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Damien Thévenot reçoit Bruno Solo, il nous présente son dernier ouvrage « Le voyageur d'histoire » publié aux éditions du Rocher. 

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Transcription
00:00 -C'est un invité culture de Télématin, Damien, vous recevez Bruno Solo.
00:03 -Bonjour, Bruno. -Bonjour, Damien.
00:05 -Merci d'être là pour nous, puisque vous bossez beaucoup,
00:07 vous êtes en tournage, vous êtes revenu par Paris
00:09 pour être sur le plateau Télématin en direct.
00:10 Merci beaucoup.
00:11 Vous nous présentez ce matin votre dernier ouvrage,
00:13 puisque c'est pas le comédien, Gorsois, mais c'est le conteur,
00:16 c'est le raconteur d'histoire, ça s'appelle "Le voyageur d'histoire",
00:19 Bruno, c'est chez "Aux éditions du Rocher".
00:21 Vous avez décidé de voyager dans le temps
00:24 et vous êtes parti notamment à la rencontre de 9 personnalités
00:27 plus ou moins connues du grand public.
00:29 Si vous êtes d'accord, j'ai envie qu'on commence avec Cléopâtre,
00:32 la plus connue, et quoique,
00:35 parce qu'il n'y a pas de biographie de Cléopâtre.
00:37 -Non, c'est une femme qui est restée mystérieusement oubliée
00:40 par les grands biographes de l'histoire,
00:42 et lorsqu'elle a été abordée, elle l'a été sous un condescendant,
00:45 un peu de mépris, par Plutarque, par Cicéron,
00:47 par Suétonne, que j'évoque aussi dans le livre,
00:50 et pour autant, c'était une immense femme politique.
00:53 -C'est ce que vous dites, femme éminemment politique.
00:55 -C'est ce qu'elle veut qu'on retienne d'elle
00:56 à la fin de mon entretien avec elle,
00:59 puisque je me mets en situation où je suis un esclave
01:01 qui se perd dans son palais, elle m'accueille gentiment,
01:04 et petit à petit, moi, fort de ma connaissance du futur,
01:07 je lui pose des questions un peu orientées,
01:09 mais elle le devine, parce qu'elle avait quelque chose...
01:12 -Machiavélique ? -Non, non, non.
01:14 Elle le devine dans le sens où c'est une déesse aussi,
01:16 et qu'elle a été...
01:18 Voilà, donc je lui prête une sorte de pouvoir de divination,
01:22 et elle devine un petit peu que je suis un homme qui vient du futur,
01:25 alors que tous mes autres intervenants, femmes comme hommes,
01:28 ne devinent pas et me considèrent comme un de leurs contemporains.
01:30 Avec elle, j'ai voulu cultiver un peu de mystère,
01:32 parce qu'il y a beaucoup de mystère autour de son règne.
01:33 -C'est ça. Alors, on l'a dit, c'est quand même machiavélique,
01:36 manipulatrice, arrogante.
01:38 -Ouais. Enfin, arrogante, c'était difficile de c'est le jugement des autres.
01:41 En tout cas, c'était une femme éminemment politique,
01:44 attachée à l'idée, en tout cas, de faire en sorte que l'Égypte
01:48 puisse résister à l'oppression romaine de César,
01:52 puis de Marc-Antoine, d'Octave, qui viendra donc l'empereur Auguste.
01:56 Mais voilà, moi, j'ai un échange un peu léger avec elle,
02:00 où j'essaye de la mettre face à ses contradictions,
02:02 et elle, du haut de son attitude de reine, quand même,
02:06 de reine d'Égypte, me regarde avec un petit peu de suffisance, parfois,
02:12 mais il y a un échange, du coup, qui est assez savoureux.
02:14 Je suis un peu sous le charme.
02:16 -Ah, mais ça se ressent. -Bah oui, bien sûr.
02:18 -Vous, le comédien, je ne vous demande pas si vous avez aimé le film "Le Cléopâtre",
02:22 évidemment, avec Lise Taylor. -Ah, c'est un chef-d'oeuvre.
02:24 -Avec Richard Burton. -Il a ruiné le studio.
02:28 -Rex Harrison. -Rex Harrison, Richard Burton.
02:31 Il a ruiné le studio, je ne sais plus si c'était Paramount ou...
02:35 À l'époque, je ne me souviens plus de ça, mais complètement.
02:38 Et parce que le film a coûté...
02:39 -C'est un des films les plus coûteux de l'histoire du cinéma.
02:41 -Au pro rata des budgets, même d'aujourd'hui,
02:43 c'est le film le plus coûteux de l'histoire du cinéma.
02:45 Mais elle est époustouflante, déjà, d'incarnation.
02:49 De ce qu'on sait sur "Cléopâtre", beaucoup de choses sont dites dans le film.
02:52 Et moi, je l'évoque, évidemment, j'évoque un petit peu le fait
02:54 que je connais le film, ce qui me permet de discuter
02:59 avec la vraie Cléopâtre, parce que moi, je rencontre
03:01 les vraies personnes dans leur époque.
03:03 -Vous n'êtes pas allé voir les chosines, vous n'êtes pas allé voir les vrais.
03:05 Et d'ailleurs, on sent qu'il y a du boulot derrière, Bruno.
03:07 -On ne peut pas faire des livres comme ça, des portraits.
03:10 -Vous inventez des dialogues, évidemment, puisque, pardon de casser la gueule,
03:13 vous n'avez pas rencontré Cléopâtre,
03:14 mais vous vous êtes adossé à de la documentation historique.
03:17 -Absolument. Je travaille avec des historiens,
03:18 comme pour le premier, les visiteurs d'Histoire,
03:20 je m'appuie sur le travail des historiens,
03:21 qui m'amène tout le matériau nécessaire,
03:23 qui me permet ensuite, moi, de développer ma propre romance,
03:26 ma propre histoire et ma propre vision des personnages.
03:28 -Et on reconnaît votre style, on vous entend,
03:30 quand on vous lit, on vous entend, donc on n'a aucun doute,
03:32 c'est vous qui l'avez écrit. -Ah oui, ça, c'est sûr.
03:34 C'est des dialogues un peu théâtraux, effectivement.
03:36 -C'est pas toujours le cas, tout le monde n'écrit pas ses livres,
03:38 mais vous, en l'occurrence, vous les écrivez.
03:39 "La Comtesse de Ségur", est-ce vrai que, gamin,
03:43 dans votre lit, vous lisiez "La Comtesse de Ségur" et...
03:46 -J'ai été surpris par mon père,
03:47 pensant que je lisais une revue licencieuse.
03:50 -Alors que pas du tout. -Non, non, mais en fait,
03:52 j'ai grossi un peu le trait, mais en gros,
03:53 effectivement, un jour, mon père m'a surpris
03:55 en train de lire "La Comtesse de Ségur",
03:56 en a été étonné du fait de l'éducation qui était la nôtre.
04:00 -Alors vous, plutôt, alors, papa communiste...
04:02 -Non, pas communiste, non, non, libertaire, plutôt.
04:04 -Ah, libertaire. -Non, non, il était pas du tout
04:05 en brigadier dans le communisme. -Un peu anard.
04:07 -Un peu anard, libertaire, libre-penseur, voilà.
04:11 -Donc, que son gamin lise l'univers aristocratique
04:13 de "La Comtesse de Ségur", c'est étonnant.
04:14 -Et un peu moraliste. -Un peu moraliste, ouais.
04:16 -Ca l'étonnait un petit peu, au point qu'il m'a dit
04:18 "Mais qu'est-ce qu'on a loupé avec ta mère
04:19 pour que tu lises 'La Comtesse de Ségur' ?
04:21 Faut-il que j'y le valaisse ?" -Ah oui.
04:23 -Mais bon, j'exagère un peu.
04:25 Évidemment, ça la fait sourire et tout,
04:27 mais j'en ai fait l'introduction pour "La Comtesse de Ségur"
04:30 comme si c'était un scandale dans la famille,
04:32 et moi, j'ai voulu m'intéresser à "La Comtesse de Ségur",
04:34 d'une, parce qu'elle m'a initié à la grande littérature,
04:37 la première fois où je l'ai lu,
04:38 et j'ai senti, des années plus tard,
04:41 parce que je me suis toujours intéressé à l'histoire,
04:43 c'est pas quelque chose qui a surgi comme ça,
04:46 il y a quelques années, j'avais lu des choses
04:47 sur "La Comtesse de Ségur" comme quoi c'était un personnage
04:49 peut-être plus complexe, plus ambigu, plus sophistiqué
04:54 que l'idée que ça soit juste une moraliste un peu bigote, etc.
04:58 En fait, son oeuvre a beaucoup été revisitée par l'un de ses fils,
05:01 et son fils y a mis beaucoup, effectivement, de religiosité,
05:05 alors qu'elle, elle avait envie de se détacher de ça.
05:07 C'est une enfant martyr, Sophie Rostopchin,
05:10 les malheurs de ses fils et ses malheurs à elle,
05:12 et c'est une enfant martyr qui a voulu parler de l'éducation des enfants,
05:15 de sa classe sociale, évidemment, de France Innoble,
05:18 de manière un peu différente.
05:20 C'est peut-être une des premières qui s'est intéressée
05:22 à la manière dont on traitait les enfants.
05:24 Et c'est vrai que quand on le lit avec la mauvaise distance,
05:27 on a l'impression qu'elle veut que les enfants filent droit
05:30 et soient disciplinés, alors qu'en fait,
05:33 elle m'a peut-être donné l'envie aussi de m'intéresser aux enfants plus tard,
05:36 par le biais de la voix de l'enfant, dont je suis l'un des ambassadeurs,
05:40 depuis toutes ces années.
05:41 C'est peut-être elle qui, inconsciemment, m'a donné envie
05:44 de regarder d'un peu plus près le sort des enfants.
05:46 -Et vous aurez confirmation en lisant ce livre, évidemment.
05:48 Elle est née à Saint-Pétersbourg en 1799,
05:51 elle est arrivée en France, et donc elle a habité,
05:53 elle a épousé le comte de Ségur,
05:55 elle a habité le château des Nouettes, c'était dans l'Orne.
05:57 Elle aime beaucoup la France, elle était francophone,
06:00 elle était francophile.
06:01 -Et puis elle était dans un coin qui lui rappelait sa Russie natale,
06:03 avec des forêts de bouleaux, etc., donc elle s'y est installée.
06:06 Et puis, oui, elle a aimé énormément la France,
06:10 et d'ailleurs, la plupart de ses histoires,
06:11 elle les situe ici, en France.
06:13 Mais c'est vraiment une écrivaine intéressante.
06:14 Elle a rencontré des gens comme Eugène Su,
06:16 elle admirait Vigny, elle admirait Victor Hugo,
06:18 elle se considérait pas comme une écrivaine,
06:20 comme moi, je me considère pas comme un écrivain encore,
06:22 je me considère comme un passeur d'histoire, elle l'était aussi.
06:25 Et j'ai une tendresse très forte pour elle,
06:27 et je la rencontre un jour précis, le jour où elle déménage de son château
06:31 parce qu'elle a plus les moyens de l'entretenir,
06:33 son mari est mort, il lui fallait beaucoup d'argent,
06:35 elle aurait dû gagner énormément d'argent
06:37 parce que c'était une des plus grosses vendeuses de livres de son époque,
06:41 sauf qu'elle touchait une somme misérable par livre,
06:43 parce que c'était une femme et parce qu'elle était exploitée,
06:46 et notamment par l'éditeur Hachette.
06:48 -C'est ce qu'on découvre dans ce livre.
06:49 D'un mot, Bruno, je me suis dit,
06:50 mais comment Bruno a découvert l'histoire,
06:54 comment la passion est née ?
06:55 Je vous montre quatre photos.
06:56 San Francisco, Mexico, New York, Grand Canyon.
07:02 C'est pas mal résumé.
07:03 Vous avez quoi, 13-14 ans ?
07:05 -Oui, c'est ça, je fais un voyage initiatique avec mon père
07:08 à travers le Canada, les Etats-Unis et le Mexique.
07:11 Il dit, écoute, il faut qu'on apprenne à mieux se connaître,
07:13 tu as 13 ans maintenant.
07:14 -Mais ça coûte de l'argent.
07:15 -Non, mais c'était un petit peu au jour le jour.
07:17 -À la roots.
07:18 -Ah oui, c'était...
07:19 On se lavait quand on se lavait, on mangeait quand on mangeait,
07:21 on dormait là où on pouvait,
07:22 et on a traversé ces trois pays.
07:25 -Quelle ouverture sur le monde que vous offre votre père.
07:28 -Voilà, et il me dit, il faut qu'on apprenne à mieux se connaître,
07:31 on aurait dû faire ce voyage avec ma maman et ma sœur,
07:33 mais ma sœur était vraiment petite à l'époque, elle avait 5 ans,
07:35 et ma maman, sachant les conditions du voyage à venir,
07:39 a préféré s'en préserver,
07:41 donc je suis juste parti avec mon père,
07:42 et beaucoup de ceux que je suis aujourd'hui,
07:44 je le dois à ce voyage où j'ai rencontré des gens,
07:47 où il m'a intéressé aux choses,
07:48 où il m'a ouvert à la curiosité, au monde, au pluriel.
07:52 -C'est joli. Vous parlez bien.
07:53 Vous êtes fort quand même, Bruno.
07:55 Bruno Solow, le voyageur d'histoire, c'est aux éditions du Rocher.

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