Pour avoir une impression juste de ce que ça va donner après,
00:54:52 obligatoirement j'ai besoin du texte pour voir si les expressions des personnages
00:54:59 collent bien avec ce qu'ils sont en train de dire.
00:55:02 Les petits personnages de papier ont une fâcheuse tendance à ne pas exister quand il n'y a pas de texte.
00:55:10 Qu'est-ce que c'est qu'une bande dessinée ?
00:55:13 C'est une succession d'images fixes.
00:55:16 Et qu'y a-t-il entre deux images, côte à côte ?
00:55:22 Donc c'est la gestion de ce qu'il y a entre les cases
00:55:27 qui fait la spécificité de l'évolution de la lecture d'une bande dessinée.
00:55:34 Moi je crois que j'ai lu un seul manga dans ma vie
00:55:37 qui m'avait été fortement conseillé par un éditeur.
00:55:42 Et c'était une histoire tout à fait familiale où
00:55:47 M. Yamamoto rentre du bureau, première image,
00:55:52 "Bonjour ma chérie, c'est moi."
00:55:54 Deuxième image, l'époux se retourne,
00:55:56 "Ah, la journée était bonne."
00:55:58 Troisième image, il dépose sa mallette,
00:56:00 "Oui, oui, certainement, tout va bien."
00:56:02 Quatrième image, "Ah, certainement, les enfants te demandent."
00:56:07 Et on met trois pages,
00:56:10 même si les enfants sont plus petits dans les mangas,
00:56:12 on met trois pages pour que nous mettions deux images.
00:56:17 Il y a des films qui t'inspirent ?
00:56:29 Il y a des moments où tu regardes une poursuite en voiture à la télé
00:56:31 pour t'inspirer de plans ou d'idées ?
00:56:33 Non, pas vraiment.
00:56:35 Les plans au cinéma sont beaucoup plus saccadés,
00:56:39 beaucoup plus nombreux dans une poursuite.
00:56:42 Il y a une grosse différence de cadrage et de fréquence d'images différentes
00:56:46 entre le cinéma et la bande dessinée.
00:56:48 En fait, moins on en met en BD, plus l'action est rapide.
00:56:51 Et plus on multiplie les images, plus on fait traîner la vitesse.
00:57:00 "Le cinéma est un espace de l'esprit."
00:57:05 "Le cinéma est un espace de l'esprit."
00:57:33 Pourtant, c'est quand même pas mal découpé.
00:57:35 Et on a quand même cette sensation de vitesse.
00:57:37 Disons que la vitesse provient du fait de la grande diversité des plans.
00:57:42 C'est-à-dire qu'il n'y a pas deux plans qui se ressemblent.
00:57:45 Et comme le mouvement en BD se passe dans le blanc intériconique,
00:57:51 parce que c'est entre deux images fixes,
00:57:55 que le temps s'écoule,
00:57:57 moins il y a de blancs intériconiques,
00:58:01 plus le temps passe vite.
00:58:04 "Le cinéma est un espace de l'esprit."
00:58:11 "Le cinéma est un espace de l'esprit."
00:58:15 "Le cinéma est un espace de l'esprit."
00:58:44 Philippe Franck, pour moi, c'est un véritable maniaco expressif.
00:58:48 Il a un formidable sens du cadrage,
00:58:52 un formidable sens de l'angle de prise de vue.
00:58:56 Il est capable, et il y en a pas beaucoup qui le sont,
00:58:59 de faire un gros plan d'un personnage
00:59:02 et sans un mot de texte faire sentir ce que ressent le personnage.
00:59:07 Parce que c'est uniquement dans un mouvement de l'œil,
00:59:10 un léger mouvement de la bouche,
00:59:12 et lui le fait formidablement bien.
00:59:14 Donc je peux en abuser.
00:59:16 Ça me permet de véhiculer une série d'émotions
00:59:19 qui passent dans la tête du personnage,
00:59:22 sans qu'il soit nécessaire, à la blé qu'est mortimer,
00:59:25 de mettre un pavé de texte en disant...
00:59:27 Et il ressent fortement la désillusion
00:59:31 face à l'épreuve qu'il vient de subir, de vivre, etc.
00:59:37 (Explosion)
00:59:39 Je fais une proposition de découpage en petite vignette,
00:59:56 mais je le fais surtout pour lui montrer
01:00:00 que là, je prévois une scène large,
01:00:03 et là, je prévois une scène étroite.
01:00:06 Et dans une scène étroite, je ne vais pas mettre 45 personnages
01:00:12 si on devait mettre en dessin ce que nous sommes en train de vivre,
01:00:17 c'est-à-dire quelques personnes, une caméra, dans un bureau,
01:00:20 montrer ce qu'on filme.
01:00:22 Je ne peux pas le faire dans une vignette étroite.
01:00:25 Je prendrais forcément une vignette là.
01:00:27 Il le suit, il ne le suit pas.
01:00:29 En fait, ça lui sert de point de départ, de réflexion.
01:00:32 Dans le scénario, normalement,
01:00:34 Largo projetait la dame par terre, plongeait sur elle,
01:00:37 la renversait par terre pour éviter la voiture qui passe.
01:00:40 Et là aussi, c'est un truc qu'on ne peut pas faire.
01:00:43 Ça marche bien en écriture, ça marche bien dans le scénario.
01:00:46 Dans un roman, ça marcherait très bien.
01:00:48 Le problème, c'est qu'il fallait voir et le Chinois,
01:00:51 l'identifier dans la voiture,
01:00:53 et voir Largo et voir la dame.
01:00:56 Il y a aussi des trucs à quoi on ne pense pas
01:00:59 quand on choisit de dessiner la scène avec une Smart.
01:01:02 Dans le scénario, Largo saute à la manière de Belmondo
01:01:05 dans la voiture, par le toit ouvert,
01:01:08 sans ouvrir la porte.
01:01:10 Le problème, quand on saute dans une Smart de cette manière-là,
01:01:14 si on passe par le côté conducteur,
01:01:16 on se retrouve à la place passagère.
01:01:19 Donc j'ai dû le faire rentrer dans le côté passager
01:01:22 pour qu'il se retrouve place conducteur.
01:01:25 Dans le scénario, cette page-là,
01:01:28 elle est conçue pour être dessinée en 7 images.
01:01:34 Mais vu déjà le nombre de détails, la foule, les voitures,
01:01:38 l'instationnement, les bateaux,
01:01:41 je savais que j'allais avoir une page très chargée en traits.
01:01:46 Très fatigant d'en regarder, en fait.
01:01:51 Donc j'ai choisi d'éliminer 2 images de cette page
01:01:55 et d'en garder l'essence de mon impression à Saint-Tropez
01:02:01 et de celle que Jean en avait dans le scénario,
01:02:04 comme il me l'a décrit.
01:02:06 C'est-à-dire les voitures qui passent à travers la foule
01:02:08 pour montrer qu'il y a du monde,
01:02:10 le marin d'eau douce ou milliardaire sur son yacht
01:02:13 en train de boire le café.
01:02:15 Avec les véhicules, on a évidemment cette ligne de force ici,
01:02:19 qui est accentuée évidemment par l'éma des bateaux.
01:02:24 Cette image-ci qui nous arrive de face,
01:02:27 celle-ci aussi, elle se lise d'une manière classique.
01:02:30 Les voitures qui arrivent de là, qui tournent
01:02:32 et qui repartent vers le phare,
01:02:35 qui est le point d'indication pour le lecteur à la page suivante.
01:02:40 Chaque page d'un album de BD
01:02:43 doit rien que dans sa mise en page
01:02:47 être déjà agréable à l'œil.
01:02:50 Sinon une œuvre d'art, en tout cas une œuvre d'art appliquée,
01:02:54 je vois assez ce que certains auteurs, surtout parmi les jeunes,
01:02:59 vous font des découpages complètement torturés,
01:03:02 des images de travers, des inserts au mieux.
01:03:05 La lecture devient difficile.
01:03:07 Il faut que la lecture du dessin soit facile.
01:03:12 Le sens de la lecture, en principe, il est simple.
01:03:15 Deboris se voit, on a ici un mouvement qui mène à ce phare
01:03:20 et puis un renvoi de direction.
01:03:24 La voiture va naturellement à peu près à la même hauteur
01:03:28 dont l'image à côté se dirige vers cette gerbe d'écume.
01:03:33 Celle de Largot et cette espèce de courbe,
01:03:39 tout y mène en fait à cette gerbe d'écume.
01:03:42 Le fait que Largot soit dirigé dans ce sens-là
01:03:46 nous amène à celle-ci.
01:03:49 Le fait d'avoir renversé,
01:03:52 parce que c'était un dessin que j'avais fait dans l'autre sens au départ,
01:03:56 Largot nageait dans l'autre sens,
01:04:00 mais le fait d'avoir ici une diagonale comme ceci
01:04:03 permet au lecteur d'abord de bloquer la fin du strip
01:04:08 et de renvoyer du côté gauche la lecture.
01:04:13 C'est un truc qu'on fait souvent en bande dessinée,
01:04:16 on bloque la fin d'un strip par une masse sombre,
01:04:20 un encombrement, la direction d'un personnage
01:04:25 dans son regard ou dans tout le buste
01:04:29 pour renvoyer du côté gauche
01:04:32 pour que la lecture se poursuive dans le strip du dessin.
01:04:35 Et dans la petite bande, il y a évidemment du nouveau une petite diagonale
01:04:40 qui mène à l'image de fin.
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01:05:50 Non, ça c'est des photos que j'aimais bien.
01:05:57 Quand je les ai prises en coque, je me suis dit
01:05:59 il faudra absolument que je les dessine.
01:06:01 Et puis je ne voyais pas trop comment les caser dans l'histoire
01:06:04 et Jean m'en a donné l'occasion
01:06:09 en fait sur une phrase.
01:06:12 Il y a l'argot qui dit à un certain moment
01:06:15 "Je ne sais même pas où j'ai été emmené."
01:06:17 Et pour répondre à cette interrogation,
01:06:22 je me suis dit graphiquement, ce serait intéressant
01:06:25 de mettre un plan de la ville hyper complexe.
01:06:27 Et ces quelques photos que j'ai prises à Hong Kong
01:06:33 où on voit toutes ces passerelles d'autoroutes,
01:06:36 les petites passerelles pour les piétons,
01:06:39 les buildings qui s'insèrent là entre cette circulation,
01:06:44 ça me semblait important de montrer la complexité de la ville.
01:06:48 J'ai un souci en fait au niveau de la lecture.
01:06:56 C'est que j'ai l'habitude de commencer par une grande image
01:07:02 comme ceci mais du côté gauche.
01:07:04 Donc quand on a une grande image côté gauche,
01:07:07 on la lit de haut en bas et après évidemment
01:07:10 on va passer sur les trois ou quatre
01:07:12 ou peut-être les deux qui sont à côté.
01:07:14 Mais ici c'est l'inverse.
01:07:16 On a une petite image ici qui succède à une autre plus bas.
01:07:23 Et le problème c'est que je ne veux pas que le lecteur
01:07:27 lise celle-ci et passe à celle-là après.
01:07:30 D'un autre côté, je ne pouvais pas non plus concentrer
01:07:33 tout le texte en bas parce que ça marche...
01:07:35 Enfin, ça aurait été bizarre.
01:07:37 Donc ce que je vais faire c'est que je vais mettre
01:07:40 un blanc hétériconique un peu plus épais ici
01:07:43 et mettre ce texte qui est là, ici en dessous.
01:07:47 Comme ça le lecteur va commencer évidemment,
01:07:50 il commence toujours en haut à gauche.
01:07:52 Il va commencer à lire là, il va passer à ce texte-là
01:07:56 et comme l'espace ici sera plus petit que celui-là,
01:07:59 il va descendre naturellement et ensuite il passera
01:08:03 à ce texte-ci pour rejoindre le strip du bas.
01:08:08 Pour une image comme ça, c'est...
01:08:10 Il y a certainement deux jours de crayonné
01:08:15 et puis il faut compter deux à trois jours pour l'ancrage.
01:08:19 Comme pour celle-ci, c'est une image qui m'a pris pas mal de temps.
01:08:29 Il y a une semaine de travail sur ça.
01:08:34 Il y a une semaine de travail sur cette image-là.
01:08:39 Je m'arrange toujours que sur les pages impaires,
01:08:48 il y ait une espèce de chute ou une envie effectivement
01:08:55 de tourner la page, de ne pas abandonner à ce moment-là.
01:08:59 Quand j'étais ado, que je lisais le journal Tintin,
01:09:04 la dernière image, c'était... Il ouvre une porte et il fait "Oh!"
01:09:09 Bon, moi je déplace, c'est-à-dire il ouvre la porte
01:09:15 et il voit la chose qui l'effraye parce que le "Oh!"
01:09:18 et si une semaine après c'est un chat qui passe,
01:09:20 ça vaut franchement pas la peine.
01:09:22 Donc je vois la chose qui est l'araignée géante
01:09:27 qui se trouve en travers du couloir prête à le dévorer.
01:09:32 Donc l'intérêt ici n'est plus ce faux suspense
01:09:36 qui consiste à dire "Oh!" et puis on tourne la page.
01:09:39 Non, il y a l'araignée géante, c'est comment va-t-il s'en sortir.
01:09:59 C'est pas le dessin qui va créer l'émotion,
01:10:02 c'est ce que vit le personnage.
01:10:05 Ça n'est pas dans l'Argoïdge, mais imaginons la scène classique
01:10:09 où une femme apprend qu'elle ne pourra plus avoir d'enfant.
01:10:13 Qu'est-ce que vous allez faire ?
01:10:17 Vous allez montrer le médecin qui dit
01:10:20 "Madame, vous ne pourrez plus avoir d'enfant."
01:10:22 Non, vous allez montrer la personne qui reçoit la nouvelle
01:10:28 avec la voix off, en tout cas en BD, la voix off du médecin
01:10:33 qui lui dit "Vous ne pourrez plus avoir d'enfant."
01:10:35 Pourquoi ? Parce que c'est elle qui reçoit cette information.
01:10:39 Alors il y a un type de dessin que j'aime toujours beaucoup
01:10:46 et j'en abuse un peu, je reconnais,
01:10:48 c'est le personnage de Do.
01:10:51 On le voit de Do regardant par une fenêtre
01:10:54 et on se dit "Il a encaissé l'information,
01:10:57 il est en train de la digérer."
01:11:00 Et pourquoi le montrer de Do ?
01:11:03 Parce que précisément il tourne le dos au lecteur, au spectateur
01:11:08 pour digérer cette nouvelle dans son intimité.
01:11:12 Le lecteur a envie de faire le tour pour voir la tête qu'il a,
01:11:17 ça ressemble à des trucs, mais ça fonctionne.
01:11:21 [Musique]
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01:12:06 [Musique]
01:12:22 J'ai une nouvelle image qui vient de m'envoyer
01:12:26 où apparaît un nouveau personnage qui est Madame Chou.
01:12:31 Madame Chou est un personnage qu'on verra peu
01:12:36 mais qui est très important dans l'histoire.
01:12:39 C'est, je dirais, la gouvernante du méchant.
01:12:44 Madame Chou, donc exactement comme je la voyais,
01:12:47 avenante, séduisante,
01:12:50 mais en principe elle est toute petite.
01:12:53 Oui, la voilà, là.
01:13:01 Là on a Largo, là on a Madame Chou,
01:13:04 donc elle a deux têtes et demie de moins que lui.
01:13:07 Il m'a donné aussi une séquence
01:13:11 où apparaît une Hollandaise que j'avais décrite dans le scénario
01:13:15 comme pulpeuse et il m'a mis une grande maigre.
01:13:18 Alors j'aimerais bien savoir pourquoi il part mit une grande maigre.
01:13:21 Donc je vais lui poser la question.
01:13:24 - Oui ? - Oui, Philippe ?
01:13:38 - Jean. - Jean.
01:13:40 Bon, ben maintenant j'ai eu le temps de regarder tes petits dessins.
01:13:45 - Oui.
01:13:47 - Bon, ben écoute, pour la couverture, là j'ai rien à dire.
01:13:52 Pour la couleur, on en a déjà parlé.
01:13:55 Pour la pulpeuse hollandaise,
01:13:57 donc on ne sera pas dans le cliché de la blonde hollandaise
01:14:01 au sein blanc, laiteuse et généreuse.
01:14:04 - Non, mais j'ai essayé un peu d'éviter les clichés.
01:14:07 - D'accord.
01:14:08 - Je crois qu'on les a déjà tous utilisés.
01:14:11 - Oui.
01:14:39 Un dessinateur de BD, en général,
01:14:41 passe de nombreuses années à mettre un ancrage au point.
01:14:44 L'ancrage, c'est du repassage.
01:14:47 On repasse sur les traits,
01:14:49 on essaye de les synthétiser
01:14:52 parce que le crayon est toujours beaucoup plus riche
01:14:55 dans la quantité de traits qu'on y a mis.
01:14:57 Il y a des repentirs,
01:14:59 il y a des traits qui n'avaient pas d'importance
01:15:01 mais qui sont sous-jacents, plus faibles.
01:15:04 Et le but de l'ancrage, c'est de clarifier tout ça,
01:15:07 de tout sous-crayonner, le clarifier
01:15:09 et d'essayer quand même, dans la mesure du possible,
01:15:12 de ne pas perdre la sensibilité du dessin.
01:15:16 Faire que les personnages restent malgré tout vivants
01:15:19 et pas figés dans une espèce de grès de contour
01:15:22 qui les rendrait moins vivants.
01:15:24 Il faut que je repense à ce qu'il y a en dessous du trait,
01:15:32 c'est-à-dire aux formes, au volume.
01:15:36 Les orientaux diraient que quand on dessine un arbre,
01:15:39 il faut devenir arbre pour bien le comprendre,
01:15:42 pour percevoir son écorce ou ses feuilles ou ses branches.
01:15:46 A l'ancrage, il ne faut pas simplement se contenter
01:15:49 d'un repassage mécanique des traits crayon.
01:15:54 Avec l'encre, il faut réinterpréter le dessin.
01:15:58 Sinon, on obtient quelque chose de plat.
01:16:04 Ça peut arriver avec la fatigue ou un manque de concentration.
01:16:08 On peut foutre un dessin en l'air simplement en n'étant pas attentif.
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01:17:18 L'hôtel s'appelle le Blue Lotus.
01:17:21 C'est un hôtel très luxueux.
01:17:24 Il faut sentir le côté propre et cliquant du machin.
01:17:28 - Là, c'est deux jours ? - Oui, c'est deux jours dehors.
01:17:32 Là, c'est une lumière d'ascenseur avec du marbre
01:17:37 et un éclairage qui tombe vertical.
01:17:42 [Musique]
01:17:46 [Musique]
01:17:49 La couleur, chez moi, change en fonction des lieux.
01:17:54 C'est un indicateur géographique pour le lecteur.
01:17:57 J'essaie toujours de ne pas mélanger des dominantes de teintes
01:18:02 entre deux lieux géographiques différents.
01:18:05 Il faut que l'un et l'autre soient très distinctement identifiables au premier coup d'œil.
01:18:11 Il y a d'autres auteurs qui vont donner une espèce de camailleux d'une couleur générale à tout un album.
01:18:18 C'est une démarche qui est très belle et très artistique.
01:18:23 Mais moi, j'aime bien l'efficacité de ce changement pour la simplification de la lecture.
01:18:31 Ce qui saute aux yeux dans cette image, c'est qu'il y a d'abord énormément de blanc,
01:18:37 énormément de tâches lumineuses, si bien que le regard a du mal à aller se poser quelque part.
01:18:45 C'est-à-dire qu'il va d'abord se fourvoyer un peu dans ce fond
01:18:48 en essayant de comprendre la structure de la roche pour arriver à l'argot.
01:18:54 Mais bon, ce n'est pas le but. Le but, c'est qu'au premier coup d'œil, on tombe sur l'argot.
01:19:00 Donc j'ai demandé à Fred de m'éteindre tout ça et de m'assourdir ces rochers par une ombre
01:19:08 et de me laisser deux crêtes blanches éclairées par le soleil.
01:19:15 Il y a eu une page où on a eu beaucoup de difficultés parce qu'on a trois lieux différents.
01:19:27 Et notre problème principal, c'est qu'entre l'ambiance colorée du lof de Simon
01:19:33 et l'ambiance de la boîte de nuit ici en dessous, il fallait vraiment qu'on ait des couleurs très différentes.
01:19:39 Elle est bien, cette image. La riline est très fraîche. On a envie de la manger.
01:19:49 Après, il y a des façons de mettre la couleur. Par exemple, sur l'argot, en général, les lumières viennent du dessous.
01:19:56 Même si tu as un beau soleil qui est au-dessus, il faut toujours se débrouiller pour que la lumière vienne du dessous
01:20:02 pour qu'en fin de compte, les ombres et les lumières ne créent pas des volumes un peu approximatifs dans le visage.
01:20:08 Donc tu as toujours une lumière qui vient du dessous et quand elle ne peut pas venir du dessous, elle vient du côté
01:20:12 pour avoir juste une petite partie du visage éclairé et sur les fringues aussi
01:20:16 pour que la lecture du visage soit ultra simplifiée.
01:20:21 Par contre, faire des variations de couleurs, ne pas mettre la même couleur pour que ce soit la même chose,
01:20:27 c'est un truc que je n'avais jamais fait avant.
01:20:30 Sur la deuxième planche que j'ai faite avec Philippe, on voyait Simon, planche 3.
01:20:36 Simon, je crois que c'est planche 3, en boîte de nuit, il a une chemise mauve.
01:20:39 Moi, évidemment, au début, chemise mauve, je mettais la même couleur à chaque fois.
01:20:43 Et lui m'a dit « mais c'est horrible, c'est horrible. La deuxième case, tu changes la couleur de la chemise
01:20:49 par rapport à la première, la troisième, il faut que ça change par rapport à la deuxième, etc. »
01:20:54 Donc j'ai fait ces modifications en étant vraiment pas convaincu.
01:20:59 Et une fois que j'ai fini, en comparant les deux, tu avais une planche qui était jolie, qui avait un ensemble
01:21:04 et tu as une autre qui était immonde parce que tu avais des taches de la même couleur partout sur la planche
01:21:09 et on ne voyait plus que ça.
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01:21:29 La couleur de l'air en bande dessinée est très importante.
01:21:32 En fait, c'est un contraste qu'on a entre une image qui est en noir et blanc ou le manque de détail dans une image
01:21:42 est remplacé par du blanc. C'est-à-dire que quand je n'y mets pas de trait noir, c'est du blanc, c'est-à-dire c'est du vide, il n'y a rien.
01:21:51 Et à la couleur, en une fois, on est obligé d'y mettre une teinte.
01:21:57 Et souvent, les coloristes ont l'impression qu'en y mettant une teinte foncée, ils vont combler ce vide.
01:22:03 Or, c'est l'inverse qui se passe. C'est qu'à la couleur, il faut y mettre une couleur claire.
01:22:08 Parce que la couleur claire, c'est un peu comme si c'était une surexposition et que le détail se fond et disparaît dans l'arrière-plan.
01:22:16 Mais si on y met une couleur foncée, c'est comme si on y mettait un mur.
01:22:21 Donc l'espace, au lieu d'être infini derrière, il devient fini.
01:22:26 Dans le même esprit, je lui ai demandé aussi pour cette image remplacée par des couleurs très chaudes,
01:22:35 qui donnent une espèce de vibration à l'espace, à l'air qu'il y a derrière les personnages,
01:22:40 alors qu'ici, on a une espèce de chape de plomb dans cet arrière-plan qui...
01:22:49 On a l'impression qu'il est fini, tandis que là, ça laisse l'espace ouvert derrière.
01:22:56 L'œil a tendance à aller chercher directement le point différent dans une image.
01:23:06 L'œil va aller chercher la différence.
01:23:08 Et si la différence est évidente, il ne cherche pas dans l'image ce qu'il y a à voir. Il y va naturellement.
01:23:15 Et donc cette différence, elle est provoquée par l'importance des contrastes des teintes, des couleurs froides et des couleurs chaudes.
01:23:24 On travaille sur cette différence de contraste et cette différence de température de couleur.
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01:24:27 L'argot a envahi ma vie.
01:24:35 On ne travaille pas impunément pendant une aussi longue durée sur un personnage
01:24:40 sans en être un petit peu influencé d'une manière ou d'une autre.
01:24:48 C'est vrai qu'on se dit le pauvre, ça fait 20 ans ou ça fait 15 ans qu'il dessine l'argot, il doit en avoir marre.
01:24:54 Mais à chaque nouvel album, c'est une pièce de puzzle supplémentaire qui se rajoute.
01:25:03 Et c'est là où on trouve du plaisir à travailler sur une série comme ça depuis autant d'années.
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01:25:45 On pourrait se dire pourquoi venir à l'imprimerie ?
01:26:01 Ça paraît l'aboutissement final et il n'y aura plus vraiment de travail de création à l'imprimerie.
01:26:08 En fait, c'est parce que je sais que je vais pouvoir encore influer sur différentes choses,
01:26:13 sur les couleurs notamment, sur leur densité, sur certaines couleurs de décors plus jaunes, plus bleues, plus rouges.
01:26:23 Parce que c'est au final ce que les gens auront sous les yeux.
01:26:28 On peut rajouter du jaune ici sur la totalité de la largeur.
01:26:32 Après tous ces mois passés sur l'élaboration d'un bouquin, on se sent vraiment léger.
01:26:37 Déchargé d'un gros poids qu'on a traîné pendant ces douze mois de travail.
01:26:45 C'est une libération.
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01:26:50 J'ai façonné le personnage que Jean a créé un jour et qu'il m'a confié pour le faire vivre graphiquement.
01:27:03 C'est sûr que j'y ai mis énormément de ce que je suis.
01:27:08 Ne fût-ce que dans toutes les attitudes que Largo a dans les images.
01:27:13 Ce sont des attitudes à moi.
01:27:16 Puisque c'est moi qui me prête au jeu devant un miroir pour me dessiner.
01:27:21 C'est sûr qu'il y a énormément de petites caractéristiques comme ça qui transpirent au travers du personnage de Largo.
01:27:32 Mais c'est vrai que de dessiner ce personnage et de rentrer dans ce monde un peu particulier a changé aussi ma vie à moi.
01:27:44 J'ai été amené à faire des choses que je n'aurais peut-être jamais faites si je n'avais pas dessiné cette série.
01:27:54 Je crois que Largo dans l'esprit de Jean est un personnage malgré tout malheureux.
01:28:01 Encombré par son groupe.
01:28:04 Peut-être que le lecteur n'en a pas cette perception mais c'est un personnage qui ne réalisera jamais la vie, lui qui l'avait rêvé.
01:28:19 Ça fait rêver des milliers de personnes mais le personnage de Largo est un personnage intérieurement triste.
01:28:28 A cause de cette responsabilité qu'un jour son père adoptif lui a léguée.
01:28:35 L'histoire de Jean
01:28:39 Mon père m'avait donné un bouquin recueil de contes de Kipling qui s'appelle en français "Histoire comme ça".
01:28:59 L'un de ces contes c'était "Le chat qui s'en va tout seul".
01:29:03 C'est l'histoire d'un chat qui rencontre divers personnages animaux, humains.
01:29:08 Chaque fois qu'il essaie de l'apprivoiser, un peu comme dans la fin de la fontaine, le loup et le chien,
01:29:16 il dit "Non, non, non, je ne veux pas te collier, je suis le chat qui s'en va tout seul".
01:29:20 J'étais resté avec cette image qui m'avait fort impressionné, tant par le dessin que par ce principe,
01:29:30 cette espèce de fable philosophique.
01:29:33 Je préfère être libre et être seul plutôt qu'être entouré, gâté et ne plus être libre de mes mouvements.
01:29:43 Je suis le chat qui s'en va tout seul.
01:29:45 Ça correspondait bien à l'image de Largot qui est sollicité par énormément de gens,
01:29:52 mais qui préfère rester seul face à son destin.
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01:33:16 Alors Largot, combien vaux-tu à présent ?
01:33:19 15 milliards de dollars ? 20 milliards ?
01:33:22 Pas mal pour un petit orphelin yougoslave, tu ne trouves pas ?
01:33:26 Je suppose que ça t'amuse de jouer au redresseur de tort en rendant ta justice personnelle.
01:33:31 Et j'admets que jusqu'à présent ça ne t'a pas trop mal réussi.
01:33:34 Tu as eu de la chance, beaucoup de chance.
01:33:37 Mais à ce jeu-là, tu n'es encore qu'un amateur, mon garçon.
01:33:40 Bientôt, tu auras en face de toi des adversaires autrement plus redoutables que ceux dont tu as triomphé jusqu'à présent.
01:33:47 Des prédateurs nés qui ne s'embarrassent d'aucune loi ni d'aucun sentiment.
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