• l’année dernière
Ce n’est certes pas sans émotion que j’ai reçu, chez moi, pour une Conversation de TVLibertés, Philippe de Saint Robert. Cet écrivain de grande race, dont on a souvent comparé le style à celui de Chateaubriand, je l’ai rencontré il y a quarante ans exactement, tandis que François Mitterrand venait de le nommer "Commissaire de la la Langue Française" auprès du premier ministre, ce qu’il fut quatre années durant - il me nomma directeur de cabinet, d'où naquit une amitié qui fut longtemps sereine. Sur le déroulement, et le lent effondrement de la Vème République, rien n’est plus instructif que la conversation de ce presque nonagénaire, témoin du "Secret des jours", titre de son plus important ouvrage (Lattès 1995) : très jeune, il rencontra plusieurs fois en tête à tête ce général De Gaulle qui, de l’Élysée, voyait la jeunesse de France lui échapper et fut heureux de découvrir que sa "politique capétienne" pouvait encore toucher quelques cœurs nouveaux ; puis vinrent ses rencontres avec Pompidou, qui le chargea d’ailleurs de quelques missions au Proche-Orient, aux fins de prolonger ce qu’on a appelé à tort "la politique arabe" et qu’il nomme la "politique méditerranéenne de la France". Journaliste à Combat puis chroniqueur au Monde, producteur à France Culture, plume occasionnelle de Jacques Chirac, dont il saisit assez vite les ressors, Philippe de Saint Robert connut le "tout Paris" politique et littéraire, de Montherlant à Malraux, de Mauriac à Camus, aussi bien que le Comte de Paris, dont il comprit avant bien d’autres l’importance que revêtaient ses relations avec le Général De Gaulle -comme il rencontra des chefs d’Etat étrangers attentifs à la politique de la France, du temps qu’elle en avait une… Cet infatigable défenseur de la langue française, qui n’hésite plus à nommer un chat un chat (à propos de l’islamisme, il ne parle pas d’immigration mais d’invasion, et accuse sans détours la colonisation culturelle américaine dont la France est hélas la victime consentante), préside actuellement l’Académie de la Carpette anglaise. Vous avez dit hélas ?
(Extrait du journal de P-M C)
Transcription
00:00:00 Depuis le 24 février 2022, la guerre en Ukraine a donné lieu à un déluge de propagande
00:00:11 dans les médias du système.
00:00:12 Refusant de voir les racines du conflit, de l'inquiétude russe face à l'avancée
00:00:16 des bases américaines de l'OTAN, aux vexations meurtrières subies par les populations russophones
00:00:21 du Donbass, les médias n'avaient qu'une seule phrase vissée à la bouche, la Russie
00:00:26 ne doit pas gagner.
00:00:27 La belle affaire.
00:00:28 Cette phrase incantatoire a fait l'impasse sur tout.
00:00:33 A commencer par la nécessité première de réinstaurer la paix.
00:00:36 Des gamelins de plateau télé ont peroré sur la situation sur le front qu'ils n'ont
00:00:41 jamais côtoyé.
00:00:42 Le président Poutine, il est comme Gros Minet, il est là en disant "cette fois-ci, je vais
00:00:46 me le faire".
00:00:47 L'amplitude des erreurs stratégiques commises par le régime Poutine.
00:00:52 Je regrette pour ma part que les Ukrainiens aient continué leur tentative de percer.
00:00:58 Ils se sont trop entêtés selon vous ?
00:01:00 C'est mon sentiment, oui.
00:01:01 Ils ont menti sur les pertes humaines colossales subies par l'Ukraine.
00:01:06 Ils ont menti sur l'issue inéluctable de ce conflit.
00:01:10 Et ils viennent aujourd'hui imputer leur échec aux combattants ukrainiens qui ont été
00:01:15 sacrifiés sur l'autel de l'OTAN.
00:01:17 Sur TVL, nous avons donné la parole à des experts qui connaissent la situation sur le
00:01:22 terrain et qui ne récitent pas les lubies atlantistes dont certaines chaînes d'information
00:01:26 en continu font désormais leur fonds de commerce.
00:01:28 Qui a dénoncé cette boucherie fratricide depuis plus de 600 jours ?
00:01:32 TVL.
00:01:33 Qui a relaté ces négociations anéanties par le britannique Boris Johnson en mars 2022
00:01:39 ? TVL.
00:01:40 Qui a expliqué dès le commencement, en 2014, que l'Ukraine était devenu le malheureux
00:01:47 nouveau terrain de jeu américain, son proxy, pour nuire à la Russie tout en affaiblissant
00:01:52 l'Europe ? TVL.
00:01:55 Sur TVL, nous avons fait le choix de ne relayer ni la parole de Washington, ni la parole de
00:02:01 Moscou.
00:02:02 Sur TVL, nous donnons la parole à la paix.
00:02:05 Car sans vérité, il n'y a point d'issue.
00:02:08 Sans vérité, il n'y a point de liberté.
00:02:11 Mais cette liberté, vous le savez, elle a un prix.
00:02:14 Alors pour continuer de vous informer avec honnêteté, j'ai besoin de votre soutien.
00:02:19 Et TVL a besoin de vous et de votre don.
00:02:22 Alors aidez TVL.
00:02:25 Je compte sur vous.
00:02:25 Merci.
00:02:26 [Musique]
00:02:42 [Musique]
00:03:07 Philippe de Saint-Robert, bonjour.
00:03:09 Bonjour Paul-Marie.
00:03:10 Comment ça s'est passé cette rencontre avec De Gaulle ?
00:03:13 Ces rencontres, parce qu'il y en a eu d'autres ensuite.
00:03:15 Parce que je lui avais adressé mon premier livre qui était "Le jeu de la France",
00:03:20 qui était un livre sur sa politique étrangère en fait.
00:03:23 Et il m'avait répondu, et en post scriptum, il avait mis "Je vous lis souvent dans les
00:03:31 feuilles, vous y êtes d'accord avec vous-même".
00:03:33 Ce qui était assez drôle, parce que ça correspondait au fait qu'à l'époque, dans
00:03:38 quelques fois, je m'en prenais un peu à Georges Pompidou, qui était son premier ministre,
00:03:43 et que je soupçonnais de ne pas être suffisamment ouvert à sa politique de participation en particulier.
00:03:50 Mais racontez-nous les rencontres, parce qu'il y en a eu plusieurs, du jeune étudiant
00:03:55 ou du jeune journaliste que vous étiez à l'époque avec le général De Gaulle.
00:03:58 C'était impressionnant quand on a 25 ou 30 ans.
00:04:01 C'était à la suite de ce livre, de cette lettre qu'il m'a écrite.
00:04:06 Et il m'a fait inviter à une réception un soir à l'Elysée, qui était, si je me
00:04:12 souviens bien, en l'honneur du président de la République turque.
00:04:16 C'était 66-67 ?
00:04:18 C'était 67.
00:04:20 Et quand on est passé pour saluer, il m'a dit "Je vous ai écrit sur votre livre,
00:04:29 vous n'en parlez pas, quand vous viendrez me voir".
00:04:31 Donc ça voulait dire qu'il fallait que j'aille le voir.
00:04:33 Une invitation.
00:04:34 Une invitation à vous faire inviter.
00:04:37 Bref, vous voilà devant ce grand homme.
00:04:41 Oui, ça m'a beaucoup impressionné.
00:04:43 J'ai eu l'impression que vous n'étiez pas intimidé.
00:04:45 Si, si, très intimidé.
00:04:48 J'ai retranscrit tout ça dans un autre livre qui est paru beaucoup plus tard,
00:04:54 qui s'appelle "Les septaines interrompues", où je parlais de mes rencontres avec le général
00:05:00 et avec Georges Pompidou, parce que je me suis un peu réconcilié avec Georges Pompidou,
00:05:06 qui lisait tout ce que j'écrivais, lui aussi dans "Combat",
00:05:09 qui était très sensible à ce qu'on écrivait.
00:05:12 Les successeurs s'en fichaient.
00:05:14 Mais lui était très sensible à cela, et il avait demandé à Edmond Michelet,
00:05:20 que je connaissais bien, de m'approcher.
00:05:23 Et donc il m'avait invité, après qu'il ait été élu président de la République,
00:05:28 à venir le voir à l'Elysée avec Edmond Michelet.
00:05:32 On a aussi lié un certain nombre de rencontres que j'ai racontées dans "Les septaines interrompues",
00:05:39 qui étaient très intéressantes.
00:05:41 Mais à l'époque, je gardais tout ça pour moi.
00:05:44 Je n'en parlais pas dans la presse, j'étais très discret.
00:05:46 Je n'en ai parlé qu'après.
00:05:48 Après la mort du général.
00:05:49 Et de Pompidou.
00:05:50 Et de Pompidou.
00:05:51 C'est-à-dire, 70 pour le général, 74 pour Pompidou.
00:05:54 Mais restons un peu sur ces...
00:05:58 Ça me fait rêver un peu, cette entrevue entre le vieux président et le jeune homme que vous étiez.
00:06:04 Il recevait tout de même pas mal de goules.
00:06:07 Il n'était pas enfermé dans sa tour d'ivoire, comme on dit qu'il l'était.
00:06:10 Non, pas du tout.
00:06:11 Il voyait d'abord...
00:06:12 Tous les compagnons de la Libération pouvaient venir le voir quand ils voulaient.
00:06:15 Quand ils voulaient.
00:06:16 Oui, oui.
00:06:17 Il était reçu automatiquement.
00:06:19 Puis il voyait un tas de gens.
00:06:21 Il y en a qui ne voulaient pas voir aussi.
00:06:23 Par exemple ?
00:06:24 Je crois que Jean-Raymond Tournoux, qui avait écrit des trucs qui avaient à disposer le général,
00:06:31 a mis beaucoup de temps à être à nouveau reçu.
00:06:35 Et il ne l'a pas été parce que le général est parti avant qu'il ait pu enfin regagner l'Antéchamps.
00:06:42 Avant 1969, donc.
00:06:44 Mais vous n'aviez pas d'engagement politique à ce moment-là.
00:06:48 J'écrivais dans Notre-République.
00:06:49 Alors Notre-République, c'est ce qu'est ce journal important, ce qu'on appelait les gaullistes de gauche.
00:06:55 C'était le journal de René Capitan, de Louis Vallon, de Léo Hamon,
00:07:01 qui d'abord était dirigé par Jean-Michel Royer, puis par Frédéric Grindel.
00:07:08 Et qui se distinguait un peu du reste du courant gaulliste incarné par l'UNR,
00:07:17 parce qu'il avait été le premier partisan de l'indépendance de l'Algérie,
00:07:23 et ensuite de la participation, qui ne plaisait pas du tout à la droite gaulliste.
00:07:29 Et à Pompidou.
00:07:31 À Pompidou, qui considérait que la participation consistait à mettre des soviets dans les usines.
00:07:38 Il avait dit ça.
00:07:39 Oui. Et Michel Debré aussi était contre.
00:07:42 Les gaullistes institutionnels de l'UNR étaient contre la participation.
00:07:46 On s'aperçoit à vous dire que De Gaulle n'était pas toujours obéi.
00:07:51 L'Élysée n'était pas toujours suivie par Matignon.
00:07:53 Non, non, non, absolument, absolument, oui.
00:07:56 Et d'ailleurs, dans l'esprit de cette participation,
00:08:00 on le croit que le général a voulu faire l'ultime référendum qui a été négatif.
00:08:06 Mais alors, comment l'avez-vous vu ce référendum ? La question était très mal posée.
00:08:11 Ah ben ça, c'est...
00:08:13 C'est Jeannenet.
00:08:15 C'est Jeannenet qui a fait un texte illisible.
00:08:17 Oui.
00:08:18 Bon, voilà, c'est tout.
00:08:19 Mais le drame, ça a été l'histoire du Sénat.
00:08:23 C'est-à-dire que le Sénat représentant toutes les collectivités locales...
00:08:28 Les notables et les notoires.
00:08:30 Oui, et dans la réception, le Sénat n'était pas supprimé, mais il était transformé en autre chose.
00:08:35 Et les électeurs du Sénat tels qu'il existait étaient évidemment opposés à cette transformation.
00:08:44 C'est-à-dire les maires, les conseillers des rôles, les notables, quoi.
00:08:47 Et donc il en est résulté une campagne hostile, voilà. Très hostile.
00:08:50 Perdu pas si mal que ça, parce que dans une douzaine de départements,
00:08:57 le oui l'emporte avec 55%.
00:09:00 Oui, peut-être, oui, oui. Enfin bon, le résultat...
00:09:02 Dans les provinces, le oui l'aurait emporté,
00:09:05 mais Paris et l'Île-de-France votent si massivement non que le non a fini par l'emporter.
00:09:11 Mais c'était pas si mal engagé,
00:09:16 étant donné que la partie était terrible pour le général.
00:09:19 Il avait tout le monde contre lui.
00:09:21 Alors il avait la gauche, toutes les gauches, dont l'extrême droite, comme disait Malraux en 65.
00:09:27 Il avait Giscard d'Estaing, il avait en dessous M. Pompidou, je pense, contre lui,
00:09:33 qui a plutôt fait voter non, au dire de plusieurs témoignages,
00:09:38 de Gaulliste de gauche notamment.
00:09:40 Et puis il avait toutes les ambassades.
00:09:42 Alors il avait contre lui l'ambassade des États-Unis,
00:09:44 qui ne supportait pas sa politique d'affirmation de la souveraineté française.
00:09:50 Il avait contre lui l'ambassade d'Israël pour les mêmes raisons,
00:09:53 l'ambassade d'Allemagne, l'ambassade d'Angleterre,
00:09:56 parce qu'il avait fermé la porte aux Anglais.
00:09:58 Il avait les grandes ambassades contre lui, à l'exception peut-être de Moscou d'ailleurs.
00:10:03 Les ambassades ne vaut quand même pas la politique de la France.
00:10:06 Elles influencent la presse.
00:10:10 Peut-être, oui. Certaines, oui.
00:10:12 Oui, par exemple.
00:10:14 Passons.
00:10:16 Vous avez écrit un livre contre l'influence allemande,
00:10:19 on en regardera,
00:10:23 qui a pour titre une phrase de Willy Brandt,
00:10:27 "Ne réveillons pas les chiens endormis".
00:10:29 Vous avez écrit un livre plus tard contre l'influence de l'Allemagne
00:10:32 sur la politique française.
00:10:34 Willy Brandt était très opposé à la France.
00:10:37 Il agaçait beaucoup Pompidou.
00:10:39 Pompidou ne supportait pas Willy Brandt.
00:10:41 Mais il avait dit "Ne réveillons pas les chiens endormis".
00:10:44 Ça nous a valu un très beau livre.
00:10:48 Il n'est pas sur cette table.
00:10:50 C'est un de vos ouvrages que l'on a dit un peu pamphlétaires.
00:10:53 Vous vous êtes senti pamphlétaires ?
00:10:56 Non, pas du tout.
00:10:58 George Bernanos disait
00:11:00 "Quand on me traite de pamphlétaires,
00:11:02 j'ai l'impression qu'on me traite de vieux dégoûtant."
00:11:05 Bon, alors revenons à Pompidou.
00:11:08 Comme Gaulliste de gauche,
00:11:12 "Nous n'irons pas à Lille"
00:11:14 c'est un fameux article de Notre République
00:11:16 refusant d'aller au congrès UNR
00:11:18 pour marquer une différence avec la politique de George Pompidou.
00:11:22 C'était Louis Vallon.
00:11:24 Louis Vallon avait une détestation de George Pompidou
00:11:26 qui était peut-être un peu excessive.
00:11:28 C'est-à-dire que c'était des hommes
00:11:31 qui s'étaient très bien connus
00:11:33 et fréquentés pendant la traversée du désert.
00:11:36 Et puis comme souvent, les vieilles amitiés, ça tourne mal.
00:11:39 Et Louis Vallon ne supportait pas Pompidou.
00:11:43 Et quand le général a remanié le gouvernement Pompidou
00:11:48 après les événements de mai 68,
00:11:51 il a dit à Pompidou de prendre Louis Vallon
00:11:53 et Pompidou lui a dit "Ah non, pas celui-là."
00:11:56 Donc il a pris Capitan à la place.
00:11:59 René Capitan, professeur de droit.
00:12:02 Mais alors qu'est-ce qu'ils avaient de gauche, ces Gaullistes de gauche ?
00:12:05 C'était la question de la participation.
00:12:07 La Gaulliste de gauche était acquis depuis toujours
00:12:11 à l'idée de l'indépendance de l'Algérie.
00:12:14 Ce qui n'allait pas du tout avec les autres Gaullistes
00:12:17 qui au début étaient encore dans l'idée de l'Algérie française.
00:12:20 Qui ont mis un certain temps à avaler l'évolution du général.
00:12:23 Enfin, les choix du général.
00:12:25 Michel Debré était un fanatique de l'Algérie française.
00:12:29 Et pourtant comme Premier ministre, il l'a mené à son terme.
00:12:32 Oui, il a été fidèle au général, mais dans la douleur.
00:12:36 Alors là, j'ai une objection à vous faire
00:12:39 à propos des Gaullistes de gauche, que je ne vous ai jamais faites je crois.
00:12:42 Mais je l'ai gardée dans un coin de mon cerveau.
00:12:46 Vous dites l'Algérie et la participation.
00:12:51 C'était deux points qui distinguaient les Gaullistes de gauche.
00:12:54 Mais est-ce que je peux vous faire une objection de fond là cette fois ?
00:12:59 Que ce soit la question algérienne ou celle de la participation,
00:13:05 votre opposition référait beaucoup à ce que j'appelais tout à l'heure la politique capétienne.
00:13:10 Car après tout, c'est plutôt à la lecture monarchiste
00:13:16 que les monarques avaient donné de notre politique.
00:13:21 Qui n'était pas une politique coloniale.
00:13:23 C'est la République qui a colonisé.
00:13:25 Et en cela, le général de Gaulle,
00:13:28 en ce qu'il a, pour l'Afrique noire d'abord, l'Algérie ensuite décolonisée,
00:13:35 a suivi une pente monarchiste.
00:13:37 D'ailleurs, rappelons que Breuil,
00:13:40 chef de l'opposition dans les années 1870 et 1880,
00:13:47 monarchiste, était opposé au crédit de colonisation
00:13:50 en disant "on n'a rien à faire dans ces pays-là".
00:13:53 C'est la République qui, au nom de la supériorité
00:13:55 de la civilisation française, de la révolution française,
00:14:00 des droits de l'homme, des Lumières, etc.,
00:14:03 se sont mis à coloniser.
00:14:04 Donc quand de Gaulle, d'inspiration monarchiste,
00:14:06 puisqu'il a lu l'Action française, sa soeur en a témoigné jusqu'en 1938,
00:14:10 décolonise, il est fidèle à la tradition capétienne.
00:14:13 Oui, mais en même temps, il n'est pas contre ce qu'on a fait.
00:14:16 Il n'aurait pas dit, comme les imbéciles d'aujourd'hui,
00:14:19 que la colonisation était un crime contre l'humanité.
00:14:22 Il n'aurait jamais dit une chose comme ça.
00:14:24 Je crois voir qu'il vous visait.
00:14:25 Non, moi non plus.
00:14:26 Mais il n'aurait pas dit des bêtises de ce genre.
00:14:29 C'était un acquis.
00:14:30 Le général considérait que les acquis étaient des acquis,
00:14:35 mais qu'il fallait évoluer et changer.
00:14:38 Et il était...
00:14:39 Je sais que Maurice Clavel, à l'époque, me l'a dit,
00:14:42 que même quand il est revenu en 1958,
00:14:46 au fond, dans son esprit,
00:14:48 il savait déjà que l'Algérie allait vers l'autodétermination.
00:14:52 Il ne pouvait pas le dire tout de suite.
00:14:54 Mais il le savait déjà.
00:14:55 Je crois qu'il l'a même dit à Clavel.
00:14:57 Oui, il l'a dit à son beau-frère.
00:14:58 Il l'a dit à pire personne.
00:14:59 Il a dit "mais non, mais non, ce n'est pas possible,
00:15:01 tout ça, de garder l'Algérie."
00:15:03 Parce qu'il voyait bien les problèmes démographiques
00:15:05 que ça poserait.
00:15:07 Il l'a dit à Jacques Vandrouw aussi.
00:15:09 Oui, mais c'est très, très clair.
00:15:12 Et alors, pareil, sur l'autre volet,
00:15:15 la participation, c'est pareil.
00:15:19 La participation, c'était le grand projet
00:15:23 du dernier monarque qui aurait pu régner,
00:15:27 c'est-à-dire Chambord, le duc de Chambord.
00:15:31 La participation, telle que de Gaulle,
00:15:33 on a repris le projet,
00:15:35 était à peu près directement inspirée
00:15:37 du programme du comte de Chambord,
00:15:39 qui a refusé de régner après 1870.
00:15:42 Mais c'était une vieille idée,
00:15:44 reprise d'ailleurs par l'action française.
00:15:46 L'action française, dans les années Vosgeois,
00:15:48 par exemple, dans les années 1910-1920,
00:15:51 reprenait le terme de la participation.
00:15:53 Donc, je ne vois pas ce que ça a de gauche.
00:15:55 En tous les cas, c'est une inspiration très monarchiste,
00:15:57 aussi bien la décolonisation que la participation.
00:15:59 C'est ni de gauche, ni de droite.
00:16:01 Il y a un petit livre du comte de Paris,
00:16:04 qui est paru avant la guerre,
00:16:06 qui s'appelait "Le prolétariat".
00:16:08 Un tout petit livre qui est très intéressant à lire.
00:16:10 Mais évidemment, en même temps,
00:16:12 ils étaient très influencés par le corporatisme,
00:16:15 par l'idée corporatiste de la Tour du Pain, etc.
00:16:18 - Du gaullisme, du gaullisme, pardon,
00:16:21 du catholicisme social.
00:16:23 - Oui, c'est ça, c'était ça.
00:16:25 Albert Demain, etc.
00:16:27 Le général était appréhé de tout ça.
00:16:29 Et en même temps, ça a été remis à la mode,
00:16:31 si j'ose dire, du temps du général,
00:16:33 par Louis Vallon et Michel Loacheau,
00:16:36 qui était un industriel, un entrepreneur,
00:16:40 qui avait construit toute une idée autour de ça.
00:16:43 Et un jour, Louis Vallon a réussi
00:16:46 à faire passer un amendement,
00:16:49 auquel le Premier ministre de l'époque,
00:16:52 je crois que c'était encore Debré,
00:16:54 n'a rien vu,
00:16:56 et qui était l'amendement Vallon,
00:16:58 qui était vraiment pour inscrire la participation.
00:17:01 Et c'est ce qui a engendré un conflit interne
00:17:04 au gaullisme à l'époque de Demain.
00:17:07 - Oui, parce qu'il y avait les chefs d'entreprise
00:17:09 et les syndicats, qui ne l'entendaient pas de cette horreur,
00:17:11 parce qu'ils voulaient garder leur monopole,
00:17:13 les uns et les autres, de la décision.
00:17:15 Contre les ouvriers.
00:17:17 Et de Gaulle disait, on fera la participation
00:17:19 comme on a fait la réforme agraire,
00:17:22 tôt ou tard, il faudra bien partager le pouvoir
00:17:24 dans les entreprises.
00:17:26 - Oui, c'était ça.
00:17:27 - On en est loin.
00:17:28 - Oui. Alors après, d'autres successeurs
00:17:32 ont repris à leur cause le mot,
00:17:34 mais pas la chose, avec l'intéressement.
00:17:37 Et l'intéressement, c'est pas la participation.
00:17:39 - C'était déjà un point de départ.
00:17:42 - Ça, c'est la version maladure.
00:17:44 - C'est la version plus que molle, oui.
00:17:47 Vous avez voté pour Pompidou,
00:17:49 il était président de la République.
00:17:51 Et comment le rencontrez-vous ?
00:17:53 Parce que lui aussi, vous allez le voir à l'Élysée.
00:17:55 Tout le monde vous fait venir à l'Élysée plusieurs fois.
00:17:57 - Oui, c'est Edmond Michelet.
00:17:59 C'est-à-dire qu'au moment de la campagne électorale,
00:18:01 le second tour, je lui avais envoyé un petit mot
00:18:03 pour lui dire que je voterais pour lui,
00:18:05 même si ça ne me réjouissait pas.
00:18:07 Et il m'avait répondu en me disant
00:18:09 que ça ne le réjouissait pas non plus,
00:18:11 voire disant qu'il ferait ce qu'il pourrait.
00:18:14 Et puis, ça a été publié, tout ça.
00:18:16 - Ça a été publié dans un livre qui s'appelle
00:18:19 "Le secret des jours" qui reprend,
00:18:21 notamment, mais augmente beaucoup
00:18:23 "Les septaines interrompues" de 1977.
00:18:25 Celui-ci étant de 1995.
00:18:27 C'est un peu votre maître livre,
00:18:29 enfin comme une quinzaine d'autres.
00:18:31 Je ne voulais pas qu'il les efface.
00:18:33 - Donc, il m'a invité à déjeuner
00:18:35 avec Edmond Michelet.
00:18:37 Et on a fait plusieurs déjeuners
00:18:39 avec Edmond Michelet.
00:18:41 Et puis, Edmond Michelet est mort,
00:18:43 malheureusement, brutalement en 1970,
00:18:45 je crois, ce qui m'a fait beaucoup de peine
00:18:47 parce que c'est un homme tout à fait remarquable.
00:18:49 Et je me suis dit, bon, j'irais plus pour Pinot.
00:18:51 Ben si, il a continué à...
00:18:53 Je lui ai envoyé des lettres.
00:18:55 - Les articles ?
00:18:57 - Elles ne sont pas reprises là-dedans.
00:18:59 Elles sont dans le premier volume
00:19:01 des "Septaines interrompues".
00:19:03 Elles ne sont pas reprises.
00:19:05 J'avais une correspondance avec lui.
00:19:07 Et à la suite de ça, généralement,
00:19:09 Saskrata me téléphonait en me disant
00:19:11 "le président a bien reçu votre lettre,
00:19:13 il vous en parlera quand vous irez le voir".
00:19:15 Et il m'invitait à déjeuner.
00:19:17 - Ah, il vous a invité à déjeuner ?
00:19:19 - Oui, on a fait le déjeuner en tête à tête
00:19:21 à plusieurs reprises.
00:19:23 - Je me méfie parce que je ne sais plus
00:19:25 si c'est vous qui m'avez dit, peut-être,
00:19:27 que Pompidou pensait qu'avec un déjeuner
00:19:29 on réglait tous les problèmes.
00:19:31 - Oui, oui.
00:19:33 - C'est un peu vrai.
00:19:35 - Mais alors, dans les conversations
00:19:37 que j'avais avec Pompidou,
00:19:39 sur le plan de la politique étrangère,
00:19:41 il était assez fidèle au général,
00:19:43 sauf sur un point,
00:19:45 qui était l'entrée de l'Angleterre
00:19:47 dans le marché commun,
00:19:49 parce qu'il était influencé par Michel Jobert,
00:19:51 mon grand ami Michel Jobert,
00:19:53 qui était un anglophile à tout poil,
00:19:55 et qui voulait absolument faire entrer
00:19:57 les Anglais dans le marché commun.
00:19:59 - Je suis rencontré en 1976, Michel Jobert.
00:20:01 - Oui.
00:20:03 - Il fait déjà 20 ans.
00:20:05 - A part l'entrée de l'Angleterre,
00:20:07 qui était une erreur,
00:20:09 qui s'est d'ailleurs mal terminée.
00:20:11 - Debré avait une théorie là-dessus.
00:20:13 - Alors Michel Debré était pour,
00:20:15 mais ça se défendait,
00:20:17 parce que Michel Debré disait
00:20:19 que quand les Anglais seront
00:20:21 dans le marché commun,
00:20:23 qui allait devenir la CE,
00:20:25 puis l'Union Européenne,
00:20:27 ils sont souverainistes,
00:20:29 donc ils empêcheront l'évolution
00:20:31 vers le fédéralisme.
00:20:33 - Ça ne s'est pas vraiment passé comme ça.
00:20:35 - Non, même la Mercedes-Cher a finalement un peu cédé.
00:20:37 - Les Anglais ont joué un double jeu,
00:20:39 comme d'habitude, c'est-à-dire qu'ils ont pris
00:20:41 ce qui leur était avantageux,
00:20:43 et ils ont laissé filer le fédéralisme,
00:20:45 on peut dire, la supranationalité.
00:20:47 - C'est comme quand Churchill
00:20:49 voulait pousser la France à entrer
00:20:51 dans la CED, et pas eux.
00:20:53 - Voilà. Double jeu anglais.
00:20:55 - C'était bon pour nous, mais pas pour eux.
00:20:57 - Ce que le général de Gaulle appelait les anglo-saxons.
00:20:59 - Oui, oui, ce sont les anglo-saxons.
00:21:01 - Oui.
00:21:03 Il faut écrire l'Allemagne, je crois, à mon avis,
00:21:05 dans les anglo-saxons, mais c'est un autre sujet
00:21:07 que l'on verra développé, d'ailleurs, je m'empresse de le dire,
00:21:09 dans un entretien avec Eric Branca,
00:21:11 dans le dernier numéro
00:21:13 du Nouveau Conservateur, paru en octobre
00:21:15 avec un peu de retard,
00:21:17 "Quand l'Occident se noie dans la mer des mensonges",
00:21:19 et nous répertorions les mensonges,
00:21:21 les 10 plus grands mensonges de l'époque,
00:21:23 et notamment le mensonge qui
00:21:25 présentait l'Angleterre,
00:21:27 puisque nous en parlons, la Grande-Bretagne,
00:21:29 comme la bonne élève
00:21:31 de la classe occidentale,
00:21:33 alors que la France
00:21:35 était de la mauvaise élève pendant la guerre.
00:21:37 Alors que, pendant
00:21:39 tous les années 30, montre Eric Branca,
00:21:41 l'Angleterre n'était pas loin de...
00:21:43 - Elle était très pro-Allemande.
00:21:45 Ils ont autorisé le réarmement
00:21:47 de la marine allemande.
00:21:49 - Ils nous ont obligés à l'autoriser.
00:21:51 C'est un jeu très, très ambigu.
00:21:53 Et d'ailleurs, heureusement que
00:21:55 Churchill a... - Est arrivé.
00:21:57 - A... - Une extrémiste.
00:21:59 - A obligé Edward V à partir, parce qu'Edward V
00:22:01 était pro-Allemand. - Oui, oui. Alors c'est drôle,
00:22:03 parce qu'il y a un long entretien, qui fait 5 ou 6
00:22:05 ou 7 pages, dans le
00:22:07 dernier numéro du Nouveau Conservateur,
00:22:09 avec Eric Branca, à propos d'un livre
00:22:11 qui retrace toutes les
00:22:13 complicités germano-anglaises,
00:22:15 dans les années 30.
00:22:17 Dieu sait qu'elles sont
00:22:19 nombreuses, et elles indiquent quelque chose,
00:22:21 à propos de ce dont De Gaulle parlait,
00:22:23 c'est-à-dire les Anglo-Saxons,
00:22:25 qu'il y a aussi des affinités
00:22:27 anglo-germaniques, et que les
00:22:29 Anglo-Saxons sont aussi des Saxons.
00:22:31 - Bien sûr, bien évidemment. - On le voit
00:22:33 aujourd'hui avec l'éconivance
00:22:35 des Allemands, avec
00:22:37 les Etats-Unis. - Bien sûr. - Que vous stigmatisez
00:22:39 notamment dans ce... - Oui, bien sûr.
00:22:41 - discours aux chiens endormis,
00:22:43 tout ça est une parfaite cohérence,
00:22:45 je dois dire. Ce qu'il y a de formidable
00:22:47 dans vos livres, c'est que la cohérence est parfaite,
00:22:49 et tout, au fil
00:22:51 du temps, démontre que vous aviez vu
00:22:53 une dimension prophétique,
00:22:55 pour moi, bien sûr, en tous les cas, que vous aviez vu
00:22:57 ce qui allait se passer, notamment ce
00:22:59 condominium germano-américain
00:23:01 qui mène l'Europe... - Ah oui, ça.
00:23:03 - et à la catastrophe.
00:23:05 - Vous avez écrit un très bon livre là-dessus.
00:23:07 - Oui. - Ça s'appelle "L'Europe
00:23:09 vers la guerre", je crois, en 97. - Merci beaucoup.
00:23:11 Merci beaucoup, cher maître,
00:23:13 vous êtes d'une amabilité.
00:23:15 - Merci.
00:23:17 - Parfaite, qui est rare chez mes invités.
00:23:19 Et alors,
00:23:21 vous vous réconciliez
00:23:23 en particulier,
00:23:25 non pas sur le volet
00:23:27 européen, avec Pompidou,
00:23:29 mais sur le volet
00:23:31 de ce qu'on a appelé la politique arabe de la France,
00:23:33 dont vous avez été, dont vous êtes
00:23:35 toujours un porte-parole
00:23:37 constant. - Oui,
00:23:39 d'ailleurs, je pense qu'on aurait plutôt appelé ça
00:23:41 la politique méditerranéenne de la France.
00:23:43 - Oui. - Je trouve que "politique arabe",
00:23:45 c'est pas un bon terme. Enfin,
00:23:47 il a été très employé...
00:23:49 - On peut substituer
00:23:51 la politique méditerranéenne, c'est beaucoup plus intéressant.
00:23:53 - Mais c'est vrai que, par exemple,
00:23:55 la politique que nous avons menée en Libye
00:23:57 à l'époque de Pompidou, je dois dire
00:23:59 modestement que j'en étais un peu l'inspirateur.
00:24:01 - Il vous a envoyé voir Kadhafi, non ?
00:24:03 - Non, mais j'étais... - Vous l'aviez vu,
00:24:05 déjà. - J'étais en Libye avant
00:24:07 le coup d'État de Kadhafi.
00:24:09 Il y avait encore
00:24:11 le roi Idriss. Et puis je suis
00:24:13 retourné plusieurs fois
00:24:15 et j'avais très vite compris
00:24:17 que la Libye, à l'époque,
00:24:19 au départ, était complètement dominée
00:24:21 par les Britanniques. Ils avaient deux bases militaires,
00:24:23 etc. Or,
00:24:25 évidemment, le premier
00:24:27 souci de Kadhafi
00:24:29 quand il a pris le pouvoir
00:24:31 pacifiquement, rappelons-le,
00:24:33 était de virer les Britanniques,
00:24:35 parce qu'il en avait par-dessus la tête,
00:24:37 de cette abu de souveraineté.
00:24:39 Alors, évidemment, les Russes étaient
00:24:41 à la porte. Et j'ai dit
00:24:43 à Georges Pompidou,
00:24:45 je me souviens très bien, je dis, "Vous savez,
00:24:47 je crois que les Libyennes n'ont pas du tout
00:24:49 envie des Russes. C'est à nous de jouer."
00:24:51 Et il l'a fait. Et on a fait
00:24:53 une politique libyenne très intelligente
00:24:55 à l'époque.
00:24:57 On a vendu des mirages, un grand
00:24:59 scandale du premier ministre
00:25:01 de l'époque qui était Chaban Delmas,
00:25:03 qui avait pratiquement
00:25:05 protesté contre le choix de Georges Pompidou,
00:25:07 le premier président de la République.
00:25:09 - Un légaliste. Chaban Delmas,
00:25:11 dont De Gaulle disait "C'est un zozo",
00:25:13 non, il ne vous avait pas dit ça ?
00:25:15 Un joueur de tennis, enfin, quelque chose comme ça.
00:25:17 - Il n'a jamais pris comme ministre.
00:25:19 - Il n'a jamais pris comme ministre.
00:25:21 Donc, il n'y a pas de grande filiation entre Chaban et Delmas.
00:25:23 - Et on a eu une grande
00:25:25 politique de coopération à l'époque
00:25:27 avec la Libye. Et tout ça
00:25:29 a été fichu en l'air plus tard par Giscard.
00:25:31 Parce que
00:25:33 Canafi était mal avec Anwar el-Sadat
00:25:35 et Giscard était coiffé
00:25:37 de Sadat. Et donc, pour faire
00:25:39 plaisir à Anwar el-Sadat,
00:25:41 il a peu à peu rompu
00:25:43 notre politique avec la Libye,
00:25:45 ce qui a été une erreur considérable.
00:25:47 - Il y avait un autre point
00:25:49 d'appui de la politique de la France,
00:25:51 on peut dire au Proche-Orient,
00:25:53 cette fois, c'était l'Irak.
00:25:55 - L'Irak, c'est...
00:25:57 - Vous avez fait partie d'une association d'amitié franco-iraquienne.
00:25:59 - Oui, bien sûr, bien sûr.
00:26:01 Mais ça, c'est surtout du temps de Chirac
00:26:03 que ça a été très...
00:26:05 Ça a commencé, je me demande si ça a...
00:26:07 Ça a commencé un peu du temps de Pompidou.
00:26:09 Mais dans l'esprit des Français,
00:26:11 l'Irak, c'était la chasse gardée des anglo-saxons.
00:26:13 - Et donc, il fallait mettre un coin
00:26:15 dans cette... - Je me souviens
00:26:17 quand mon ami Pierre Rossi
00:26:19 a voulu ouvrir un centre...
00:26:21 - C'était conseiller culturel à Bagdad.
00:26:23 - A voulu ouvrir un...
00:26:25 un centre culturel à Bagdad,
00:26:27 le Quai d'Orsay, il a dit "Oh là là,
00:26:29 non, non, c'est la chasse gardée des anglo-saxons."
00:26:31 - Mais on l'a quand même ouvert.
00:26:33 - Oui, il l'a quand même fait.
00:26:35 Enfin, c'est dire l'état d'esprit du Quai d'Orsay à l'époque.
00:26:37 - Il faut dire que en Syrie,
00:26:39 comme en Irak,
00:26:41 alors les Assad en Syrie
00:26:43 et Saddam Hussein en Irak
00:26:45 émanaient d'un parti,
00:26:47 le parti Basse,
00:26:49 qui était un parti laïque,
00:26:51 qui se méfiait beaucoup des intégristes musulmans,
00:26:53 qui se méfiait beaucoup
00:26:55 de l'influence américaine,
00:26:57 et qui ouvrait les bras, pour ainsi dire,
00:26:59 à la France de De Gaulle.
00:27:01 La troisième voie qu'incarnait De Gaulle.
00:27:03 - Absolument. En Irak, on a eu une grande politique en Irak.
00:27:05 Je ne sais plus, ça a commencé
00:27:07 probablement du temps de Pompidou,
00:27:09 en tout cas beaucoup avec Chirac,
00:27:11 et puis après ça s'est évidemment dégradé,
00:27:13 comme tout le reste,
00:27:15 jusqu'à la désastreuse
00:27:17 guerre d'Irak
00:27:19 de Bush père et fils.
00:27:21 - Les deux.
00:27:23 - Oui, les deux,
00:27:25 qui ont démoli le Moyen-Orient.
00:27:27 Vous savez,
00:27:29 le chaos du Proche-Orient,
00:27:33 c'est les américains.
00:27:35 - Alors vous connaissez la phrase de Condélisa Rice,
00:27:37 "Bubbles do not trouble",
00:27:39 c'est-à-dire
00:27:41 les gravats ne causent pas de troubles.
00:27:43 Vous détruisez, vous n'avez plus de problèmes.
00:27:45 C'est la politique du chaos.
00:27:47 - Oui, et puis,
00:27:49 et Maldonald Bryce, qui disait
00:27:51 qu'on pouvait tuer 500 000 hommes,
00:27:53 si c'était pour
00:27:55 installer la démocratie.
00:27:57 - Elle a dit ça.
00:27:59 - On a tué 500 000 hommes, mais il n'y a pas de démocratie.
00:28:01 - Le but était de détruire.
00:28:03 Et de détruire, notamment,
00:28:05 deux pays, même ensuite trois pays,
00:28:07 qui étaient tentés par la troisième voie française,
00:28:09 gaulliste et française,
00:28:11 la Libye, la Syrie
00:28:13 et l'Irak. Nous avions des très
00:28:15 proches relations avec l'Irak,
00:28:17 et je me souviens,
00:28:19 on va y venir à la langue française,
00:28:21 quand vous étiez, et j'étais à côté de vous,
00:28:23 en gérant la langue française, nous étions très émus
00:28:25 quand des officiels irakiens,
00:28:27 ça c'est au début des années 80,
00:28:29 nous demandaient
00:28:31 des émissions toutes faites
00:28:33 en français pour diffuser
00:28:35 des cours de français
00:28:37 à la télévision irakienne.
00:28:39 - Oui, absolument, il y a eu un grand effort
00:28:41 de faire à ce moment-là.
00:28:43 - En faveur de la langue française, donc de la France.
00:28:45 - Oui, oui.
00:28:47 Mais vous savez, ces pays arabes...
00:28:49 - C'est important pour la France, parce que ça donnait
00:28:51 une autre dimension, notamment pétrolière
00:28:53 à notre pays, qui nous arrachait à l'indépendance américaine.
00:28:55 - Alors, évidemment, c'était des dictatures,
00:28:57 mais ça l'est toujours.
00:28:59 On n'a pas fait mieux.
00:29:01 On s'émulait de ce qui ne nous regardait pas,
00:29:03 mais ça a été vraiment catastrophique,
00:29:05 la politique que les Américains
00:29:07 nous ont imposée au Proche-Orient,
00:29:09 c'était une catastrophe. - Mais pourquoi l'avons-nous suivi ?
00:29:11 - Parce qu'on était
00:29:13 passé à des régimes
00:29:15 qui n'avaient plus assez
00:29:17 d'épaules pour résister
00:29:19 à la pression américaine. - Ni d'épaules, ni de colottes
00:29:21 vertébrales, qui étaient soumises aux Etats-Unis.
00:29:23 Alors,
00:29:25 vous avez rencontré Saddam Hussein,
00:29:27 je crois ? - Oui, oui. - Deux fois ?
00:29:29 - Oui, une fois, une fois.
00:29:31 J'ai été plusieurs fois en Irak, mais il nous a
00:29:33 reçus une fois.
00:29:35 - À Fable ?
00:29:37 - Comment ? - À Fable.
00:29:39 Il était aimable, non ? - Tout à fait, tout à fait.
00:29:41 Mais c'était un voyage,
00:29:43 il y avait également
00:29:45 des représentants de...
00:29:47 - Des parlementaires ?
00:29:49 - Il y avait également
00:29:51 Bujon de Létang,
00:29:53 et un autre ministre, je ne me souviens plus le mot.
00:29:55 - Bujon n'était pas ministre, mais ambassadeur.
00:29:57 Mais enfin, il y a eu... - Non, Bujon de Létang
00:29:59 était à l'époque le conseiller diplomatique
00:30:01 de Chirac. - De Chirac, c'est ça.
00:30:03 - Et alors, c'était l'époque où
00:30:05 les Irakiens insistaient beaucoup auprès de nous
00:30:07 pour avoir des armements. On était un peu gênés.
00:30:09 Des armes, on en donnait trop.
00:30:11 - Mais on avait donné,
00:30:13 on avait commencé à donner l'arme nucléaire
00:30:15 à l'Irak. - Pas l'arme nucléaire,
00:30:17 mais enfin... - Aux Irak,
00:30:19 c'était... - Que les
00:30:21 Israéliens ont bombardés
00:30:23 du jour au lendemain. - Ah non, pas du jour au lendemain !
00:30:25 Entre
00:30:27 la présidentielle en 1981,
00:30:29 entre la présidentielle qui venait d'Éliott Mitterrand
00:30:31 en mai 1981,
00:30:33 et les législatives qui ont suivi à un moment
00:30:35 où il y avait parfaite vacances du pouvoir,
00:30:37 c'est juin 1981, la destruction
00:30:39 d'Aux Irak. - Non, Barret est Premier ministre à l'époque.
00:30:41 Raymond Barret est Premier ministre.
00:30:43 - Je parle de la destruction, on ne parle pas de la même chose.
00:30:45 Je parle de la destruction
00:30:47 d'Aux Irak, c'est 2 juin, je l'ai vu
00:30:49 il y a trois jours, 2 juin 1981.
00:30:51 Justement au moment où il y avait
00:30:53 une vacance du pouvoir.
00:30:55 On parle de Saddam Hussein, vous avez rencontré
00:30:57 Assad aussi ? - Jamais.
00:30:59 - Jamais, non. Le roi de Jordanie,
00:31:01 je crois que vous l'avez rencontré. - Le roi
00:31:03 Hassan II, oui.
00:31:05 - Assad de Jordanie. - Oui.
00:31:07 Hussein, Hussein. - Hussein de Jordanie, oui.
00:31:09 Hassan II, c'est
00:31:11 le roi du Maroc. Vous l'avez rencontré, Hassan II aussi ?
00:31:13 - Non. - Vous avez rencontré tellement de monde.
00:31:15 - Oui, non, non. J'étais invité une fois pour
00:31:17 ses 40 ans, mais je ne l'ai pas vu,
00:31:19 mais personnellement. - Bon.
00:31:21 Je sais que vous avez rencontré aussi Fidel Castro dans la série
00:31:23 des grands personnages.
00:31:25 - C'est un grand moment, c'est un grand moment.
00:31:27 - Racontez-nous comment vous êtes allé voir Fidel Castro.
00:31:29 - J'ai été invité parce qu'à l'époque,
00:31:31 notre République
00:31:33 étant "gaulise de gauche"
00:31:35 entre guillemets. - Oui, beaucoup de guillemets, oui.
00:31:37 - Ils avaient invité,
00:31:39 c'était au moment de ce qu'on a appelé
00:31:41 le Congrès culturel
00:31:43 de la Havane
00:31:45 en 60, début 68.
00:31:47 Et donc,
00:31:49 notre République
00:31:51 m'avait envoyé là-bas.
00:31:53 Il y avait
00:31:55 beaucoup de
00:31:57 gauchistes français,
00:31:59 de... - Ah oui, des Mao.
00:32:01 - Alors oui, c'était tous ceux qui allaient
00:32:03 prendre la montagne Sainte-Geneviève après,
00:32:05 au mois de mai, mais ils n'étaient pas
00:32:07 encore... - Le pantalon d'assaut.
00:32:09 - Et alors, c'était très intéressant.
00:32:11 Et j'étais au milieu,
00:32:13 il y avait un de mes amis, qui malheureusement
00:32:15 disparu aujourd'hui, belge,
00:32:17 qui s'appelait
00:32:19 Luc Béhiard de Ricks,
00:32:21 qui était
00:32:23 un flamand
00:32:25 de langue française. - Qui a présenté
00:32:27 le journal de la RTBF pendant très longtemps.
00:32:29 - Oui, qui était ultra-gaulliste.
00:32:31 Et qui avait été invité là.
00:32:33 On était les deux seuls gaullistes.
00:32:35 Mais donc, on était là.
00:32:37 Et alors, à un cocktail,
00:32:39 où Fidel Castro
00:32:41 est venu, il est passé devant nous,
00:32:43 et on lui a demandé
00:32:45 ce qu'il pensait
00:32:47 du général de Gaulle.
00:32:49 Il nous dit "c'est un rebelle comme moi".
00:32:51 - Et une rebelle comme Néon.
00:32:53 - Oui, il m'a dit "c'est un espagnol".
00:32:55 Mais comme je ne connais pas l'espagnol, j'ai peur de faire une fois.
00:32:57 - Comment vous avez fait, parce que je sais
00:32:59 que vous étiez un des derniers à voir
00:33:01 Athénagoras,
00:33:03 le chef d'état chypriote
00:33:05 avant l'invasion turque.
00:33:09 - Je cherche son nom.
00:33:11 - Athénagoras. - Non, c'est pas Athénagoras.
00:33:13 Je me confondais avec le patriarche
00:33:15 dominique.
00:33:17 Ça va me revenir, pas grave.
00:33:19 - Mais Fabrice, vous avez rencontré
00:33:21 quand il était le chef d'état.
00:33:23 - Je l'ai rencontré
00:33:25 deux jours avant sa mort.
00:33:27 Et il m'a dit "quand je déciderai de mourir,
00:33:29 je rentrerai à Paris".
00:33:31 Et quand je suis arrivé à Paris,
00:33:33 il était mort.
00:33:35 Je n'arrive pas à retrouver son nom.
00:33:37 - Bon, on va retrouver son nom.
00:33:39 Et cette propension que vous avez
00:33:41 à rencontrer des chefs d'état
00:33:43 m'a toujours surpris.
00:33:45 - Je ne suis pas le seul, vous savez.
00:33:47 - Non, c'est vrai. Vous n'arrivez pas à tout le monde.
00:33:49 Et chaque fois,
00:33:51 des comptes rendus dans la presse.
00:33:53 Après avoir écrit dans "Le combat qui disparaît
00:33:55 peu à peu", vous écrivez dans "Le Monde"
00:33:57 très régulièrement, parce que vous étiez ami
00:33:59 à André Fontaine qui a été longtemps le directeur du "Monde".
00:34:01 - Non, Fauvet.
00:34:03 C'est Fauvet qui m'a adopté.
00:34:05 - Prédécesseur d'André Fontaine.
00:34:07 - J'aime bien André Fontaine, mais enfin il était
00:34:09 - Plus louvoyant.
00:34:11 Jacques Fauvet.
00:34:13 - Jacques Fauvet aimait...
00:34:15 Il n'avait pas du tout mes idées.
00:34:17 Il y passait pour un homme de la vieille gauche.
00:34:19 Mais il aimait avoir des gens variés.
00:34:21 Et il y avait une page 2 du "Monde"
00:34:23 qui à l'époque était très brillante
00:34:25 et où j'avais une tribune tous les 15 jours.
00:34:27 - En incarnance avec Gabriel Maznev.
00:34:29 - Oui, il y en avait une aussi.
00:34:31 Gilbert Comte.
00:34:33 - Gabriel Maznev qui est resté un de vos très bons amis.
00:34:35 - Ah ben, vous vous en parlez depuis l'âge de 20 ans.
00:34:37 - Quand vous allez voir le roi Hussein de Jordanie,
00:34:39 vous étiez avec lui, je crois.
00:34:41 - Il était là.
00:34:43 Il a failli nous faire...
00:34:45 Ça a été fait une catastrophe
00:34:47 parce qu'on entre dans le couloir
00:34:49 qui était...
00:34:51 Tout était ciré d'une manière extraordinaire.
00:34:53 Et Gabriel Maznev qui est un
00:34:55 tantinologue célèbre me dit...
00:34:57 - Tantinologue, c'est-à-dire amateur de tintin.
00:34:59 - Oui, je lui ai dit
00:35:01 "Cire, votre majesté,
00:35:03 votre cire est trop bonne."
00:35:05 Et là-dessus, la porte s'ouvre
00:35:07 et il y avait le roi devant nous.
00:35:09 - De poufée.
00:35:11 - Oui.
00:35:13 - Bon, il a bien pris, je pense, le roi Hussein
00:35:15 qui était un bon enfant.
00:35:17 C'était difficile de traduire, peut-être.
00:35:19 Mais pendant
00:35:21 ces années 70,
00:35:23 alors là, c'est une autre musique.
00:35:25 Vous écrivez régulièrement
00:35:27 dans le monde et
00:35:29 vous rompez des lances,
00:35:31 on peut dire, avec le président de la République
00:35:33 de l'époque qui était Giscard d'Estaing.
00:35:35 Alors là, c'était
00:35:37 le foutriquet
00:35:39 avant l'heure, on peut dire, non ? Pour vous, Giscard.
00:35:41 - Giscard m'a toujours paru...
00:35:43 Pompidou m'avait dit
00:35:47 "Je ne laisserai pas la France à Giscard d'Estaing."
00:35:49 Mais ça lui a échappé.
00:35:51 - Oui, Pompidou.
00:35:53 - Et...
00:35:55 Je ne sais pas, j'ai toujours, j'ai jamais eu la moindre affinité
00:35:57 avec Giscard d'Estaing.
00:35:59 Et je dois dire
00:36:01 que j'ai eu raison.
00:36:03 Alors, quand il est devenu président...
00:36:05 - Une fois de plus ?
00:36:07 - Oui. Enfin, il a un peu louvoyé
00:36:09 sur certains sujets.
00:36:11 Mais il n'avait pas vraiment de vision.
00:36:13 Et puis, il pensait que la France
00:36:15 était devenue un petit pays. Voilà.
00:36:17 Et à partir du moment où vous avez ça en tête,
00:36:19 vous faites la politique d'un petit pays.
00:36:21 - Il y a quelque chose de très important, là.
00:36:23 Vous savez que Michel Pinton,
00:36:25 un de nos amis communs,
00:36:27 le fondateur de l'UDF,
00:36:29 qui a été proche de Giscard,
00:36:31 qui a été très important à son cabinet
00:36:33 du temps de l'Élysée,
00:36:35 et qui l'a ensuite laissé tomber,
00:36:37 rapporte dans son dernier ouvrage que Giscard lui a dit
00:36:39 "Il faut un peu normaliser la France."
00:36:41 - Oui, oui, bien sûr.
00:36:43 - "La France ne compte plus.
00:36:45 Elle a un destin comme tout autre
00:36:47 pays européen.
00:36:49 Les Français veulent bénéficier de la croissance,
00:36:51 de la prospérité économique
00:36:53 et de la marchandise, justement.
00:36:55 Et l'exception culturelle
00:36:57 française, c'est fini."
00:36:59 Il a dit ça à Michel Pinton.
00:37:01 Donc c'est du Macron
00:37:03 avant l'heure.
00:37:05 - Il avait le dépire, il a dit "On sera français
00:37:07 comme on est catholiques ou protestants."
00:37:09 Enfin, des choses comme ça.
00:37:11 - En éradiquant la souche.
00:37:13 - Oui. D'où sa constitution européenne.
00:37:15 - Oui.
00:37:17 - Dont les Français n'ont pas voulu, Dieu merci.
00:37:19 - Oui. - Encore que...
00:37:21 - Ils l'ont quand même. - Ben oui, ils l'ont quand même
00:37:23 grâce à Sarkozy. - À cause.
00:37:25 - Oui. - À cause de Sarkozy et puis tout le système
00:37:27 a joué parce que petit à petit, nous parlons des chefs d'État,
00:37:29 mais petit à petit, il y a toute une oligarchie
00:37:31 qui prend possession de l'État,
00:37:33 qui est d'un conformisme parfait,
00:37:35 d'un atlantisme
00:37:37 et d'un germanisme, ça va ensemble
00:37:39 comme nous le disions, pur et parfait,
00:37:41 et qui a gommé la politique française
00:37:43 telle que vous l'aviez décrite dans le jeu de la France,
00:37:45 dans le secret des jours,
00:37:47 le secteur ininterrompu et autres ouvrages.
00:37:49 Ça vous fait de la peine, ça, je pense.
00:37:51 - Oh ben, ça me consterne.
00:37:53 Mais qu'est-ce que vous voulez ?
00:37:55 Je ne sais pas, je ne crois pas
00:37:57 qu'on revienne en arrière.
00:37:59 Je ne crois pas qu'on retrouve...
00:38:01 On a été trop loin dans l'abandon.
00:38:03 - C'est grave ce que vous dites. - Oui, oui.
00:38:05 C'est pas ce qu'il faudrait.
00:38:09 Regardez, dans les guerres qui nous menacent actuellement,
00:38:11 que ce soit en Ukraine
00:38:13 ou en Palestine,
00:38:15 on s'aligne sur les américains,
00:38:17 partout.
00:38:19 Donc, qu'est-ce que vous voulez faire ?
00:38:21 Alors, on s'aligne,
00:38:23 puis on se reprend un petit peu,
00:38:25 après s'être alignés,
00:38:27 on fait quelques réserves,
00:38:29 mais c'est pas grand-chose.
00:38:31 - Vous êtes passé
00:38:33 pour assez opposé
00:38:35 à la politique de colonisation israélienne ?
00:38:37 - Oh, écoutez...
00:38:39 Après 1973,
00:38:41 après 1967 et 1973,
00:38:43 ça vous a valu
00:38:45 beaucoup d'ennemis en ville.
00:38:47 - Mais vous savez, qui est responsable
00:38:49 de ce qui se passe en ce moment ?
00:38:51 Ce ne sont pas les israéliens, c'est les américains.
00:38:53 Quand vous pensez que
00:38:55 James Baker, qui était secrétaire d'État
00:38:57 de Bush, puis c'est le père ou le fils,
00:38:59 avait dit...
00:39:01 - Le père. - ...avait été
00:39:03 promettre aux russes
00:39:05 que jamais l'OTAN ne s'approcherait
00:39:07 de la frontière de la Russie.
00:39:09 - Oui, il mente.
00:39:11 - Bon. Et...
00:39:13 Et il avait dit
00:39:15 aux israéliens
00:39:17 d'arrêter de coloniser.
00:39:19 J'ai légé les textes.
00:39:21 Bon. Et puis tout ça n'a pas été suivi
00:39:23 des faits. Les américains n'ont pas de suite
00:39:25 dans les idées. Ils disent des choses,
00:39:27 ils font le contraire. Et c'est eux
00:39:29 les responsables du chaos actuel.
00:39:31 Parce que les israéliens se font toujours
00:39:33 tout cru permis
00:39:35 parce que les américains les couvrent
00:39:37 toujours.
00:39:39 Alors actuellement, les américains font semblant
00:39:41 de revenir en arrière pour l'histoire
00:39:43 des deux États. Mais comment vous les faire
00:39:45 deux États ? Où les ferez-vous, les deux États ?
00:39:47 - Là, vous êtes aussi
00:39:49 très pessimiste. Vous m'obligez à faire à nouveau
00:39:51 un coup de publicité pour le nouveau conservateur
00:39:53 parce que parmi les mensonges que nous
00:39:55 décortiquons, il y a les mensonges impériaux
00:39:57 en Russie, vous venez de le dire, en Ukraine,
00:39:59 mais aussi au Proche-Orient.
00:40:01 Il y a ce mensonge énorme de Colin Powell,
00:40:03 vous vous souvenez ?
00:40:05 Qui a d'ailleurs avoué que ce jour-là, il a eu honte.
00:40:07 Ensuite, avant sa mort.
00:40:09 Mais il a brandi
00:40:11 une fission
00:40:13 pleine d'anthrax,
00:40:15 paraît-il,
00:40:17 qui aurait été prélevée
00:40:19 dans les
00:40:21 armées
00:40:23 irakiennes,
00:40:25 présupposant que l'Irak
00:40:27 voulait déclencher une guerre
00:40:29 chimique contre l'Occident.
00:40:31 Mais vous savez,
00:40:33 je me suis trouvé en Irak
00:40:35 deux semaines avant
00:40:37 le déclenchement d'une seconde guerre.
00:40:39 Et je rentre à Paris.
00:40:41 En 2003 alors ?
00:40:43 Pardon ?
00:40:45 Je rentre à Paris,
00:40:47 j'ouvre un journal, je ne le nommerai pas,
00:40:49 et je vois un grand article...
00:40:51 Un journal d'histoire ?
00:40:53 Non, du matin. Et je vois un grand article
00:40:55 d'un journaliste
00:40:57 qui écrit encore, parce que j'ai encore vu
00:40:59 cet article de lui dans un autre journal,
00:41:01 expliquant qu'il y avait dans une usine
00:41:03 que j'avais visitée
00:41:05 l'avant-veille,
00:41:07 toutes les preuves
00:41:09 de l'armement atomique des Irakiens.
00:41:11 Or, j'avais visité
00:41:13 cette usine, il n'y avait rien.
00:41:15 Tout était détruit.
00:41:17 Et le journal disait que ça existait.
00:41:19 Et c'était comme ça
00:41:21 que les Français étaient informés.
00:41:23 Vous voyez que la propagande passe à travers la presse ?
00:41:25 Oui, oui.
00:41:27 Les journaux répétaient
00:41:29 ce qu'on leur disait de dire, sans vérifier.
00:41:31 J'étais outré quand j'ai lu ça.
00:41:33 J'ai dit, c'est une usine, j'y ai été il y a deux jours,
00:41:35 tout est détruit.
00:41:37 Parce qu'il y avait eu la commission Blix avant.
00:41:39 Oui, il avait attesté.
00:41:41 Oui, il n'y avait plus rien.
00:41:43 Un tissu de mensonge pour détruire.
00:41:45 Pour avoir des raisons de détruire.
00:41:47 Parce que Bouchifle,
00:41:49 je ne sais pas pourquoi,
00:41:51 il voulait absolument détruire l'Irak.
00:41:53 Il a détruit l'Irak.
00:41:55 Dick Cheney, son vice-président, le savait.
00:41:57 Oui, oui, ils étaient tous pareils.
00:41:59 Dick Cheney, Colin Powell,
00:42:01 ils étaient tous d'accord.
00:42:03 Les fameux faucons.
00:42:05 Sur Israël, je vous trouve optimiste,
00:42:07 aucune solution n'est envisageable pour vous.
00:42:09 Les deux États n'est pas viable.
00:42:11 Comment voulez-vous ?
00:42:13 Ils ont installé 700 000 colons en Sydney-Jordanie.
00:42:15 Comment est-ce qu'ils vont les évacuer ?
00:42:17 À Hébron, ils ont décolonisé.
00:42:19 Charles a décolonisé une ville,
00:42:21 Hébron.
00:42:23 On peut décoloniser à large échelle.
00:42:25 Ben, allez-y.
00:42:27 Il s'est joué quelque chose
00:42:29 de très important.
00:42:31 Nous le relatons aussi dans le Nouveau Conservateur en 1921.
00:42:33 Un congrès juif,
00:42:35 un des premiers congrès juifs,
00:42:37 se déchire sur la question
00:42:39 de savoir quelles sont les limites d'Israël.
00:42:41 Et il y a
00:42:43 un chef de file
00:42:45 qui s'appelle
00:42:47 Jakotovitch, je crois,
00:42:49 ou Jabotovitch,
00:42:51 qui est partisan du Grand Israël.
00:42:53 Il refuse d'ailleurs la déclaration Balfour
00:42:55 parce que Balfour
00:42:57 admettait un foyer juif en Palestine,
00:42:59 mais pas du tout le Grand Israël
00:43:01 qui devait aller jusqu'au Tigre et le Frat.
00:43:03 Oui, mais un foyer,
00:43:05 ce n'était pas une nation.
00:43:07 Et oui, c'était autre chose.
00:43:09 Le terrorisme juif,
00:43:11 on a décidé autrement
00:43:13 parce qu'il y a eu du terrorisme dans les années 1920 et 1930.
00:43:15 L'hôtel du roi David
00:43:17 qui a sauté
00:43:19 avec tout ce qu'il y avait dedans.
00:43:21 Ce n'était pas du terrorisme tout ça.
00:43:23 L'Israël procède du terrorisme.
00:43:25 Mais revenons sur ce que je disais
00:43:27 parce que je crois que c'est assez intéressant.
00:43:29 Il y a eu deux Israëls.
00:43:31 Il y a eu un Israël
00:43:33 qui paraissait très valable
00:43:35 et notamment que De Gaulle a soutenu,
00:43:37 celui du fondateur...
00:43:39 Ersel ?
00:43:41 Non.
00:43:43 Ben Gourion.
00:43:45 Qui était plutôt un Israël de gauche,
00:43:47 un Israël travailliste.
00:43:49 Ben Gourion n'a quand même jamais voulu définir
00:43:51 les frontières de l'État d'Israël.
00:43:53 Oui, mais en face de lui, il avait
00:43:55 on peut dire des fanatiques.
00:43:57 Et ces fanatiques ont eu un historien
00:43:59 partisan du Grand Israël
00:44:01 qui avait fait d'ailleurs
00:44:03 une monographie
00:44:05 sur ce congrès de 1921.
00:44:07 Et cet historien
00:44:09 est mort à 102 ans.
00:44:11 C'est le père de Netanyahou.
00:44:13 Farouchement partisan du Grand Israël.
00:44:15 Et des professeurs,
00:44:17 notamment un que j'aime nommer
00:44:19 Jean-Pierre Filliou, qui est professeur
00:44:21 à la science politique, dit qu'il y a eu deux Israëls.
00:44:23 Il y a celui de Ben Gourion,
00:44:25 l'Israël travailliste, celui qui va
00:44:27 très loin dans la reconnaissance du second État
00:44:29 avec Yitzhak Rabin
00:44:31 et l'a s'assassiné.
00:44:33 Vous savez d'ailleurs que le portrait
00:44:35 de l'assassin d'Yitzhak Rabin
00:44:37 qui est à l'origine des accords d'Oslo
00:44:39 avec Arafat, trône
00:44:41 dans le bureau du ministre des Finances
00:44:43 actuel d'Israël.
00:44:45 Mais Rabin avait été extrémiste au départ.
00:44:47 Oui, mais là il avait été
00:44:49 très conciliant.
00:44:51 Les accords d'Oslo,
00:44:53 c'était la logique politique qui nous allait tout à fait.
00:44:55 En face, il y a un second Israël
00:44:57 qui est celui qui a refondé, on peut dire,
00:44:59 Netanyahou, pour
00:45:01 une politique extrêmement agressive
00:45:03 et qui ne se connaît plus de borne.
00:45:05 Il n'y a plus de majorité actuellement
00:45:07 en Israël, de "gauche".
00:45:09 Les travaillistes ont disparu.
00:45:11 Oui, ils ont disparu.
00:45:13 Alors qu'est-ce qui va arriver quand Netanyahou
00:45:15 sera enfin balayé ?
00:45:17 Ça ne veut pas dire qu'il y aura
00:45:19 un Premier ministre
00:45:21 ou Président, je ne sais pas comment il les appelle,
00:45:23 plus pragmatique
00:45:25 que lui.
00:45:27 Le parti des politiques, comme disait
00:45:29 Jean Baudin au VIème siècle,
00:45:31 a disparu.
00:45:33 Les rois de France avaient
00:45:35 été très conciliants.
00:45:37 Henri III avait
00:45:39 mis sur le trône le chef des
00:45:41 protestants à titre de conciliation. Henri Navarre,
00:45:43 le futur Henri IV,
00:45:45 Richelieu avait
00:45:47 passé alliance avec les princes protestants.
00:45:49 C'est-à-dire en passant par-dessus
00:45:51 la logique
00:45:53 religieuse.
00:45:55 De même que François Ier, au soir de
00:45:57 Pavie, envoie sa bague aux grands turcs
00:45:59 pour desserrer
00:46:01 l'étau impérial
00:46:03 à deux bourgeois.
00:46:05 Mais ça, ce sont des logiques politiques,
00:46:07 on peut dire chrétiennes d'une certaine façon,
00:46:09 qui prennent en compte le point de vue
00:46:11 de l'autre en passant
00:46:13 au-dessus des logiques
00:46:15 religieuses. Ça n'existe plus.
00:46:17 Vous évoquez
00:46:19 un temps où la France
00:46:21 avait une puissance mondiale.
00:46:23 Oui. Elle n'a plus.
00:46:25 Oui, mais je veux dire que la logique
00:46:27 strictement politique peut
00:46:29 prendre le pas sur la logique
00:46:31 religieuse et c'est ce qui manque en Israël.
00:46:33 Enfin en Palestine.
00:46:35 Parce que pareil, l'extrémisme
00:46:37 musulman est un fanatisme.
00:46:39 La clé de la paix
00:46:41 en Palestine, elle est à
00:46:43 New York. Elle est à Washington plutôt.
00:46:45 Elle n'est pas ailleurs.
00:46:47 Toujours les Américains diront aux Israéliens
00:46:49 "ça suffit, on ne vous
00:46:51 couvre plus si vous ne faites pas ceci ou cela."
00:46:53 Voilà, c'est tout.
00:46:55 Bon, point.
00:46:57 Parce que l'État d'Israël
00:46:59 ne vit que par perfusion.
00:47:01 Sur le plan militaire, sur le plan financier,
00:47:03 sur tous les plans.
00:47:05 Oui, mais Saint-Robert, qui dépend de qui dans cette affaire ?
00:47:07 Vous savez, il y a un proverbe
00:47:09 arabe qui dit que c'est le chien
00:47:11 qui dépend de sa queue.
00:47:13 C'est la queue qui remue le chien.
00:47:15 La queue qui remue le chien.
00:47:17 Il y a une interdépendance entre les faucons, en tous les cas,
00:47:19 d'Israël et les faucons américains,
00:47:21 le deep state américain, qui est indissoluble.
00:47:23 Est-ce qu'il y aura toujours
00:47:25 les mêmes faucons aux États-Unis ? On ne sait pas.
00:47:27 Peut-être.
00:47:29 Bon, enfin.
00:47:31 Vous remarquez que Trump veut dégager,
00:47:33 s'il revient au pouvoir,
00:47:35 il veut dégager les États-Unis
00:47:37 de leurs interventions
00:47:39 dans le monde entier,
00:47:41 mais en même temps, il s'est révélé un des meilleurs
00:47:43 lui-même soutien d'Israël,
00:47:45 en éménageant l'ambassade des États-Unis
00:47:47 à Jérusalem.
00:47:49 Vous savez que Netanyahou se flatte d'avoir fait élire Trump.
00:47:51 Pour faire battre Obama et les démocrates
00:47:53 qui voulaient réorienter
00:47:55 la politique américaine.
00:47:57 C'est compliqué la politique,
00:47:59 et que ça donne mal à la tête.
00:48:01 Oui. Bon, il faut tourner les pages
00:48:03 de temps en temps.
00:48:05 Lisez, chers amis,
00:48:07 ce merveilleux livre
00:48:09 "Le secret des jours" qui est une chronique
00:48:11 de la 5ème république de vos entretiens
00:48:13 avec le général de Gaulle,
00:48:15 avec Pompidou.
00:48:17 Si je rappelle ça,
00:48:19 c'est qu'il y a dans ce
00:48:21 "Secret des jours" des pages
00:48:23 que nous avons touchées
00:48:25 du bout de l'aile tout à l'heure,
00:48:27 où vous conversez
00:48:29 avec le général de Gaulle sur le compte de Paris.
00:48:31 Le général me dit d'abord,
00:48:33 "Nous avons rétabli la monarchie,
00:48:35 mais ce n'est pas une monarchie héréditaire."
00:48:39 C'était la sienne.
00:48:41 Monarchie élective.
00:48:43 Je lui dis, "Mais mon général, j'avais pensé à autre chose."
00:48:45 Il me dit, "Si, vous y avez pensé,
00:48:47 moi aussi, du reste."
00:48:49 Il a vraiment pensé à rétablir la monarchie
00:48:51 en s'appuyant sur le compte de Paris, et ça a mal tourné.
00:48:53 Le compte de Paris, ça n'a pas été possible, etc.
00:48:55 Le général avait un grand sens
00:48:57 de ce qu'on pouvait faire et ne pas faire.
00:48:59 C'est vrai qu'il avait d'excellentes relations.
00:49:01 Le compte de Paris l'a soutenu,
00:49:03 le général, pendant toute la période,
00:49:05 à partir de 1958.
00:49:07 Mais le général en voulait au compte de Paris
00:49:09 de ne pas l'avoir rejoint à Londres,
00:49:11 il faut dire les choses comme elles sont.
00:49:13 Oui, je crois que ça a été même un peu pire, non ?
00:49:15 Le compte de Paris est allé à Vichy
00:49:17 faire des auditions.
00:49:19 Ça, c'est pas méchant.
00:49:21 Il a été voir ce qui se passait.
00:49:23 C'est pas méchant.
00:49:25 Non, il a été à Vichy
00:49:27 voir ce qui se passait, c'est pas grave.
00:49:29 Mais le fond de l'affaire,
00:49:31 c'était d'être resté au Maroc
00:49:33 et de ne pas l'avoir rejoint.
00:49:35 À l'arrache.
00:49:37 Oui.
00:49:39 Il faut dire qu'il était en exil,
00:49:41 c'était pas commode, il aurait pu aller à Londres.
00:49:43 Ce qui est drôle d'ailleurs, c'est que le compte de Paris
00:49:45 a été signalé à Londres pendant une semaine, en juin 1940.
00:49:47 Mais je lui ai demandé,
00:49:49 il m'a dit que c'était pas vrai.
00:49:51 Mais c'était pour aller voir son banquier, je crois.
00:49:53 Pour aller ?
00:49:55 Voir son banquier.
00:49:57 Mais le compte de Paris a passé 8 jours,
00:49:59 c'est avéré, à Londres en juin 1940.
00:50:01 Il est pas allé voir le compte de Gaulle,
00:50:03 mais peut-être qu'il y était avant le 18 juin, tout simplement.
00:50:05 Est-ce que je lui ai posé la question ?
00:50:07 Il m'a dit qu'il y avait pas été.
00:50:09 Bon.
00:50:11 C'est Xavier Walter qui raconte ça à nos amis communs.
00:50:13 Oui, oui.
00:50:15 Il était secrétaire du compte de Paris.
00:50:17 J'ai posé la question au compte de Paris, il m'a dit que non.
00:50:19 Donc vous avez continué à le fréquenter,
00:50:21 le compte de Paris, très longtemps.
00:50:23 Oui, oui, bien sûr.
00:50:25 J'ai rencontré chez vous un jour.
00:50:27 Il était chez vous comme chez lui.
00:50:29 Oui, oui, absolument.
00:50:31 Vous lui avez dit "le roi de France est parti chez lui".
00:50:33 Il avait...
00:50:35 Son bulletin était très lu.
00:50:37 Le bulletin politique du compte de Paris,
00:50:39 sous la 4ème République et sous la 5ème République,
00:50:41 était très, très lu.
00:50:43 Il était très bien fait.
00:50:45 Bon, alors finalement, pourquoi ça n'a pas marché, cette restauration ?
00:50:47 Parce que d'abord, les pires adversaires
00:50:49 de ça, étaient les gaullistes eux-mêmes,
00:50:51 qui se considéraient comme les héritiers naturels du général.
00:50:53 Et tant Pompidou,
00:50:55 que Michel Debré,
00:50:57 que tous ceux qui pouvaient penser
00:50:59 prendre la suite,
00:51:01 étaient évidemment contre l'idée
00:51:03 qu'il puisse y avoir ce genre de suite.
00:51:05 Je peux apporter un témoignage, je vous coupe.
00:51:07 Bernard Tricot,
00:51:09 qui a été longtemps scrutageur de l'Élysée,
00:51:11 à qui je posais des questions
00:51:13 sur ces rendez-vous
00:51:15 entre le compte de Paris
00:51:17 et De Gaulle, m'a dit
00:51:19 "Le général était un peu snob à ses heures."
00:51:21 C'est une dingue comme réponse !
00:51:23 Oui, non mais c'était...
00:51:25 A l'époque de Tricot, c'était déjà la fin.
00:51:27 Donc c'était plutôt du temps de Burin-des-Rosiers.
00:51:29 Oui.
00:51:31 Mais enfin,
00:51:33 il y a aussi le fait que le compte de Paris
00:51:35 n'a pas marché tellement dans l'affaire.
00:51:37 C'est-à-dire que De Gaulle voulait qu'il se fasse connaître,
00:51:39 De Gaulle voulait qu'il passe
00:51:41 à la télévision, le compte de Paris,
00:51:43 qu'il fasse campagne pour 65,
00:51:45 l'élection suivante. De Gaulle voulait qu'il ait
00:51:47 une émission régulière.
00:51:49 Il est peut-être passé deux ou trois fois.
00:51:51 Peut-être que la télévision ne lui a pas proposé.
00:51:53 Oui, c'est ça.
00:51:55 Peut-être qu'il y a eu des freins qui venaient d'ailleurs.
00:51:57 Je voulais revenir là, ça fait partie de la désobéissance.
00:51:59 Oui, parce qu'il y a eu une émission...
00:52:01 Le gaulliste désobéissait à De Gaulle.
00:52:03 Oui, beaucoup. Regardez la participation.
00:52:05 C'est ça aussi. Frédéric Grindel,
00:52:07 parlons de lui de nouveau,
00:52:09 voulait faire des émissions pour expliquer
00:52:11 aux Français la participation.
00:52:13 C'était interdit.
00:52:15 C'était interdit par Pompidou, ordre à Contamine,
00:52:17 qui était président et directeur général
00:52:19 de l'ORTF.
00:52:21 Des désobéissances
00:52:23 patentées.
00:52:25 Absolument.
00:52:27 C'est terrible.
00:52:29 Là, c'est aussi la limite des institutions de la Vème République.
00:52:31 Vous avez écrit
00:52:33 un ouvrage,
00:52:35 il est devant vous.
00:52:37 Pouvez-vous me le montrer ?
00:52:39 Sur votre républicantisme,
00:52:43 votre soutien à la Vème République.
00:52:45 Mais elle a une faille,
00:52:47 Philippe de Saint-Robert.
00:52:49 Quelle constitution n'a pas les failles ?
00:52:51 Vous êtes drôle.
00:52:53 Le président de la République
00:52:55 dans l'esprit du général De Gaulle
00:52:57 était le président de tous les Français.
00:52:59 Il était l'homme de personne,
00:53:01 selon une de ses fameuses formules,
00:53:03 pour être l'homme de tous.
00:53:05 C'est terrible, parce que
00:53:07 cette constitution faite autour
00:53:09 d'un chef d'état
00:53:11 qui est réputé impartial,
00:53:13 je répète la formule du général De Gaulle tellement elle est belle,
00:53:15 l'homme de personne
00:53:17 pour pouvoir être l'homme de tous.
00:53:19 C'est-à-dire sans partie.
00:53:21 Impartial.
00:53:23 La pratique est entièrement différente.
00:53:25 Sans parler du quinquennat.
00:53:27 Idée de votre ami Pompidou, d'ailleurs.
00:53:29 Reprise par Chirac.
00:53:31 Je n'ai jamais compris pourquoi Pompidou avait pensé au quinquennat.
00:53:33 Je n'ai jamais compris pourquoi.
00:53:35 Il n'a pas pu me l'expliquer.
00:53:37 Je n'ai pas compris.
00:53:39 On a dit bêtement que parce qu'il se savait mourir.
00:53:41 Pas du tout. De toute façon, il a été élu pour 7 ans.
00:53:43 Il aurait fait 7 ans s'il avait vécu.
00:53:45 C'était idiot comme idée.
00:53:47 En tous les cas, le quinquennat est une idée
00:53:49 idiote qui pulvérise encore plus
00:53:51 l'impartialité du chef d'état.
00:53:53 Pour le coup, on fait coïncider
00:53:55 exactement le président de la République
00:53:57 à un chef d'état impartial en principe
00:53:59 avec le chef d'une majorité.
00:54:01 Oui, absolument.
00:54:03 La seule solution, c'était le roi.
00:54:05 La cohabitation, c'était très bien.
00:54:07 Ça permettait au président de la République...
00:54:09 Vous voyez bien que c'est bancal.
00:54:11 Mais oui, tout est bancal.
00:54:13 Qu'est-ce que vous voulez ?
00:54:15 Ça ne veut rien dire.
00:54:17 Regardez la campagne
00:54:19 qu'on a faite depuis quelques mois
00:54:21 contre un article de la Constitution
00:54:23 qui est le 49-3.
00:54:25 Heureusement qu'on l'a.
00:54:27 De toute façon, on ne pourrait pas gouverner.
00:54:29 Le 49-3, c'est le pilier
00:54:31 de la Vème République.
00:54:33 C'est pour ça qu'il y en a qui sont contre.
00:54:35 Bien sûr. Mais s'il n'y avait pas le 49-3,
00:54:37 le gouvernement serait par terre
00:54:39 toutes les cinq minutes.
00:54:41 Vous savez qu'en 61-62,
00:54:43 de Gaulle commence à pousser les études
00:54:45 ou en tout cas les prolongées.
00:54:47 Elles avaient été commencées auparavant,
00:54:49 à la fin de la IVe République,
00:54:51 en vue de l'obtention, de la fabrication
00:54:53 d'une force de frappe atomique.
00:54:55 Et les crédits militaires
00:54:57 sont tous passés
00:54:59 en 61-62-63,
00:55:01 peut-être pas 63, parce que l'année
00:55:03 a eu majorité ensuite,
00:55:05 par le 49-3.
00:55:07 Il n'y aurait jamais eu d'arme atomique française
00:55:09 si on n'avait pas imposé des crédits de défense
00:55:11 destinés. C'est terrible.
00:55:13 Le 49-3 est indispensable,
00:55:15 mais les imbéciles n'ont pas compris.
00:55:17 Il y a beaucoup d'imbéciles.
00:55:19 C'est notre problème.
00:55:21 Je voulais illustrer l'idée que le Roi
00:55:23 n'était pas une si mauvaise idée,
00:55:25 puisque lui, au moins, était réputé impartial.
00:55:27 Vous avez tombé et vous avez accompagné le Comte de Paris
00:55:29 jusqu'à sa mort en 99.
00:55:31 Vous étiez très proche.
00:55:33 Oui, oui.
00:55:35 Quel souvenir avez-vous de lui ?
00:55:37 On me souvient que c'était un homme
00:55:39 plein de charme. Tous les gens qui nous ont
00:55:41 approchés étaient...
00:55:43 Il était magnifique, je l'ai beaucoup vu, grâce à vous, à votre table.
00:55:45 Oui, il était très séduisant.
00:55:47 Peut-être
00:55:49 un peu
00:55:51 flottant, quand même,
00:55:53 dans son comportement.
00:55:55 Indécis.
00:55:57 Oui, peut-être un peu indécis.
00:55:59 Peut-être un peu...
00:56:01 Oui, je ne sais pas.
00:56:03 Et puis, il a liquidé le patrimoine orléans.
00:56:05 Ça, c'est une autre affaire.
00:56:07 Oui.
00:56:09 Passons publiquement.
00:56:11 Vous avez rencontré beaucoup de gens,
00:56:13 pour un jeune journaliste
00:56:15 qui n'est même pas destiné à ça.
00:56:17 Je crois que vous avez fait des études de sciences économiques.
00:56:19 De droit et de sciences économiques.
00:56:21 Bon.
00:56:23 Vous ne prédisposez pas à une carrière
00:56:25 que vous eûtes,
00:56:27 d'abord de chroniqueur
00:56:29 constant de la Ve République,
00:56:31 et puis d'acteur, malgré tout,
00:56:33 par les liens que vous avez eus avec les uns et les autres.
00:56:35 Il y a eu aussi Mitterrand,
00:56:37 que vous avez rencontré,
00:56:39 je crois, par Frédéric Grindel.
00:56:41 C'est Frédéric Grindel,
00:56:43 qui était très gaulliste,
00:56:45 mais en même temps, il aimait beaucoup François Mitterrand.
00:56:47 Il avait des relations personnelles avec lui.
00:56:49 Et un jour,
00:56:51 on est
00:56:53 chez lui,
00:56:55 rue...
00:56:57 De Bièvre.
00:56:59 De Bièvre, voilà. Dans un petit cagibi.
00:57:01 Mais il ne s'était pas grand, oui.
00:57:03 Il était dans un petit cagibi.
00:57:05 On a eu un premier...
00:57:07 Non, je l'avais déjà rencontré,
00:57:09 je l'avais déjà rencontré une fois,
00:57:11 au cours d'un débat à combat.
00:57:13 Et on avait
00:57:15 bavardé,
00:57:17 à la sortie du débat,
00:57:19 dans le café
00:57:21 où Jaurès a été assassiné.
00:57:23 - Le croissant. - Oui, voilà.
00:57:25 On avait bavardé.
00:57:27 Et c'est là qu'il m'a dit ce truc extraordinaire.
00:57:29 Je lui ai dit, "Mais enfin, écoutez,
00:57:31 on ne peut pas s'opposer à tout."
00:57:33 "Ah, ben, quand on s'oppose, on s'oppose à tout."
00:57:35 Je trouvais ça un peu bizarre,
00:57:37 mais bon, bref.
00:57:39 Et donc, on se connaissait,
00:57:41 et je sais qu'il me disait, puisque j'ai retrouvé
00:57:43 des articles de moi dans son grand livre
00:57:45 qu'on a fait.
00:57:47 - Oui, ça.
00:57:49 - Alors, et donc,
00:57:51 j'avais été un peu méchant
00:57:53 avec lui, parce que
00:57:55 j'avais collaboré au numéro de Notre République
00:57:57 où on avait ressorti
00:57:59 la fâcheuse
00:58:01 histoire de la Francisque.
00:58:03 - Que De Gaulle n'a pas voulu utiliser,
00:58:05 d'ailleurs. - Non, De Gaulle a dit, "Il ne faut pas."
00:58:07 Mais on l'avait fait quand même.
00:58:09 On l'a fait avant, en tout cas.
00:58:11 - Ah, vous aussi vous êtes obéissé.
00:58:13 - Ah, ben oui. Et alors,
00:58:15 quand il était élu,
00:58:17 j'ai été le voir,
00:58:19 à l'Élysée.
00:58:21 On a bavardé.
00:58:23 - Mitterrand, vous l'étiez, oui.
00:58:25 - Mitterrand.
00:58:27 - Mais vous étiez parmi les gaullistes
00:58:29 qui ont fait élire Mitterrand, il faut le dire.
00:58:31 - Ah, ben oui, mais c'était très simple.
00:58:33 D'ailleurs, je me rappelle encore que
00:58:35 le soir du premier tour...
00:58:37 - Chirac.
00:58:39 - Le soir du premier tour,
00:58:41 je vais à l'Hôtel de Ville,
00:58:43 j'habite à côté,
00:58:45 je vais dans le bureau de Chirac,
00:58:47 qui m'accueille à l'entrée,
00:58:49 et qui me dit, "Tous mes amis votent Mitterrand."
00:58:51 - Chirac vous a dit, "Mes amis votent Mitterrand."
00:58:53 - Mais oui, bien sûr.
00:58:55 - Faisant élire Mitterrand.
00:58:57 - Contre Giscard.
00:58:59 C'était pas plus clair, au lieu.
00:59:01 - Chirac, vous avez quel rapport avec lui ?
00:59:03 Vous aviez un peu collaboré...
00:59:05 - Oui, mais il était bizarre.
00:59:07 Oui, ben j'ai
00:59:09 contribué à un de ses livres,
00:59:11 il y a même des passages entiers de ses livres
00:59:13 où on dirait du Saint-Robert.
00:59:15 - La Lueur de l'Espérance.
00:59:17 - Oui, La Lueur de l'Espérance, voilà.
00:59:19 - Il dit qu'il a écrit comme ça, de chic.
00:59:21 - Tu parles. Alors, il y avait une espèce de
00:59:23 prélivre, on était autour
00:59:25 d'une table, il y avait Marie-France Garot,
00:59:27 il y avait Linné Fabre,
00:59:29 il y avait Pierre Farpy,
00:59:31 il y avait...
00:59:33 peut-être Bernard Billaud, je suis pas très sûr.
00:59:35 - Oui, le directeur de cabinet.
00:59:37 - Chirac, moi-même, etc.
00:59:39 On tripatouillait des phrases comme ça.
00:59:41 C'était très bizarre.
00:59:43 - Et c'est devenu peut-être le seul livre
00:59:45 de Chirac, La Lueur de l'Espérance.
00:59:47 - Oui, La Lueur de l'Espérance, voilà.
00:59:49 - Mais vous n'étiez pas en concurrence avec quelqu'un,
00:59:51 à ce moment-là, un certain Alain Juppé,
00:59:53 auprès de Chirac ?
00:59:55 - C'était pas une concurrence, Alain Juppé était
00:59:57 beaucoup plus important que moi.
00:59:59 - Mais à un moment, vous avez eu un rapport avec Alain Juppé,
01:00:01 assez rigolo. - Oh non, c'est affreux, cette histoire.
01:00:03 - Racontez-nous.
01:00:05 - Oui, c'était à un moment donné,
01:00:07 avant le premier tour,
01:00:09 quand Chirac,
01:00:11 je ne sais plus en quelle année c'était,
01:00:13 à quelle élection,
01:00:15 un premier tour d'élection présidentielle,
01:00:17 et Chirac,
01:00:19 la secrétaire de Chirac me téléphone,
01:00:21 - C'était 80 peut-être.
01:00:23 - Et me demande de
01:00:25 préparer un discours
01:00:27 de Chirac
01:00:29 pour sa fin de campagne, voilà.
01:00:31 Et
01:00:33 elle me dit,
01:00:35 "Vous le ferez avec Juppé."
01:00:37 Je ne connaissais pas Juppé.
01:00:39 "Téléphonez à Juppé."
01:00:41 - C'est déjà drôle.
01:00:43 - "Vous le ferez à Juppé."
01:00:45 Et alors, donc,
01:00:47 je prépare un discours,
01:00:49 je téléphone à Juppé,
01:00:51 qui s'attendait à mon coup de téléphone,
01:00:53 et
01:00:55 je lui dis,
01:00:57 ça devait être un discours au très large,
01:00:59 sur la fin du monde,
01:01:01 et il me dit,
01:01:03 "C'est un discours sur la France."
01:01:05 - Sur la mission de la France dans le monde.
01:01:07 - Et alors, je lui dis ça à Juppé,
01:01:09 et Juppé me dit
01:01:11 cette phrase qui m'est restée dans l'esprit,
01:01:13 "Ah oui, oui, parce que notre grand problème
01:01:15 c'est de ne pas faire l'Urinbère."
01:01:17 Qu'est-ce que ça voulait dire ?
01:01:19 - Parler de la mission de la France,
01:01:21 ça voulait dire
01:01:23 que c'était glisser vers le nazisme ?
01:01:25 - Enfin, non mais,
01:01:27 pensez qu'il m'a dit ça.
01:01:29 - Parce qu'il est impossible de parler de la mission de la France
01:01:31 pour ces gens-là.
01:01:33 - Oui, voilà. Ça voudrait dire que je me suis resté stupéfait.
01:01:35 - Le grand problème,
01:01:37 c'est de ne pas faire l'Urinbère.
01:01:39 C'est-à-dire les discours d'Hitler
01:01:41 enflammés, etc.
01:01:43 - C'est pour ça que je sais depuis ce jour-là
01:01:45 que Juppé a été le faussoyeur du gaullisme.
01:01:47 D'ailleurs, il l'a dit clairement
01:01:49 quand il a eu en main l'UDR
01:01:51 ou l'UNR, ou quoi que ça s'appelait,
01:01:53 et il a dit... - L'APR.
01:01:55 - Oui, il faut faire l'agenda mentaux
01:01:57 sur l'Europe.
01:01:59 Il a rallié le parti
01:02:01 d'e-gaullistes à l'Europe
01:02:03 de Jean Menet. C'est lui qui a fait ça.
01:02:05 Bon, et ils n'en sortent pas.
01:02:07 - C'est ce dégoût
01:02:09 de ce qu'est devenu le gaullisme qui vous a
01:02:11 porté vers François Mitterrand
01:02:13 pour faire battre Giscard en 1981 ?
01:02:15 - Oui, parce que Giscard, c'était déjà ça.
01:02:17 Oui.
01:02:19 J'avais un autre raisonnement
01:02:21 plus subtil et que j'avais du mal à faire comprendre aux gens.
01:02:23 Je disais de toute façon
01:02:25 les socialistes vont arriver
01:02:27 au pouvoir un jour.
01:02:29 S'ils arrivent au pouvoir
01:02:31 par une assemblée nationale,
01:02:33 ils vont ficher les institutions en l'air.
01:02:35 - Oui, en prenant le dessus
01:02:37 de la présidence de la République.
01:02:39 - Tandis qu'il vaut mieux qu'ils arrivent par le haut,
01:02:41 parce que comme ça, ils seront les gardiens des institutions.
01:02:43 J'ai eu raison. - Et par un Mitterrand qui était
01:02:45 assez ambigu. - Oui, oui.
01:02:47 Et dès qu'il a été élu... - A fait vivre les institutions.
01:02:49 - Oui, a fait vivre. Donc j'ai eu raison.
01:02:51 J'ai eu raison. Et personne ne pouvait le voir.
01:02:53 C'était ça, mon idée.
01:02:55 Mais personne n'y comprenait rien.
01:02:57 - Mais Mitterrand a très mal gouverné, quand même.
01:02:59 - J'ai mal gouverné. - Vous l'avez vu plusieurs fois.
01:03:01 Vous l'avez rencontré fréquemment. - Oui, oui.
01:03:03 - Quand j'étais votre collaborateur, je vous voyais partir à l'Elysée
01:03:05 rencontrer le président de la République.
01:03:07 Il y avait toujours quelques dossiers qu'on essayait de filer, mais...
01:03:09 Sur la langue française, on va y venir.
01:03:11 - Oui, non, mais là, il a été... Alors, c'est pareil.
01:03:13 Sa première réaction était la bonne.
01:03:15 Et puis après, il a été...
01:03:19 Il a cédé
01:03:21 aux pressions
01:03:23 médiatiques de son entourage.
01:03:25 La langue française, ça fait ringard, etc.
01:03:27 Donc j'ai été...
01:03:29 Quand j'ai été nommé commissaire de langue française...
01:03:31 - En 1983, alors.
01:03:33 - Ça a marché pendant un an et demi, disons.
01:03:35 Un an et trois mois. - Deux ans.
01:03:37 - Et après, c'est fini.
01:03:39 Parce que j'avais plus de soutien.
01:03:41 Parce que c'était ringard.
01:03:43 Les conseillers
01:03:45 Ségala et autres
01:03:47 avaient dû expliquer que...
01:03:49 - Ségala, oui.
01:03:51 - Mais parce que toutes
01:03:53 les oligarchies françaises considèrent que la France
01:03:55 est ringarde. C'est ça, le problème. - Bien sûr.
01:03:57 - Et la langue est un point
01:03:59 d'appui pour ceux qui veulent défendre la France
01:04:01 et un point à
01:04:03 siphonner pour ceux qui veulent la détruire.
01:04:05 - Et alors, le point final a été mis par Chirac.
01:04:07 - Attendez, n'allez pas trop vite.
01:04:09 Je vous couvre, parce que vous allez trop vite.
01:04:11 Il y a quand même cette période qui, pour moi, est une des
01:04:13 plus belles périodes de ma vie, je le dis
01:04:15 sans plus de...
01:04:17 - Très bien.
01:04:19 - C'est pas...
01:04:21 Sauf la gornerie aussi. Vous êtes nommé fin
01:04:23 83 parmi Terran, commissaire général
01:04:25 à la langue française, avec pour mission
01:04:27 de coordonner l'action des administrations
01:04:29 de toutes les administrations, de tous les ministères
01:04:31 en ce qu'elles regardaient cette action
01:04:33 et c'est vrai, toutes les regardaient
01:04:35 la langue française. Il n'y avait pas que les affaires étrangères
01:04:37 ou les affaires culturelles. Il y avait aussi bien
01:04:39 le ministère de l'équipement
01:04:41 ou le ministère...
01:04:43 - Pourquoi ? - Pour les affichages.
01:04:45 Bref, l'économie,
01:04:47 la finance, la concurrence, pour faire en sorte
01:04:49 qu'on respecte dans les actes de consommation
01:04:51 une traduction au moins
01:04:53 en français de tout ce qu'on achète et ce qu'on vend.
01:04:55 Bref, c'était interministériel.
01:04:57 Et nous étions installés d'ailleurs,
01:04:59 vous avez été installés dans un très joli
01:05:01 petit hôtel au fond des jardins
01:05:03 de l'hôtel Matignon, l'hôtel de Cassini.
01:05:05 - Oui. - Il donnait rue de Babylone, d'un côté
01:05:07 rue de Matignon,
01:05:09 de l'autre. C'était très agréable.
01:05:11 On allait à Matignon
01:05:13 en traversant les jardins. C'était très beau.
01:05:15 Il y avait des signes, je me souviens, c'était merveilleux.
01:05:17 Vous vous installez avec une petite escouade
01:05:19 de 30 collaborateurs. J'étais votre
01:05:21 directeur de cabinet, très pompeusement, j'avais 28 ans.
01:05:23 - J'ai eu plusieurs premiers ministres. Il y avait Pierre Moroy.
01:05:25 - Oui. - Laurent Fabius.
01:05:27 - Oui. Et puis Jacques Chirac.
01:05:29 - Et puis Jacques Chirac. - En 86.
01:05:31 - Jacques Chirac, c'était la catastrophe
01:05:33 parce que
01:05:35 il était coiffé d'une
01:05:37 folle complète
01:05:39 qui était une Guadeloupe Haine,
01:05:41 Lucette Michaud-Chevry, qu'il avait nommée
01:05:43 ministre de la francophonie. On ne sait pas
01:05:45 ce que ça voulait dire. Et qu'il voulait
01:05:47 m'avoir sous sa coupe. Voilà. Et ça a été
01:05:49 le commençant de la fin,
01:05:51 puisqu'évidemment, elle lui faisait...
01:05:53 Il ne pensait qu'à la prés... Il ne pensait
01:05:55 qu'à se présenter
01:05:57 à la succession de Mitterrand
01:05:59 et à avoir des voix. Et
01:06:01 il pensait que... - Notamment aux Antilles.
01:06:03 - Lucette Michaud-Chevry lui apporterait des voix de la Guadeloupe,
01:06:05 ce qu'elle a fait d'ailleurs, mais ça ne suffisait pas.
01:06:07 - En tous les cas, pas à défendre la langue française.
01:06:09 - Oui. Voilà. Donc voilà. - Un jour, vous dites
01:06:11 à De Gaulle, il faudrait faire ceci,
01:06:13 il faudrait faire cela.
01:06:15 C'est Gaillard. Et De Gaulle vous répond
01:06:19 "On a fait quelques petites choses quand même".
01:06:21 - Oui, oui, oui.
01:06:23 Oui, je ne sais plus ce que je lui ai dit.
01:06:25 - Il vous a dit "On a fait quand même
01:06:27 quelques petites choses". Et au
01:06:29 commissariat général, on a fait des petites choses quand même.
01:06:31 - Oui, on a fait des petites choses. Mais enfin bon.
01:06:33 On a été... Il y a eu une campagne
01:06:35 contre nous qui a été orchestrée par
01:06:37 un grand hebdomadaire. Je crois que c'est
01:06:39 le point. Vous vous souvenez de ça ? - Oui, oui.
01:06:41 Parce que les publicitaires n'étaient pas contents
01:06:43 quand on leur imposait leur... - Oui, oui. Bien sûr.
01:06:45 - Leur langue.
01:06:47 C'est-à-dire la langue française
01:06:49 pour toutes les communications en anglais. - Exactement.
01:06:51 - On a eu tout le monde contre nous.
01:06:53 - Et puis il y a eu la fameuse loi Toubon
01:06:55 qui a été contestée au
01:06:57 Conseil constitutionnel
01:06:59 par la gauche.
01:07:01 Je me rappelle, Ségolène Royal,
01:07:03 10 ans. Alors,
01:07:05 si je dis à mon petit gamin,
01:07:07 si mon petit gamin me dit "Maman, donne-moi
01:07:09 mon t-shirt", il va aller en prison.
01:07:11 Elle a dit ça publiquement.
01:07:13 - Il raconte n'importe quoi. - Et comme ça,
01:07:15 on fait de la politique aujourd'hui. - Et vous aviez
01:07:17 mis l'accent sur la terminologie.
01:07:19 Alors il faut nous raconter ce que c'est. - Oui, c'était des commissions
01:07:21 de terminologie. Elles avaient été créées par
01:07:23 Georges Pompidou. - Oui. Et que nous avions
01:07:25 rénovées, on peut dire. - Oui, oui. Elles existaient.
01:07:27 Elles existent toujours.
01:07:29 Elles servent toujours à rien, mais elles existent.
01:07:31 - Elles servent. Elles ont produit quantité de mots.
01:07:33 - Oui, mais c'est repris par personne.
01:07:35 - Si vous dites ça, mon cher Philippe de Saint-Robert,
01:07:37 vous allez contrarier quelqu'un qui vous est proche
01:07:39 et qui nous est proche, nous tous.
01:07:41 Laissez-moi finir.
01:07:43 Qui est votre femme ? - Oui, mais...
01:07:45 - Marie-Joséphine Jastrab
01:07:47 de Saint-Robert, que vous avez rencontrée
01:07:49 à New York,
01:07:51 parce qu'elle faisait partie,
01:07:53 elle était une des dirigeantes
01:07:55 du service de terminologie
01:07:57 de New York,
01:07:59 de l'ONU à New York, puis ensuite à Genève.
01:08:01 Et la terminologie,
01:08:03 je pense qu'elle vous en a convaincu assez vite,
01:08:05 est centrale dans la défense
01:08:07 d'une langue, n'est-ce pas ? - Oui, mais oui, mais...
01:08:09 - Vous insistez là-dessus. - Oui, mais
01:08:11 c'est central, mais
01:08:13 une des censures imposées
01:08:15 par le Conseil constitutionnel
01:08:17 à loi Toubon
01:08:19 était précisément l'obligation
01:08:21 d'employer les mots
01:08:23 créés par les commissions de terminologie.
01:08:25 À partir du moment où il n'y avait pas d'obligation,
01:08:27 voilà.
01:08:29 - On a remporté des victoires avant,
01:08:31 on disait...
01:08:33 - Il y a quelques mots qui sont passés,
01:08:35 ils seraient passés de toute façon.
01:08:37 - Avant on disait "corner",
01:08:39 "football", on disait "goal",
01:08:41 maintenant on dit "gardien".
01:08:43 On est arrivé aussi à remplacer
01:08:45 "walkman" par "baladeur",
01:08:47 vous me direz, les baladeurs ont un peu disparu.
01:08:49 Et enfin on a imposé des mots.
01:08:51 - Quelques mots se sont imposés,
01:08:53 mais par rapport à la production
01:08:55 énorme de ces malheureuses
01:08:57 commissions, on peut dire que
01:08:59 elles ne sont pas vraiment très utilisées.
01:09:01 - Et vous vouliez, avec M. Josephine Jastrab,
01:09:03 en s'appuyant sur l'ONU,
01:09:05 créer une grande banque de terminologie,
01:09:07 avec les Québécois notamment.
01:09:09 - Oui, mais tout ça a été saboté.
01:09:11 - Les Québécois avaient beaucoup marché dans la...
01:09:13 - Oui, oui, on avait fait...
01:09:15 Il y avait une commission
01:09:17 dite "Harvey",
01:09:19 je crois que c'est Harvey,
01:09:21 Saint-Robert,
01:09:23 mais ça a été aussi débranché du côté québécois
01:09:25 quand un premier ministre
01:09:27 libéral est revenu au pouvoir.
01:09:29 Je ne sais plus comment il s'appelait.
01:09:31 Ça ne l'intéressait pas.
01:09:33 - Il faut dire que
01:09:35 le Québec n'a pas marché
01:09:37 droit vers l'indépendance, mais était à deux doigts
01:09:39 d'y arriver aussi avec Parizeau.
01:09:41 Vous n'y avez jamais cru à l'indépendance du Québec ?
01:09:43 - Je pense, oui, mais
01:09:45 ils s'y sont mal pris.
01:09:47 Et puis les...
01:09:49 les Canadiens anglophones
01:09:51 étaient plus forts qu'eux.
01:09:53 Ils ont infiltré le... Vous savez,
01:09:55 le Québec est à moitié de l'Anglaise quand même.
01:09:57 Alors, Montréal est à moitié anglophone.
01:09:59 Donc, ils avaient...
01:10:01 - Alors, écoutez,
01:10:03 dans "Le Nouveau Conservateur",
01:10:05 le dernier numéro, le 11,
01:10:07 il y a un grand entretien avec Mathieu Boque-Coté,
01:10:09 que j'ai connu
01:10:11 moi-même il y a plus de 20 ans
01:10:13 quand j'allais fréquemment, grâce à vous,
01:10:15 ou 30 ans même, à Montréal.
01:10:17 Il était tout jeune.
01:10:19 Il dit que les résistances
01:10:21 restent vives
01:10:23 à l'anclicisation de Montréal
01:10:25 et qu'il y a toujours un mouvement indépendantiste
01:10:27 québécois qui reste
01:10:29 une force majeure au Québec, malgré tout.
01:10:31 - Oui, c'est vrai, mais...
01:10:33 - On ne pourrait pas faire la même chose en France ? Créer une...
01:10:35 - Oh là !
01:10:37 Vous êtes beaucoup plus optimiste que moi.
01:10:39 - Oui, vous êtes un peu pessimiste de tempérament,
01:10:41 je me trompe ? - Oh, tout à fait.
01:10:43 - Ça vous vient de l'enfance, ça, ou quoi ?
01:10:45 - Moi, je suis pessimiste de nature.
01:10:47 - Oui, je crois.
01:10:49 - Tout a toujours été très mal. Je crois que c'est Jacques Bainville
01:10:51 qui le disait. Tout a toujours été très mal.
01:10:53 - Tout a toujours été très mal.
01:10:55 On n'a pas parlé de votre enfance.
01:10:57 Vous êtes né...
01:10:59 - C'est-à-dire que je suis un vrai produit d'avant-guerre,
01:11:01 parce que j'ai connu la guerre.
01:11:03 C'est-à-dire que je suis né suffisamment avant la guerre
01:11:05 pour l'avoir traversée consciemment.
01:11:07 Et c'est une grande expérience
01:11:09 qui me permet aujourd'hui,
01:11:11 quand je vois les guerres
01:11:13 qui affolent tout le monde,
01:11:15 de ne pas être étonné.
01:11:17 - De relativiser, oui.
01:11:19 - Je l'ai vu.
01:11:21 Je l'ai vu pendant les 4 ans
01:11:23 de guerre.
01:11:25 J'étais réfugié
01:11:27 dans le Berry,
01:11:29 chez mes grands-parents,
01:11:31 qui écoutaient la radio de Londres
01:11:33 en cachette, tous les soirs.
01:11:35 Et j'entendais tout ce qui se passait.
01:11:37 Je savais tout ce qui se passait.
01:11:39 Entre Châteaubriy et Soudun,
01:11:41 on avait une grande carte.
01:11:43 Et mon arrière-grand-père,
01:11:45 il mettait des petits drapeaux
01:11:47 pour monter les avancées
01:11:49 des alliés, etc.
01:11:51 C'était vraiment quelque chose
01:11:53 de très vivant pour moi.
01:11:55 - C'est pas l'endroit où vous êtes né.
01:11:57 Je crois que vous êtes né à Paris.
01:11:59 - Je suis né à Paris.
01:12:01 - Il y a beaucoup de paysages derrière vous.
01:12:03 Vous avez eu une maison
01:12:05 en Baie de Somme, à Saint-Frédéric.
01:12:07 - Oui, parce que j'ai des origines
01:12:09 picardes, greuzoises,
01:12:11 delphinoises, etc.
01:12:13 Et pour résumer tout ça,
01:12:15 je suis né à Paris.
01:12:17 - Delphinoise, c'est dans l'Isère,
01:12:19 c'est ça ? - Oui.
01:12:21 - Vous avez vécu un peu en Normandie,
01:12:23 au Rousset d'Aquos ?
01:12:25 - Oui, parce qu'après la guerre,
01:12:27 ma grand-mère a revendu
01:12:29 la villa qu'elle avait à Favalry
01:12:31 sur Somme,
01:12:33 qui est un petit port de mer
01:12:35 et qui entend le rester, que j'ai beaucoup aimé
01:12:37 dans ma jeunesse. - C'était fécond.
01:12:39 - Oui, c'était fécond, oui.
01:12:41 - Si, c'était fécond, je salue Fécond,
01:12:43 c'est un petit village, pêcheur,
01:12:45 et qui entend le rester. - Mais fécond n'est pas en Picardie.
01:12:47 Ça, c'est en Picardie,
01:12:49 à Favalry sur Somme.
01:12:51 Et quand on a vendu cette maison, on en a acheté une
01:12:53 en Normandie, effectivement.
01:12:55 Mais on n'a jamais été très attaché
01:12:57 à la Normandie dans ma famille.
01:12:59 On n'aimait pas beaucoup la Normandie.
01:13:01 - Le creuset, c'est les marches,
01:13:03 c'est-à-dire la creuse, aujourd'hui.
01:13:05 - Maintenant, j'ai hérité d'une maison de famille
01:13:07 dans la creuse. - Qui est très belle,
01:13:09 je peux en témoigner. - Vous êtes venu, oui.
01:13:11 - Très souvent. - Je l'ai pas mal arrangée,
01:13:13 ma femme. Et puis, c'est très convoque
01:13:15 parce que la creuse a mauvaise réputation,
01:13:17 les gens ne viennent pas, alors on est tranquille.
01:13:19 - Ah, oui.
01:13:21 Je vais hésiter à vous demander
01:13:23 de vous faire visite
01:13:25 l'année prochaine. Et vous êtes souvent en Suisse,
01:13:27 puisqu'on en est à la topologie aussi.
01:13:29 - Oui, mais ça, j'aime bien la Suisse, c'est reposant,
01:13:31 et puis on peut encore payer en francs.
01:13:33 - Ah ! - Ça, c'est le bonheur.
01:13:35 - Ah !
01:13:37 Bref, nous sommes au Commissariat général
01:13:39 de la langue française, arrive Chirac
01:13:41 qui nomme Mme Michaud-Chevry,
01:13:43 et là,
01:13:45 vous êtes contraint à la démission,
01:13:47 plus ou moins ? - Non, je n'ai pas démissionné.
01:13:49 J'ai refusé.
01:13:51 Il y avait un imbécile
01:13:53 qui s'appelait Brice Ulrich,
01:13:55 ce qu'on appelle un grand serviteur de l'État
01:13:57 qui était uniquement
01:13:59 un paillasson de Chirac,
01:14:01 et qui
01:14:03 devait être plus ou moins
01:14:05 franc-maçon sur les bords,
01:14:07 et qui voulait absolument se débarrasser
01:14:09 de moi. Il me dit,
01:14:11 vous devriez prendre des vacances. Je dis pas du tout.
01:14:13 Que Chirac me révoque
01:14:15 s'il a le courage. Il n'avait pas le courage,
01:14:17 évidemment. - Parce que c'était vous
01:14:19 vous aviez été à ses proches. - Alors il a attendu
01:14:21 que mon mandat vienne à expiration.
01:14:23 - C'est ça. - Voilà.
01:14:25 Et puis après,
01:14:27 et ce recard
01:14:29 qui a transformé le Commissariat général
01:14:31 en délégation générale
01:14:33 qui ne servait à rien,
01:14:35 qui ne servait à rien
01:14:37 qu'à maximaliser l'usage
01:14:39 des langues de France,
01:14:41 c'est-à-dire des patois.
01:14:43 - Alors vous racontez toujours dans le secret des jours
01:14:45 une fameuse bataille qui met en scène justement
01:14:47 ce fameux Michel Rocard dont vous venez
01:14:49 de prononcer le nom. Ça a lieu quelques années plus tard.
01:14:51 Vous avez créé
01:14:53 une association de défense de la langue française,
01:14:55 l'ASLAF, dont vous êtes toujours
01:14:57 président, je crois. - Oui.
01:14:59 - De même que vous êtes président, je mentionne en passant,
01:15:01 du jury de la carpette anglaise
01:15:03 et chaque année, nous allons le faire bientôt d'ailleurs,
01:15:05 à un prix citron,
01:15:07 à un prix vinaigre,
01:15:09 à une personnalité
01:15:11 du monde de la politique ou des arts
01:15:13 ou du commerce ou des affaires,
01:15:15 ça ne manque pas, qui abuse du franglais.
01:15:17 - Oui.
01:15:19 - Et ça, je crois que c'est une action
01:15:21 que vous tenez à mener avec
01:15:23 fermeté. - Oui, oui, on le fait.
01:15:25 - Bien que les médias relaient peu,
01:15:27 l'année dernière, nous avions donné notre prix
01:15:29 puisque je suis membre de ce jury
01:15:31 grâce à vous.
01:15:33 - Oui. - Le président de la République.
01:15:35 - Je ne voulais pas, mais on m'a forcé.
01:15:37 - Vous ne vouliez pas insulter la fonction du président de la République ?
01:15:39 Celui-là, quand même, il n'a pas volé
01:15:41 en fait d'illustration
01:15:43 de l'anglais, vous savez que
01:15:45 ça dépasse les bornes.
01:15:47 - Cette histoire du château
01:15:49 de Villers-Cotterêts,
01:15:51 c'est vraiment le symbole même
01:15:53 de mettre la langue française
01:15:55 au musée. - Dans un musée, oui.
01:15:57 C'est ce qu'a dit Jean-Marie Roy.
01:15:59 Oui, il est de notre avis.
01:16:01 - Beaucoup d'académiciens
01:16:03 ont fait semblant
01:16:05 de défendre le français en créant un musée,
01:16:07 mais on utilise l'anglais
01:16:09 à tout bout de champ. Vous savez que même
01:16:11 des bristols envoyés par l'Elysée
01:16:13 pour des réceptions à l'Elysée
01:16:15 sont en une seule langue
01:16:17 pour tous les invités, dès que ça a un intérêt
01:16:19 international, en anglais.
01:16:21 - C'est pas vrai. - Je vous prendrais que c'est vrai.
01:16:23 Ouskwen andesendamus.
01:16:25 - Oh là là, mon Dieu.
01:16:27 - Et pour vous, la langue,
01:16:29 c'est tout de même
01:16:31 pas rien, parce qu'au milieu
01:16:33 de toutes ces pérégrinations, on oublie de dire
01:16:35 que votre métier principal, votre
01:16:37 passion, c'est l'écriture. Vous êtes avant tout
01:16:39 un écrivain. - Oui.
01:16:41 - Qui avait d'ailleurs fréquenté beaucoup d'écrivains.
01:16:43 Parlez-nous de Monterland, parlez-nous de Moriac.
01:16:45 - Ah, Moriac.
01:16:47 J'allais le voir. - C'est d'ailleurs pour ça
01:16:49 que vous êtes devenu commissaire de la langue française.
01:16:51 C'est parce que vous êtes un écrivain et ami
01:16:53 de grands écrivains. - J'allais voir Moriac
01:16:55 à la fin de sa vie,
01:16:57 il est venu au fil gauthier
01:16:59 et il me disait
01:17:01 "Vous n'avez pas de chance.
01:17:03 Moi j'ai été
01:17:05 heureux à 80 ans, en politique
01:17:07 sous-entendu. - Avec De Gaulle.
01:17:09 - Vous vous l'aurez été à 30 ans
01:17:11 et vous restera toute votre vie pour l'engrêter.
01:17:13 - C'est ce qui s'est passé.
01:17:15 - C'est ce qui s'est passé, voilà.
01:17:17 - Moriac était,
01:17:19 voyant vous, un jeune écrivain de sa
01:17:21 lignée, on peut dire. - Un peu, un peu,
01:17:23 oui, oui, un peu.
01:17:25 Et puis Montherland,
01:17:27 j'ai découvert
01:17:29 Montherland en achetant
01:17:31 un petit volume de "Services inutiles"
01:17:33 dans une librairie
01:17:35 perdue de Thélière-sur-Avre.
01:17:37 Il y a très longtemps,
01:17:39 les années 50.
01:17:41 Et
01:17:43 le premier article
01:17:45 que j'ai écrit dans une revue était sur lui.
01:17:47 C'était dans une revue
01:17:49 qui s'appelait "La Parisienne".
01:17:51 Et c'est François Lourissier
01:17:53 qui dirigeait cette revue et qui à l'époque
01:17:55 m'a demandé d'écrire
01:17:57 un livre sur les carnets de Montherland. Voilà, c'est tout.
01:17:59 Et après,
01:18:01 je l'ai rencontré,
01:18:03 nous avons, si je puis oser le dire,
01:18:05 fait un peu amitié.
01:18:07 - Mais
01:18:09 cette amitié était faite de quoi ? De déjeuner,
01:18:11 c'est ça ? Vous déjeuniez souvent ? - Oui, on se voyait souvent.
01:18:13 - À la frégate ? - Oui, là, c'était
01:18:15 son lieu préféré, la frégate.
01:18:17 - Au pied de chez lui, sur les quais, les blagues ?
01:18:19 - Oui, sur Voltaire, quelquefois d'autres.
01:18:21 Ça dépendait des jours.
01:18:23 C'était surtout la frégate.
01:18:25 J'ai fait un petit livre sur lui,
01:18:27 la prométhieuse, qui s'appelait "La même douleur"
01:18:29 Non, c'est pas ça.
01:18:31 - "Montherland le séparé".
01:18:33 - "Montherland le séparé".
01:18:35 Je l'avais envoyé au général de Gaulle
01:18:37 et le général de Gaulle
01:18:39 m'a écrit une lettre surprenante
01:18:41 où il me dit,
01:18:43 parlant de Montherland,
01:18:45 "comme vous nous le donnez bien à voir,
01:18:47 longeant indéfiniment
01:18:49 le bord de l'océan religieux
01:18:51 sans y pénétrer jamais."
01:18:53 C'est une phrase extraordinaire.
01:18:55 - "Longeant indéfiniment
01:18:57 le bord de l'océan religieux
01:18:59 sans y pénétrer jamais."
01:19:01 - Alors, Montherland, qui n'était pas très gaulliste,
01:19:03 - Vous lui montrez cette lettre ?
01:19:05 - Il n'en revenait pas.
01:19:07 D'abord, je l'ai lu au téléphone,
01:19:09 il m'a dit "c'est pas vrai, j'ai dû lui apporter."
01:19:11 Il n'en revenait pas.
01:19:13 - C'était une lettre de la plume du général ?
01:19:15 - Elle est manuscrite, oui.
01:19:17 Elle a été publiée, d'ailleurs,
01:19:19 dans les lettres et carnets.
01:19:21 C'est une lettre extraordinaire.
01:19:23 C'est une phrase extraordinaire.
01:19:25 L'intelligence de cet homme,
01:19:27 cette façon de prendre une chose,
01:19:29 de le résumer, de prendre un auteur.
01:19:31 Il connaissait Montherland,
01:19:33 il n'avait certainement pas lu tout Montherland,
01:19:35 mais il savait qui était Montherland.
01:19:37 - Il écrivait aux écrivains ?
01:19:39 - Il faut dire, la série des lettres et carnets
01:19:41 qui est parue chez Plonc,
01:19:43 qui est disponible, il y a plusieurs volumes.
01:19:45 Toutes ces lettres aux écrivains sont passionnantes.
01:19:47 Très intéressantes.
01:19:49 - Vous en avez fait un livre, d'ailleurs,
01:19:51 "De Gaulle et les écrivains".
01:19:53 - Oui, et même les écrivains qui avaient été contre lui,
01:19:55 à un moment donné, à partir du moment où c'était reconnu,
01:19:57 il leur disait "même si vous
01:19:59 vous sommes opposés dans le temps,
01:20:01 vous avez rendu service à la langue française."
01:20:03 - Je crois même qu'il a écrit
01:20:05 une lettre au très jeune Leclésio.
01:20:07 - Ah, il a écrit une lettre, oui.
01:20:09 - Une belle lettre.
01:20:11 - Une belle lettre à Leclésio, oui.
01:20:13 Et à Jean Guiteau, c'est à Jean Guiteau qu'il a écrit
01:20:15 "même si dans le temps vous ne m'avez pas approuvé,
01:20:17 je tiens à vous rendre hommage
01:20:19 à ce que vous avez apporté à la langue française."
01:20:21 - Et tout ça, c'était des lettres manuscrites.
01:20:23 - Ah oui.
01:20:25 - C'est-à-dire que le président de la République
01:20:27 prenait la plume, le matin ou le soir, je ne sais pas,
01:20:29 pour écrire aux écrivains.
01:20:31 Il y a une connivence entre
01:20:33 la politique traditionnelle de la France
01:20:35 et l'écriture, la littérature.
01:20:37 La France est une nation très littéraire.
01:20:39 - Pour le général de Gaulle, c'est incontestable.
01:20:41 - De Gaulle est entré dans l'histoire par un texte.
01:20:43 - Il a attaché beaucoup d'importance
01:20:45 à l'académie française,
01:20:47 plus qu'elle n'attache d'importance
01:20:49 à elle-même aujourd'hui,
01:20:51 puisque à la libération, paf,
01:20:53 il a veillé à ce qu'on écarte
01:20:55 certaines personnes
01:20:57 qui avaient manqué à la France.
01:20:59 - Cette académie, pour vous,
01:21:01 a un rôle pour la langue française ?
01:21:03 Vous dites qu'elle ne la joue pas.
01:21:05 - Non, non, la plus drôle.
01:21:07 Elle n'a pas les moyens de ce rôle.
01:21:09 - Que faudrait-il faire pour le français ?
01:21:11 - Le parler.
01:21:13 - Ou l'écrire.
01:21:15 - Et puis, il faudrait peut-être surtout
01:21:17 défendre son rôle international.
01:21:19 C'est ce que ne comprend pas
01:21:21 le présent de la République.
01:21:23 Par exemple,
01:21:25 à l'ENU,
01:21:27 à New York,
01:21:29 il y a six langues officielles,
01:21:31 mais il n'y a que deux langues de travail,
01:21:33 dont le français et l'anglais.
01:21:35 Or, on ne se bat pas du tout
01:21:37 pour le français.
01:21:39 L'actuel secrétaire général,
01:21:41 qui est un portugais, je crois,
01:21:43 parle très bien le français,
01:21:45 il ne l'emploie jamais,
01:21:47 sauf quand il va dans les pays
01:21:49 africains, anglo-franco-français.
01:21:51 - Les résolutions, en tous les cas,
01:21:53 sont publiées en deux langues,
01:21:55 toujours, aujourd'hui, français et anglais.
01:21:57 - Vous savez bien que quand vous y étiez,
01:21:59 c'était Boutros-Galil.
01:22:01 - J'ai fait un passage avec Boutros-Galil,
01:22:03 on lui en a voulu, c'est probablement
01:22:05 l'un des raisons pour lesquelles
01:22:07 on l'a pas reconduit.
01:22:09 - Il y avait d'autres raisons,
01:22:11 les deux sont opposées.
01:22:13 - Il était trop francophile,
01:22:15 et trop non-aligné.
01:22:17 - Boutros-Galil avait dit un jour
01:22:19 cette belle phrase,
01:22:21 "le français est la langue du non-alignement".
01:22:23 Grande portée, cette phrase.
01:22:25 - Gouterès ne l'emploie pas beaucoup.
01:22:27 Et dans le temps,
01:22:29 on n'acceptait pas
01:22:31 qu'un secrétaire général
01:22:33 soit désigné s'il n'avait pas
01:22:35 une parfaite connaissance du français.
01:22:37 Il y en a eu, avant Gouterès,
01:22:39 qui ne parlaient pas français.
01:22:41 - Oui.
01:22:43 Bon, donc, c'est ni l'Académie française
01:22:45 ni l'ONU, sur quelle force
01:22:47 peut compter notre langue ?
01:22:49 - Mais il faudrait qu'on ait de grands écrivains.
01:22:51 Vous y voyez les grands écrivains actuels ?
01:22:53 - Sur les écrivains, oui. Il n'y en a pas ?
01:22:55 Vous avez aimé, parmi les premiers,
01:22:57 Welbeck, on l'avait fait lire.
01:22:59 - T'es parti plus alimentaire.
01:23:01 - Ah, alimentaire, pas alimentaire.
01:23:03 - Il y a 20 ans, déjà.
01:23:05 - Oui, j'aime beaucoup Welbeck.
01:23:07 Il a une ironie mordante.
01:23:09 Et il écrit,
01:23:11 contrairement à ce que disait Saut,
01:23:13 il écrit très bien.
01:23:15 C'est un homme qui a beaucoup d'images,
01:23:17 bon, quelquefois il déborde un peu,
01:23:19 mais c'est un écrivain tout à fait remarquable.
01:23:21 Et il a un côté balzac,
01:23:23 si vous voulez.
01:23:25 C'est un peu notre Balzac actuel.
01:23:27 Il croque la société française actuelle
01:23:29 avec une intelligence
01:23:31 et une précision que j'admire.
01:23:33 - Alors,
01:23:35 vous avez été aussi,
01:23:37 j'espère ne pas oublier des facettes de votre
01:23:39 vie, qui en compte tant,
01:23:41 producteur à France Culture.
01:23:43 Vous avez produit plusieurs émissions
01:23:45 qui s'appelaient Agora, je crois.
01:23:47 - Oui, pas beaucoup, oui.
01:23:49 - Vous invitiez des écrivains.
01:23:51 - Oui, oui, oui.
01:23:53 - C'est comme ça que j'ai fait la connaissance
01:23:55 et j'ai écrit un beau roman qui s'appelait
01:23:57 Roman Roi.
01:23:59 - Renaud Camus.
01:24:01 - Renaud Camus. C'est grâce à vous que j'ai fait
01:24:03 cette connaissance.
01:24:05 - Oui, parce que je l'ai invité dans cette...
01:24:07 - Compte temps d'autres personnes.
01:24:09 - Malheureusement, maintenant il n'écrit plus de romans.
01:24:11 Mais il a commencé par écrire des romans
01:24:13 qui étaient remarquables, qui étaient très bons.
01:24:15 - Il a écrit un roman il y a 10 ans
01:24:17 qui s'appelle Loin, très joli roman.
01:24:19 - Peut-être, oui.
01:24:21 - Vous l'avez suivi, Renaud Camus ?
01:24:23 - Je suis content d'avoir mentionné
01:24:25 le jury de la carpette anglaise
01:24:27 dont vous êtes le président.
01:24:29 C'est un prix que devraient suivre davantage
01:24:31 la presse et les français pour stigmatiser
01:24:33 les traîtres de la langue.
01:24:35 - Ah, mais vous savez,
01:24:37 la FP a repris
01:24:39 les prix que nous décernions
01:24:45 jusqu'au jour où nous l'avons décerné
01:24:47 à un ministre.
01:24:49 - Qui était Valéry Pécresse, non ?
01:24:51 - Je ne sais plus, peut-être.
01:24:53 - Elle l'a eu deux fois, Valéry Pécresse.
01:24:55 - Elle le mériterait encore.
01:24:57 - Pour son acharnement, quand elle était
01:24:59 ministre de l'enseignement supérieur,
01:25:01 elle a autorisé les enseignements, les cours dans les universités,
01:25:03 en anglais, ce qui n'est pas des cours d'anglais.
01:25:05 - Ce qui est contraire à la loi.
01:25:07 - Le ministre Sopignatre
01:25:09 a fait bafouer la loi.
01:25:11 - Il y a eu un autre
01:25:13 ministre d'enseignement supérieur,
01:25:15 je crois qu'elle s'appelait Mme Fioraso,
01:25:17 qui a fait la même chose.
01:25:19 - Dans quel état est la République ?
01:25:21 - Dans celui que vous dites.
01:25:23 - Est-ce que c'est une République,
01:25:27 votre cinquième République ?
01:25:29 - La République, c'est le bien commun.
01:25:31 Je ne crois pas tellement
01:25:33 qu'on ait le souci du bien commun
01:25:35 en se réclamant de la République aujourd'hui.
01:25:37 Parce qu'on se réclame de la République,
01:25:39 mais chacun se réclame
01:25:41 de sa République.
01:25:43 - La gauche a une conception
01:25:45 un peu bizarre de la République.
01:25:47 - Ce n'est plus la "Respublica",
01:25:49 ce n'est plus le bien commun.
01:25:51 - Non, c'est une chasse gardée.
01:25:53 - C'est aussi une opposition à toute l'histoire de France.
01:25:55 - Nul ne sera républicain
01:25:57 hors nous et nos amis.
01:25:59 - C'est la règle.
01:26:01 Je mentionnais
01:26:03 une querelle
01:26:05 que vous eûtes,
01:26:07 et cette fois victorieuse,
01:26:09 avec Michel Roca,
01:26:11 vous avez prononcé son nom,
01:26:13 qui, alors Premier ministre,
01:26:15 lance une réforme de l'orthographe,
01:26:17 pour soi-disant simplifier l'orthographe.
01:26:19 Là, vous avez pris le mordant,
01:26:21 vous menez une campagne,
01:26:23 vous mettez de votre côté
01:26:25 des gens comme Xavier Darkos,
01:26:27 je crois,
01:26:29 même François Béroud.
01:26:31 - C'était une initiative
01:26:33 de Roca,
01:26:35 sous la pression
01:26:37 d'un de ses conseillers
01:26:39 qui s'appelait
01:26:41 M. Ancrevé,
01:26:43 qui est mort maintenant,
01:26:45 je ne veux pas remuer sa mémoire
01:26:47 de manière désobligeante,
01:26:49 et d'un certain Bernard Cerchellini,
01:26:51 qui avait été nommé
01:26:53 délégué général
01:26:55 de la langue française.
01:26:57 - Petit service qui ne sert plus à grand chose.
01:26:59 - Oui, et qui n'avait qu'une idée,
01:27:01 c'était de faire des collocs sur les langues de France,
01:27:03 c'est-à-dire sur les patois.
01:27:05 Et alors, ils avaient
01:27:07 pondu une réforme de l'orthographe,
01:27:09 qui n'était qu'un début.
01:27:11 - Pas les patois, le corse non plus.
01:27:13 - Ce n'était qu'un début,
01:27:15 leur réforme.
01:27:17 Parce qu'ils annonçaient beaucoup...
01:27:19 En réalité, ça n'a pas pris du tout.
01:27:21 Cerchellini l'avait reconnu lui-même
01:27:23 un peu plus tard, et puis maintenant,
01:27:25 il y revient. Il a à nouveau agité
01:27:27 une quarantaine de personnes
01:27:29 pour relancer ça,
01:27:31 en prétendant que la langue française
01:27:33 se perd parce qu'elle est trop difficile.
01:27:35 Mais c'est ridicule.
01:27:37 Toutes les langues sont difficiles.
01:27:39 - L'anglais aussi est difficile.
01:27:41 - L'anglais, moi,
01:27:43 c'est d'ailleurs sa faiblesse.
01:27:45 Il est tellement parlé par des peuples différents
01:27:47 qu'il perd son unité.
01:27:49 - Il est difficile à parler.
01:27:51 - Pour les latins, pas pour les allemands
01:27:53 ou les scandinaves. C'est toujours les anglo-saxons
01:27:55 qui se reconnaissent dans leur langue respective.
01:27:57 - Pour nous, il est assez difficile à parler.
01:27:59 - Et nous, on est à la traine.
01:28:01 Enfin, à la traine, ou aux avant-postes plutôt.
01:28:03 Justement, de la diversité du monde.
01:28:05 Et racontez-nous cette
01:28:07 bataille-là. Vous avez même fait une manifestation
01:28:09 devant l'Académie française.
01:28:11 - Ah oui, on a fait une manifestation.
01:28:13 C'était Claude Ajege qui était
01:28:15 ministre de l'Éducation nationale.
01:28:17 - Non, non, non, c'était Claude...
01:28:19 Claude Allègre.
01:28:21 Marie-José de Saint-Robert
01:28:23 nous souffle le mot de Claude Allègre.
01:28:25 - Claude Ajege était de l'autre côté, au contraire.
01:28:27 Donc c'était Claude Allègre.
01:28:29 Alors, on a été de l'Institut
01:28:31 à la rue de Grenelle.
01:28:33 - Le ministère de l'Éducation.
01:28:35 - On nous a arrêtés avant.
01:28:37 Ce qui a permis
01:28:39 au ministre de l'Éducation nationale
01:28:41 de dire qu'il n'avait vu personne.
01:28:43 - Mais il y avait du monde.
01:28:45 - Il y avait beaucoup de monde.
01:28:47 - Il y avait des milliers de personnes.
01:28:49 - Et naturellement, la dépêche de l'AFP
01:28:51 a dit qu'il y avait beaucoup de cheveux gris.
01:28:53 - Eh oui.
01:28:55 - La manipulation est générale.
01:28:57 - C'est-à-dire que l'esprit public
01:28:59 est mené par une oligarchie
01:29:01 qui n'aime pas la France,
01:29:03 qui n'aime pas la France.
01:29:05 - Il y avait tout le monde.
01:29:07 - Il y avait des jeunes ?
01:29:09 - Bien sûr.
01:29:11 - Dire qu'il n'y avait que des cheveux blancs,
01:29:13 c'était ridicule.
01:29:15 Ça a été diffusé.
01:29:17 - Que faire ?
01:29:19 Vous gardez votre pessimisme.
01:29:21 - Oui, bien sûr.
01:29:23 On ne peut plus que témoigner.
01:29:25 - Par vos livres ?
01:29:27 - Oui.
01:29:29 - Par tout ce que vous avez écrit
01:29:31 sur la France.
01:29:33 - Je ne voyage plus.
01:29:35 - Vous étiez en Chine, il n'y a pas si longtemps.
01:29:37 - Oui, j'étais encore valide.
01:29:39 - Vous vivez beaucoup en Suisse.
01:29:41 Vous aimez faire des voyages avec votre chèvre.
01:29:43 - Des petits voyages.
01:29:45 Je l'appelle ça des déplacements.
01:29:47 - Ah, des déplacements.
01:29:49 C'est un peu officiel, des déplacements.
01:29:51 Vous ne voyez pas, après avoir vu tant
01:29:53 de présidents de la République,
01:29:55 vous ne voyez pas le président Macron ?
01:29:57 Vous n'allez pas lui tirer les oreilles ?
01:29:59 Et Nicolas Sarkozy ?
01:30:01 - Non, je l'ai vu une fois,
01:30:03 mais sans conséquences.
01:30:05 - Vous avez loupé ces trois-là,
01:30:07 alors que tous les prédécesseurs, vous les avez rencontrés.
01:30:09 - Oui, et ceux-là n'avaient vraiment pas d'intérêt.
01:30:11 - De Gaulle, Pompidou, Giscard.
01:30:13 - Non, je n'ai pas vu Giscard.
01:30:15 J'ai vu Giscard quand il n'était plus président.
01:30:17 - Alors, une anecdote pour conclure.
01:30:19 Nous sommes près du terme de cette conversation.
01:30:21 Dans quelles circonstances, alors que
01:30:23 vous le fustigiez dans les colonnes du Monde ?
01:30:25 - C'était l'époque où j'étais
01:30:27 à l'ambassade de France à Bruxelles,
01:30:29 comme conseiller culturel.
01:30:31 - Nommé par Chirac, il faut le dire.
01:30:33 - Pardon ?
01:30:35 - Nommé par Chirac.
01:30:37 - Oui, comme conseiller culturel et scientifique.
01:30:39 Et Giscard
01:30:41 venait au salon du livre,
01:30:43 signer un de ses livres.
01:30:45 Alors,
01:30:47 l'ambassadeur,
01:30:49 M. de Nazel, qui n'était pas du tout
01:30:51 giscardien, ne voulait pas l'accueillir.
01:30:53 Il m'a dit,
01:30:55 c'est à vous, il vient au salon du livre,
01:30:57 vous êtes conseiller culturel, c'est à vous.
01:30:59 - Mais il savait que ce que vous aviez écrit
01:31:01 contre lui ?
01:31:03 - Alors, je lui ai dit, c'est très embarrassant.
01:31:05 Parce que,
01:31:07 en montréal, c'était...
01:31:09 Alors là-dessus, le chef du cabinet de Giscard
01:31:11 me téléphone à plusieurs reprises.
01:31:13 Il fallait aller le chercher en voiture.
01:31:15 J'avais,
01:31:17 le service culturel avait une vieille
01:31:19 gimbarde tellement affreuse,
01:31:21 je ne pouvais même pas me déplacer avec
01:31:23 l'accueillir au Giscard. Alors, je lui ai dit,
01:31:25 c'est impossible que je ne peux pas
01:31:27 le chercher à la sortie de l'autoroute.
01:31:29 Alors là-dessus, il me dit,
01:31:31 il viendra par avion
01:31:33 et la voiture suivra par la route.
01:31:35 Et donc, alors il faut que...
01:31:37 - Vous allez prendre la voiture de l'ambassadeur.
01:31:39 - Alors, donc, je prends une des voitures
01:31:41 de l'ambassadeur pour aller le chercher
01:31:43 à la...
01:31:45 - A l'aéroport. - A l'aéroport, voilà.
01:31:47 Et alors,
01:31:49 je franchis des trucs
01:31:51 qu'on ne franchit pas d'habitude,
01:31:53 puisque j'avais le droit de le faire.
01:31:55 Je vais le chercher, il descend,
01:31:57 je lui prends sa sacoche,
01:31:59 il me dit, regardez,
01:32:01 "Vous êtes à Saint-Robert ?"
01:32:03 Je lui dis, "Oui, M. le Président,
01:32:05 j'espère que vous n'êtes pas contrarié
01:32:07 que M. l'ambassadeur m'ait chargé de vous accueillir."
01:32:09 "Non, non,
01:32:11 mais je réserve mon jugement."
01:32:13 - Et vous étiez tous les deux dans la voiture ?
01:32:15 - Il m'a quand même... Oui, oui.
01:32:17 - Et pas de conversation ?
01:32:19 - Relativement correct.
01:32:21 - Est-ce qu'il se rendait compte des boucoulés que vous lui tiriez dessus ?
01:32:23 - Mais après, il a demandé à l'ambassadeur
01:32:25 pourquoi j'étais là.
01:32:27 - Parce qu'il n'était pas content.
01:32:29 - Oui, il n'était pas content.
01:32:31 - Bref, vous les avez tous connus,
01:32:33 pas les trois derniers, si tant est qu'il soit président
01:32:35 et qu'il y ait une république.
01:32:37 - Je n'ai pas perdu grand-chose.
01:32:39 - Alors, à quoi occupez-vous vos jours,
01:32:41 Saint-Robert ?
01:32:43 Le temps passe,
01:32:45 vous écrivez, vous vous désolez.
01:32:47 - Je lis, je lis un peu.
01:32:49 - En ce moment ?
01:32:51 - Oui.
01:32:53 - Qu'aimez-vous ? Quels sont vos grands livres de référence ?
01:32:55 - Je trouve du mal à répondre
01:32:57 quand on me pose la question
01:32:59 parce que je lis toujours plusieurs livres à la fois.
01:33:01 - On compare beaucoup votre style à celui de Chateaubriand.
01:33:03 - Oui, oui.
01:33:05 - Je n'ai pas le premier à le faire.
01:33:07 Vous avez un style très à l'ancienne, avec de grandes périodes.
01:33:09 - Oui, si on veut.
01:33:11 Mais j'aime bien écrire.
01:33:13 J'écris comme...
01:33:15 On n'apprend pas à écrire.
01:33:17 Vous savez, l'écriture, c'est quelque chose de naturel.
01:33:19 - Vous avez écrit un livre qui s'appelle
01:33:21 "Écrire n'est pas jouer".
01:33:23 - Oui. C'est un livre où j'ai rassemblé
01:33:25 beaucoup de choses que j'ai écrites
01:33:27 sur des écrivains,
01:33:29 sur des auteurs.
01:33:31 Voilà.
01:33:33 C'est une façon de dire ce que j'aime.
01:33:35 Effectivement.
01:33:37 - Vous ne me dites pas quels sont les grands auteurs
01:33:39 que vous aimez ?
01:33:41 - Il y a Malraux,
01:33:43 il y a Monterland,
01:33:45 il y a Mauriac.
01:33:47 J'ai été très marqué
01:33:49 par Paul Claudel dans ma jeunesse.
01:33:51 - Oui. Vous aimez le théâtre aussi,
01:33:53 j'ai oublié de le dire.
01:33:55 On vous voit souvent au théâtre du Nord-Ouest, par exemple.
01:33:57 - J'aime beaucoup le théâtre de Claudel,
01:33:59 j'aime beaucoup le théâtre de Monterland.
01:34:01 J'aime beaucoup le théâtre.
01:34:03 - Vous n'avez pas écrit pour le théâtre ?
01:34:05 - Non.
01:34:07 Sur le théâtre de Monterland, si.
01:34:11 Pas sur le théâtre de Claudel.
01:34:13 - Sur le théâtre de Monterland,
01:34:15 mais pas de pièces de théâtre.
01:34:17 - Non, je n'ai pas écrit de pièces de théâtre.
01:34:19 - Vous avez écrit des romans ?
01:34:21 - Un. Un roman.
01:34:23 - Cette même douleur des morts ?
01:34:25 - Oui. C'est un titre emprunté à Paul Claudel.
01:34:27 C'est un titre...
01:34:29 Vous avez barbouillé ce livre.
01:34:31 - Ah, mais je barbouille mes livres.
01:34:33 Il ne faut pas me les donner,
01:34:35 je ne les rends pas après.
01:34:37 - La citation, c'est "Mon esprit n'a pas plus de repos que la mer".
01:34:39 - N'allez pas trop vite.
01:34:41 - "Mon esprit n'a pas plus de repos que la mer".
01:34:43 C'est la même douleur des mentes.
01:34:45 C'est emprunté au très beau poème de Paul Claudel,
01:34:47 qui s'appelle "La messe là-bas".
01:34:49 - Cette même douleur des mentes.
01:34:53 Quelle est-elle, cette douleur des mentes ?
01:34:55 - Oh, vous ne vous fassiez pas, c'est une histoire de jeunesse.
01:34:57 - C'est une histoire d'amour ?
01:34:59 - Peut-être, oui.
01:35:01 - Bon, votre œuvre est foisonnante.
01:35:03 Je n'arrive pas à vous faire dire
01:35:05 que vous avez écrit
01:35:07 bien que vous soyez de naturel pessimiste,
01:35:09 des choses sur le monde tel qu'il va
01:35:11 et la France tel qu'elle va.
01:35:13 Vous n'êtes pas effrayé par la situation du pays ?
01:35:15 Vous, le gaulliste, l'amour de la France ?
01:35:17 - C'est consternant, ce que je voulais vous dire.
01:35:19 C'est consternant.
01:35:21 Tout passe.
01:35:23 Personne ne s'oppose à rien.
01:35:25 Toutes les bêtises passent les unes après les autres.
01:35:27 - L'avachissement est général.
01:35:29 - La moindre minorité impose son point de vue sur tout.
01:35:31 La moindre minorité impose son point de vue sur tout.
01:35:33 - C'est un peu comme le choc.
01:35:35 - La moindre minorité impose son point de vue sur tout.
01:35:37 Qu'est-ce que vous voulez dire ?
01:35:39 C'est pour ça qu'il n'y a plus de République.
01:35:41 - Ni de démocratie, d'ailleurs.
01:35:43 - Oui.
01:35:45 Quand vous lisez dans un journal
01:35:47 que la drogue se démocratise,
01:35:49 vous savez bien que la démocratie n'existe plus.
01:35:51 - Sans parler du référendum de 2005,
01:35:53 tellement bafoué.
01:35:55 - Oui.
01:35:57 - Alors,
01:35:59 racontez une anecdote,
01:36:01 ça sera notre dernière,
01:36:03 la dernière qui est bouleversante.
01:36:05 Nous revenons à vos entretiens
01:36:07 avec Georges Pompidou.
01:36:09 - Oui.
01:36:11 - Et vous lui dites un jour,
01:36:13 vous savez, le flot migratoire
01:36:15 commence à inquiéter certains Français.
01:36:17 Nous sommes en 71, je crois.
01:36:19 On lit ça toujours dans ce merveilleux ouvrage,
01:36:21 "Le secret des jours".
01:36:23 - Il est le premier à m'avoir dit...
01:36:25 - Et il vous a répondu ?
01:36:27 - Il est le premier à m'avoir dit
01:36:29 "Qu'est-ce que vous voulez ?
01:36:31 C'est le CNPF,
01:36:33 qui était le patronat de l'époque,
01:36:35 c'est le CNPF qui insiste
01:36:37 pour l'immigration
01:36:39 parce que ça permet de maintenir les salaires
01:36:41 au plus bas niveau.
01:36:43 - Donc il y a une politique délibérée ?
01:36:45 - Oui, absolument.
01:36:47 - Et qui se poursuit aujourd'hui.
01:36:49 - Oui, d'ailleurs,
01:36:51 ne nous embêtez pas avec ça,
01:36:53 parce que vous allez faire monter les salaires.
01:36:55 Mais c'est une politique stupide.
01:36:57 - Qui conduit à quoi ?
01:36:59 Une immigration massive ou une invasion ?
01:37:01 - Maintenant, ça devient une invasion.
01:37:05 Parce que c'est inassimilable.
01:37:07 On parle d'assimilation,
01:37:09 mais on vous dit
01:37:11 que la France a toujours été
01:37:13 un pays d'immigration.
01:37:15 C'est une imbécilité.
01:37:17 Bien sûr, il y a eu une immigration,
01:37:19 mais c'était des immigrations personnelles,
01:37:21 des cas d'école, des cas individuels.
01:37:23 Aujourd'hui, c'est des peuples qu'on importe.
01:37:25 - Et encore, ça a commencé au 19ème,
01:37:27 avec les Polonais, puis les Italiens,
01:37:29 puis les Espagnols.
01:37:31 - C'était des gens de culture "chrétienne".
01:37:33 Mais il y avait quand même un substrat commun
01:37:35 avec ces gens-là.
01:37:37 Aujourd'hui, il n'y en a pas.
01:37:39 - L'islamisation de la France vous inquiète ?
01:37:41 - Oui.
01:37:43 Encore qu'à mon avis,
01:37:45 tous les musulmans ne sont pas
01:37:47 dans le sillage des islamistes.
01:37:49 Mais c'est leur voix qui domine.
01:37:51 - Même s'il n'y a que 10 ou 15 %
01:37:53 de combattants de la foi
01:37:55 parmi les 10 millions de musulmans,
01:37:57 ça fait quand même beaucoup !
01:37:59 - Oui, non, mais...
01:38:01 Personne n'a jamais voulu s'en rendre compte.
01:38:03 Et maintenant, ça devient tellement évident.
01:38:05 - Le grand remplacement
01:38:07 de votre ami Rodo Camus
01:38:09 est devenu une réalité.
01:38:11 - Vous voyez que le président de la République,
01:38:13 il hésite devant tout ça.
01:38:15 Il le voit, mais
01:38:17 il n'ose rien faire.
01:38:19 - Vous croyez qu'il est libre ?
01:38:21 - Il n'est pas libre
01:38:23 dans son mental,
01:38:25 mais il est libre. Il pourrait faire autrement.
01:38:27 - Vous savez qu'il a écrit un seul livre
01:38:29 qui s'appelle "Révolution".
01:38:31 - Oui, je ne l'ai pas lu.
01:38:33 - Très intéressant.
01:38:35 On dissèque le livre d'Emmanuel Macron
01:38:37 "Révolution".
01:38:39 C'est pour ça qu'il est mauvais dans les questions internationales.
01:38:41 Pour lui, l'objectif
01:38:43 ultime à atteindre, c'est la révolution numérique.
01:38:45 C'est l'homme augmenté
01:38:47 par l'intelligence artificielle,
01:38:49 par les robots.
01:38:51 Il ne pense qu'à ça.
01:38:53 Les robots, le numérique, l'intelligence artificielle,
01:38:55 la création d'un homme nouveau.
01:38:57 En quoi il est révolutionnaire ?
01:38:59 C'est toujours ça la révolution. Créer un autre homme.
01:39:01 - Il voit bien aujourd'hui à quoi ça mène.
01:39:03 Il ne peut pas ne pas voir
01:39:05 que c'est en train
01:39:07 de faire éclater
01:39:09 de l'intérieur
01:39:11 notre civilisation.
01:39:13 - Et l'humanité entière.
01:39:15 L'humanité est abattue par les machines.
01:39:17 - Et puis qui viendra après lui ?
01:39:19 On ne sait pas.
01:39:21 - Il y a une phrase du général de Gaulle, reprise par
01:39:23 Bernard Nosse dans un de ses beaux ouvrages,
01:39:25 l'un des derniers, "La France contre les robots".
01:39:27 C'est une phrase du général de Gaulle
01:39:29 du discours d'Oxford,
01:39:31 de 1941.
01:39:33 "La machine a pris possession du monde."
01:39:35 Elle n'a pas pris possession de l'homme,
01:39:37 plutôt ?
01:39:39 - Ça vient. Vous savez,
01:39:41 l'intelligence artificielle, c'est ça.
01:39:43 On va vous mettre des électrodes dans le cerveau.
01:39:45 - Des puces sous la peau.
01:39:47 - C'est le progrès.
01:39:49 Mais le progrès,
01:39:51 c'est un état
01:39:53 concentrationnaire.
01:39:55 - Totalitaire.
01:39:59 - Oui.
01:40:01 - Quelle phrase.
01:40:03 C'est d'ailleurs pourquoi nous sommes conservateurs.
01:40:05 Comme dit un de nos amis communs, Alain de Benoît,
01:40:07 "Être conservateur, c'est ne pas
01:40:09 conserver les cendres,
01:40:11 c'est s'attacher aux choses éternelles."
01:40:13 - Ah, il dit ça.
01:40:15 - C'est être conservateur.
01:40:17 De ce point de vue, vous comprenez le conservatisme.
01:40:19 Vous écrivez d'ailleurs des chroniques magnifiques
01:40:21 dans chaque numéro du Nouveau Conservateur.
01:40:23 - Des fois.
01:40:25 - Je ne sais pas de quoi je ne peux pas vous remercier
01:40:27 le temps que vous m'avez apporté.
01:40:29 - Cher ami, c'était un bonheur
01:40:31 d'avoir votre soutien.
01:40:33 - Le directeur de cabinet que j'étais était un peu indiscipliné,
01:40:35 paraît-il.
01:40:37 - Vous arriviez tard le matin.
01:40:39 - Oui, je partais tard le soir.
01:40:41 Que faire maintenant ?
01:40:43 - Je ne sais pas si je puis dire ça
01:40:45 comme une insolence de page,
01:40:47 comme disait Monterland.
01:40:49 - Non, Moriac.
01:40:51 - Une insolence de page.
01:40:53 - Oui, c'est Moriac qui parlait de mon insolence de page
01:40:55 quand j'étais jeune.
01:40:57 - Alors, je peux avoir une insolence de page ?
01:40:59 - Oui, bien sûr.
01:41:01 - On peut dire que vous n'avez plus la vie devant vous ?
01:41:03 - Que je n'ai plus ?
01:41:05 - La vie devant vous.
01:41:07 - Ah, non. Dieu merci.
01:41:09 Parce que ça m'évitera d'avoir toutes les horreurs
01:41:11 que vous verrez peut-être, cher ami, qui est plus jeune que moi.
01:41:13 - Pas tant que ça.
01:41:15 Et qu'avez-vous devant vous, alors ?
01:41:17 - Ben...
01:41:19 Vous savez ce que disait le général de Gaulle ?
01:41:21 Même quand on va vers la mort,
01:41:23 on va vers la vie.
01:41:25 - A Rome.
01:41:27 - Alors, il a dit ça à Rome,
01:41:29 lors de son dernier voyage auprès, je crois, de Paul VI.
01:41:31 - C'était encore Paul VI.
01:41:33 On n'a pas dit ça, il correspondait avec Paul VI, beaucoup.
01:41:35 - Non, mais il était à Rome.
01:41:37 - Il y avait une correspondance avec le pape.
01:41:39 - Il était devant la communauté ecclésiastique française de Rome.
01:41:43 Même quand nous allons vers la mort,
01:41:45 nous allons vers la vie.
01:41:47 C'est une très belle phrase.
01:41:49 - Même quand nous allons vers la mort, nous allons vers la vie.
01:41:51 Comment comprenez-vous ça ?
01:41:53 - Mais c'est une autre vie.
01:41:55 - Une autre vie.
01:41:57 Merci d'avoir été ici, parfaitement vous-même,
01:41:59 au cours de cette conversation,
01:42:01 et tout au long de votre existence,
01:42:03 avec une constance qui ne s'est pas démentie
01:42:05 depuis des jours en plein effervescence,
01:42:07 je lisais vos premiers ouvrages.
01:42:09 Merci pour tout ce que vous avez fait pour moi.
01:42:11 Je l'exige tout simplement,
01:42:13 parce que vraiment, je vous demande beaucoup.
01:42:15 - Merci de votre aide.
01:42:17 - Et je vous dis à bientôt.
01:42:19 [Musique]

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