• l’année dernière
Saviez-vous qu'il y a à Montpellier un centre international Unesco entièrement consacré à l'eau ?
Ce centre, unique en France, rassemble une vingtaine de laboratoires spécialisés et il est soutenu par 13 universités, Ecoles d’ingénieurs et Organismes de recherche.
Le centre international Unesco sur l'eau s'est fixé comme objectif d'étudier les conséquences du changement climatique sur la ressource en eau, et de trouver des solutions pour y répondre.
Et selon son directeur, Eric Servat, il faut être réaliste, mais rester optimiste.
Selon lui, des solutions existent pour éviter que l'eau ne devienne un problème.

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Transcription
00:00 C'est notre ressource pour l'année et ce sera réutilisé, recyclé sans aucun problème.
00:03 - On fait tout, on fera tout, oui, il faut tout faire avec.
00:05 - On fait tout avec. - Se laver, tout.
00:07 - Oui, oui, mais vous allez voir, il y a un système de recyclage assez ingénieux.
00:09 Eric Servat, directeur du Centre international UNESCO sur l'eau de Montpellier, est notre invité ce matin.
00:14 - Bonjour Eric Servat. - Bonjour.
00:16 - On est ravis de vous recevoir ce matin dans le 6/9. Vous êtes hydrologue de formation.
00:19 Vous avez dirigé le laboratoire Hydro-sciences de Montpellier de 2001 à 2014,
00:24 créé l'Institut Montpellierain de l'eau et de l'environnement en 2015.
00:27 Et vous avez également été vice-président du pôle compétitivité sur l'eau depuis 2012.
00:34 Quel curriculum !
00:35 Et depuis deux ans et demi, vous dirigez le Centre international UNESCO de l'eau à Montpellier.
00:42 - Absolument. - Un centre international UNESCO à Montpellier.
00:45 Je vais être très franc avec vous, on est beaucoup à l'avoir découvert.
00:47 C'est vous qui avez eu l'idée de la création de ce centre international ?
00:51 - Oui, absolument. Il se trouve qu'il y a quelques années de ça, on s'est dit
00:56 avec un autre de mes collègues, qu'il y avait une opportunité indiscutablement
01:03 pour faire en sorte que la communauté des sciences de l'eau ici à Montpellier,
01:07 qui est une communauté importante, puisse bénéficier d'un logo qui est celui de l'UNESCO,
01:12 qui est un logo extraordinaire, qui est connu dans le monde entier.
01:14 Et donc on a monté un projet avec le soutien de l'université et des organismes de recherche
01:20 ici sur Montpellier pour créer ce centre international.
01:22 - Quelle différence, j'ai envie de vous demander, avec un pôle de compétitivité traditionnel ?
01:27 - Le pôle de compétitivité s'adresse principalement aux entreprises.
01:32 Un centre international UNESCO tel qu'on l'a conçu, nous c'est un rassemblement,
01:37 une fédération de 17 laboratoires qui sont des laboratoires de recherche.
01:42 Donc c'est le monde académique.
01:44 - Que des laboratoires sur Montpellier ?
01:46 - Non, il y a 13 laboratoires sur Montpellier et on a élargi un petit peu.
01:51 Et donc on a des collègues de Perpignan, de Narbonne, d'Alesse et de Nîmes.
01:56 - Oui, alors 17 laboratoires membres de votre centre international et 13 établissements partenaires.
02:02 Je vais en citer quelques-uns, l'INRA, l'Institut Agro, Agro-ParisTech, CIRAD, il y en a énormément.
02:08 Même l'école des mines d'Alesse est partenaire de votre centre international.
02:13 L'idée c'est quoi ? C'est de mettre en commun les travaux, les réflexions de tous ces scientifiques
02:18 et de tous ces chercheurs, des universitaires aussi puisque je crois que l'université de Montpellier
02:22 vous soutient beaucoup également.
02:24 - Absolument.
02:25 Donc l'idée, oui c'est ça, c'est le constat si vous voulez que nous avions fait,
02:29 c'est que la communauté académique dans le domaine de l'eau,
02:33 on va dire à Montpellier, quand je dis à Montpellier c'est Montpellier au sens large,
02:36 était importante, nombreuse et de qualité.
02:40 - Et que les gens ne se parlaient pas forcément ?
02:42 - Mais que les gens...
02:44 Vous savez, quand on est dans une dynamique de laboratoire par exemple,
02:48 on a des objectifs qu'on s'est fixés ou que nous ont fixés les tutelles de nos laboratoires.
02:54 Et en fait ce dont on se rend compte très souvent, c'est qu'on a ici à Montpellier,
02:57 à travers l'ensemble des compétences dans différents domaines scientifiques,
03:01 on a cette capacité à mettre autour de la table des gens qui ont des profils très différents.
03:06 C'est ce qu'on appelle la plurie et l'interdisciplinarité.
03:09 - Oui parce que dans vos domaines de recherche, il y a à la fois l'aspect scientifique,
03:12 santé, chimie, pharmacologie, biologie, écologie,
03:15 mais il y a aussi, j'ai vu, sociologie, mécanique des fluides, robotique,
03:20 cartographie, géosciences, hydrologie, économie,
03:23 il y a énormément de choses, c'est très divers, tout ça,
03:25 mais toujours en rapport avec l'eau, quoi, finalement.
03:27 - Toujours en rapport avec l'eau, c'est ça qui est vraiment très intéressant.
03:30 On comprend bien, en particulier depuis quelques années,
03:32 toute la complexité des sujets qui sont liés à la question de l'eau.
03:36 Et finalement le meilleur moyen d'arriver à traiter cette complexité,
03:40 c'est d'être capable de faire travailler ensemble des gens
03:43 qui viennent de domaines scientifiques différents.
03:45 - Et des géographes par exemple, parce que là où on va manquer d'eau
03:48 quelque part dans le monde, ça va aussi, on commence à l'oublier,
03:50 provoquer peut-être aussi des réfugiés climatiques demain,
03:53 donc qui arriveront ici en Europe ?
03:55 - La question de l'eau est une question universelle.
03:58 Alors en revanche, très souvent, la mise en œuvre des solutions est locale.
04:03 Mais la question de l'eau est universelle.
04:05 Partout dans le monde, on est confronté à des problématiques d'eau,
04:08 que ce soit à cause du manque de ressources
04:10 ou que ce soit à cause d'une eau qui est trop abondante
04:13 et qui notamment, avec des inondations parfois dévastatrices.
04:16 - Oui, on vient de le voir dans le nord de la France,
04:18 parfois on n'en a pas assez et ça on en a trop d'un coup.
04:20 Alors, vous avez une feuille de route, un cahier des charges
04:22 qui est tracé par l'UNESCO, c'est ça ?
04:24 - On a en tout cas de grandes orientations qui sont effectivement tracées par l'UNESCO.
04:29 Quand l'UNESCO a créé le centre de Montpellier,
04:31 c'est le seul centre qui existe en France.
04:33 Il y a des chaires UNESCO, c'est plus petit.
04:35 - Vous êtes unique en France.
04:36 - En France, il y a un seul centre international sur l'eau.
04:38 - Et parmi les premiers centres UNESCO sur l'eau dans le monde aussi.
04:42 - Absolument.
04:43 - Il n'y a pas rien au bout de deux ans d'existence qu'a fait l'UNESCO.
04:45 - Absolument.
04:45 Aujourd'hui, on doit compter parmi les trois ou quatre centres
04:48 les plus importants et les plus actifs
04:50 dans ce que l'UNESCO appelle sa "water family".
04:53 Donc, oui, oui, c'est vraiment...
04:56 Il y a une vraie dynamique ici sur Montpellier qui s'est enclenchée.
05:00 Et l'UNESCO nous a demandé de regarder trois choses en particulier.
05:03 Le monde de la francophonie,
05:05 le monde scientifique de la francophonie et les problématiques liées à l'eau,
05:09 le bassin méditerranéen et le continent africain.
05:12 Et donc, ça n'est pas exclusif,
05:15 mais principalement, nos efforts portent dans ces domaines-là.
05:18 - Alors, quel constat vous faites aujourd'hui, Eric Servat,
05:21 vous et tous les chercheurs et scientifiques avec lesquels vous travaillez ?
05:25 L'eau, c'est devenu véritablement un vrai problème
05:28 et ça va devenir un problème aigu dans les années qui viennent ?
05:31 - Ça va devenir un problème aigu.
05:32 - Un peu une évidence, ce qu'on dit là, mais...
05:33 - Voilà, et si vous voulez, ce qu'on vit depuis deux, trois ans
05:37 va de fait devenir la norme dans les années et les décennies qui viennent.
05:40 On va se trouver confrontés à des sécheresses,
05:43 notamment des sécheresses estivales beaucoup plus intenses,
05:46 des chaleurs fortes, des épisodes qui vont durer plus longtemps que ce qu'on connaissait,
05:51 et des périodes de recharge qui sont moins productives qu'elles ne l'étaient précédemment.
05:56 - Bon, ça on le sait déjà, d'autres avant vous le disent,
05:58 mais là où votre discours est intéressant et diffère un petit peu de celui des autres scientifiques,
06:03 c'est que vous, vous êtes un optimiste.
06:05 Comment il dit l'autre jour au téléphone ?
06:07 - Alors, je pense qu'il faut être optimiste par nécessité.
06:09 Je me définis comme ça, je suis optimiste par nécessité.
06:11 Ce que je crois surtout, c'est qu'il faut être lucide,
06:14 mais que cette lucidité ne doit pas conduire à un renoncement.
06:18 Et donc, il faut être lucide.
06:21 - Qui renonce aujourd'hui ?
06:22 - Alors, vous avez quand même des discours qui sont assez négatifs
06:26 et qui traitent plutôt de l'anxiété,
06:29 et exclusivement de l'anxiété que peuvent générer des difficultés liées à l'évolution du climat,
06:34 sans pour autant mettre en avant le fait qu'il y a des équipes de recherche
06:39 et beaucoup de gens qui travaillent pour faire en sorte que les choses se passent le mieux possible.
06:44 - Parce que l'anxiété, elle est contre-productive ?
06:46 - À mon sens, oui. L'anxiété est contre-productive.
06:48 Encore une fois, il faut être lucide. Il ne faut rien cacher aux gens.
06:51 - Mais vous dites qu'il y a des solutions.
06:52 - Bien sûr qu'il y a des solutions.
06:53 Il y a des solutions qui sont alors d'abord des solutions comportementales.
06:57 Il faut que notre regard change par rapport à l'eau.
07:00 On a invisibilisé l'eau depuis des décennies, puisque on en a jamais manqué.
07:03 Et l'eau est partout. Si vous êtes partout, vous n'êtes nulle part.
07:06 Et donc, ça, il faut que ça change.
07:08 Il faut qu'on soit plus efficace dans notre utilisation de l'eau.
07:10 Et puis à côté, vous avez dans les laboratoires et dans les services techniques, des régies, etc.,
07:15 vous avez une multitude de gens qui, tous les jours,
07:18 travaillent pour trouver des solutions, identifier des voies de passage dans cette complexité qui est devant nous,
07:23 et donc qui travaillent vraiment de manière très positive.
07:26 - Réutiliser des eaux, des processus de désalinisation de l'eau de mer aussi,
07:31 on en parle beaucoup depuis longtemps, mais on a l'impression que ça ne aboutit pas, ces histoires-là.
07:34 - Alors, la réutilisation des eaux usées, la France était très en retard.
07:37 Les choses devraient s'améliorer.
07:39 En tout cas, on nous a dit que petit à petit, les contraintes réglementaires allaient se desserrer.
07:43 Mais là, il y a un potentiel, effectivement, pour réutiliser les eaux usées traitées.
07:48 J'insiste sur le terme "traitées". Elles sont déjà traitées quand on les réutilise.
07:52 Parce que parfois, ça pourrait faire peur un peu aux gens.
07:55 Mais, et puis, vous avez d'autres techniques.
07:56 On parle de la recharge artificielle des nappes,
07:58 on parle de la désinperméabilisation des sols,
08:01 de façon à privilégier l'infiltration et la recharge des nappes.
08:05 On parle de ralentir les écoulements, là aussi, pour favoriser l'infiltration.
08:10 Donc, il y a énormément de techniques et de sujets sur lesquels les scientifiques travaillent
08:15 pour essayer d'identifier des solutions.
08:16 - Mais ça ne se met pas en place, tout ça ne se met pas en place, évidemment, du jour au lendemain.
08:19 - Non, c'est long.
08:20 - Oui, mais sur l'aspect comportemental, ce que nous, au quotidien, on peut faire,
08:24 on dit "ouais, bon, allez, je vais arrêter de laisser que l'eau couler quand je me brosse les dents", par exemple.
08:27 - Par exemple.
08:28 - Mais certains disent aussi "ouais, mais c'est pas à mon niveau que ça se joue".
08:32 Mais c'est une erreur de penser ça, de se comporter comme ça ?
08:36 - Oui, c'est une erreur parce que, effectivement, les marges principales
08:40 ne sont pas dans l'utilisation domestique de la ressource en eau.
08:44 Mais il y a quand même des marges.
08:45 Et donc, il faut être conscient de ça.
08:47 Et je pense que ce qu'il faut, c'est revenir sur cette notion d'efficacité.
08:51 On dit sobriété.
08:52 Disons d'abord efficacité, c'est-à-dire que chaque goutte d'eau utilisée
08:56 doit être utilisée de la manière la plus efficace qu'il soit.
08:59 - Pardonnez-moi, mais c'est quoi la différence entre sobriété et efficacité ?
09:01 - La différence ? La sobriété, ça va être "il faut économiser 10%", ok ?
09:04 Et on économise 10% où ? Partout, de manière...
09:07 Tandis que si vous êtes efficace dans chacune des gouttes d'eau que vous allez utiliser,
09:12 vous viendrez à la sobriété.
09:13 Et donc, vous allez être... L'efficacité, il va falloir l'atteindre par différents moyens,
09:19 selon que vous êtes chez vous, effectivement, selon que vous êtes agriculteur,
09:23 selon que vous êtes industriel, vous avez des process à mettre en place qui ne vont pas être les mêmes.
09:28 - Eh bien, il y a du pain sur la planche pour le Centre International UNESCO de Montpellier.
09:33 - Absolument.
09:34 - Merci d'être venu nous en parler.
09:35 Éric Servat, quelque chose me dit que vous reviendrez dans ce studio.
09:38 - Avec plaisir, merci à vous.
09:39 - Merci beaucoup.
09:40 Vous retrouvez cette interview sur notre site internet FranceBank.

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