On n'arrête pas l'éco, avec Sabrina Soussan, PDG de Suez

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Dans quelques jours, à compter du 1er janvier 2024, il faudra, outre le carton, le plastique ou le verre, trier les biodéchets : branches, feuilles mortes, légumes, épluchures, restes, coquilles d'œufs. Les collectivités devront mettre en place règles et dispositifs de tri. Mais des freins résistent avant l'entrée en mesure de ces nouvelles exigences. Ce samedi, Alexandra Bensaid reçoit pour en parler Sabrina Soussan, la PDG de Suez, le géant de l'eau et des déchets.
Transcript
00:00 C'est l'invité d'En Arrête Pas l'écho et la PDG du groupe Suez.
00:03 Bonjour et bienvenue Sabrina Soussan.
00:04 Bonjour Alexandra Bensay.
00:06 Suez, séparée de Veolia, on s'en souvient ça fait deux ans.
00:10 En février ça a été une bagarre.
00:12 Alors aujourd'hui Suez était présente dans 40 pays.
00:15 Vous êtes en France, vous desservez plus de 10 millions de personnes en eau potable,
00:21 pas loin de 18 millions d'habitants auprès desquels vous collectez les déchets.
00:25 Vous venez d'entendre avec nous le reportage, on est à deux semaines de cette date butoir
00:29 pour trier les biodéchets et il y a seulement un Français sur trois qui a une solution.
00:34 Est-ce que vous êtes d'accord pour dire que c'est un rendez-vous manqué ?
00:37 Non, moi je ne dirais pas que c'est un rendez-vous manqué parce qu'il se passe des choses.
00:41 Nous d'ailleurs on est le leader français dans la collecte des déchets.
00:45 On a commencé il y a deux ans, deux ans et demi avec certaines métropoles, par exemple
00:50 à Strasbourg, Le Grand Lyon, d'autres grandes villes, Marseille, Bordeaux.
00:55 Et on a donc commencé à collecter ces biodéchets, à fournir des solutions, mais aussi à les
01:02 accompagner, parce que dans le reportage on parlait beaucoup de sensibilisation, à accompagner
01:07 cette sensibilisation.
01:08 Et à J-100 justement de cette échéance du 1er janvier, nous avons écrit à toutes
01:14 les collectivités en leur proposant notre support, notre retour d'expérience sur ces
01:20 deux ans et demi de travail avec certaines métropoles.
01:22 C'est un peu la question, il y en a combien qui vous ont répondu ? Si on a seulement
01:25 un français sur trois qui a une solution ?
01:27 Je pense qu'il faut, quand quelque chose se met en place un 1er janvier, certains anticipent,
01:34 commencent deux ans, deux ans et demi avant, tout le monde ne le fait pas.
01:36 Et ça ne peut pas être quelque chose qui se fait en off, de zéro à un.
01:41 Donc ça va être une transition progressive je pense, et il faut accompagner cette transition.
01:45 Et vous vous pensez qu'on y sera quand ?
01:47 Je ne sais pas, mais je pense qu'on va y être dans deux, trois ans je pense.
01:52 Parce que les Autrichiens, il y a 80% des Autrichiens qui ont une solution, c'est ça ?
01:57 Alors moi j'ai vécu en Allemagne très longtemps, donc je peux bien vous en parler,
02:00 et aussi de l'aspect sensibilisation.
02:01 Moi je suis arrivée en Allemagne, il y avait toutes ces poubelles, le compost, etc.
02:05 Et je me suis dit "oh là là, oh là là".
02:07 Et après, vous voyez, vous avez votre poubelle ménagère, vous voulez réduire cette taille,
02:14 et puis en plus elle est limitée.
02:15 Donc ça vous oblige quelque peu à trier vos biodéchets.
02:20 Donc toutes les épluchures de légumes qui prennent beaucoup de place, vous les mettez
02:23 dans votre poubelle de biodéchets.
02:25 Et ça marche très bien.
02:27 Et après c'est normal.
02:28 Après vous le faites, c'est normal.
02:30 Donc en fait c'est pour ça qu'il faut un petit peu de temps de transition.
02:32 Mais Sabrina Soussan, vous vous dites, il y a peut-être un sujet de sensibilisation.
02:36 Ce qu'on voit c'est quand même que les Français sont très en retard par rapport
02:40 à leurs voisins européens.
02:41 On n'arrive pas à réduire globalement au-delà des biodéchets notre volume de déchets.
02:45 Ça stagne depuis 10 ans alors que les voisins le font baisser.
02:50 Est-ce qu'on a un problème de politique publique ? Est-ce qu'on a un problème d'argent ?
02:53 Est-ce que c'est culturel ? Sur quoi on bute ?
02:55 Alors je vais vous donner, moi je suis optimiste et positive, je vais vous donner des exemples
03:01 concrets où on travaille de plus en plus sur des contrats de performance.
03:05 Sur la collecte des déchets.
03:07 C'est quoi un contrat de performance ? Nous sommes rémunérés à la baisse du volume
03:11 des déchets.
03:12 Parce que sinon nous sommes rémunérés au volume.
03:15 Ça c'est un changement commercial.
03:17 D'habitude les entreprises qui font des déchets, elles sont rémunérées au volume.
03:22 Et là les communes maintenant elles vous rémunèrent pour dire "Aidez-nous".
03:25 On a des objectifs de réduction.
03:27 Donc c'est avec encore une fois de la sensibilisation.
03:30 On fait du porte-à-porte, on distribue des kits, on explique.
03:33 Et on a des solutions digitales, par exemple, parce qu'on ne peut améliorer que ce qu'on
03:38 mesure.
03:39 Vous faites des poubelles connectées ?
03:40 On fait des poubelles connectées.
03:41 Vous avez le poids de la poubelle.
03:43 Vous pouvez suivre sur une application, sur votre téléphone, comment le poids de votre
03:48 poubelle va évoluer.
03:49 Donc vers le bas.
03:50 Et vous allez trier mieux.
03:52 Et trier mieux, c'est valoriser mieux.
03:54 Parce qu'on sait très bien que le recyclage c'est aussi très très important et ça
03:58 va nous aider à réduire notre empreinte carbone.
04:00 On va en parler, mais je n'ai pas de réponse à ma question.
04:03 Vous dites "Moi je suis une entreprise, j'ai des solutions".
04:05 Et en même temps on voit que ça stagne.
04:08 Est-ce que vous avez une explication ? Pourquoi est-ce qu'on n'est pas meilleur ? Pourquoi
04:10 est-ce que les Français n'y arrivent plus sur les déchets ?
04:13 Je pense qu'il faut que tout ça se mette en place.
04:16 Il faut que les réglementations soient mises en place.
04:19 Le biodéchet ça arrive.
04:20 Et soit appliqué.
04:21 Et les collectivités, je pense, veulent aller de plus en plus vers ce chemin.
04:28 Parce que sinon on n'aurait pas autant de contrats de performance.
04:30 Aujourd'hui on a 4-5 contrats de performance.
04:33 On en a un au Grand Montauban, qui a commencé il y a un an.
04:35 En un an, on a réussi à réduire de 7% le volume des ordures ménagères.
04:40 C'est pas mal.
04:41 Les collectivités parlent quand même pas mal d'argent.
04:43 On l'a entendu dans le reportage.
04:45 Est-ce que cette collecte des biodéchets, ça va faire augmenter la taxe d'ordure ménagère ?
04:51 Ce n'est pas vous qui décidez, mais que vous disent les collectivités ?
04:53 Je sais que vous allez me dire ça, mais que vous disent les collectivités ?
04:55 Vous savez ce que je vais vous dire, ce n'est pas nous qui décidons.
04:58 Par contre, ce qu'il faut c'est valoriser.
05:00 Et là, on a aussi des solutions.
05:04 Ces biodéchets, il faut les valoriser.
05:05 Vous les valorisez comment ?
05:07 Soit avec du compostage, donc le retour au sol, soit avec du biogaz.
05:11 Et le biogaz, ça a une valeur.
05:13 C'est-à-dire que les déchets partent en méthanisant ?
05:15 Mais vous voyez ma question, il y a quand même quelque chose sur l'écologie punitive.
05:23 C'est-à-dire, je fais ces efforts et ça va peut-être me coûter un peu plus de taxe d'ordure ménagère.
05:27 Est-ce que le citoyen peut se dire, en tant que contribuable, je vais y gagner ?
05:31 Peut-être sur ma facture de gaz ?
05:34 Est-ce qu'il y a un intérêt économique à la vertu ?
05:37 Oui, il y a un intérêt économique à la vertu.
05:40 Et vous parlez du citoyen, il y a eu récemment un sondage sur le sujet des déchets.
05:47 Et 7 Français sur 10 disent qu'ils sont conscients qu'il faut réduire le volume des déchets.
05:53 Et je crois que c'était à peu près le même pourcentage qui parlait du tri des biodéchets
05:58 et que c'était important et bien sûr vertueux.
06:00 Donc je pense qu'il y a une prise de conscience.
06:02 C'est comme sur le sujet eau.
06:04 On a une prise de conscience quand on est dans une période de crise.
06:09 Et du coup, on va agir.
06:11 Et moi, j'y crois fermement.
06:13 Je suis encore une fois optimiste parce que les solutions sont là et on voit qu'elles s'appliquent.
06:17 Parce que si cette prise de conscience n'était pas là, vous n'auriez pas toutes ces collectivités
06:23 qui font beaucoup d'efforts pour ces contrats de performance.
06:26 Mais quand vous dites que c'est valorisé en biomethane, c'est-à-dire que ça va quoi ?
06:31 Ça nous donne plus de souveraineté ? Ça fait baisser notre facture ?
06:35 Alors le biogaz, c'est de la souveraineté.
06:37 D'ailleurs, on estime que d'ici 2030, la production de biogaz va pouvoir remplacer
06:43 la moitié du gaz qui venait de Russie avant la crise ukrainienne.
06:48 Avec les biodéchets, mais aussi les déchets de l'eau, donc les bouts de station d'épuration,
06:53 qui sont aussi des déchets, et qu'on transforme en biogaz.
06:57 Donc c'est quand même un chiffre intéressant, la moitié du gaz qui venait de Russie.
07:02 En revanche, vous n'avez pas dit ce que vous disent les collectivités sur la taxe d'ordure ménagère ?
07:06 Elles disent qu'elles vont l'augmenter ? Est-ce que ça va coûter ?
07:09 Franchement, vous êtes le leader des déchets, on est à 15 jours de l'échéance,
07:13 est-ce que voilà, il y a un coût ? Est-ce que ça va être répercuté ?
07:17 L'ADEME donnait un chiffre entre 7 et 20 euros de plus.
07:20 Qu'est-ce qu'on dit aux contribuables, aux auditeurs ?
07:22 On dit aux auditeurs qu'il faut continuer à trier, à diminuer son volume d'ordure ménagère et son volume de poubelle.
07:31 Et là, les taxes, si vous avez moins de volume, les taxes seront moins élevées également.
07:35 Alors, dans le secteur de l'eau, justement, les citoyens français ont entendu l'appel à la sobriété,
07:41 ils font baisser les volumes, et pourtant, là c'est les entreprises comme vous qui nous le disent,
07:46 c'est aussi le Conseil économique, social et environnemental,
07:49 malgré la baisse des volumes, le prix de l'eau va augmenter.
07:52 Sabrina Soussan, comment est-ce qu'on explique ça ?
07:54 Est-ce que c'est inéluctable ?
07:57 - Vous n'avez que des questions intéressantes pour moi aujourd'hui.
08:00 - Ah ben, vous vous êtes invitée parce que vous êtes une spécialiste de l'eau et des déchets !
08:05 - Je plaisante.
08:06 Donc, je vais commencer par expliquer que l'eau, derrière, quand vous avez de l'eau au robinet, il y a un coût derrière.
08:15 C'est quoi ce coût ?
08:16 Vous pompez l'eau, il faut pomper l'eau de la ressource, il faut la traiter cette eau,
08:20 donc il y a des usines de traitement d'eau potable,
08:23 d'ailleurs Suez a construit des milliers d'usines,
08:26 donc plus de 10 000 usines d'eau potable ou d'assainissement dans le monde, plus de 10 000,
08:31 donc il y a cette usine d'eau potable, de traitement,
08:35 et après il faut distribuer l'eau, distribuer l'eau par des canalisations, d'ailleurs ça demande beaucoup d'énergie,
08:40 elle arrive chez vous à votre robinet, et après, cette eau, il faut l'évacuer,
08:44 donc il y a tout l'assainissement et le traitement, parce que l'eau,
08:49 les eaux grises, il faut les traiter avant de les remettre dans le milieu naturel.
08:52 Donc tout ça, c'est un coût.
08:54 Et donc, pourquoi la hausse des prix est inéluctable ? Est-ce que c'est vrai ?
08:58 Pour l'eau, il y a besoin d'investissement, et on sait très bien aussi que,
09:02 les effets du changement climatique, vous en avez parlé, donc il y a de moins en moins de ressources,
09:07 et cette ressource, quand vous avez de moins en moins de ressources, il y a un sujet de qualité également,
09:11 parce qu'il y a plus de concentration de polluants quand vous avez moins d'eau.
09:14 Donc il faut traiter ce sujet de quantité et de qualité, il faut faire des investissements.
09:19 On sait en France, on parle souvent du sujet fuite, 20% de l'eau dans les canalisations part dans des fuites,
09:26 parce qu'il y a des investissements qui n'ont pas été faits, on a d'ailleurs des solutions digitales pour ça.
09:31 Donc tout ça, ça demande de plus en plus d'investissement sur ce sujet quantité-qualité,
09:36 et si vous voulez me faire dire que le prix de l'eau va baisser,
09:41 je vais vous dire, non, le prix de l'eau ne va pas baisser.
09:43 Par contre, le prix de l'eau, ce sont les collectivités qui le fixent, ce ne sont pas des entreprises comme nous.
09:48 C'est le sujet collectivité.
09:50 - Vous avez raison, ce ne sont pas des entreprises comme vous, mais il y a un marché.
09:55 Et le prix de l'eau, si je vous dis que ce sont les consommateurs qui paient pour le coût de cette dépollution
10:00 que vous avez bien expliqué qui explose, et pas les pollueurs, est-ce que j'ai raison ?
10:05 - Je dirais à moitié, parce qu'en fait c'est sûrement un mélange des deux.
10:12 Mais il faut vraiment travailler sur ce sujet qualité, si on vient au sujet qualité,
10:17 parce qu'il y a de plus en plus, vous avez les micropolluants, vous avez les polluants persistants,
10:21 vous savez tout ce qu'il y a dedans. - Les polluants éternels.
10:22 - Les polluants éternels. Nous, on fait des recherches, d'ailleurs on a 1000 chercheurs chez Suez,
10:27 on n'est pas une entreprise que de service, on est également une entreprise de tech.
10:30 On a 1000 chercheurs, et ces chercheurs travaillent justement sur identifier ces polluants,
10:34 et comment les traiter, et ça aussi ça a un coût.
10:37 - Et vous mettez beaucoup d'argent dans la recherche et développement en effet chez Suez.
10:41 Juste une question, parce que le temps file, vous êtes de retour de la COP28 Sabrina Soussan,
10:46 et c'est aussi pour ça que vous êtes là ce matin.
10:49 Vous avez entendu le débat de la semaine, certains disent que c'est une catastrophe cet accord,
10:53 d'autres disent que c'est un accord historique parce qu'on a enfin nommé les fossiles.
10:57 Bon vous, vous étiez côté entreprise, pas côté Etat, mais vous revenez avec quel sentiment ?
11:00 - Moi j'ai un sentiment positif, pourquoi ? Parce que c'est la première fois qu'on parle de transition,
11:05 et de sortie des énergies fossiles, c'est la première fois.
11:09 Donc ça c'est une grande avancée à mon avis.
11:11 Après on parle aussi d'augmenter les énergies renouvelables, de les tripler d'ici 2030.
11:17 Donc là encore une fois ce sont des solutions que l'on a, qui existent,
11:21 par la production de chaleur avec les déchets, vous savez les incinérateurs, ça produit de la chaleur.
11:27 On est chauffé avec les réseaux de chaleur qui viennent des incinérateurs à Paris, dans d'autres villes en France.
11:33 Ça produit également du biogaz, on en a parlé.
11:36 On peut décarboner les industries.
11:39 Comment ? Avec les encombrants, vous faites du combustible, vous broyez tout ça, vous faites du combustible,
11:45 et vous pouvez par exemple alimenter des cimenteries, ou alimenter, on a un projet en Meurthe et Moselle,
11:50 on va alimenter en chaleur un industriel qui se chauffait avant au charbon.
11:54 Donc vous décrivez un cercle vertueux, et ce que vous dites c'est que la COP28, il y a eu une prise de conscience.
11:58 Vous êtes optimiste ?
12:00 Je suis optimiste, il y a eu une prise de conscience, et nous on est là, on a des solutions, et il faut maintenant agir.
12:06 Donc ça c'est très important, c'est cette action.
12:08 Sabrina Soussan, la PDG de Suez, merci d'avoir accepté l'invitation d'En Arrête Pas L'Écho.
12:13 Merci Alexandra.

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