Interview du rappeur français Tuerie, auteur de l'EP "Papillon Monarque" et lauréat du Prix Joséphine 2023

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Lauréat du prix Joséphine 2023, le rappeur français Après "Bleu Gospel", Tuerie a sorti en mai dernier son deuxième EP “Papillon Monarque”. Un projet où il tente de “casser son image de gendre idéal”.
Transcript
00:00 Je m'appelle Paul, mon soubriquet c'est Thuri, alias "tu tu" pour les intimes, et je suis
00:07 chanteur de rap, comme les médias aiment m'appeler.
00:09 Parce que c'est un joli mélange, je m'interdis rien.
00:12 Un coup je rap, un coup je chante, un coup je chuchote, un coup c'est de la poésie pure
00:18 et dure, et puis c'est le bon compromis.
00:20 Le petit Thuri était gentil, le grand Thuri veut des jambes qui s'ouvrent.
00:23 Le petit Thuri voulait sourire, le grand Thuri veut des jambes qui tournent.
00:27 J'suis payé pour vider mon sac, j'crois qu'il y a beaucoup moins de serpents à ma table.
00:32 Un jour c'est la déche, un soir il y a les thals, puis tout peut finir dans un carton,
00:37 même les médailles.
00:38 J'croyais que j'avais besoin d'un gars, pour être un Dj.
00:45 Les deux P, c'est tous qui bougèrent, pour être un Dj.
00:52 Quand j'étais enfant, je rêvais de paix.
00:56 J'étais quelqu'un qui était à la recherche du calme.
01:00 Et puis, il y a la musique qui a très vite aidé, parce que la musique c'est très vite
01:06 devenu mon havre de paix.
01:08 C'était l'endroit où je me planquais.
01:10 Je regardais Michael Jackson danser, ou Prince chanter dans les aigus.
01:14 Et ça me faisait un petit peu décoller, ça me permettait d'effacer un petit peu la
01:19 tristesse qu'il pouvait y avoir autour de moi.
01:22 J'suis toujours dans mon hood, on est de retour boule-bis, ah oui, renoi t'as du buzz, dans
01:27 deux mois on t'oublie.
01:28 Boulogne, c'est la ville de Danny Dan, de Booba, de Salif, de Zoxy, plein de légendes.
01:35 Si elle m'a influencé en bien, ça va être dans la technique.
01:39 Parce qu'on n'avait pas le droit de rapper si on n'était pas au niveau.
01:42 Même si j'ai toujours été un petit OVNI parce que je faisais les choses à ma façon,
01:47 j'ai toujours eu pour mission d'amener un peu plus de lumière dans cette technique-là.
01:51 Dans une interview, tu disais que tu aimais la musique alternative parce qu'elle était
01:55 sans compromis.
01:56 Est-ce que tu penses, toi, faire une musique alternative ?
01:59 Je pense faire du rap avant tout.
02:03 Mais c'est vrai qu'il y a tellement de courant qui traverse mon rap que ça ne me gêne pas
02:10 d'être classé parmi les OVNI et la musique alternative que j'aime tant.
02:15 Ça a été un album à la fois libérateur et fait dans l'urgence.
02:33 En fait, je n'avais pas le choix de parler des sujets dont je traite dans Bleu Gospel.
02:39 Ça a été fait dans l'urgence, mais ça m'a complètement sauvé la vie.
02:44 Avant même de sortir le moindre son de ma bouche, je savais que j'allais raconter quelque
03:06 chose de délicat, mais que c'était le moment d'en parler.
03:10 C'est une chanson qui traite de violence conjugale et de fuite.
03:15 Je savais que ça allait être une étape cruciale et je pense que ça a été la première pierre
03:21 vers la musique salvatrice.
03:35 Ce qui me fait le plus peur avec cette chanson, c'est que ça devienne automatique et que
03:41 je ne ressemble plus à rien au moment de la faire.
03:43 C'est pour ça que je change à chaque fois les petites notes ou mes intentions quand
03:50 je la chante.
03:51 C'est une chanson qui est faite pour transmettre des émotions et aussi pour dire aux gens
03:57 qu'ils ne sont pas seuls à traverser l'épreuve du deuil.
04:00 Il y a une forme d'injustice.
04:02 On en veut à la terre entière.
04:04 Et quand on sait qu'on n'est pas seul à traverser cette épreuve, c'est moins douloureux.
04:10 Donc j'ai peur que ça soit redondant.
04:13 Et d'ailleurs tu dis aux gens qu'il y a perdu quelqu'un.
04:16 Oui, ça m'est arrivé.
04:18 Après, j'ai arrêté de prévenir parce que c'est comme si ça permettait aux gens de
04:23 remettre leur manteau, de remettre leur armure.
04:25 Donc maintenant, je la chante tout de suite parce que les gens se préparent et je ne veux
04:29 pas de ça.
04:30 Je veux du lien entre les gens.
04:32 Je veux qu'ils soient aussi vulnérables que moi sur scène.
04:36 Mon quai de peur, c'est le dernier morceau de Bleu Gospel.
04:53 Dans ce morceau, je raconte que je n'ai plus peur.
04:57 Et le début de Papillon Monarque, l'opus suivant, je raconte que c'était des bobards
05:03 parce qu'il y a plein de nouvelles peurs qui arrivent.
05:06 Parce qu'on a le droit d'avoir peur.
05:07 Parce qu'on a totalement le droit d'avoir peur.
05:10 Et la peur fait aussi partie de ces éléments salvateurs.
05:15 Le fait d'avoir le trac avant de monter sur scène, ça veut tout juste dire, reste pas
05:21 sur tes acquis.
05:22 Tu dois te battre, encore une fois.
05:23 Tu dois te battre pour convaincre.
05:25 Et de quoi tu as peur maintenant ?
05:27 En ce moment, je pense que j'ai peur de tout ce que je peux perdre en gagnant.
05:34 Je pense que ma plus grosse peur, c'est d'y arriver, mais d'être tout seul.
05:39 C'est de la musique, c'est du partage.
05:41 Et je perds de plus en plus de monde.
05:43 Donc, il va falloir que ça s'arrête pour un moment.
05:46 Le prix Joséphine 2023 est attribué à...
05:55 Pavillon Monarque de Thury.
05:57 [Cris et applaudissements]
06:07 Dans mon incubrix, enfin je parle pour mes frères et moi du Foufoum Palace,
06:11 nos victoires sont toujours teintées d'altruisme.
06:16 Et cette victoire, en réalité, je l'ai vue comme la victoire de ma mère
06:23 et la mienne pour tous les sacrifices.
06:25 Et aussi comme une victoire d'équipe, mais pour le genre, le rap.
06:31 Ce qui avait de très, très, très beaux disques en face.
06:34 C'est comme si les autres genres avaient fait un grand câlin au rap
06:38 en disant "C'est bon, on a compris, vous êtes avec nous, donc vous méritez ce truc-là".
06:42 Donc, je pense que ce prix-là me dépasse un petit peu,
06:47 mais je suis archi-bosseur.
06:50 Je peux te promettre que ce prix est dans un coin chez moi,
06:54 mais déjà caché, je pense, à plus loin.
06:57 Mais je suis très fier.
06:58 - Est-ce que tu penses qu'il faut être un peu déconstruit dans sa virilité
07:02 pour exprimer ce que tu exprimes ?
07:04 - Oui.
07:04 - C'est-à-dire tes souffrances et ta sensibilité ?
07:08 - Oui, totalement.
07:09 La déconstruction aussi est salvatrice.
07:12 Si j'étais resté avec des prénotions à la con,
07:17 "Un homme ne pleure pas" ou "Un homme ne doit pas chanter",
07:20 je n'en serais pas là où j'en suis aujourd'hui.
07:24 - Comment tu déconstruis ça, toi ?
07:25 - Je vais au cinéma tout seul,
07:27 je vais voir des films qui sont émouvants,
07:32 et je me laisse aller quand j'ai envie de me laisser aller, tu vois.
07:35 Je ne m'interdis pas de faire des chansons d'amour
07:39 ou de raconter mes mots en musique.
07:42 - L'amour, c'est au cœur de Fofoun Palace ?
07:45 - Totalement.
07:45 L'amour et la fraternité.
07:48 On a fait quand même quelques chansons qui parlent de ce sentiment premier
07:55 qui est le sentiment le plus important de l'univers.
07:59 On est très très portés sur l'amour.
08:01 "La nuit met les fantômes de bas des gens si forts,
08:06 depuis que tu n'es plus là, depuis que tu n'es plus là..."

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