Marie Portolano reçoit ce matin Nicolas Perolat, médecin urgentiste et co-chef des services des urgences au centre hospitalier de Troyes. Il vient nous parler du court-métrage « Battants », tourné dans son hôpital qui retrace la prise en charge d'un homme victime d'un arrêt cardiaque. Il vient nous parler du combat quotidien des soignants mais aussi celui des patients.
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00:00 Bonjour Nicolas Perola, merci d'être avec nous.
00:02 Vous êtes médecin urgentiste, on le disait,
00:04 et co-chef des services des urgences au centre hospitalier de Troyes.
00:07 Le 29 novembre dernier, une vidéo a été partagée sur les réseaux sociaux,
00:11 un court-métrage tourné dans votre hôpital
00:13 qui retrace la prise en charge d'un homme victime d'un arrêt cardiaque.
00:18 Alors ce film s'appelle "Battants".
00:19 Pourquoi "Battants" ? Qui sont les "Battants" ?
00:21 Ce sont les soignants ou les victimes, les patients ?
00:25 Alors les deux, j'allais dire.
00:27 Les soignants parce qu'on se bat au quotidien pour nos patients,
00:30 et puis les patients parce que dans le parcours de soins,
00:32 ils se battent aussi pour guérir.
00:34 Donc le titre correspond bien aux deux côtés de l'histoire.
00:37 On va regarder un court extrait de ce court-métrage.
00:40 -Monsieur...
00:43 ...
00:47 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10.
00:52 -Écartez-vous.
00:53 -Choqués.
00:54 ...
00:56 -Selon place.
00:57 -On va fixer.
00:58 ...
01:02 -On est prêt à partir du théâtre.
01:04 -On l'a vu, vous jouez votre propre rôle.
01:06 Qu'est-ce que vous aviez envie de raconter à travers ce film ?
01:10 -Alors, raconter à travers le film,
01:12 c'était montrer la réalité de notre travail au quotidien.
01:16 L'idée, pas de travestir ce qu'on fait.
01:19 Les acteurs de ce film sont des soignants du centre hospitalier de Troyes
01:22 et chacun joue son propre travail.
01:24 Donc on n'incarne pas un rôle.
01:26 On a juste fait notre travail, mais avec des caméras.
01:29 -Et pourquoi vous aviez envie de faire ça ?
01:31 -Alors, c'est une volonté de l'hôpital de promouvoir les métiers
01:35 du centre hospitalier de Troyes et du groupe hospitalier auquel on appartient
01:40 et de présenter nos métiers, j'allais dire, un peu sous un jour positif.
01:44 On entend beaucoup parler des problèmes de l'hôpital et des urgences.
01:47 C'est une autre manière de le présenter,
01:49 de montrer ce qui fonctionne aux urgences.
01:51 -Et surtout, l'envie première, c'est de sauver des vies.
01:54 -Sauver des vies, oui, ça fait partie du métier.
01:57 On ne fait pas que ça à l'hôpital.
01:58 On accompagne des gens dans leur parcours de soins.
02:01 C'est vraiment montrer une partie qui fonctionne
02:03 et qui rend service au grand public.
02:05 -Est-ce que vous trouvez que votre travail n'est pas assez valorisé ?
02:09 -Pas assez valorisé... On parle souvent de nous.
02:12 Et...
02:14 Valorisé...
02:15 -Est-ce qu'on a une mauvaise image des urgentistes ?
02:18 Quand je dis "mauvaise image", c'est qu'on parle que des problèmes,
02:20 et pas assez de ce que vous faites à la base, c'est-à-dire aider les gens.
02:24 -L'image, elle est plutôt sur les aspects négatifs.
02:27 Mais je pense, quand les gens se rendent aux urgences,
02:29 je pense que le service rendu, le fait qu'on soit là,
02:32 qu'on essaye de faire dans l'environnement dans lequel on est,
02:35 les gens sont reconnaissants du travail qu'on fait
02:37 quand on est auprès d'eux.
02:38 Mais c'est vrai que l'image générale des urgences,
02:40 elle n'est pas hyper positive.
02:42 Et on ne vient pas aux urgences par plaisir,
02:43 et on ne se sent pas très bien accueillis
02:45 dans un service d'urgence aujourd'hui en France.
02:47 -Alors, j'aimerais bien savoir, quel est votre quotidien ?
02:50 Vous travaillez combien d'heures par jour aujourd'hui ?
02:52 -Alors, moi, je travaille surtout en format de 24 heures.
02:56 -Le bégare de 24 heures ? -C'est ça.
02:58 Je commence à 8h30 le matin et je finis le lendemain à 8h30.
03:00 Donc, c'est parfois très long, parfois très intense.
03:03 Et je travaille entre les urgences, le SMUR,
03:06 donc les camions du SAMU qui se déplacent à domicile,
03:08 et la régulation médicale.
03:10 Donc, je suis un des médecins qu'on peut avoir au téléphone
03:12 quand on appelle le 15, quand on a un problème de santé.
03:14 -Et c'est en flux tendu ?
03:14 Vous soignez combien de personnes par jour, approximativement ?
03:18 -Alors, c'est toujours très variable.
03:21 On va dire, en fonction des trois postes,
03:23 sur une garde de 24 heures aux urgences,
03:24 une cinquantaine de patients.
03:25 Je prends en charge une cinquantaine de patients.
03:27 Quand je suis en SAMU, dans les camions,
03:29 ça va dépendre du nombre d'appels sur lesquels on me mobilise.
03:32 Donc, ça peut varier entre 5 et 8 sorties par 24 heures.
03:36 Et quand je suis en régulation, là, le nombre d'appels,
03:38 c'est vraiment en fonction des horaires,
03:40 il y a des pics d'appels et d'autres, des moments un peu moins tendus.
03:43 -C'est quoi les difficultés auxquelles vous faites face le plus aujourd'hui,
03:46 aux urgences ?
03:47 -Alors, les difficultés des urgences, en fait,
03:50 ne sont pas des difficultés qui appartiennent proprement aux urgences.
03:53 Ce qu'il faut comprendre, c'est que les urgences
03:55 sont à l'interface des problématiques de la médecine de ville
03:58 et de la médecine hospitalière dans son ensemble,
04:01 des soins de suite et de rééducation.
04:03 -Et vous, personnellement, quand vous êtes à l'hôpital,
04:06 qu'est-ce qui vous manque aujourd'hui ?
04:08 -Ce qui manque, c'est surtout des places d'hospitalisation pour mes patients.
04:13 Mais ça, le problème vient du manque de soignants
04:16 et surtout du manque d'infirmiers dans les services.
04:19 Et c'est un problème qui est global,
04:20 c'est pas un problème qui est juste inhérent aux urgences d'hôpital de Troyes
04:23 ou à l'hôpital de Troyes, on le retrouve partout en France.
04:26 Mais ce qu'il faut savoir, c'est que derrière les soignants,
04:28 on reprend le titre du film, se battent avec les moyens qu'ils ont
04:31 pour faire au mieux pour les patients.
04:33 Et ça, c'est notre quotidien, de se battre pour nos patients.
04:34 -Alors, on en a parlé, les aspects négatifs de l'hôpital,
04:37 manque de moyens, les salaires, les mauvaises conditions de travail
04:40 et d'accueil des patients.
04:42 Comment vous tenez ?
04:43 Il faut être passionné aujourd'hui pour être soignant.
04:45 -Alors, il faut être passionné, puis il faut aussi essayer de croire en l'avenir.
04:48 Nous, à l'hôpital de Troyes, depuis un an quasiment,
04:51 on cherche à changer les choses.
04:53 Alors, ça va pas changer radicalement notre manière de travailler.
04:57 On aura toujours des problèmes.
04:59 Mais là, depuis un an, on a mis en place un travail pour les urgences
05:01 qui s'appelle le projet "Sautons pas" et c'est de transformer nos urgences
05:05 pour répondre aujourd'hui aux problématiques des urgences
05:07 dans notre bassin de vie.
05:08 On travaille dans des locaux qui ont 15 ans et qui répondaient
05:10 aux problématiques des urgences d'il y a 15 ans.
05:13 Et le constat aujourd'hui, c'est que nos locaux correspondent plus
05:17 à la manière dont on voudrait accueillir les patients
05:19 et à un environnement de travail dans lequel on pourrait travailler
05:21 de manière optimale et de manière confortable pour les soignants.
05:24 Et donc, il y a un gros travail qui a été fait depuis 6-8 mois
05:26 avec les soignants de terrain pour justement essayer de cerner
05:30 ce qu'on voudrait comme nouveau service d'urgence pour les années à venir.
05:33 Et là, on rentre dans la déclinaison pratique.
05:35 On va commencer des travaux pendant environ un an.
05:37 Et moi, je suis chargé de la conduite de ces travaux.
05:39 Et histoire de transformer notre service d'urgence
05:41 pour mieux accueillir les patients, mieux accueillir les familles des patients
05:44 et aussi pour que les soignants se sentent dans un meilleur environnement de travail.
05:47 Et on sait que la qualité des soins,
05:48 elle dépend de la qualité d'endroit dans lequel on travaille.
05:51 Merci beaucoup, Nicolas Pérola.
05:52 Je rappelle que vous êtes médecin urgentiste,
05:54 co-chef des services des urgences du Centre hospitalier de Troyes.
05:56 Et si vous avez envie de regarder le court-métrage,
05:59 ça s'appelle "Battant" et c'est disponible sur les réseaux, sur YouTube et tout ça.
06:02 Merci beaucoup.
06:03 Merci à vous.