Kafka aux JO : un parfum de déconnexion

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Transcript

00:00 Je vous invite à rester, Pascal, à écouter Eugénie Bastier ce matin parce que...

00:02 - Mais oui, mais il doit partir !

00:03 - Une minute, s'il vous plaît.

00:05 Ecoutez Eugénie qui, ce matin, va pousser un coup de gueule sur les Jeux Olympiques de Paris.

00:09 Eugénie Bastier, attention, vous n'allez pas vous faire que des amis, là.

00:12 - Oui, je sais, parce que blasphémer contre la religion olympique, c'est comme ne pas s'extasier devant les conseils de vie de Thomas Pesquet.

00:17 C'est très mal vu.

00:18 On vous accuse immédiatement d'être un grincheux, un français râleur, jamais content, animé de passion triste,

00:24 incapable d'avoir le sens de la fête.

00:26 Mais ce matin, j'assume de faire maraleuse.

00:29 Oui, je m'inquiète de ces JO à venir.

00:31 Alors, quand ils ont annoncé que le prix du ticket de métro allait passer à 4 euros pendant la séquence des JO,

00:36 alors qu'ils avaient promis que les transports seraient gratuits, je n'ai pas été vraiment étonnée.

00:40 Quand ils ont annoncé réquisitionner les logements des étudiants contre un chèque de 100 euros,

00:44 je n'ai pas vraiment non plus été étonnée.

00:46 Alors, quand ils ont affirmé que les bouquinistes des quais de Seine seraient démontés pour dégager la vue

00:51 pour la cérémonie d'ouverture à 2 700 euros la place, là, j'ai été un peu attristée.

00:56 Quand ils ont voté la vidéosurveillance algorithmique,

00:59 installant pour l'avenir les moyens d'une surveillance de masse dans la capitale,

01:02 là, j'ai commencé à être inquiète.

01:04 Mais le pompon, c'est l'annonce par le préfet de Paris, Laurent Nunez,

01:08 des mesures de sécurité et de circulation dans la capitale mises en place pour les jeux.

01:13 Zone rouge, zone bleue, plateforme d'inscription pour inviter ses amis à regarder les épreuves depuis sa fenêtre,

01:19 sans oublier le retour du fameux queer code.

01:22 Queer code, je ne sais plus comment on dit.

01:24 - Vous savez, celui dont nous avait dit pendant le Covid qu'il ne serait qu'une mesure d'urgence transitoire.

01:28 - J'en dis que queer code.

01:30 Bon, c'est vrai que les règles sécuritaires et bureaucratiques, dans l'absolu, entament nos libertés, Eugénie Bastien,

01:35 mais n'est-ce pas un bien, au fond ?

01:36 - C'est Kafka aux Jeux Olympiques.

01:38 Alors, c'est vrai qu'organiser une cérémonie festive et populaire dans un monde post-attentat et post-Covid,

01:43 c'est un peu comme vouloir danser la Macarena avec en tête les gestes barrières

01:47 ou prendre l'apéro en distanciel, ça gâche un peu le plaisir.

01:51 Les Jeux étaient censés être une fête populaire, l'occasion de trinquer dans des bars avec des inconnus devant des sports inconnus.

01:57 Ça risque de devenir une fête policière, dans un Paris réquisitionné une fortune sur Airbnb,

02:02 quadrillé par des militaires et des caméras.

02:05 Bref, autour du village olympique, ce sera plus la fête élitaire que le bal populaire.

02:09 On se demande si ça en vaut encore la peine.

02:11 - Mais est-ce que selon vous, Eugénie, ces Jeux sont symptômes d'une déconnexion ?

02:16 - Dans la tribune du Dimanche, le week-end dernier, un conseiller de l'Elysée qualifiait les JO de,

02:20 je cite, "plus grands événements des cent dernières années".

02:25 Il y a en effet comme un parfum de déconnexion pour des Jeux qui constituent désormais l'alpha et l'oméga de l'horizon politique.

02:31 Comme le dit le sondeur Jérôme Fourquier, je le cite,

02:34 "il y a une très grande attention du gouvernement, des médias, des grandes entreprises, alors que la province est très loin de tout ça".

02:40 Souvenez-vous, pendant les émeutes de banlieue en juin dernier,

02:43 certains politiques et journalistes évoquaient leur inquiétude pour les JO.

02:47 Comme si les problèmes de la France devaient être mesurés à cette aune,

02:51 "notre maison brûle mais nous regardons la flamme olympique",

02:54 "la France flambe mais il faut que Paris brille pendant trois semaines",

02:58 comme le confie encore Jérôme Fourquier, je le cite,

03:01 "on investit à mort dans la façade mais la réalité c'est qu'on n'a plus les moyens de se payer la vitrine car la France craque de partout".

03:08 Il y a en effet dans ces Jeux un petit côté Potemkin.

03:12 Vous savez, ce ministre russe qui avait créé des faux villages en Crimée

03:15 pour la visite de Catherine II en cachant l'extrême misère des habitants.

03:19 Les JO de Londres en 2012 furent une très belle réussite,

03:22 quatre ans plus tard il y a eu le Brexit.

03:25 Espérons que les JO de Paris ne soient pas un grand feu d'artifice pour masquer les fractures françaises.

03:30 - Signature européen Eugénie Bastier, vous n'aurez pas que des amis à l'issue de cette chronique,

03:34 mais vous en aurez sans doute quelques-uns malgré tout.

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