Les Conversations de Paul-Marie Coûteaux - Hilaire de Crémiers, une vie au service de l’idée royale

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En prélude à la Conversation que nous aurons prochainement avec le prince Jean de France, comte de Paris, nous avons rencontré celui qui en sait probablement le plus long sur l’histoire de l’idée royale en France et sur son actualité, Hilaire de Crémiers. Héritier d’une grande famille poitevine, homme de foi, de fidélité et d’honneur, (il est d’ailleurs le président d’honneur de l’Action française), cet homme trop modeste qui dirige "Politique Magazine" et "La Nouvelle Revue Universelle" fondée par Jacques Bainville, a placé son érudition, sa patience et son imagination au service d’une grande cause qui, contrairement à ce que l’on croit, rencontre aujourd’hui une audience croissante, notamment auprès des jeunes. Ecoutons le présenter son Maurras, dont il a une lecture très particulière, raconter le "mai 68 des royalistes" ou la manifestation du 11 novembre 1940, revenir sur les heurs et malheurs de l’Action française, les turpitudes des Républiques, la politique étrangère du trop méconnu Charles X etc. On apprend beaucoup !

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00:00:00Il est l'heure de crémier, je suis vraiment très heureux, on le dit toujours, mais je
00:00:28suis spécialement heureux de vous recevoir chez moi, on a un peu trop tardé d'ailleurs
00:00:36à se retrouver, mon admiration pour vous est profonde, bonne partie, peut-être pas
00:00:43tous, de nos fidèles savent pourquoi, nous sommes tous les deux monarchistes, et vous
00:00:52êtes quand même depuis très longtemps le pilier, le point fixe, vous ne vous donnez
00:00:57pas tellement de titres à l'action française, il n'y a pas de titre, il n'y a pas de
00:01:01président, etc.
00:01:02Si, je suis le président d'honneur paraît-il.
00:01:05Ah vous êtes le président d'honneur, mais écoutez, vous êtes le président d'honneur,
00:01:07je suis très flatté de l'apprendre, en tous les cas, vous n'avez pas besoin de titre.
00:01:11D'honneur ça veut dire aussi d'une certaine manière, vous avez un certain âge et donc
00:01:15...
00:01:16Ah ben vous avez un petit âge maintenant en effet, mon cher Hilaire, mais vous êtes
00:01:20en effet un pilier, enfin une figure marquante et depuis très longtemps de l'action française
00:01:27que vous avez, dont vous avez vu les âges, qui ont eu des hauts et des bas, grâce à
00:01:35vous des hauts.
00:01:36Je dois dire d'ailleurs que nous nous sommes retrouvés récemment, cher Hilaire, au camp
00:01:40Maxime Réal de Sarthe, quelque part en Sologne, du côté de Vierzon, et que je suis en admiration
00:01:50devant la jeunesse, la lacrité, l'acuité intellectuelle, morale, le dévouement d'une
00:02:01quantité de jeunes dont personne ne parle.
00:02:03Ne vous effrayez pas la chronique, mais des centaines de jeunes, 20 ans, 25 ans, 30 ans,
00:02:09des pères de famille, des mères de famille, des familles avec des enfants un peu partout.
00:02:13Des jeunes professionnels.
00:02:14Des jeunes professionnels.
00:02:15Peut-être plus qu'encore que d'étudiants.
00:02:18Plus qu'avant peut-être, c'est-à-dire qui suivent l'action française, qui entrent
00:02:23jeunes et qui restent, qui font des enfants et il y a une impression de jeunesse au moment
00:02:29où la France traverse sa période assez épouvantable que l'on voit, cet îlot de fraîcheur, de
00:02:38confiance dans l'avenir, d'amour du pays, de jeunes réjouis autour de vous et de quelques
00:02:45autres piliers, nous en parlons peut-être, de l'action française, parce qu'en plus
00:02:48il y a des grandes figures.
00:02:49Plus que quelques autres.
00:02:50Oui.
00:02:51Alors, avec une grande activité éditoriale, vous dirigez Politique magazine.
00:02:56J'ai dirigé Politique magazine.
00:02:58Oui, vous les dirigez toujours plus ou moins.
00:03:00Je dirige la nouvelle revue universelle, là, oui, j'en suis le directeur.
00:03:04Et j'étais longtemps, pendant plus de 20 ans, le directeur de Politique magazine.
00:03:07Voilà, on va les montrer à l'écran.
00:03:09Oui, donc vous dirigez, ou en tous les cas, vous animez le mensuel Politique magazine,
00:03:16gros travail, la revue trimestrielle, la nouvelle revue universelle, fondée en 1920 par Jacques
00:03:23David.
00:03:24Pas une mince affaire.
00:03:25Exactement.
00:03:26Et puis il y a beaucoup de publications, le Bien commun, qui je crois est un mensuel,
00:03:30les maisons d'édition, les éditions de flore.
00:03:33Qui marche très bien.
00:03:35Qui marche très bien.
00:03:36Qui édite des livres anciens et qui édite des livres actuels.
00:03:41Actuels, oui.
00:03:42Je cite pas de noms parce que vous êtes toute une équipe, si je vais manquer de citer certains.
00:03:47Des jeunes, des moins jeunes, mais ça donne une impression de vitalité, l'action française,
00:03:53qui n'était peut-être pas gagnée au départ.
00:03:55Il y a eu un moment plus creux.
00:03:58Alors, on va le voir à travers votre vie, chère Hilaire de Crémier, et je ne sais pas
00:04:05très bien par où commencer, parce que nous avons beaucoup de choses à nous dire, surtout
00:04:12cet entretien, cette conversation tombe bien, vraiment, la France en ce moment, et la République
00:04:18en particulier, est dans un état épouvantable.
00:04:24France et République que nous distinguons, d'ailleurs vous publiez dans le numéro d'automne
00:04:28du Nouveau Conservateur un entretien assez long, extrêmement riche, que j'ai intitulé
00:04:34en reprenant une de vos phrases, les Républicains sont obligés d'abaisser la France pour valoriser
00:04:41la République.
00:04:42Ça dit tout.
00:04:43C'est exactement ça.
00:04:44C'est ce qui se passe aujourd'hui.
00:04:45C'est ce qui se passe depuis très longtemps.
00:04:47Depuis très longtemps.
00:04:48Alors, on va revenir à l'actualité, on va revenir à votre parcours, je voudrais commencer
00:04:52par un fait assez spectaculaire, que vous m'avez raconté justement il y a quinze jours
00:04:57en Sologne, que je ne connaissais pas bien, mai 68, votre mai 68, il a l'air de crémier.
00:05:04Alors à l'époque vous avez une vingtaine d'années, à peine plus, vous achevez vos
00:05:11études, vous êtes chef des Jeunes Royalistes, sous un titre ou sous un autre secrétaire
00:05:19général.
00:05:20Oui, parce que l'exemple français ce n'est pas du tout une organisation stalinienne avec
00:05:24des chefs, des sous-chefs, des chefs de section, on est là et on travaille.
00:05:26Et la chiantelie s'installe, comme disait un général que vous portez plus ou moins
00:05:35dans votre cœur, il y a des hauts et des bas.
00:05:37Mais vous allez voir, on va voir que vous vous rendez à le faire service en 68, vous
00:05:44êtes scandalisé parce qu'une émule de Daniel Cohn-Bendit, je crois, enfin une gauchiste
00:05:50si on est début vers le début des années,
00:05:52Il y en a même plusieurs, c'étaient des filles profanes de la tombe du soldat inconnu.
00:05:57Voilà, pour dire les choses comme elles sont, elles vont pisser sur la tombe du soldat inconnu.
00:06:02C'est des filles, c'est des femmes ?
00:06:03C'est des filles, oui.
00:06:04Des étudiantes ?
00:06:05Prétendument étudiantes, oui.
00:06:06Alors, le jeune d'Action Française que vous êtes, ce gendarme, enfin ce révolte,
00:06:16et vous décidez de faire des manifestations en somme.
00:06:19Commencer une manifestation à partir de la place de l'étoile.
00:06:23Voilà, pour garder un peu, pour sanctuariser un peu ce lieu sacré entre tous.
00:06:31J'affirme avec beaucoup de simplicité que, parce que bon, les gens ensuite ont prétendu
00:06:37que c'était eux, je dis que c'est moi, qui organisait cette manifestation avec les
00:06:44étudiants d'Action Française et quelques autres étudiants nationalistes.
00:06:48Ça commence mi-mai à peu près ?
00:06:49Oui, c'est ça, non, mais assez tôt, dans le mois de mai, tout à fait après les premières
00:06:54manifestations.
00:06:55Donc, il y avait des manifestations sur la rue gauche, dirigées par Cohn-Bendit, Giesma,
00:07:02toute la bande bien connue, Krivine, etc., et auxquelles ensuite se sont joints les vieux
00:07:09classiques.
00:07:10Les syndicalistes.
00:07:11Mitterrand était en étapes, chacun a voulu récupérer l'affaire à son profit, évidemment,
00:07:19parce que la vie politique française, depuis quelques décennies, c'est la récupération
00:07:25à son profit, pour sa carrière personnelle, des mouvements, que ce soit des mouvements
00:07:31de pignon ou des mouvements de rue.
00:07:33Et alors, nous avons décidé, et j'ai décidé personnellement, et je les ai même organisés.
00:07:39Faire des contre-manifestations.
00:07:43Alors, il y avait déjà une véritable jeunesse d'action française, on avait déjà organisé
00:07:50des réunions à travers toute la France, et puis, à l'habitualité, même, il y avait
00:07:55eu une grande réunion où il y avait...
00:07:58Royaliste, en fait.
00:07:59Oui, royaliste.
00:08:00Ouvertement royaliste.
00:08:01Oui, parce que j'ai toujours été, moi, ouvertement royaliste, quelles que soient les circonstances.
00:08:08On dit plus royaliste que monarchiste.
00:08:10Alors, monarchiste, c'est une forme de gouvernement, et royaliste, c'est plutôt une fidélité.
00:08:14À un roi, c'est ça.
00:08:15Une fidélité à un roi, puis à une famille.
00:08:17Il peut y avoir des monarchies non-royalistes, c'est-à-dire des monarchies qui ne sont pas
00:08:22unitaires.
00:08:23Oui, bien sûr, et généralement, quand quelqu'un veut réussir, il transforme son pouvoir,
00:08:29d'une manière ou d'une autre, en monarchie, en bonne ou en mauvaise monarchie.
00:08:33C'est le cas de votre amie, le général de Gaulle.
00:08:35En monarchie républicaine.
00:08:37L'adjectif républicain étant, évidemment, le côté négatif du mot monarchie.
00:08:44Il aurait mieux valu faire une monarchie royale.
00:08:47Alors, on devrait peut-être s'arrêter, on reviendra sur le mot république, parce
00:08:51qu'il est équivoque, le mot république.
00:08:53Il n'est pas totalement à récuser.
00:08:55Bien sûr, on peut parler de la république de Baudin, qui est une démonstration de l'excellence
00:09:00de la monarchie.
00:09:02Jean Baudin, penseur de la république au XVIème siècle, il faut le dire, tout le
00:09:06monde ne le sait pas, pensait, en le montrant, les six livres de la république sont assez
00:09:11consistants, que la république ne tient pas debout sans un roi à sa tête.
00:09:16Exactement.
00:09:17Un père, même.
00:09:18L'idée, c'est surtout une monarchie paternelle, et c'est en fait ce qui manque.
00:09:22Les Français n'ont plus de père.
00:09:24La vérité, c'est ça.
00:09:25Et comme disait Célie Politaine, je crois, en coupant la tête au roi, la France a coupé
00:09:30la tête à tous les termes.
00:09:32Respublica, ça veut dire le bien commun, d'une certaine façon.
00:09:36Bien sûr.
00:09:37Et donc, il faut un garant du bien commun fixe, permanent, impartial, qui garantisse
00:09:44la république en tant que Respublica, ce qui n'est pas exclusif d'une démocratie
00:09:50ou d'exercice démocratique pour certaines fonctions dans l'État ou des fonctions
00:09:55locales.
00:09:57Vous savez, puisqu'on diverge sur un terrain un peu philosophique, j'ai très inspiré
00:10:06un texte d'Aristote sur les trois légitimités, dont il disait sagement qu'il fallait les
00:10:15lier pour que la république soit solide.
00:10:17La légitimité monarchique, royale si possible, parce que l'affection s'en mêle avec le
00:10:25roi, comme vous le disiez.
00:10:26Oui, bien sûr.
00:10:27Une légitimité démocratique pour beaucoup de pouvoirs, ça peut être une assemblée
00:10:31d'ailleurs, il y avait les États généraux sous la monarchie française.
00:10:34Et puis on votait beaucoup sous la monarchie française, on y reviendra.
00:10:37Beaucoup plus qu'aujourd'hui.
00:10:38On votait beaucoup plus qu'aujourd'hui sous la monarchie, ça je voudrais qu'on
00:10:40y revienne quand même, parce que les Français ne le savent pas ça.
00:10:43Les Français ne savent pas que dans les pays d'État, c'était les assemblées
00:10:48provinciales qui votaient l'impôt.
00:10:50Oui, et qui étaient élus.
00:10:52Et qui étaient élus, bien sûr.
00:10:54Les Français ne le savent pas ça.
00:10:56Et qui votaient l'impôt.
00:10:58On a restreint le suffrage après la révolution.
00:11:00Enfin bref, c'est comme le droit des femmes, il était bien supérieur avant la révolution
00:11:03qu'après, mais passons.
00:11:04Il y a beaucoup de choses, des préjugés qui ont occupé les esprits et qui les égarent.
00:11:13Et puis il y a une troisième source de légitimité pour Aristote, qui est la source aristocratique
00:11:18aussi.
00:11:19D'ailleurs je pense que la Ve République au moins peut lui reconnaître ça, à ses
00:11:22débuts au moins, mélanger ses sources.
00:11:24Le président de la République, c'était l'élément monarchique.
00:11:28Il y avait évidemment le Parlement et les deux chambres.
00:11:31Et puis le référendum, bien oublié d'ailleurs par les soi-disant démocrates d'aujourd'hui,
00:11:37qui était l'élément démocratique.
00:11:40Et puis il y avait un élément aristocratique qui était à la fois peut-être les anciens
00:11:45de la résistance qui tenaient lieu de phalanges dévoués au bien commun.
00:11:52Et puis il y a eu l'ENA aussi, qui était aussi fait pour créer une sorte d'aristocratie
00:11:56au service du bien commun.
00:11:57Qui aurait dû être ça.
00:11:58Qui aurait dû être ça et qui a dérivé ensuite, mais qui aurait dû être ça.
00:12:02Tant qu'il y a eu des hauts fonctionnaires qui avaient le sens de la nation, la France
00:12:07a continué à marcher.
00:12:08Elle ne marchait pas en raison tellement de ses institutions, mais plutôt en raison des
00:12:13traditions, des traditions familiales, des traditions personnelles que chacun représentait
00:12:19et qui faisaient que d'une manière générale, un ingénieur travaillait bien, un administrateur
00:12:25administrait bien, un préfet faisait son travail de préfet correctement.
00:12:30Parce qu'il y avait une sorte de morale publique.
00:12:35Il n'y avait même pas besoin de l'expliciter.
00:12:37C'était une aristocratie de fait.
00:12:39Elle était là.
00:12:41Il ne venait pas à l'idée que l'on puisse sacrifier les intérêts français.
00:12:46C'est depuis quelques décennies que c'est devenu une sorte de mode, au point que dans
00:12:52les réunions internationales, on reconnaît un représentant français par le fait qu'il
00:12:57commence par dire qu'il sacrifie les intérêts français.
00:13:00C'est ça.
00:13:01Et c'est le seul pays au monde qui fasse ça.
00:13:03C'est ce que disait je ne sais trop quel Premier ministre britannique dans toutes les
00:13:06émissions en Europe.
00:13:08Il faut qu'il y ait au moins un français pour que quelqu'un attaque la France.
00:13:11C'était une boutade.
00:13:13Alors revenons donc à votre premier acte politique majeur.
00:13:18Le vrai premier acte majeur, j'avais 13 ans, 14 ans, je me suis fait arrêter sur
00:13:26la voie publique pour manifestation d'Algérie française.
00:13:30J'ai eu l'occasion d'aller plusieurs fois dans les commissariats de police.
00:13:35J'ai commencé très jeune parce que j'appartiens à une famille d'action française qui était
00:13:38très engagée et mon père, mon grand-père ont été, pour tout vous dire, ça peut parler
00:13:46à quelques-uns, des condamnés, des excommuniés de 1926, dont je suis très fier parce que
00:13:52c'est la preuve de la foi catholique exacte et de l'attachement à la France, en même
00:13:57temps de ma famille, qui s'est toujours consacrée à Dieu et au roi.
00:14:03D'abord, pas trop de sujets à la fois parce qu'on a ouvert beaucoup de dossiers d'un seul coup.
00:14:07En 68, très rapidement, il y a eu 20 000 puis ensuite 30 000.
00:14:13Bien sûr qu'ils en faisaient tous les jours.
00:14:15Les gens repéraient qu'il se passait quelque chose en réaction.
00:14:18On s'entait sur la rive droite et alors il y avait évidemment les barbouzes, je pense
00:14:25de Pasqua et des autres, qui essayaient de nous entraîner sur la rive gauche.
00:14:30Je discutais avec les renseignements généraux, avec qui j'avais un lien un peu particulier,
00:14:35qui venait me trouver en me disant, j'avais 23, 24 ans…
00:14:38Venez donc plutôt nous prêter main forte, boulevard Saint-Michel.
00:14:41Qu'est-ce qu'on fait ? Parce qu'il n'y avait plus rien, il n'y avait plus d'État,
00:14:44il n'y avait plus rien.
00:14:45Il n'y avait vraiment plus rien.
00:14:46Il y avait Chirac qui se promenait dans Paris avec un sac rempli de billets, avec un revolver
00:14:53sous l'aisselle, et qui a tenté de payer et qui a obtenu d'ailleurs de payer.
00:15:01Je n'en ai pas la preuve formelle parce qu'il y a ce genre de choses, il n'y a pas de preuve formelle.
00:15:05Ce n'est pas possible.
00:15:06Mais c'est ainsi que progressivement les événements se sont tassés.
00:15:10Mais il n'y a pas que ça.
00:15:12Donc ces contre-manifestations étaient importantes, on voulait les dériver dans une rencontre
00:15:17qui avait été évidemment sanglante, c'était ce que l'on voulait, de façon à permettre
00:15:21à l'armée d'intervenir.
00:15:23C'est ça.
00:15:24Il fallait que ça castagne sec pour que De Gaulle appelle l'armée.
00:15:27Et moi je disais, on n'est pas de la chair à canon, je disais aux policiers, on n'est
00:15:30pas de la chair à canon, votre stratégie c'est rien du tout.
00:15:33On continue les contre-manifestations.
00:15:36Sur les Champs-Elysées.
00:15:37Sur les Champs-Elysées, les grands boulevards, tout.
00:15:41Ce que nous allons faire, c'est que nous allons porter la contradiction à l'intérieur
00:15:45des établissements.
00:15:46Et c'est ce que nous avons fait avec tous nos amis.
00:15:50Vous avez rencontré Gérard Leclerc, qui en était, sur le plan des gros bébés, qui
00:15:54était Jean-Pierre Diquesse.
00:15:56Et nous allions dans les établissements les plus de gauche, et on disait, puisque c'est
00:16:01la liberté de parole, nous…
00:16:03Allons-y, on parle.
00:16:04Voilà.
00:16:05Que ce soit les lycées, moi j'ai fait un nombre de lycées de gauche incroyables,
00:16:08avec évidemment des risques, mais je venais encadré avec quelques étudiants, encadré
00:16:12par quelques étudiants sympathiques, mes amis, et puis on prenait la parole et on exposait
00:16:17nos idées sur la question de liberté universitaire.
00:16:21Et on essayait de retourner la situation.
00:16:24Puis à la fin des débats, on disait, mais maintenant, il y a Clarté, il y a toute la
00:16:30presse de gauche qui est là, il y a Rouge.
00:16:32Clarté, c'était PC, oui.
00:16:33Dans lesquelles j'ai eu droit à une double page sur Hilaire de Crémyer, je sais pas
00:16:37quoi, le danger contre la République, enfin je sais pas si c'est un article assez sanglant.
00:16:42Et on disait, maintenant il faut notre presse.
00:16:45Et comme il n'y avait plus de presse, nous nous étions arrangés pour faire tirer, la
00:16:52nuit.
00:16:53En Rodeo ?
00:16:54Non, pas en Rodeo, une imprimerie qui était tout feu état, et j'allais chercher tout
00:17:00feu état avec ma voiture, j'avais réussi à avoir de l'essence.
00:17:04On passait les barrages de la CGT et des autres organisations, et on tirait Aspect de la France
00:17:12et Amitié Française Universitaire, qui était le journal des étudiants d'Action
00:17:16Française, on les tirait à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires.
00:17:20Et ensuite, on s'arrangeait, on répartissait ça à travers toute la France, et on n'a
00:17:24jamais autant vendu le journal Aspect de la France.
00:17:28L'Action Française, les étudiants d'AF allaient sur la place de l'Opéra, et comme
00:17:34il n'y avait plus de journaux, ça partait à toute allure.
00:17:38Alors il faut dire qu'Aspect de la France était l'autre nom de l'Action Française
00:17:42quand l'Action Française a été interdite après-guerre, pour des raisons sur lesquelles
00:17:46nous allons revenir aussi.
00:17:48Mais je tiens à mes Champs-Elysées, parce que c'est très intéressant.
00:17:52Petit à petit, vos manifestations quotidiennes font boule de neige, tous les jours, et alors
00:17:58les gens voient que c'est un point de ralliement, la chirurgie ça suffit, etc.
00:18:03Vous finissez des dizaines de milliers !
00:18:06On était peut-être 200 000 ou 300 000, et à ce moment-là, je prends moi la décision
00:18:13personnellement d'arrêter.
00:18:15Pourquoi ? Parce que je voyais que nous n'avions plus la maîtrise de la manifestation, parce
00:18:20que c'était un moment où le Général de Gaulle reprenait un peu les choses en main,
00:18:26où je savais que Chirac avait payé comme il fallait payer de l'autre côté, et je
00:18:34me suis dit, ça va nous échapper totalement, et ça va servir à un rebond de quelque chose
00:18:40que pour ma part, je ne pensais pas souhaitable.
00:18:43Mais quand même, la fameuse manifestation du 30 mai !
00:18:46Et l'aboutissement !
00:18:48Tous les militants d'Action Française ont eu le sentiment, ce jour-là, d'une spoliation.
00:18:55Il est prolongé, alors on a quand même vu Malraux, Debré...
00:19:00En tête, tous les gars qui pétochaient pendant les événements et qu'on ne voyait plus.
00:19:06Vous aviez lancé la réaction.
00:19:08Je me suis posé une question.
00:19:10Vos manifestations des Champs-Élysées vers l'Arc de Triomphe avaient peut-être une
00:19:17réminiscence, c'était peut-être une réminiscence d'une très importante manifestation qui
00:19:22avait eu lieu, mal connue de nos contemporains, mais très intéressante et très spectaculaire,
00:19:28le 11 novembre 1940, c'est-à-dire en pleine occupation.
00:19:36Les Allemands règnent dans Paris.
00:19:38Sur les Champs-Élysées en particulier.
00:19:40Et sur les Champs-Élysées qui étaient à l'usine Évragique.
00:19:42Et voilà que les jeunes royalistes d'Action Française, notamment ceux qui sont organisés
00:19:50à l'accord pour le droit, autour de personnages dont il faut citer le nom Jean-Eugène Langevin,
00:19:56André Pertuzio, qui sont des piliers de l'Action Française, disparus hélas.
00:20:00André Pertuzio avait 100 ans d'ailleurs, et il racontait encore cette manifestation
00:20:04dont il avait, avec son ami E. Langevin, pris l'initiative.
00:20:08Les jeunes décident de faire une manifestation, le 11 novembre 1940, en hommage aux soldats
00:20:16inconnus, sur les Champs-Élysées.
00:20:18On ne manifeste pas en pleine occupation, ça s'est vu dans aucun autre pays.
00:20:22Je crois qu'à Belgrade aussi, il y avait une occasion de manifestation patriotique.
00:20:26Et ça marche.
00:20:29Il y a une anecdote qui ne sera peut-être pas à votre goût d'ailleurs.
00:20:34Ça marche aussi parce qu'il y a des résistantes qui ne sont pas nécessairement
00:20:38d'Action Française, mais qui viennent manifester aussi.
00:20:42Certains paraît-il manifester avec deux grands bâtons, qui figuraient deux Gaules.
00:20:48Une manière d'invoquer deux Gaules.
00:20:51D'ailleurs, il y avait parmi eux un autre conscrit, je ne sais pas s'il était vraiment AF,
00:20:57c'était Pierre Lefranc, qui raconte qu'il avait demandé avec deux ou trois amis
00:21:03à un fleuriste de confectionner une gerbe, avec une croix Lorraine,
00:21:10symbole classique de la patrie, et que le jour où ils viennent la chercher,
00:21:18alors qu'ils avaient donné deux francs six sous et qu'ils ne s'attendaient pas
00:21:22à quelque chose de très spectaculaire, le fleuriste, comprenant l'état d'esprit des Français,
00:21:27de quoi il s'agissait, leur a confectionné une immense gerbe en forme de croix Lorraine,
00:21:33à telle ensormme qu'heureusement il était trois pour la porter, parce qu'elle était immense.
00:21:37C'est vous dire la capacité, l'attente de résistantes des Français,
00:21:40contrairement à ce qu'on publie avec les...
00:21:42Marie, il faut ajouter qu'aujourd'hui encore, il y a toujours cette manifestation qui est maintenue...
00:21:49Chaque année, l'AF fait une manifestation en souvenir, en effet, à la station Champs-Elysées,
00:21:56à la station Étoile, le 11 novembre, en fin d'après-midi, on se réunit.
00:22:03Très bien, mais alors, ce qui est intéressant dans cette affaire, c'est que les Allemands
00:22:08ont été sidérés de voir des jeunes rendre hommage aux soldats inconnus,
00:22:13mais en masse, ça fait plusieurs milliers de personnes aussi.
00:22:17Et ça n'a pas très bien fini, parce qu'au début ils n'ont pas tellement réagi,
00:22:20puis après on a vu débouler des colonnes qui venaient du centre de Paris,
00:22:24de la commande d'armature, des colonnes de soldats,
00:22:27et qui ont tapé assez fort aussi, il y a eu des blessés.
00:22:30Il y a eu quelques arrestations.
00:22:31Beaucoup d'arrestations et puis des blessés.
00:22:34Est-ce qu'il y avait une réminiscence de ce 11 novembre 40 pour vous ?
00:22:37Non, ce n'était pas ça.
00:22:38Ah oui, si !
00:22:39Ah oui, si quand même !
00:22:40Oui, bien sûr, bien sûr.
00:22:41Toujours la résistance.
00:22:42Bien sûr, ça rejoignait aussi les manifestations du 6 février.
00:22:48Ah voilà.
00:22:49Vous savez, les manifestations, il n'en a pas manqué en France.
00:22:53Qui étaient plutôt à la Concorde, mais ce n'était pas loin.
00:22:55Oui, ce n'était pas très loin non plus.
00:22:56Ce n'était pas très loin.
00:22:57D'un mouvement qui, il faut le dire, avait connu un creux après la Seconde Guerre mondiale,
00:23:04l'action française était interdite, reparée sous le titre d'une division d'aspects de la France.
00:23:09Et évidemment, les deux branches, on va y revenir tout à l'heure,
00:23:13des royalistes, ceux qui ont suivi De Gaulle et ceux qui n'ont pas suivi De Gaulle,
00:23:17ou en tous les cas qui ont suivi Vichy, pour moi, il n'y a pas tellement d'opposition, il faut dire.
00:23:23L'équivoque était parfaite, était complète, était même assez...
00:23:30Il y avait ce qu'on appelait les vichystos résistants.
00:23:32Il y avait les vichystos résistants.
00:23:34Le gouvernement de Maréchal payait sur sa cassette des crédits pour les mouvements de résistance
00:23:39que nous établissons dans ce numéro sur Pétain et De Gaulle.
00:23:43L'armée secrète a joué un rôle extrêmement important.
00:23:50Les services secrets de Vichy ont travaillé pour Londres,
00:23:55à la fois Londres-De Gaulle et Londres-Gouvernement britannique,
00:23:59ce que savait très bien le Maréchal.
00:24:01Bien sûr, c'est évident.
00:24:03Tout ça est évident et c'est caché.
00:24:05On a témoigné ici à la Juillet, il y a quelques semaines.
00:24:07On essaie de créer un manichéisme.
00:24:11On fait comme s'il y avait 40 millions de Français qui étaient 40 millions de salopards
00:24:17et qui étaient dirigés par une bande de pires que de salopards.
00:24:22Mais ce n'est pas vrai, il y a eu effectivement...
00:24:25Il y a eu des collabos à Paris, qui étaient des gens de gauche d'ailleurs le plus souvent.
00:24:28Qui venaient du socialisme, oui.
00:24:30Ou du communisme, comme Doriot.
00:24:32Il faut quand même rappeler que Pierre Laval a été un socialiste toute sa vie.
00:24:37Ministre du cartel des gauches.
00:24:39Et quand il a vu la possibilité de faire la grande Europe
00:24:43à la manière dont ils la veulent aujourd'hui...
00:24:46C'était ça, faire l'Europe.
00:24:48Il l'a expliqué, il l'a dit dans des longs discours.
00:24:51Il faut rappeler que Maréchal Pétain, on ne le dira jamais assez,
00:24:55a reçu les pleins pouvoirs le 18 et 40 de l'Assemblée nationale.
00:24:59Et lui en 1936, elle est trop populaire la même.
00:25:01Exactement.
00:25:02La majorité de gauche.
00:25:03On va se maniquer, il faut en sortir.
00:25:05Il y a une figure dont il faut que nous parlions, c'est Daniel Cordier.
00:25:08Je trouve ça très amusant.
00:25:09Daniel Cordier, qui était un très jeune homme d'une vingtaine d'années,
00:25:12qui était le chef de la section des jeunes roi-co de Biarritz, je crois, au Saint-Jean-de-Lune.
00:25:16Oui, c'est ça.
00:25:17Apprenant qu'il se passait quelque chose à Londres,
00:25:22il trouve un bateau qu'il arrive à prendre au dernier moment
00:25:25et il rejoint Londres avec l'idée d'y retrouver et de Gaulle et Maurras.
00:25:29Il était persuadé de retrouver Maurras aux côtés de de Gaulle,
00:25:32ou de Gaulle aux côtés de Maurras.
00:25:33Il le raconte dans ses mémoires.
00:25:34Ben oui.
00:25:35Il n'y a pas que lui.
00:25:36Agnès Caracalla.
00:25:38Benouville, qui était un ancien câbleau du roi,
00:25:41Griotret, que j'ai bien connu les deux.
00:25:44Il faut citer ici un livre de...
00:25:46Et puis Rémy.
00:25:48Rémy, le futur...
00:25:50Le colonel Rémy.
00:25:51Que nous citons beaucoup, le futur auteur de cette formule...
00:25:56Le bouclier et l'épée.
00:25:59Le glaive et le bouclier, qui est le titre de notre numéro de septembre.
00:26:03Il y a un autre nom qu'il faut que nous citions,
00:26:05c'est François-Marin Floteau, qui est l'auteur d'un livre absolument formidable
00:26:09qui s'appelle « Les royalistes dans la résistance »,
00:26:12où j'ai appris quantité de choses.
00:26:15D'abord, les premiers résistants de Londres.
00:26:18C'était très souvent des royalistes.
00:26:20C'était des royalistes.
00:26:22Souvent des aristocrates, d'ailleurs.
00:26:24Il y avait pas mal d'aristocrates.
00:26:26Bois Lambert.
00:26:28Évidemment, son aide de Cante-Courcel.
00:26:31Elisabeth de Miribel.
00:26:33C'était des aristocrates au début à Londres, dans les premiers jours.
00:26:36Le premier qui sort de la porte, c'est Bois Lambert.
00:26:40Ce n'étaient pas des piliers du Parti socialiste, ça c'est sûr.
00:26:43Ça, non.
00:26:45D'ailleurs, si un arrive assez tôt, c'est Pierre Cotte.
00:26:48Mais De Gaulle le récuse, parce qu'il avait été un ministre de l'Aviation.
00:26:51D'autant plus qu'il avait été en grande partie responsable
00:26:53de l'état catastrophique de l'armement français.
00:26:57Il a tout éploré, Pierre Cotte, en disant
00:26:59« Gardez-moi, je peux balayer la cour, n'importe quoi. »
00:27:02Tout ministre qu'il avait été, c'est assez poignant.
00:27:05Bref, François-Marin Floteau, c'est un livre que je conseille.
00:27:10Il montre le nombre d'initiatives,
00:27:13sur place aussi, prises par des royalistes.
00:27:15Oui, beaucoup.
00:27:17La Baie de Dertin, Choiseul-Pralin,
00:27:20un grand pilier de l'Action française
00:27:22qui lance, je crois, le 15 ou 16 juin,
00:27:26un réseau de résistance.
00:27:28Avant même l'appel du 18 juin.
00:27:30Oui, c'était le cas aussi en Alsace.
00:27:32Il y a l'Alsace.
00:27:34Toute la section d'Action française est devenue
00:27:36le premier réseau de résistance sur place.
00:27:39Ce qui n'est pas étonnant.
00:27:41C'est indépendamment même de l'appel du 18 juin.
00:27:44Oui, oui.
00:27:46C'est constitué de soi-même.
00:27:48Ce qui n'est pas étonnant, parce qu'au fond,
00:27:50l'Action française, quand on la lit entre les deux guerres,
00:27:52est le premier organe de presse,
00:27:54à ce moment-là, très important,
00:27:56avec des tirages exceptionnels.
00:27:58On peut dire même que la rive gauche
00:28:00était tenue par l'Action française,
00:28:02en grande partie.
00:28:04Il n'y avait pas un homme politique
00:28:06un peu intelligent
00:28:08qui ne lisait pas son Action française
00:28:11tous les matins.
00:28:13Avec une très grande diversité de plumes.
00:28:15Léon Daudet, Jacques Bainville,
00:28:17pour la chronique internationale.
00:28:19Léon Daudet pour bien rigoler.
00:28:21Léon Daudet avec sa faconde.
00:28:23Les grammairiens Lamourette et Pichon.
00:28:25Je les cite toujours, Lamourette et Pichon,
00:28:27grammairiens de l'Action française,
00:28:29parce qu'ils sont tombés en extase
00:28:31devant un jeune docteur de Vienne
00:28:33qui s'appelait Sigmund Freud.
00:28:35Il faut redire.
00:28:37Il a tellement été riche et foisonnante
00:28:39l'Action française,
00:28:41que la première fois que les Français
00:28:43entendent parler de Sigmund Freud,
00:28:45c'est dans l'Action française.
00:28:47Celui qui a soutenu Proust,
00:28:49c'est Léon Daudet.
00:28:51Proust qui lisait l'Action française,
00:28:53qui écrivait dans l'Action française.
00:28:55Je le dis parce que pendant 60 ans,
00:28:57on a combien de mois jusqu'à monter ça.
00:28:59Je lis l'Action française tous les jours,
00:29:01disait Proust, parce que je prends
00:29:03une cure d'altitude mentale.
00:29:05C'était un très grand journal.
00:29:07Avec beaucoup de liberté,
00:29:09par exemple, les premières chroniques de jazz,
00:29:11aussi, il n'y a pas que Freud,
00:29:13fleurissaient dans l'Action française
00:29:15avec un certain Pannetier
00:29:17qui était à la fois royaliste,
00:29:19très riche,
00:29:21et qui soutenait les premiers jazzmen.
00:29:23Toute une équipe de jeunes
00:29:25normaliens,
00:29:27Thierry Monnier, Braziac,
00:29:29Robatek,
00:29:31qui ensuite passera de l'autre côté,
00:29:33qui trahira sous une certaine forme,
00:29:35sous une certaine forme,
00:29:37mais qui tenait les chroniques littéraires
00:29:39à l'Action française,
00:29:41et les chroniques cinématographiques.
00:29:43Mauriac disait qu'il lisait l'Action française.
00:29:45Oui, pourtant, il a désisté.
00:29:47C'était la manière de Mauriac.
00:29:49Oui, il y avait une ambiguité un peu...
00:29:51Bref.
00:29:53Ce qui est intéressant,
00:29:55c'est qu'il y avait quand même des lignes de force
00:29:57dans l'Action française autour de Charles Maurras,
00:29:59qui était une détestation,
00:30:01ou tout au moins une méfiance,
00:30:03une alerte permanente
00:30:05contre le danger allemand.
00:30:07Il faut le dire ça,
00:30:09parce qu'on ne comprend rien à la question de la guerre.
00:30:11L'Action française est née de cela,
00:30:13de la capacité
00:30:15où se trouvait la Troisième République
00:30:17de voir, de comprendre
00:30:19le danger allemand.
00:30:21Ce que Maurras a voulu montrer dès le départ,
00:30:23avant même le début
00:30:25du XXème siècle.
00:30:27Il en fera ensuite des chroniques dans des livres
00:30:29quand les Français ne s'aimaient pas.
00:30:31Mais c'était des articles
00:30:33qu'il écrivait à la fin du XIXème
00:30:35et au début du XXème siècle
00:30:37sur le fait que, par exemple, la pensée allemande
00:30:39avait envahi l'université française.
00:30:41L'auteur de référence
00:30:43était Kant.
00:30:45Les philosophes français étaient des sous-Kants,
00:30:47en quelque sorte.
00:30:49Et tant qu'affaire, Maurras disait
00:30:51« Puisqu'il vous faut un homme
00:30:53d'après la Révolution
00:30:55comme penseur ou comme équivalent,
00:30:57prenons Auguste Comte.
00:30:59Au moins, il est français.
00:31:01Ou Renan.
00:31:03Prenons Tène, prenons Renan,
00:31:05pour ce qui est de l'histoire.
00:31:07Parce que ça, c'est français.
00:31:09Maurras ne comprenait pas
00:31:11comment l'intelligence française
00:31:13était vraiment contaminée
00:31:15par un kantisme.
00:31:17Et la philosophie allemande
00:31:19en règle générale.
00:31:21La fameuse
00:31:23philosophie morale indépendante.
00:31:25Oui, bien sûr, la fameuse
00:31:27morale indépendante de Luc Ferry.
00:31:29C'était de la morale kantienne.
00:31:31Et quand vous prenez
00:31:33la raison pratique ou la raison pure
00:31:35de Kant, c'est la destruction
00:31:37de toute métaphysique et de toute
00:31:39notion même de vérité
00:31:41objective.
00:31:43D'inspiration catholique.
00:31:45Et c'est
00:31:49l'exaltation
00:31:51du subjectivisme,
00:31:53sachant que chaque homme aurait en lui-même
00:31:55de quoi
00:31:57s'imaginer, se façonner
00:31:59à lui-même sa propre morale.
00:32:01Kant conçonnait avec l'antipéricalisme
00:32:03de la Troisième République aussi.
00:32:05L'impératif catégorique, on le voit aujourd'hui.
00:32:07Qu'est-ce que ça donne ? Le coup de couteau dans la cour de récréation.
00:32:09C'est absurde.
00:32:11Ça ne tient pas la route.
00:32:13Après, il y a eu ça, il y a eu
00:32:15Hegel, il y a eu Marx.
00:32:17J'ai connu une université
00:32:19qui malheureusement était marxiste.
00:32:21Alors même s'il y avait
00:32:23d'excellents professeurs qui ne l'étaient pas,
00:32:25il n'empêche que j'ai écouté des cours
00:32:27invraisemblables, en littérature
00:32:29française par exemple, où on nous expliquait
00:32:31dans les grands amphithéâtres de la Sorbonne
00:32:33que le personnage intéressant
00:32:35du Tartuffe de Molière
00:32:37c'était Tartuffe parce qu'il était opprimé
00:32:39par la société.
00:32:41J'ai eu droit à ça aussi.
00:32:43On nous faisait de l'infrastructure, de la superstructure.
00:32:45Tout un langage
00:32:47complètement ridicule
00:32:49qu'aujourd'hui on considérait comme totalement ridicule
00:32:51et on ne pouvait plus rire.
00:32:53Mais aujourd'hui c'est la même chose avec Molière.
00:32:55On n'arrive plus à rire vraiment
00:32:57de ce qu'est véritablement Molière.
00:32:59Même le donjon est caricaturé.
00:33:01Tout ça parce que
00:33:03nous sommes envahis
00:33:05par une pensée étrangère.
00:33:07Et ça c'est le fin fond de la pensée de nos races.
00:33:09Il faut retrouver
00:33:11nos racines françaises.
00:33:13Au-delà des racines françaises latines,
00:33:15grecques,
00:33:17romaines.
00:33:19Nos racines lointaines.
00:33:21L'admiration pour la Grèce.
00:33:23Je reviens à l'action française
00:33:25dans les années 1920
00:33:27très alertée sur le danger allemand.
00:33:29Au point d'ailleurs que l'action française
00:33:31a réclamé une traduction en français
00:33:33de Mein Kampf.
00:33:35C'est grâce à l'action française
00:33:37qu'on a regardé ce que veut
00:33:39Hitler.
00:33:41Il y a des articles de Maurras et de Baville
00:33:43qui annoncent
00:33:45pratiquement dès 1918-1919
00:33:47les conséquences politiques
00:33:49de la paix.
00:33:51Les conséquences politiques de la paix.
00:33:53Comment la guerre va se dérouler.
00:33:551920.
00:33:57Il explique pratiquement
00:33:59exactement ce qui s'est passé.
00:34:01J'insiste là-dessus parce que
00:34:03c'est quand même un drôle de procès que l'on fait à Maurras.
00:34:07C'est l'auteur le plus anti-allemand.
00:34:09D'avoir été complaisant
00:34:11avec l'Allemagne.
00:34:13Intelligence avec l'ennemi.
00:34:15Alors qu'il était le premier à dénoncer.
00:34:17Avec l'ennemi.
00:34:23Quand même il a été pris
00:34:25dans les équivoques de Vichy.
00:34:27J'ai dit équivoque parce qu'il faudrait en parler
00:34:29longtemps, ce n'est pas le sujet de notre conversation.
00:34:31Mais Vichy était à la fois
00:34:33nous l'établissons dans ce numéro du
00:34:35nouveau conservateur sur De Gaulle
00:34:37et Pétain, le glaive et le bouclier.
00:34:43A la fois un résistant en sous-main
00:34:45et
00:34:47avec une
00:34:49capacité de négociation
00:34:51suffisante pour protéger
00:34:53au moins jusqu'en 1942 ce qui pouvait l'être.
00:34:55Et notamment l'Afrique du Nord
00:34:57pour recréer une armée française
00:34:59qui sera l'armée de Delattre d'ailleurs
00:35:01et qui sera au moins aussi efficace.
00:35:03Et l'armée de Juin
00:35:05et de Montsaverre.
00:35:07Celle qui a pris le Monte Cassino.
00:35:09C'est les tabors marocains
00:35:11de Montsaverre.
00:35:13L'abri de Vichy.
00:35:15Bien sûr.
00:35:17Il fallait pendant ce temps-là traiter
00:35:19avec des boches
00:35:21dont il faut rappeler
00:35:23sans cesse.
00:35:25Qu'ils occupaient.
00:35:27Oui parce que lors d'un discours
00:35:29sur le Belgique, le Président de la République
00:35:31fichait tout le monde sauf l'Allemagne.
00:35:33Comme si l'Allemagne n'était pas du tout
00:35:35dans le coup.
00:35:37C'est inimaginable. On est arrivé à cette
00:35:39stupidité où finalement
00:35:41Hitler, ce n'est pas un
00:35:43personnage important. Ce qui compte
00:35:45c'est Pétain,
00:35:47Pidouze et Maurras.
00:35:49C'est n'importe quoi.
00:35:51C'est vraiment n'importe quoi.
00:35:53Alors qu'ils ont tous les trois résisté.
00:35:55Parce que c'est la Doxa anglo-saxonne.
00:35:57Il faut stigmatiser les latins.
00:35:59Il faut stigmatiser les latins et les catholiques.
00:36:01Alors,
00:36:03revenons pas trop sur la guerre.
00:36:05C'est les mêmes anglo-saxons
00:36:07qui ont démoli
00:36:09toutes les populations indigènes
00:36:11en Amérique du Nord.
00:36:13Et qui reprochent aux espagnols de l'avoir fait
00:36:15dans le Sud. Alors que quand on en va
00:36:17en Amérique du Sud, on ne rencontre
00:36:19que des indiens.
00:36:21Des descendants d'indiens.
00:36:23Alors qu'au Nord, ils ont tout supprimé.
00:36:25Ils sont dans des frayeurs.
00:36:27Les quelques-uns qui restent.
00:36:29Et ça reste quand même
00:36:31extrêmement
00:36:33comment dire...
00:36:35perturbant.
00:36:37Extrêmement perturbant de penser
00:36:39que pratiquement
00:36:41chaque république
00:36:43est née d'une assemblée royaliste.
00:36:45La Constituante, elle était
00:36:47majoritairement royaliste
00:36:49et fidèle à Louis XVI.
00:36:51Mais pas du tout.
00:36:53Parce qu'ils ont voulu prendre
00:36:55la place de la souveraineté.
00:36:57La Deuxième République, la Chambre
00:36:59était profondément
00:37:01conservatrice et réactionnaire.
00:37:03Et c'est terminé par
00:37:05le coup d'État de Bonaparte.
00:37:07De Napoléon III.
00:37:09Et
00:37:11la Troisième République,
00:37:13elle est née des mains des royalistes
00:37:15qui ont fait les lois de
00:37:171875,
00:37:19les lois constitutionnelles.
00:37:21Et pourquoi la présidence
00:37:23était-elle de 7 ans, c'était parce que
00:37:25c'était la longue durée
00:37:27et que c'était en attente
00:37:29de la vraie longue durée qui était la durée royale.
00:37:31Et que 7 ans étaient considérés
00:37:33comme à peu près la moitié
00:37:35d'un règne normal
00:37:37de 14 ans.
00:37:39C'était ça.
00:37:41Toujours l'idée royale
00:37:43qui reste dans les cerveaux.
00:37:45Et ils se sont fait voler par une bande
00:37:47de Jules et de Léon
00:37:49qui ont joué de la démagogie
00:37:51et c'était
00:37:53évidemment facile.
00:37:55Et tout ça parce qu'ils
00:37:57pensaient qu'ils allaient arriver
00:37:59à maintenir la République
00:38:01dans leurs mains.
00:38:03Imaginez que les Decazes,
00:38:05les Breuil,
00:38:07qui étaient d'ailleurs des esprits très distingués,
00:38:09les Odifré-Paquiez,
00:38:11etc., ils avaient imaginé
00:38:13un Sénat avec
00:38:15des sénateurs inamovibles
00:38:17ce qui leur permettait de
00:38:19jouer au père anglais.
00:38:21C'était ça dans leur esprit.
00:38:23Et ils sont restés inamovibles
00:38:25jusqu'à ce qu'évidemment la Troisième République
00:38:27véritable, les Républicains
00:38:29s'étant emparés de la République.
00:38:31Le tort c'est de faire une République
00:38:33en s'imaginant qu'on va faire une bonne République
00:38:35et qu'est-ce qui se passe ?
00:38:37Les Républicains s'emparent
00:38:39de la République et eux
00:38:41quand ils arrivent, dès 1879,
00:38:43dès 1853, ils commencent par dire
00:38:45on exclut évidemment
00:38:47l'Église, c'est nous
00:38:49qui représentons toute la pensée philosophique,
00:38:51toute la pensée morale,
00:38:53interdit les congrégations
00:38:55et l'éducation, ça nous appartient.
00:38:57Alors à propos de cette affection,
00:38:59vous avez vu des échos
00:39:01de cette affection quand vous avez été
00:39:03un temps très près
00:39:05de l'actuel Comte de Paris,
00:39:07le Prince Jean,
00:39:09vous avez pu
00:39:11observer que la moindre
00:39:13initiative qu'il prenait, le moindre voyage
00:39:15au fond,
00:39:17suscitait des
00:39:19fidélités
00:39:21inattendues.
00:39:23En France,
00:39:25il se déplaçait
00:39:27en France, on était sûr que le déplacement
00:39:29serait une réussite,
00:39:31que ce soit dans les entreprises,
00:39:33que ce soit auprès des amis,
00:39:35il pouvait s'exprimer
00:39:37et d'ailleurs il s'exprimait relativement
00:39:39peu parce que sa parole
00:39:41est réservée,
00:39:43mais il disait toujours des choses extrêmement
00:39:45profondes. Vous dites sa parole est réservée,
00:39:47il est un peu timide peut-être ?
00:39:49Je vous laisse porter ce jugement.
00:39:51On va dire
00:39:53que ce n'est pas forcément
00:39:55quelqu'un qui
00:39:57danse sur
00:39:59les tremplins
00:40:01pour agiter l'opinion publique
00:40:03comme font nos démagogues.
00:40:05Nous nous poserons la question
00:40:07prochainement car je vous annonce que votre
00:40:09successeur dans nos conversations
00:40:11sera justement le Prince Jean
00:40:13qui nous a fait le grand honneur
00:40:15d'accepter le prince
00:40:17de conversation à la fin du mois de septembre.
00:40:19Nous sommes très heureux.
00:40:21Quand on se déplaçait à l'étranger,
00:40:23c'était presque encore plus beau parce que
00:40:25ça signifie quelque chose.
00:40:27Au Québec, des foules,
00:40:29nous étions
00:40:31au 400ème anniversaire en particulier.
00:40:33Nous sommes allés plusieurs fois au Québec
00:40:35et au 400ème anniversaire
00:40:37de la...
00:40:39de la ville de Québec.
00:40:41La fondation de Québec.
00:40:43Évidemment, il y avait
00:40:45tous les représentants de la France,
00:40:47il y avait Juppé,
00:40:49il y avait Ségolène, il y avait tout ça.
00:40:51Et eux, ils attendaient sous la pluie
00:40:53au monument de Champlain
00:40:55parce que
00:40:57quand on représente la République française,
00:40:59on ne va pas à la messe.
00:41:01Mais le Québec était encore une nation catholique.
00:41:03Donc la journée commençait
00:41:05par une messe avec tous les évêques
00:41:07du Québec
00:41:09et tous les représentants
00:41:11de toutes les villes du Québec
00:41:13et même du gouvernement d'Ottawa.
00:41:15Et donc du côté français,
00:41:17les chaises étaient vides.
00:41:19Et donc le prince Jean était au premier rang
00:41:21comme j'étais à côté de lui.
00:41:23Et donc l'évêque
00:41:25s'est naturellement tourné vers lui
00:41:27et quand nous sommes sortis,
00:41:29je revois encore le maire de Québec
00:41:31et le maire de Montréal qui était celui
00:41:33qui avait reçu le général de Gaulle à Montréal.
00:41:35Drapeau !
00:41:36Oui, il était là et avec sa voix de stentor
00:41:38et quand on est sortis,
00:41:40on a remonté l'avenue,
00:41:42il y avait une foule considérable de Québécois,
00:41:44qui attendait leurs enfants
00:41:46et il y avait le maire de Montréal
00:41:48qui avait cette voix extraordinaire
00:41:50et qui hurlait
00:41:52« Je vous présente le prince Jean de France,
00:41:54le Dieu de Vendôme,
00:41:56le Dauphin de France ! »
00:41:58Et les acclamations,
00:42:00on est arrivés,
00:42:02il a fallu vite d'abord à ce moment-là
00:42:04que Juppé, Ségolène et tout ce monde-là
00:42:06viennent saluer le prince Jean
00:42:08et chacun lui a donné du Monseigneur.
00:42:10Quelques années plus tôt d'ailleurs,
00:42:12pour marquer la commune d'appartenance
00:42:14à la monarchie française
00:42:16du Québec
00:42:18et de la France métropolitaine,
00:42:20le comte de Paris avait fait un voyage
00:42:22avec ses deux petits-enfants,
00:42:24Jean et son frère Eudes.
00:42:26Ils ont été reçus
00:42:28notamment par les Bosserons
00:42:30dans la province de la Beauce
00:42:32avec une émotion
00:42:34indescriptible.
00:42:36C'était en 1987
00:42:38pour marquer
00:42:40le millénaire capétien.
00:42:42Pour eux, c'est l'histoire de France.
00:42:44Et en Louisiane,
00:42:46l'accueil a été absolument comparable.
00:42:48Nous sommes allés chez
00:42:50les Indiahoumas
00:42:52et les Indiahoumas ont reçu le prince Jean
00:42:54comme le roi de France.
00:42:56La même chose
00:42:58au Liban. Nous sommes allés
00:43:00jusqu'au fin fond de la BK
00:43:02chez Daloun.
00:43:04Il y en a plein derrière !
00:43:06Il a été reçu
00:43:08par tout le monde.
00:43:10Également dans le Chouf,
00:43:12par Walid Jounblat.
00:43:14Il a été reçu au Maroc,
00:43:16en Tunisie.
00:43:22Il y a encore
00:43:24une aura.
00:43:26D'ailleurs, le général de Gaulle a utilisé
00:43:28le grand-père de l'actuel
00:43:30comte de Paris,
00:43:32Henri,
00:43:34pour des missions diplomatiques.
00:43:36Il l'a envoyé
00:43:38au Proche-Orient,
00:43:40au Moyen-Orient,
00:43:46en Extrême-Orient aussi.
00:43:48Et on peut dire
00:43:50que le général de Gaulle avait une révérence particulière
00:43:52tout de même.
00:43:54Il était d'une famille
00:43:56d'action française, d'une famille royaliste
00:43:58de toute façon, indépendamment même de l'action française,
00:44:00comme la mienne.
00:44:02Ma famille était royaliste de toute façon.
00:44:04Elle l'a toujours été.
00:44:06Est-ce que vous ajoutez foi à ce qu'ils disent ?
00:44:08Il y a beaucoup de témoignages,
00:44:10très intéressants,
00:44:12pour être intarissable là-dessus,
00:44:14que le général de Gaulle a tenté
00:44:16ou tout au moins songé, dans les deux sens
00:44:18du mot songer.
00:44:20Songer, c'est faire un songe
00:44:22et c'est penser à rétablir
00:44:24la monarchie et poussant
00:44:26le comte de Paris
00:44:28vers la candidature en 1965.
00:44:30Qu'est-ce qui s'est-il passé là ?
00:44:32En fait, on n'en sait rien.
00:44:34Moi, je n'en sais rien. Je ne prétends pas
00:44:36me substituer à la conscience des hommes.
00:44:38Je crois
00:44:40que le comte
00:44:42de Paris a eu le sentiment
00:44:44quand même, même s'il ne l'a pas
00:44:46vraiment exprimé,
00:44:48mais j'ai connu des conseillers du prince
00:44:50qui m'ont fait des confidences
00:44:52à celui-là. Il a eu le sentiment
00:44:54quand même d'une dupri.
00:44:56Mais...
00:44:58J'ai une autre interprétation.
00:45:00C'est très difficile à dire
00:45:02parce qu'en même temps,
00:45:04Charles de Gaulle était
00:45:06très réaliste d'un certain point de vue,
00:45:08même à mon avis trop.
00:45:10Par conséquent,
00:45:12il s'est dit
00:45:14si jamais on fait un essai
00:45:16et que ça échoue,
00:45:18qu'est-ce qui se passe après ?
00:45:20C'était bien la question.
00:45:22Le comte de Paris, c'était pas facile
00:45:24parce que la télévision n'obéissait pas.
00:45:26Elle obéissait plus à Pompidou
00:45:28qui était opposé au projet.
00:45:30C'est le moins qu'on puisse dire.
00:45:32Il y avait aussi Debré qui était très opposé.
00:45:34Mais il y avait des ministres favorables
00:45:36comme Edmond Michelet, très favorable à la restauration,
00:45:38qui poussait le général de Gaulle dans l'autre sens.
00:45:40Jean Foyer,
00:45:42garde des Sceaux, bien entendu.
00:45:44Marie-France Garon raconte des choses.
00:45:46Elle était au cabinet de Jean Foyer à l'époque.
00:45:48C'était ses premiers pas.
00:45:50Ils vont tout à fait dans le sens des efforts
00:45:52du général de Gaulle
00:45:54pour mettre en piste le comte de Paris,
00:45:56lui demandant de passer à la télévision.
00:45:58Il y avait des émissions de télévision pour qu'il se fasse connaître.
00:46:00Il a tenté de le placer
00:46:02à la tête de la Croix-Rouge,
00:46:04mais le titulaire de la présidence de la Croix-Rouge,
00:46:06André-François Poncet, n'a pas voulu démissionner.
00:46:08Enfin,
00:46:10il a bien compris qu'il y avait des obstacles
00:46:12et il a dû comprendre aussi
00:46:14que les chances du comte de Paris,
00:46:16qui ne voulait pas être,
00:46:18évidemment c'était impossible,
00:46:20de toute façon,
00:46:22arrivaient à quelques responsabilités que ce soit
00:46:24en dehors de l'élection.
00:46:26Cette élection de 1965,
00:46:28il ne l'aurait pas remportée.
00:46:30De Gaulle a eu des difficultés lui-même
00:46:32à s'imposer.
00:46:34Au second tour, ça a marché,
00:46:36mais pas tellement au premier.
00:46:38Il y a aussi le réalisme du général de Gaulle.
00:46:40C'est assez touchant de rappeler cette page.
00:46:42Ce n'est pas le royaliste que vous êtes
00:46:44qui me dirait
00:46:46que les voies du seigneur étant impénétrables,
00:46:48la question peut se reposer un jour.
00:46:50Bien sûr,
00:46:52et je l'espère.
00:46:54Je ne vis que pour ça.
00:46:56Ah bon, vous ne vivez que pour ça.
00:46:58Bien sûr, pour que la question se repose.
00:47:00Malheureusement, ce qui n'est pas assez prévisible,
00:47:02c'est que cette république cinquième
00:47:04finira comme les autres précédentes,
00:47:06c'est-à-dire vraisemblablement
00:47:08dans une catastrophe nationale.
00:47:10Mais nous y touchons presque.
00:47:12Nous y touchons.
00:47:14Peut-être cette fois-ci,
00:47:16s'il y a une réaction saine,
00:47:18une française et royaliste,
00:47:20si possible,
00:47:22les royalistes ne s'amuseront pas
00:47:24à faire de nouveau une république.
00:47:26Mais qu'ils feront un roi,
00:47:28ce qui est quand même plus simple.
00:47:30Ce qui est quand même plus simple.
00:47:32Il y a une part notable des Français,
00:47:34ça dépend des sondages,
00:47:36mais quelquefois on dépasse 20% ou 25%,
00:47:38je crois, de Français
00:47:40qui ne seraient pas du tout hostiles
00:47:42à ce que, sans abandonner la démocratie
00:47:44pour les assemblées, par exemple,
00:47:46ou pour la démocratie locale,
00:47:48l'État soit stabilisé
00:47:50par un prince impartial
00:47:52qui assure la continuité,
00:47:54le prestige de l'État
00:47:56et qui
00:47:58incarne l'unité du pays.
00:48:00Vous avez tout dit, Paul-Marie.
00:48:02Les Français sont en attente
00:48:04d'un chef de l'État qui soit
00:48:06véritablement selon les définitions
00:48:08même du chapitre concernant le chef de l'État
00:48:10dans la constitution de la cinquième république.
00:48:12Les dix articles
00:48:14ou les onze, je ne sais plus,
00:48:16qui concernent la présidence
00:48:18de la République conviendraient
00:48:20parfaitement à une définition
00:48:22d'archi-constitutionnelle.
00:48:24Oui, mais attendez, avec un roi
00:48:26qui ne sera pas au pouvoir,
00:48:28un roi qui gouvernerait véritablement
00:48:30et qui serait
00:48:32l'arbitre.
00:48:34Oui, mais une assemblée qui serait une véritable
00:48:36représentation parce que
00:48:38ce dont nous souffrons depuis 1789,
00:48:40depuis 1789,
00:48:42ce dont nous souffrons
00:48:44c'est que
00:48:46nous n'avons pas une représentation
00:48:48de la nation, nous avons une représentation
00:48:50de partis.
00:48:52Aujourd'hui, c'est éclatant.
00:48:54Oui, mais nous n'avons
00:48:56jamais eu que des partis représentés.
00:48:58Alors quand le parti
00:49:00ou l'homme qui représente
00:49:02le parti représentait en même temps
00:49:04ce qui était le cas des vieux arrondissements
00:49:06entiers de la quatrième république,
00:49:08véritablement une circonscription,
00:49:10il y avait ce fameux cumul des mandats
00:49:12qu'on a supprimé de façon absurde
00:49:14qui faisait qu'un maire était en même temps député
00:49:16ou secteur, c'est-à-dire
00:49:18qu'il savait ce que demandaient
00:49:20les besoins, ce qu'étaient les besoins
00:49:22de la population.
00:49:24On avait une représentation
00:49:26d'une certaine manière véritable.
00:49:28Le problème c'est qu'aujourd'hui
00:49:30et puis même pratiquement
00:49:32dès le début quand
00:49:34les
00:49:36clubs se sont
00:49:38substitués tout de suite
00:49:40à la représentation des
00:49:42provinces, à l'origine
00:49:44les états généraux s'étaient suboppés
00:49:46et tout de suite
00:49:48ce sont les clubs qui se sont
00:49:50qui ont pris la place
00:49:52des députés
00:49:54aux états.
00:49:56C'est celui qui dominait le club qui ensuite
00:49:58dominait l'assemblée et qui ensuite
00:50:00dominait le comité.
00:50:02La confiscation de la légitimité populaire.
00:50:04Il faut dire que la monarchie répond
00:50:06au comité populaire pur et simple.
00:50:08Exactement, et c'est ce qui s'est fait
00:50:10sous toutes les républiques, c'est-à-dire qu'il y a eu une
00:50:12captation par les partis.
00:50:14Il ne faut pas dire que les autres
00:50:16démocraties sont à cette image.
00:50:18Pour les démocraties latines, oui,
00:50:20parce qu'elles ont cette tendance-là.
00:50:22Mais les anglo-saxons,
00:50:24la distribution
00:50:26traditionnelle entre
00:50:28les
00:50:30Tory et les
00:50:32conservateurs et les
00:50:34populaires, c'était autre chose.
00:50:36Il y avait, en réalité,
00:50:38par derrière, une représentation
00:50:40réelle de ce qu'étaient les
00:50:42régions d'Angleterre.
00:50:44Il n'y a que chez nous.
00:50:46A ce point-là.
00:50:48La démonstration de l'efficacité,
00:50:50l'utilité, tout simplement, de la monarchie
00:50:52a été faite cent fois. En Espagne,
00:50:54par exemple, à titre de
00:50:56transition. En Belgique,
00:50:58tout le monde sait que la Belgique aurait éclaté
00:51:00s'il n'y avait pas eu un roi à la quenne.
00:51:02Et l'Angleterre,
00:51:04d'une certaine façon, aussi,
00:51:06a réussi à retrouver
00:51:08son indépendance, peut-être
00:51:10parce qu'elle savait qu'elle avait un roi
00:51:12et que son principe d'unité...
00:51:14J'ai écrit des pages là-dessus.
00:51:16Oui, dans Politique magazine, notamment.
00:51:18Et dans la revue universelle.
00:51:20Alors, pour finir
00:51:22notre conversation, on pourrait parler longtemps
00:51:24et d'ailleurs, encore une fois, il est très facile
00:51:26pour nos auditeurs
00:51:28de se référer à ce que vous écrivez
00:51:30dans Politique magazine. Encore une fois, c'est
00:51:32un mensuel, on le trouve facilement.
00:51:34Bravo pour le succès de Politique magazine.
00:51:36Ce n'était pas gagné au départ.
00:51:38C'est ce à quoi vous vous êtes attaché
00:51:40depuis 20 ans.
00:51:42En 2002, c'est la création.
00:51:44Ça fait 22 ans maintenant.
00:51:46C'est un gros travail. Je sais ce que c'est
00:51:48puisque à moindre échelle, j'ai le même.
00:51:50Et puis, la direction
00:51:52de la nouvelle revue universelle
00:51:54qui est aussi... Alors là, pour le coup,
00:51:56on est presque un peu sur le même créneau.
00:51:58Il faudrait peut-être qu'on échange
00:52:00les articles de temps en temps, je ne sais pas.
00:52:04Question théorique,
00:52:06peut-être, pour finir.
00:52:08Pour les Français, il y a une confusion
00:52:10et elle mérite un peu,
00:52:12à moi plus que vous,
00:52:14entre la tradition royale
00:52:16et
00:52:18la pensée de Charles Maurras.
00:52:20Vous me direz, mais c'est la même chose.
00:52:22Mais maurrassisme
00:52:24et tradition royale
00:52:26ne sont pas les mêmes mots,
00:52:28ne sont pas les mêmes références. Et dans l'esprit des Français,
00:52:30le degré
00:52:32de compréhension n'est pas le même.
00:52:34Je le sais.
00:52:36Alors, je vous interroge là-dessus
00:52:38parce que vous êtes très Maurrasien. Vous aimez Maurras.
00:52:40Nous avons interrogé Frédéric Ouvillois.
00:52:42On a eu une conversation avec lui il y a quelques mois
00:52:44qui lui aussi est très Maurrasien.
00:52:46Votre Maurras à vous
00:52:48est un peu particulier. Il y a une sorte de miracle
00:52:50Maurras pour vous. Un mystère.
00:52:52Un mystère, dites-nous.
00:52:54Eh bien,
00:52:56Maurras, tout le monde essaie de le ramener
00:52:58à des propositions
00:53:00qu'il n'a jamais
00:53:02vraiment tenues et
00:53:04on le réduit. Voilà, il est réduit.
00:53:06Et
00:53:08les gens ne connaissent peu son œuvre.
00:53:10Il faut dire que c'est
00:53:12pour moi qu'il est
00:53:14beaucoup travaillé. C'est considérable.
00:53:16C'est un
00:53:18monument. Mais il y a un mystère.
00:53:20Je dis bien un mystère.
00:53:22Toute sa vie,
00:53:24Maurras a fait des raisonnements
00:53:26explicites. C'est-à-dire
00:53:28qu'il a tenu un langage clair.
00:53:30Une démonstration d'apparence
00:53:32rationnelle. Très rationaliste
00:53:34on peut dire presque. Oui, si on veut,
00:53:36en positiviste. En caricaturant.
00:53:38Comme disent les gens qui veulent le caricaturer.
00:53:40C'est ce que l'on voudra.
00:53:42Lui-même disait qu'il voulait démontrer
00:53:44la monarchie comme un théorème, etc.
00:53:46Mais ça c'est un aspect
00:53:48de Maurras. Il y a un autre aspect
00:53:50qui sont des livres mystérieux.
00:53:52Notamment le premier qu'il a écrit
00:53:54qui s'appelle Le Chemin de Paradis.
00:53:56Et puis toute sa poésie à travers
00:53:58les...
00:54:00Ah oui, il y a des textes très poétiques de Maurras.
00:54:02Des poèmes
00:54:04admirables.
00:54:06Qui généralement n'ont pas été très bien
00:54:08compris.
00:54:10Ou qui n'ont pas été compris même du tout.
00:54:12Et il se trouve que,
00:54:14comme vous avez parlé
00:54:16d'une vie de retraite dans un désert,
00:54:18selon l'expression du XVIIe siècle,
00:54:20je me suis retiré dans mon désert.
00:54:22Il se trouve que ça m'a permis de réfléchir
00:54:24sur ces textes
00:54:26qui, dès ma jeunesse, m'ont frappé.
00:54:28Je les ai appris par cœur.
00:54:30Je connais la poésie de Maurras,
00:54:32pour ainsi dire, par cœur.
00:54:34Pardonnez-moi de dire ça.
00:54:36Vous avez quelques vers en tête ?
00:54:38Bien sûr.
00:54:40Un exemple, pardon de vous couper.
00:54:42Tu naquilles le jour de la lune
00:54:44et sous le signe des combats.
00:54:46Le soleil n'en finissait pas
00:54:48de se lever sur ta lagune.
00:54:50Le vent d'ouest au seuil béant
00:54:52de ta maison sur le rivage
00:54:54a modulé son cri sauvage
00:54:56et les appels de l'océan.
00:54:58Mais tu n'as pas quitté ton île
00:55:00ni fait bataille sur la mer.
00:55:02Jamais la gloire du vrai fer
00:55:04n'a brillé dans ta main débile.
00:55:06Tu ne peux être matelot
00:55:08que d'imaginaires espaces.
00:55:10Au plus qu'ailleurs,
00:55:12l'aube fugace
00:55:14s'éteindre sous le flot.
00:55:16Bard au zénith, la flamme torse
00:55:18des volontés de ton destin.
00:55:20Dans les angoisses du matin,
00:55:22quelle nuit lente
00:55:24use ma force.
00:55:26Je ne le connais pas comme poète,
00:55:28Maurras.
00:55:30Pompidou prétendait qu'il n'était pas poète
00:55:32mais je pense que Pompidou n'avait pas
00:55:34vraiment compris le fin fond
00:55:36de la pensée de Maurras parce que cette poésie
00:55:38est admirable et elle dit énormément de choses.
00:55:40Mais Pompidou a cité un texte de Maurras
00:55:42dans une conférence de presse en 1972
00:55:44et il l'a cité dans son ouvrage.
00:55:48Il a honoré Maurras.
00:55:50Ce qui n'est pas le cas
00:55:52de tout le monde.
00:55:54En général, les gens qui parlent
00:55:56de Maurrasisme ou de Maurrasien
00:55:58n'ont pas lu une ligne de Maurras.
00:56:00Je reviens à mon affaire.
00:56:02Par exemple, dans ce chemin
00:56:04qui est écrit en 1894,
00:56:061893,
00:56:081894, qui sera publié
00:56:10en 1895,
00:56:12peu importe les dates.
00:56:14En réalité, Maurras a rassemblé
00:56:16neuf contes dits païens
00:56:18qui seront
00:56:20présentés comme des contes philosophiques
00:56:22mais qu'il a présenté dans un
00:56:24premier temps
00:56:28comme des contes et des mythes
00:56:30effabiliaux
00:56:32dans lesquels il a exprimé
00:56:34sous forme de contes
00:56:36d'allure ancienne,
00:56:38grec,
00:56:40il a exprimé
00:56:42une pensée
00:56:44extrêmement profonde.
00:56:46Je l'exprime en quelques mots
00:56:48parce que je pense qu'il faut que l'entretien arrive
00:56:50à son terme, mais que c'est passionnant,
00:56:52c'est passionnant.
00:56:54En 1892,
00:56:56il a vu l'Église
00:56:58reconnaître la République
00:57:00comme la forme
00:57:02du gouvernement, non seulement
00:57:04admissible, mais qu'il fallait que les Français
00:57:06le reconnaissent.
00:57:08A partir du moment où l'Église
00:57:10reconnaissait la République,
00:57:12c'était un absolu de la Révélation
00:57:14qui s'inclinait devant un autre
00:57:16absolu,
00:57:18ce que le peuple Léon XIII n'a pas
00:57:20perçu dans un premier temps, incontestablement,
00:57:22qui était l'absolu
00:57:24de la République.
00:57:26Et ça, la République, d'ailleurs, l'a fait savoir
00:57:28à Léon XIII très
00:57:30rapidement, bien sûr.
00:57:32C'est un anticalisme vétéré.
00:57:34Bien sûr, ça s'est achevé par
00:57:361905, mais par
00:57:38les inventaires et par la séparation de l'Église
00:57:40et de l'État. Mais ce que Maurras
00:57:42a vu, dès ce moment-là, est qu'il a
00:57:44traduit sous forme de contes cryptés,
00:57:46cryptés, c'est-à-dire
00:57:48allégoriques, c'est-à-dire symboliques.
00:57:50Il a montré que
00:57:52cela aurait des
00:57:54conséquences extrêmement graves pour l'Église,
00:57:56qui serait amenée progressivement,
00:57:58si elle voulait continuer
00:58:00son ralliement à la République, ce qu'elle a fait,
00:58:02ce qu'elle a voulu faire,
00:58:04ce que certains membres ont voulu faire,
00:58:06elle serait amenée à
00:58:08amoindrir la révélation,
00:58:10c'est-à-dire sa propre doctrine,
00:58:12qui lui vient non pas d'elle-même, mais qui lui vient
00:58:14de Dieu lui-même, qui s'est incarnée
00:58:16pour cela. Elle serait amenée
00:58:18à l'amoindrir, cette doctrine.
00:58:20Et pour Maurras, ce qui
00:58:22était infiniment grave,
00:58:24c'est que la France ne pourrait pas se relancer,
00:58:26puisque la solution royale
00:58:28deviendrait impossible,
00:58:30puisque les plus hautes autorités
00:58:32magistérielles
00:58:34communiaient dans l'idée républicaine
00:58:36qu'il fallait respecter cette forme
00:58:38de gouvernement.
00:58:40L'Église étant indifférente à une forme de gouvernement,
00:58:42ce qui est impossible, elle ne peut pas être
00:58:44indifférente. Il y a un mal, il y a
00:58:46un bien, il y a un vrai, il y a un faux,
00:58:48et il est impossible
00:58:50pour un homme normal
00:58:52d'être indifférent
00:58:54au bien et au mal, au vrai et au faux,
00:58:56et au beau et au lait.
00:58:58C'est impossible. Et donc,
00:59:00Maurras l'a dit dès
00:59:021894. Il y a
00:59:04certains contes qui datent de l'année
00:59:061893. C'est-à-dire
00:59:08qu'il a vu les premières échéances.
00:59:10Lui, il avait 24 ans.
00:59:12Il a vu les premières échéances.
00:59:14Il a anticipé. Et dans
00:59:16certains récits,
00:59:18il se projette dans l'avenir
00:59:20et il se voit lui-même
00:59:22après sa mort,
00:59:24tenant un discours à la France
00:59:26qui n'aura pas
00:59:28compris la vérité
00:59:30de son message.
00:59:32Et, voilà,
00:59:34au cap incomparable, sans nous être aimés,
00:59:36nous nous sommes compris, et sans avoir
00:59:38osé descendre jusqu'à la version déclarée,
00:59:40nous avons reconnu la
00:59:42différence de nos cœurs. Je suis
00:59:44revenu seul pour songer
00:59:46à vous, mon ami.
00:59:48Et c'est
00:59:50extraordinaire. Et toute sa poésie,
00:59:52toute sa poésie,
00:59:54tourne autour de cette idée,
00:59:56sur cette allégorie.
00:59:58Il y a une femme mystérieuse
01:00:00qui est toujours présente. Et cette femme
01:00:02mystérieuse, c'est comme Alain Chartier,
01:00:04c'est la France.
01:00:06C'est comme Chéronsard, c'est la France.
01:00:08C'est la France à qui il parle.
01:00:10La France qui devrait être la plus belle,
01:00:12qui est la plus intelligente, qui devrait
01:00:14tout comprendre, et à qui
01:00:16des instituteurs sous le faux
01:00:18nom de Jésus-Christ
01:00:20apprennent des leçons
01:00:22qui la détournent de sa véritable vocation,
01:00:24qui est une vocation royale,
01:00:26nationale,
01:00:28et même mondiale.
01:00:30Et alors, il
01:00:32termine une de ses œuvres
01:00:34de poésie,
01:00:36« Maurras » par un poème,
01:00:38qui en fait,
01:00:40on l'a dit manichéen, alors vous
01:00:42avez des curés démocrates qui ont dénoncé
01:00:44le manichéisme de Maurras.
01:00:46En réalité, il parle de la France.
01:00:48Et sans ce pire que le pire,
01:00:50ou meilleur
01:00:52que le meilleur, quelle est la langue
01:00:54qui peut dire les deux abîmes de ton cœur ?
01:00:56Mais à ce double
01:00:58sanctuaire, déesse
01:01:00ou monstre, ô
01:01:02seul esprit de mon ombre et de ma
01:01:04lumière, l'unique hommage
01:01:06soit inscrit.
01:01:08C'est à la France qui est le meilleur
01:01:10des modèles, et qui peut être
01:01:12le pire, et de fait,
01:01:14la France de la Révolution, elle a donné son modèle
01:01:16à Lénine, à Staline,
01:01:18à Mao, à Pol Pot,
01:01:20ils sont venus apprendre,
01:01:22à la Sorbonne.
01:01:24C'est ce que dit Solzhenitsyn.
01:01:26Et il a totalement raison.
01:01:28Solzhenitsyn dit que c'était l'instituteur
01:01:30Et donc, elle a un destin
01:01:32à part. Et c'est ce que
01:01:34pense tout Français dans le fond de son cœur.
01:01:36Tout Français qui
01:01:38aujourd'hui encore, lorsqu'il
01:01:40médite sur son histoire,
01:01:42et c'est ce que je reproche aux hommes
01:01:44politiques d'aujourd'hui, ils ne pensent tout ce qu'à
01:01:46Pierre Carrière, à celui qui sera le premier
01:01:48président de la République, mais
01:01:50est-ce qu'ils ont médité l'histoire
01:01:52mystérieuse de France ?
01:01:54L'histoire qui comporte Clovis,
01:01:56Saint-Louis, Jeanne d'Arc,
01:01:58que sais-je, enfin,
01:02:00c'est une histoire qui est unique au monde.
01:02:02Mais beaucoup ne pensent même pas à la perpétuer.
01:02:04Oui, et
01:02:06Maurras pensait à la perpétuer, et c'est son mystère.
01:02:08Et il a
01:02:10vécu avec ça,
01:02:12avec, j'allais dire, presque
01:02:14le mot d'apparence de non-foi.
01:02:16Mais il disait qu'il n'avait pas la foi.
01:02:18Mais c'est un autre mystère
01:02:20dans lequel je n'entre pas, et que je ne
01:02:22prétends pas expliquer. Ce que je prétends
01:02:24expliquer, c'est le sens de ses
01:02:26paroles mystérieuses. Ça, oui.
01:02:28Mais, pourquoi ?
01:02:30Vous savez,
01:02:32je ne sais plus si c'est Malraux
01:02:34ou Gérard de Gaulle qui disaient,
01:02:36cette phrase est un peu connue, mais je voudrais savoir ce que
01:02:38vous en pensez. De Gaulle,
01:02:40non, Maurras
01:02:42est devenu fou
01:02:44à force d'avoir raison.
01:02:46C'est de Gaulle qui a dit ça.
01:02:48C'est de Gaulle qui a dit ça, dans les chaînes qu'on avale, je crois.
01:02:50Oui, c'est ça.
01:02:52Que pensez-vous de cette phrase ?
01:02:54C'est des phrases à la de Gaulle, c'est-à-dire
01:02:56qu'elles ont une certaine
01:02:58forme d'intelligence, mais
01:03:00elles sont terribles,
01:03:02parce qu'elles évacuent un problème,
01:03:04en prétendant le traiter.
01:03:06Et en fait,
01:03:08ils ne pouvaient pas savoir.
01:03:10Le problème est entier.
01:03:12Et aujourd'hui, où la caricature
01:03:14de la République
01:03:16est pure et parfaite sous nos yeux,
01:03:18parce qu'on a l'impression d'une situation caricaturale,
01:03:20du parti partout,
01:03:22un oubli parfait du bien commun,
01:03:24chacun joue pour soi.
01:03:26On dirait que ce soir, on aura un premier ministre.
01:03:28Oui, le jour où nous enregistrons,
01:03:30mais pour l'instant,
01:03:32nous avons un gouvernement démissionnaire,
01:03:34j'ai envie de dire, mais ça fait 40 ans
01:03:36que nous avons un gouvernement démissionnaire.
01:03:38Oui, rien de neuf.
01:03:40Et c'est pour ça qu'ils préfèrent
01:03:42ceux qui nous dirigent, ils préfèrent
01:03:44l'Europe d'une certaine manière, parce que là,
01:03:46on ne démissionne pas. En réalité,
01:03:48c'est un projet qui se poursuit
01:03:50et qui se résout
01:03:52entre techniciens. Donc on fait des
01:03:54textes, on fait des textes, on fait des textes.
01:03:56Et surtout, personne
01:03:58ne vient contester votre
01:04:00autorité, puisque votre autorité n'est pas contestable.
01:04:02Question pour finir, ou pour ne pas finir,
01:04:04parce que c'est une question à laquelle on ne peut pas répondre.
01:04:06Je vous la pose tout de même, il a l'air de crémier
01:04:08en vous remerciant de vous être si bien
01:04:10plié à cette
01:04:12aimable conversation.
01:04:14Nous avons
01:04:16épousé bien des chants, un peu en zig-zag,
01:04:18mais c'est la règle du jeu.
01:04:20La République
01:04:22aujourd'hui se caricature
01:04:24dans des proportions assez sidérantes.
01:04:26Nous disions
01:04:28tout à l'heure que
01:04:30les
01:04:34gouvernements sont...
01:04:36On a affaire à un gouvernement
01:04:38démissionnaire, mais ils sont démissionnaires depuis longtemps.
01:04:40Dans le gouvernement, il y a une
01:04:42espèce de fuite en avant hors de soi.
01:04:44Dans l'Europe, dans l'OTAN,
01:04:46dans l'atlantisme,
01:04:48dans l'espèce de mondialisme
01:04:50dont on ne connaît pas l'écran.
01:04:52Le couple franco-allemand qui n'existe que pour les Français et pas pour les Allemands.
01:04:54L'Allemagne est déjà mariée avec quelqu'un d'autre,
01:04:56c'est-à-dire les Etats-Unis.
01:04:58J'ai épousé une femme mariée.
01:05:02Est-ce que la dernière
01:05:04chance pour ce pays
01:05:06de garder,
01:05:08non pas sa prééminence, mais en tous les cas
01:05:10sa dignité dans le monde,
01:05:12d'être une nation libre parmi les nations libres de l'univers,
01:05:14est-ce que c'est la solution royale
01:05:16pour vous ?
01:05:18Il n'y a que celle-là, parce que je ne vois pas
01:05:20comment on peut
01:05:22sortir de cette République
01:05:24en prétendant
01:05:26y donner une forme qui serait
01:05:28bonne, alors que depuis
01:05:30200 ans qu'on l'exceille,
01:05:32elle n'a jamais donné que des résultats désastreux.
01:05:34Que des résultats désastreux.
01:05:36C'est-à-dire qu'elle finisse mal en tous les cas.
01:05:38Il y a quelques pas encore.
01:05:40Ce dont se vantent les républicains
01:05:42et la République, c'est en fait
01:05:44ce qu'ont maintenu
01:05:46les Français, malgré
01:05:48elles, à travers les âges.
01:05:50Et c'est tout à fait vrai, comme nous le disions tout à l'heure,
01:05:52qu'il y a toujours eu
01:05:54des officiers,
01:05:56des ingénieurs,
01:05:58des administrateurs
01:06:00qui avaient souci de la France,
01:06:02et qui, en réalité, continuaient
01:06:04l'ancienne France dans cette nouvelle France.
01:06:06Et puis ce miracle...
01:06:08En fait, malgré
01:06:10les institutions
01:06:12corruptrices
01:06:14et corrompues.
01:06:16Et aujourd'hui, avec cet
01:06:18autre mystère, qui peut être pour moi
01:06:20un miracle, tant et tant de jeunes
01:06:22de l'élection française qui viennent
01:06:24chercher quelque chose qui ne se trouve nulle part ailleurs.
01:06:26Donc,
01:06:28rien n'est perdu.
01:06:30Permettez-moi de
01:06:32penser et de dire, bien que ce ne
01:06:34soit pas bien vu dans notre
01:06:36société actuelle,
01:06:38après tout, c'est Jésus-Christ
01:06:40le maître du monde, et le maître de la France
01:06:42en particulier.
01:06:44Et on le sait, grâce à Jeanne d'Arc.
01:06:46Et pour moi, Jeanne d'Arc, c'est la référence.
01:06:48Merci beaucoup
01:06:50Hilaire de Crémier pour cette conversation.
01:06:52Et à bientôt.
01:06:54Merci encore.
01:06:56Bonne soirée.

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