Loi Immigration : «Le texte voté hier n'est pas du tout le texte d'origine du gouvernement», estime Bruno Cautrès

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Bruno Cautrès, politologue et chercheur au Centre d'étude de la vie politique française, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Ensemble, ils reviennent sur l'adoption du projet de loi Immigration après une séquence politique compliquée pour la majorité.

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Transcription
00:00 - Il est 7h11 sur Europe, Dimitri Pavlenko vous recevez ce matin le politologue et chercheur au Cévipof Bruno Cotteres.
00:07 - Bonjour Bruno Cotteres. - Bonjour.
00:10 - Bienvenue sur Europe. Des députés en larmes au téléphone avec des journalistes hier,
00:14 des ministres qui font au président un chantage à la démission,
00:17 le chef de l'État lui-même qui propose symboliquement qu'on ne compte pas les voix du Rassemblement National
00:22 et de saisir le Conseil Constitutionnel pour que celui-ci dévitalise le texte que lui-même président défend.
00:30 Mais qu'est-ce qu'il y a dans cette loi immigration adoptée hier soir pour déclencher pareil crise politique ?
00:34 On va tenter de comprendre avec vous Bruno Cotteres.
00:37 Alors on nage quand même en plein paradoxe parce que d'un côté on a une victoire parlementaire très claire pour l'exécutif,
00:43 349 voix pour la loi immigration sur 573 votants.
00:48 Mais alors après un psychodrame comme on en a rarement vu, qu'est-ce qui s'est passé hier ?
00:53 - Ce qui s'est passé c'est qu'au fond la Macronie a rencontré fondamentalement le conflit gauche-droite qui est toujours là.
01:02 On a vu que l'aile gauche de la Macronie, en tout cas la sensibilité de centre-gauche à l'intérieur de la Macronie,
01:08 se retrouve sur un thème qu'elle considère comme ayant franchi le Rubicon,
01:12 c'est-à-dire que le gouvernement Emmanuel Macron serait allé trop dans la direction des Républicains et du Rassemblement National.
01:19 - En fait le drame se noue hier après-midi.
01:22 A propos de la concession qui a été faite à la droite par l'exécutif de durcir les conditions d'accès des étrangers aux aides sociales,
01:30 est-ce que la gauche s'est empressée de qualifier de mesure de préférence nationale ?
01:35 Et là on a eu droit au procès en extrême droitisation du camp présidentiel.
01:40 - Oui, d'autant plus que le Rassemblement National s'est comporté de manière incroyablement stratégique,
01:46 c'est-à-dire d'une part a d'abord dit qu'il s'agissait d'une victoire idéologique sur le fond de la bataille des idées.
01:53 Et puis avant, en sortant ce coup de poker de dernière seconde,
01:56 le Rassemblement National qui avait semblé dire qu'il ne voterait pas le texte parce qu'il trouvait lui au contraire qu'il n'allait pas assez loin,
02:02 et bien finalement le Rassemblement National a planté une banderie en disant "nous on va le voter ce texte",
02:07 ce qui évidemment a mis la majorité complètement en porte-à-faux.
02:11 Se pouvait-il qu'un texte de la majorité soit voté avec l'aide du Rassemblement National ?
02:16 Et c'est ça le psychodrame qui s'est passé hier.
02:18 - Mais oui, cependant on peut quand même remarquer que ce n'est pas la première fois que le Rassemblement National vote un texte macroniste.
02:24 On a eu par exemple les lois de programmation de la justice, de la défense, de la sécurité.
02:29 Il y a eu cette impression que le texte "immigration" a été tamponné Rassemblement National
02:34 et c'est ça qui pose problème à l'aile gauche de la majorité présidentielle.
02:38 - Et oui parce que ce thème de l'immigration, il est identifié comme le thème du Rassemblement National.
02:45 Et donc on voit bien que là on est dans un tout autre dispositif, toute autre dimension que s'il s'agissait de justice,
02:52 s'il s'agissait d'économie. Et donc le fait que ça soit sur l'immigration, ça a crispé évidemment,
02:59 ça a donné à l'aile gauche de la Macronie le sentiment qu'elle est en train de vendre son âme tout simplement.
03:04 Donc on voit que ce sont des considérations de principes politiques,
03:08 que ça a soumis une partie de la Macronie au fond à une sorte de dilemme moral impossible à régler.
03:14 D'un côté soutenir le président, ce qui pour un membre de la majorité est une dimension évidemment fondamentale,
03:19 et puis de l'autre côté, des considérations effectivement de morale, on va dire politique,
03:24 un véritable dilemme moral, et ce dilemme moral il est très important, il ne va pas se régler sans doute facilement
03:30 dans les jours qui arrivent. Et le chef de l'État en dégainant la vie du Conseil constitutionnel,
03:37 peut-être va essayer de déminer, mais la situation devient de plus en plus confuse, on a beaucoup de mal aujourd'hui à s'y retrouver.
03:43 Mais est-ce que c'est pas un peu bizarre, vous évoquez cette saisine du Conseil constitutionnel
03:47 qu'a annoncé Emmanuel Macron, mais quand on regarde bien les choses,
03:50 on a Gérald Darmanin qui au Sénat hier aux alentours de 19h30, confesse au Sénat,
03:55 et il fait ça pour rassurer la gauche à ce moment-là, que des mesures du texte immigration
04:00 ne survivront pas au Conseil constitutionnel, et une heure et demie plus tard,
04:04 Emmanuel Macron fait savoir qu'il saisira lui-même ce Conseil constitutionnel,
04:08 pour dit-il, retirer les dispositions irritantes.
04:11 On a presque l'impression que c'est la déclaration d'un opposant au texte que fait Emmanuel Macron à ce moment-là.
04:17 - Bah surtout ça donne un sentiment de grande confusion, si un texte qui a eu l'aval de Matignon,
04:24 et on se doute qu'il a eu l'aval du chef de l'État, finalement ne répond pas aux critères du Conseil constitutionnel,
04:30 alors là ça veut vraiment dire qu'on ne sait plus du tout qui est en train de faire quoi, qui joue à quoi,
04:35 c'est-à-dire est-ce possible que l'exécutif ait laissé aller devant la représentation nationale
04:39 un texte qui sur une dimension aussi importante de l'action publique, l'immigration,
04:44 ne passerait pas la barre du Conseil constitutionnel sur ces mesures qui sont les plus emblématiques,
04:49 et celles qui créent le plus de tensions à l'intérieur de la majorité.
04:53 Donc on voit que le sentiment, au fond, de pilotage à vue et de difficultés pour la majorité ne va faire que s'accentuer.
05:00 - Est-ce qu'il n'y a pas quand même, dans cette affaire du projet de loi immigration,
05:05 pour une autre raison, un manque de maîtrise parlementaire de la part du gouvernement ?
05:09 Enfin je veux dire, on passe quand même d'une loi qui était censée être un texte de régularisation des sans-papiers,
05:13 alors ce qu'il est, in fine, malgré tout, à un texte qui rétablit le délit de séjour irrégulier
05:20 et crée des conditions drastiques sur l'attribution de certaines prestations sociales.
05:25 - Il est clair que le texte qui a été voté hier n'est pas du tout le texte d'origine du gouvernement.
05:32 Le ministre de l'Intérieur au Sénat hier a eu beau jeu d'expliquer qu'au fond,
05:37 le texte voté ne faisait que compléter le texte d'origine.
05:42 On voit bien que la philosophie générale du texte a été clairement décentrée vers la droite.
05:49 Donc effectivement, on ne sait plus très très bien aujourd'hui où est-ce que l'exécutif souhaitait aller.
05:56 L'exécutif, au fond, souhaitait aller dans la direction de davantage de contrôle de l'immigration,
06:02 au fond de cette idée de devoir avoir résidé en France depuis un certain nombre d'années pour accéder à des prestations sociales.
06:10 Ou est-ce qu'il s'agissait de cette volonté d'origine, régularisée, dans les métiers en tension, l'immigration.
06:16 Donc on retrouve effectivement une problématique de centre de gravité extrêmement explicitée par l'exécutif.
06:22 - Merci beaucoup Bruno Cotteres d'avoir été avec nous en ligne ce matin.
06:26 Je rappelle que vous êtes politologue-chercheur au Cévi-POF.
06:29 On va évidemment continuer toute la matinée sur Europe 1 à vous parler de ces projets de loi immigration
06:35 et de cette adoption dans la difficulté, dans le labeur on peut dire, avec ce problème de fracturation de la majorité politique.
06:42 Rendez-vous tout à l'heure notamment à 8h moins 10 l'édito politique avec Vincent Trémolet de Villers.
06:46 Il est 7h18 sur Europe 1.

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