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Transcription
00:00 [musique]
00:22 Alors nous sommes en fait dans une reconstitution du "White Cube" de l'exposition de 1937 à New York.
00:29 Au musée du MoMA. Exposition voulue par le directeur du MoMA de l'époque, Alfred Baar,
00:37 qui avait juxtaposé des œuvres d'art extrêmement contemporaines,
00:42 donc Arp qu'on voit ici, ou encore Paul Klee, avec l'étoile de la grande collection Frobenius
00:52 qu'il avait fait venir à New York.
00:53 Cette salle dans laquelle on se trouve nous apprend beaucoup sur l'histoire, sur le passé,
00:58 mais je pense qu'elle nous permet surtout de changer notre regard sur les œuvres du présent.
01:03 Et c'est vrai que quand on rentre dans cette salle, on est tellement frappé par la proximité formelle,
01:08 stylistique parfois, entre des œuvres d'avant-garde et des relevés anciens
01:13 qu'on recomprend un peu mieux aussi l'art des avant-garde,
01:18 allant d'une réflexion beaucoup plus générale sur l'art.
01:21 Et on voit l'influence extrêmement importante qu'ont eues ces découvertes sur les populations artistiques,
01:28 mais aussi sur le grand public des années 30.
01:30 L'art de la préhistoire, c'est un art extrêmement contemporain, un art extrêmement moderne,
01:35 qui a ensuite influencé tous les artistes du XXe siècle.
01:39 Il y a ici, dans une des vitrines, la liste des invités des expositions de 1930 et 1933 dans ce même lieu.
01:50 Et on y voit par exemple les noms de Picasso, de Miro, de Derain,
01:56 donc des peintres qui ont influencé tout l'art du XXe siècle et qui ont sans doute vu ces toiles.
02:03 Les relevés, les études de terrain nous permettent de mieux comprendre les populations anciennes.
02:10 Elles donnent un certain nombre de données aux chercheurs et au grand public sur ces populations.
02:15 On y voit notamment les modes de vie.
02:17 On peut aussi analyser l'environnement.
02:20 On peut penser ici aux relevés d'Henri Lhot qui ont permis une prise de conscience de l'existence d'un Sahara vert,
02:25 qui s'apparentait donc plutôt à une savane qu'à un désert.
02:29 Quant à leur sens, on a aussi aujourd'hui beaucoup de mal à interpréter,
02:33 parce qu'on n'a pas les codes pour déchiffrer correctement les images,
02:37 mais on a en aperçu des mythologies et des différentes croyances
02:40 que pouvait être aussi celle de ces différentes populations.
02:43 On va avoir ici et là des figures mi-humaines, mi-animales.
02:47 On va aussi trouver des scènes qui peut-être pourraient s'apparenter à des rituels.
02:51 Ils partent avant tout en ethnologue. Ils ne parlent pas en préhistorien.
02:54 Ils partent pour étudier des civilisations, des populations entières.
02:59 Ils partent souvent avec la passion de l'Afrique.
03:03 C'est à partir de là finalement qu'ils vont explorer ce monde de la préhistoire
03:09 avec ce regard d'ethnologue très contemporain sur les gens qui les entourent.
03:15 Il faut savoir aussi que les populations de l'époque vivent au milieu de ces peintures,
03:21 que ce n'est pas du tout un monde mis à distance, un monde étranger pour elles,
03:27 mais que finalement ces images font partie de leur quotidien.
03:31 C'est ce que saisissent aussi d'une certaine manière ces aventuriers, ces explorateurs.
03:36 C'est un tout.
03:39 La préhistoire, j'allais dire que c'est la mise à distance beaucoup plus ancienne,
03:46 la mise à distance dans le passé de ces populations,
03:49 mais elles ne considèrent pas finalement elles-mêmes que ces peintures soient du passé très ancien.
03:59 Il y a un lien très direct dans leur vie quotidienne aux peintures.
04:04 C'est elles qui indiquent aux aventuriers là où ils doivent regarder.
04:08 C'est elles qui amènent les aventuriers sur les sites et qui leur disent là on connaît quelque chose d'intéressant.
04:15 Pour elles, ce sont des mondes vivants.
04:17 On le voit par exemple aujourd'hui encore chez les aborigènes en Australie.
04:22 Les aborigènes ont un lien très direct, un lien presque religieux aux images avec lesquelles ils vivent.
04:31 Ce sont non pas des témoignages de leur passé, mais finalement la mythologie avec laquelle ils vivent au quotidien
04:38 et qui fait partie finalement de leur univers mental.
04:41 Les expéditions coûtent très cher.
04:43 Une expédition c'est 400 000 à 500 000 euros.
04:46 Pour financer ces expéditions, quelqu'un comme Léo Frobenius, qui est présenté dans cette exposition,
04:57 est à l'époque un personnage extrêmement médiatique.
05:00 C'est un ami de l'empereur d'Allemagne.
05:02 L'empereur d'Allemagne met à sa disposition ses propres réseaux.
05:06 On le voit sur des images, on le voit avec un cigare.
05:09 C'est le cigare de la marque Frobenius.
05:11 Il a créé sa propre marque de cigare.
05:13 Il médiatise toutes ses expéditions.
05:16 Et d'une certaine manière, le fait de faire des conférences,
05:19 de faire connaître aussi tout ce savoir à un large public,
05:23 c'est un moyen pour lui de pouvoir continuer son aventure
05:28 et de financer aussi les expéditions à venir.
05:33 Là où Breuil avait vraiment un énorme travail académique de publication
05:37 qui était vraiment au cœur de ses recherches et de sa motivation,
05:41 un personnage comme Henri Lotte était très motivé, lui, par l'exposition,
05:45 par la visibilité, par aussi la médiatisation que pouvaient avoir ses découvertes.
05:50 Et donc, dès le départ et dès la manière de faire ces relevés,
05:53 dans la manière aussi de les rendre aussi beaux,
05:55 de choisir l'échelle une, de choisir la monumentalité,
05:58 il y avait l'idée de marquer les esprits.
06:00 Le travail n'est pas fini.
06:02 Et c'est toute l'ambiguïté de ces relevés.
06:04 Est-ce que c'est de la science ? Est-ce que c'est de l'art ?
06:06 Et on voit dans la dernière salle, par exemple, que des artistes contemporains,
06:10 comme la peintre portugaise Graça Moraes,
06:14 ou bien Abdoulaye Diallo, un peintre sénégalais,
06:18 dit le berger de Hengor,
06:20 s'inspirent encore de ces motifs pour continuer une œuvre très contemporaine,
06:26 aujourd'hui, au XXIe siècle.
06:29 [Musique]

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