• il y a 2 ans
Cette année, les règlements de comptes et fusillades mortelles sur fond de trafic de drogue ont fait 47 morts à Marseille. RTL a décidé de s'intéresser à un sujet rarement abordé : celui des enfants qui sont parfois aux premières loges. Etienne Baudu a enquêté avec Hugo Amelin et Manon Meyer dans différentes cités, a aussi rencontré des psychologues. Ces enfants sont parfois des témoins directs de règlements de compte et subissent de graves traumatismes, des blessures psychologiques, des blessures invisibles mais qui ont évidemment un impact sur leur vie de tous les jours.
Regardez RTL Evènement du 21 décembre 2023 avec Etienne Baudu.

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00:02 RTL événement
00:06 Et l'événement ce matin sur RTL c'est cette enquête édifiante sur les grands oubliés des règlements de compte à Marseille. Les enfants, oui,
00:12 les enfants qui voient mourir leurs proches parfois
00:15 sous leurs yeux alors que le procureur de la république doit dresser aujourd'hui le bilan d'une année record au moins
00:20 47 morts. Le bureau RTL de Marseille a rencontré plusieurs de ses victimes collatérales. Bonjour Etienne Baudu.
00:27 Bonjour Amandine, bonjour Yves, bonjour à tous. C'est un sujet dont on ne parle jamais et pourtant le traumatisme de ces enfants est bien réel.
00:34 Des blessures psychologiques invisibles mais qui ont évidemment un impact sur leur vie de tous les jours.
00:39 Oui, ces enfants qu'on a croisés parlent en réalité assez librement de ce qu'ils ont vu, des scènes parfois insoutenables.
00:45 Par exemple le 13 août dernier, cité de la Caillolle dans les quartiers sud, il est 22h30,
00:50 il fait chaud, les fenêtres sont ouvertes. Ahmed, 9 ans, assiste à l'assassinat de son grand frère juste devant chez lui.
00:57 J'étais en train de regarder la télé, après j'ai entendu "trois jetés de pétards".
01:02 J'ai regardé, le mec il s'est garé devant ici et là il y avait mon frère.
01:06 Après ils ont tiré sur lui, j'ai dit à ma mère, les gens disaient "appelez les pompiers, appelez les pompiers".
01:11 Et depuis ce jour là, ma mère, des fois elle est malade, des fois elle nous dit de ne pas sortir.
01:16 Autre exemple parmi tant d'autres, au début du mois de juin dernier, cité du Castellas dans les quartiers nord cette fois-ci,
01:22 il est 21h30, Mehdi, 13 ans, rentre chez lui avec son petit frère.
01:25 Les mecs sont rentrés dans la mosquée, ils l'ont préparé les cheveux, ils l'ont sorti, ils l'ont tiré dessus dehors, devant la mosquée.
01:31 Mon frère il a tout vu. C'est entre eux normalement ça, mais moi j'ai juste peur des balles perdues.
01:35 Des scènes effectivement terribles. Etienne, ces enfants sont-ils pris en charge et comment ?
01:41 Les premiers à intervenir ce sont les psychologues, des cellules d'aide psychologique,
01:45 dépêchés sur place juste après une fusillade mortelle ou un règlement de compte.
01:48 A Marseille c'est principalement l'AVAD, l'association d'aide aux victimes d'actes de délinquance.
01:53 Ils interviennent à chaud. Alors bien entendu chaque cas est particulier, mais certains symptômes traumatiques reviennent fréquemment.
01:59 Les cauchemars, le refus de dormir seul, les difficultés de concentration à l'école, les troubles de l'alimentation,
02:04 la perte d'appétit ou au contraire la boulimie et parfois même des phénomènes de régression.
02:09 Lisa est psychologue au pôle d'urgence de l'AVAD.
02:12 Ça peut être par exemple un enfant de 5 ans qui veut remettre sa tétine, un enfant qui va commencer à perdre un petit peu le langage,
02:19 qui va vouloir s'alimenter uniquement de purée ou de biberon.
02:21 Ces symptômes-là peuvent marquer après l'enfant dans sa personnalité, dans son fonctionnement psychique sur du plus long terme.
02:27 Mais oui parce que ces blessures invisibles j'imagine Etienne qu'elles ont sans doute des répercussions à long terme.
02:33 Évidemment cet environnement d'une extrême brutalité conditionne en partie ces enfants avec une violence sous-jacente
02:38 qui se banalise chez certains d'entre eux, c'est ce que nous explique Johanna, elle aussi est psychologue au pôle d'urgence de l'AVAD.
02:44 Ça peut être qu'eux-mêmes peuvent être violents sans avoir conscience qu'ils sont violents,
02:49 ça peut être des violences verbales, pas forcément passées à l'acte sur un plan physique ou intégrée à un réseau.
02:55 Ça peut être, je peux parler fort, je peux être un peu dans l'insévisme mais sans forcément rendre compte que là je suis dans la violence
03:03 parce que si j'ai connu le summum de la violence que je l'ai banalisée, après si je manque de respect à quelqu'un, je ne me rends même pas compte que je le fais.
03:12 Etienne, vous nous l'avez dit, il y a une prise en charge d'urgence sur le moment, qu'en est-il de la suite à moyen et long terme ?
03:18 Et c'est bien là que le bas blesse, d'abord il faut bien le dire, les parents sont assez réticents à envoyer leur enfant chez le pédopsychiatre
03:24 et puis les structures d'accueil sont trop peu nombreuses. Nina est présidente de l'association Cheba, installée citée de la Busserine,
03:30 théâtre de plusieurs fugiades et règlements de comptes.
03:32 Pour moi, il faut qu'il soit de suite vu par un spécialiste, mais le problème c'est qu'il n'y a pas de rendez-vous, ça peut mettre des mois et des mois,
03:37 et après c'est cher, c'est pas remboursé un psychologue libéral, et voilà, ça serait bien quand même de peut-être, dans des cas comme ça,
03:43 de faire un suivi gratuit pour ces enfants-là, mais un vrai suivi, pas deux cellules de crise et après on arrête.
03:48 Voilà, des psychologues et des psychiatres libéraux trop peu nombreux dans les quartiers nord devenus des déserts médicaux
03:53 et des centres médicaux psychologiques gratuits mais débordés, entre un an et un an et demi d'attente pour un premier rendez-vous.
03:59 Or le temps est précieux pour les enfants, il faut agir le plus vite possible pour éviter des répercussions irrémédiables,
04:05 pour cicatriser ces blessures invisibles.
04:07 Les enfants grands oubliés de ces règlements de comptes à Marseille, c'est une enquête de notre bureau de Marseille,
04:12 Étienne Baudu, Hugo Hamelin et Manon Meyère. Merci à tous les trois.
04:15 Merci à tous les trois.
04:16 [SILENCE]

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