Ces dernières semaines les animateurs Sébastien Cauet, Stéphane Plaza et Vincent Cerruti, se sont retrouvés dans la tourmente suite à des accusations émanant de plusieurs femmes. Ils sont bien sûr tous les 3 présumés innocents mais les retentissements médiatiques de ces accusations ne peuvent être ignorés par les médias qui les emploie. Alors quelle stratégie de communication a été déployée pour faire face à ces accusations ?
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00:00 9h, 11h, Europe 1 Culture Média avec Thomas Hill et c'est l'heure de la question médias du jour.
00:06 Ces dernières semaines les animateurs Sébastien Coé, Stéphane Platza, Vincent Cerruti se sont
00:11 retrouvés dans la tourmente suite à des accusations émanant de plusieurs femmes.
00:15 Ils sont bien sûr tous les trois présumés innocents mais les retentissements médiatiques
00:20 de ces accusations ne peuvent être ignorés par les médias qui les emploient.
00:23 Alors quelle stratégie de communication a été déployée pour faire face à ces accusations ?
00:28 On en parle ce matin avec le publicitaire Franck Tapiro. Bonjour Franck et Marie-Virginie Tlin.
00:34 Bonjour. Vous dirigez Iconique Conseil, cabinet de conseillers en communication
00:38 pour les dirigeants d'entreprises. Alors pour rappel d'abord Stéphane Platza est accusé de
00:43 violence par trois anciennes compagnes. L'animateur Vincent Cerruti lui est mis en examen pour des faits
00:47 d'agression sexuelle. Coé lui est visé par trois plaintes pour viol et agression sexuelle.
00:53 Tous les trois nient formellement les accusations graves qui sont portées contre eux et ils le
00:57 font par communiqué en passant par leurs avocats. Est-ce que c'est la meilleure chose à faire selon
01:03 vous de laisser parler son avocat dans ces cas-là ? La première des choses c'est de communiquer pour
01:08 ne pas laisser la crise communiquer à votre place. Et c'est l'erreur que font souvent des
01:12 personnalités ou des marques c'est de laisser dire, laisser faire, dire oui non c'est pas grave,
01:15 une information va rechausser une autre, les gens vont oublier. C'est faux parce qu'aujourd'hui
01:19 il n'y a plus que les médias, il y a les réseaux sociaux. Et je peux vous dire que ceux-là ils ont
01:22 une longue mémoire. Donc en fait l'idée quand une crise arrive, quel que soit d'ailleurs votre niveau
01:26 parce que je rappelle quand même qu'on est en France, qu'il y a la présomption d'innocence et
01:31 depuis des années malheureusement et je le dis dans un média mais vous le savez très bien c'est
01:34 l'instrumentalisation des médias qui crée ça. Aujourd'hui on a inventé la présomption de
01:38 culpabilité. Parce qu'il suffit de communiquer sur un fait, rappelez-vous Neymar a violé quelqu'un,
01:42 Mendy pareil, il y a eu dix chefs d'inculpation et je parle pas bien entendu qu'ils ont été
01:47 disculpés. Mais au moment où vous annoncez ça, c'est donc de la diffamation ou plutôt de la
01:53 calomnie, ça reste dans la tête des gens. Et donc c'est une forme d'accusation, donc vous n'êtes
01:57 plus innocent, vous êtes quoi qu'il arrive coupable. Donc la première des choses à faire,
02:01 quel que soit votre niveau de culpabilité ou non, c'est de communiquer pour couper court déjà à la
02:06 crise et faire en sorte que c'est vous qui maîtrisiez. - Donc ça veut dire communiquer tout
02:09 de suite le plus vite possible ? - Le plus vite possible, sinon c'est la crise qui communique
02:12 pour vous et tous les gens qui ne connaissent rien au dossier, qui vont commencer à parler,
02:16 à faire gonfler l'affaire. Donc il faut d'abord se montrer absolument offensif, non pas défensif mais
02:22 offensif, surtout quand vous êtes complètement innocent, vous imaginez. - Mais est-ce qu'ils
02:25 ne devraient pas parler eux-mêmes, Marie-Virginie ? - Alors oui, c'est une grande question. Donc quand
02:30 il y a une crise qui arrive, je suis d'accord avec Franck Tapiro, il faut tout de suite faire
02:33 quelque chose. Mais après, il faut bien mesurer ce qu'on fait. Et il y a deux risques. Il y a le
02:38 risque de ne pas communiquer, pas suffisamment vite, et ça c'est un risque d'image très fort,
02:42 parce que ça veut dire qu'on ne prend pas vraiment l'affaire au sérieux et que donc on ne s'en
02:47 occupe pas. Et il y a le risque de surcommuniquer et de surréagir, qui est un risque encore plus
02:53 compliqué. Et donc nous, quand on est des communicants, quand on a une crise comme ça,
02:56 oui on va devoir communiquer, mais on va devoir s'attacher longtemps à savoir comment on va
03:02 communiquer, à qui on va parler et qu'est-ce qu'on va faire. Alors là, évidemment, la stratégie des
03:07 chaînes, la plupart du temps, c'est quand même plutôt la stratégie du doron. On laisse un peu
03:12 passer. On attend un petit peu que ça se tasse. Alors c'est un peu différent en fonction des cas,
03:18 il y a quand même des degrés différents. Mais oui, la meilleure façon dans un premier temps,
03:22 c'est un communiqué de presse pour dire "nous avons pris acte des faits, nous allons soit faire
03:27 une enquête interne, soit sortir l'animateur de certaines émissions en attendant que la justice
03:32 soit faite". Mais la première étape, c'est de faire parler les avocats, parce qu'il est trop
03:37 tôt dans un temps 1 pour que l'animateur, l'animatrice en question s'exprime. Et par
03:41 contre, faire parler les proches, comme ils l'ont fait, c'est une bonne stratégie, ça ?
03:45 - Alors, c'est une stratégie dans un second temps. Ce qui serait contre-productif, c'est de faire
03:51 parler les proches tout de suite. Ça veut dire que déjà, on a peur de parler, donc on envoie les
03:55 proches pour donner une clause de conscience et de confiance aussi vis-à-vis de la personne qui est
04:00 attaquée. Moi, je pense que ça vient dans un second temps. Alors, le second temps, bien entendu,
04:03 il est extrêmement court. Parce qu'en fait, il y a un facteur temps très important. Les médias
04:07 vont toujours plus vite qu'une personne incriminée. Les réseaux sociaux n'en parlons pas, ils s'en
04:11 en parlent et ça devient ce qu'on appelle la machine à laver, même la machine à essorer. Donc, si
04:15 vous prenez pas vite le tempo, l'horloge, vous êtes battus. Donc oui, ça fait partie de la stratégie.
04:20 Les avocats, quand il y a un problème très grave, quand on parle de viol, c'est un problème très
04:25 grave. Quand on parle d'agression sexuelle aussi, de violences hétéro-femmes aussi. Et donc là, à ce
04:30 moment-là, la partie juridique est importante. Et après, on a besoin d'une caution morale. Et c'est
04:34 vrai que dans la caution morale, ça peut rassurer d'avoir des proches. Alors en plus, quand ces
04:37 proches sont connus, ce qui arrive à certaines personnes qui sont incriminées, pour vous donner
04:41 quand même une dimension, parce que ce sont des personnes quand même qui, on se dit, si elle dit
04:44 du bien de lui alors qu'il est soupçonné d'avoir fait cela, quand même, c'est que ça le pète un
04:49 type aussi dégueulasse que ça. - Et puis il y a la stratégie de la contre-attaque. On va voir ce qui a
04:53 été effectué également. On en parle dans un instant sur Europe 1. A tout de suite.
04:56 Culture Média et la suite de la question Média du jour. Thomas Hill, comment s'organise une
05:04 communication de crise ? Vous recevez Franck Tapiro, conseiller en communication, et Marie-Virginie
05:09 Klein, qui dirige, iconique, Conseil, cabinet de conseil en communication pour les dirigeants
05:13 d'entreprise. - Et oui, on parle de ces animateurs Sébastien Coé, Stéphane Platza ou Vincent
05:17 Cerruti, qui se sont retrouvés dans la tourmente avec des accusations contre eux ces dernières
05:22 semaines, émanant de plusieurs femmes. Et alors, il y a la stratégie, on en parlait, de la
05:26 contre-attaque, avec par exemple les avocats de Coé qui déposent une plainte pour dénonciation
05:31 calomnieuse, même tentative d'extorsion de fonds en bande organisée. Son avocat est même venu à
05:36 BFM pour en parler. Au-delà de la stratégie juridique, dont on ne parlera pas ce matin, ça fait
05:42 partie de la stratégie de com', ça aussi, Franck Tapiro. - La stratégie de com', c'est d'être victime.
05:46 En gros, quand on est... Mais mettez-vous à la place de ces personnes qui sont accusées à tort.
05:51 Quand vous êtes accusé à tort, c'est de dire que vous êtes victime de ces accusations. Mais moi,
05:55 j'aimerais aussi parler des vraies victimes. Parce que là-dedans, dans toutes ces histoires,
05:58 dans cette ergiversation médiatico-juridique, et je dis bien médiatico-juridique, on oublie
06:03 qu'il y a des vraies victimes derrière, que la parole des femmes pendant des années a été
06:06 méprisée, bafouée, voire totalement minimisée. Et donc vous imaginez une femme qui est victime,
06:10 d'abord on ne la croit pas, quand elle va témoigner avec des lunettes ou une perruque ou une cagoule,
06:18 et puis derrière elle est obligée. - Vous l'avez vu, hier à TVMP, elle était à visage découvert.
06:21 - Mais pour une bonne raison, c'est pour qu'on voit son émotion, pour qu'on voit sa sincérité.
06:25 Aujourd'hui, vous imaginez que des victimes ont besoin d'aller jusque là pour dire à quel point
06:30 elles ont été victimes. Donc vous voyez bien que tout le monde est perdant. Parce qu'on est perdant
06:33 quand on est innocent et qu'on se fait accuser, mais quand on est réellement victime et qu'on
06:38 dit que finalement les médias s'en emparent, on dit "ouais, non mais celle-là elle a pipoté".
06:42 Donc vous imaginez, au bout du compte, c'est la triple peine, à la fois pour ceux qui sont
06:45 accusés à tort et pour les vraies victimes qu'on prend pour des menteuses. - Et alors on a pu
06:49 constater aussi des stratégies différentes de la part des médias qui emploient ces personnalités,
06:54 Coé s'est retiré rapidement de l'antenne, alors que du côté d'M6, ils ont fait une enquête en interne
06:58 et puis ils ont décidé de maintenir les diffusions des émissions de Stéphane Plaza.
07:01 Quelle est selon vous la meilleure chose à faire dans ce genre de cas, Marie-Virginie Klein ?
07:06 Qu'est-ce que vous conseillez ? - Alors d'abord, il faut communiquer vite mais pas prendre de
07:09 décision hâtive. Je pense que les résultats de l'enquête interne là ont été donnés et n'ont
07:15 finalement pas donné énormément de choses. Il y a deux stratégies. Là, on a eu la stratégie
07:21 d'Energie qui a été vraiment de tout de suite réagir très vite et ça mais aussi parce que les accusations
07:29 portées étaient peut-être d'un ordre différent. Et puis il y a quelque chose qu'il faut toujours
07:33 mesurer, c'est l'impact économique de ces décisions. Il y a quand même des animateurs qui sont des
07:38 vedettes et d'ailleurs tout le risque est là quand on a une animateur vedette, ça a un effet
07:43 démultiplicateur en cas de crise. - Stéphane Plaza représente à lui seul 8% du chiffre d'affaires
07:49 publicitaires d'M6 selon le magazine l'Informer. - Sans compter les franchises qui l'ont compté.
07:55 Il y a quand même un double enjeu, un d'image pour la chaîne et deux d'enjeu financier. Et on regarde
08:01 juste les audiences des émissions de Stéphane Plaza qui ont continué à être diffusées, elles n'ont pas
08:06 baissé d'audience. Est-ce que c'était la bonne décision de le maintenir à l'antenne ? Est-ce que
08:10 c'était la bonne décision d'enlever Coé ? - Je suis d'accord mais nous sommes dans un état de droit
08:16 où il y a une présomption d'innocence. Je pense que les médias ou un employeur, tout court, oublions les
08:21 médias, un employeur doit être derrière son employé. La logique pourquoi ? - Oui mais là c'est très particulier
08:26 parce que justement on est dans les médias et que le public, on ne sait pas comment le public va.
08:29 - Oui mais ce n'est pas aux médias de condamner son animateur avant que la justice ne le fasse.
08:37 Donc c'est pour ça que c'est très délicat. Encore une fois de maintenir Coé en tête. - C'est deux stratégies différentes.
08:41 - Exactement. Coé peut lui dire "je préfère me retirer pour préparer ma défense plutôt ma contre-attaque
08:46 mais dans d'autres cas, il y en a plein d'autres et on ne les citera pas, qui sont accusés, qui se passent en
08:51 première instance et qui sont en appel. Quand on est en appel, on a toujours la présomption d'innocence
08:55 et on appelle. On est coupable qu'après l'appel et après il y a la cassation, possible. Mais je trouve
09:00 qu'un employeur dans la logique d'un état de droit, il doit faire confiance à son animateur.
09:05 - J'imagine qu'il pèse à la fois l'impact économique mais aussi l'impact en termes d'image pour le média lui-même.
09:10 - Du coup, l'impact d'image est plus violent quand on retire son animateur parce que le public le voit,
09:17 parce qu'il faut expliquer et puis parce que du coup, là en l'occurrence, Coé a pris la parole pour se défendre.
09:22 Alors que concernant Stéphane Plaza, nous on est tous des gens informés, on écoute les médias, on regarde
09:25 ce qu'il se passe à la télé mais la plupart des gens regardent leurs émissions et ne vont pas forcément
09:31 voir ce qu'il se passe derrière et donc l'impact d'image est quand même plus lissé quand on attend
09:37 qu'une décision judiciaire soit prise. - C'est ce qu'il faut faire, attendre que la justice passe et efface son travail
09:45 et puis après peut-être reconstruire son image et ça c'est encore une autre histoire parce qu'on sait que le soupçon est un poison lent.
09:51 - Les médias ne sont pas un tribunal, il faut arrêter vraiment, il y a énormément de médias qui se prennent pour des tribunaux,
09:56 pour ne pas citer Mediapart par exemple, parce que c'est un petit tribunal et je pense que du moment où on a tribunalisé les médias,
10:02 on a affaibli la justice, on a affaibli la confiance dans la justice et surtout on a affaibli l'état de droit.
10:08 Encore une fois, c'est une chance d'avoir cette présomption d'innocence et donc il faut tous se mettre derrière
10:13 sinon à ce moment-là on fait tous n'importe quoi et je pense que c'est totalement préjudiciable après pour les personnes qui sont incriminées
10:18 parce que ça les fragilise. - Et en termes d'image, je pense que le mal est fait, dans tous les cas c'est très dur à réparer
10:23 et la communication ne peut pas tout faire. - Merci à tous les deux, merci Franck Tapiro, publicitaire, merci à Marie-Virginie Klein
10:30 aussi je rappelle que vous dirigez Iconic Conseil, c'est un cabinet de conseil en communication pour les dirigeants d'entreprise.