Depuis le cœur d'une ville ou au sommet d'un massif, l’Isère offre une toile à ciel ouvert… D'ici ou d'ailleurs, les peintres racontent l’Isère telle qu’ils la voient, telle qu’ils la vivent : Alpes Is Here s’installe au Musée Hébert et vous transporte dans un tableau vivant, au fil des mouvements artistiques qui traversent les générations...
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00:00 Depuis le cœur d'une ville ou au sommet d'un massif,
00:03 Liserre, partout, offre une toile à ciel ouvert.
00:06 Depuis toujours, les artistes immortalisent leurs émotions
00:11 et symbolisent leur inspiration au gré de leur pinceau.
00:15 D'ici ou d'ailleurs, les peintres racontent Liserre,
00:18 les mouvements artistiques traversent les générations.
00:20 Cette saison, Alpizir vous transporte dans un tableau vivant.
00:24 * Extrait de « Liserre » de Alpizir *
00:40 Tout se prête ici à la contemplation.
00:49 Nous sommes au jardin du musée Hébert,
00:52 la demeure du peintre du 19e siècle, Ernest Hébert.
00:56 Bonjour Fabienne Pluchat.
00:57 - Bonjour.
00:58 - Vous êtes la conservatrice de ce musée situé à la Tronche,
01:00 un lieu qui est très fort en histoire et l'histoire de nos peintres.
01:03 - Tout à fait.
01:04 Ici, nous sommes dans une maison d'artistes,
01:06 une maison d'un peintre du 19e siècle,
01:08 qui n'était pas forcément peintre paysagiste,
01:10 mais qui a été tellement inspiré par ce territoire
01:13 qu'il a quand même beaucoup représenté.
01:15 Voilà, on est ici au cœur de Liserre,
01:18 dans cette belle maison, dans ce beau jardin, dans ce domaine,
01:22 mais aussi avec cette vue sur les montagnes,
01:24 et notamment le massif de Beldon.
01:25 - Cette belle maison, ce beau musée départemental,
01:28 on fera la connaissance d'Ernest Hébert dans un petit instant.
01:31 Cette tradition des peintres dauphinois,
01:33 où est-ce qu'on en trouve les premières traces ?
01:35 Les peintres du Dauphiné, mais aussi les peintres d'ici et d'ailleurs.
01:39 - Alors, en fait, c'est véritablement au 19e siècle
01:42 que s'est révélée finalement cette tradition picturale dauphinoise,
01:46 mais qui a commencé à la fin du 18e siècle,
01:48 avec la formation classique des artistes,
01:50 mais au 19e siècle, a vraiment une identité, en fait,
01:54 qui se révèle plutôt, on va dire plutôt assez classique,
01:58 dans la première moitié du 19e siècle,
02:00 et qui se révèle véritablement dans la seconde moitié du siècle,
02:03 avec une volonté d'aller chercher les paysages de plein air,
02:08 d'aller arpenter les montagnes aussi,
02:09 là, un petit peu plus tard, à partir des années 1870,
02:13 avec vraiment une volonté d'aller voir ces lacs, ces montagnes,
02:17 ces massifs, tous les massifs de l'Isère,
02:19 et va naître du coup une peinture très singulière,
02:24 liée à ce territoire.
02:25 - Mais c'est aussi toute cette singularité de l'Isère,
02:29 qui est extrêmement variée dans ses paysages,
02:32 des paysages de villes, de campagnes, de montagnes, de lacs,
02:36 c'est vraiment toute cette variété qui attire,
02:38 et cette beauté bien sûr, mais cette variété aussi,
02:41 cette palette infinie qui inspire les peintres ?
02:44 - Alors tout à fait, la spécificité de ce territoire,
02:47 c'est la diversité des paysages.
02:49 Alors évidemment, les montagnes, c'est une évidence,
02:52 mais les montagnes, finalement, tous ces massifs sont très différents
02:54 et offrent des paysages très différents.
02:56 Et puis, il faut savoir que le Nord-Isère, par exemple,
02:59 a attiré beaucoup d'artistes, à Maurestel, par exemple,
03:04 la Maison Ravier est un bon exemple des musées
03:07 qui racontent cette histoire du paysage aussi.
03:10 Et donc, il y a vraiment profusion, à la fois avec les vallées,
03:16 la vallée du Grézy-Vaudan, la Bécalès, par exemple,
03:19 mais avec aussi la montagne, la Haute-Montagne,
03:22 avec Guétal, par exemple, et ses magnifiques paysages de lacs,
03:26 du lac de l'Echauda qu'on peut voir au musée de Grenoble.
03:28 Donc voilà, une diversité des propositions
03:30 qui, évidemment, pour les artistes, sont peint bénis.
03:33 - Donc, selon les mouvements, on retrouve quoi, principalement ?
03:36 On retrouve bien sûr les montagnes, on retrouve les sommets,
03:39 on retrouve bien sûr ces paysages, ces ambiances.
03:42 Qu'est-ce qui inspire de manière singulière
03:44 les mouvements, en fait, à travers les générations ?
03:47 - Alors, il y a cette diversité, mais il y a aussi, évidemment, la lumière.
03:52 Ce qui attire les paysagistes, c'est aussi la lumière,
03:56 l'ambiance, l'atmosphère changeante.
03:59 Cette lumière changeante, on sait très bien qu'en montagne,
04:01 quand la lumière change, la montagne change.
04:03 Et c'est aussi ça que les peintres veulent saisir avec leur style,
04:08 dans leur technique aussi, avec le couteau, avec l'aquarelle,
04:11 pour Ernest Hébert, par exemple, le couteau pour la Bécalès.
04:14 Mais c'est vraiment aussi toute cette possibilité, en fait,
04:20 avec ce qu'offrent les paysages de l'Isère
04:23 et puis ce changement entre l'été, l'hiver
04:27 et les ambiances de haute montagne, parfois, ou des vallées.
04:31 - Oui, ces ambiances et ces couleurs, on sait que, notamment,
04:34 la peintre Louise Morel avait attendu un an, pratiquement,
04:37 avant de pouvoir peindre depuis sa fenêtre la chaîne de Beldon
04:40 et Grésivaudan pour enfin avoir l'ambiance, la couleur qu'elle recherchait.
04:43 Et c'est vrai qu'il y a des traditions du 19e,
04:47 les premières traces, je crois qu'on les trouve au 17e.
04:49 Et ça continue ici, encore aujourd'hui, avec des peintres
04:52 qui ne sont pas dauphinois, qui ne sont même pas français,
04:54 mais qui viennent ici s'inspirer de non-montagne pour créer.
04:57 - Tout à fait. Alors, il y a des peintres des environs,
05:00 des peintres à la fois lyonnais, parisiens, qui sont venus ici.
05:04 On pense à Corot, on pense à Dobigny, mais effectivement,
05:08 Jonquine est venu s'inspirer du dauphiné,
05:14 est venu vraiment puiser dans ces paysages
05:17 et ces... Voilà, qui l'ont fasciné et qui l'a beaucoup représenté.
05:21 Et puis, on pense au peintre anglais Turner,
05:26 qui est passé, effectivement, par ici, qui a dessiné la tronche, d'ailleurs,
05:32 et qui vraiment aussi a été séduit par ces ambiances,
05:37 cette montagne. Et puis, c'est ce côté assez encaissé aussi des villes
05:41 qui l'ont fasciné.
05:43 - Et bien, on va la découvrir, cette maison ravie d'où vous nous parliez
05:46 il y a un petit instant.
05:47 Elle se trouve aux environs de Maurestelle.
05:49 Et c'est vrai que c'est un lieu qui se prête à la contemplation, comme ici.
05:52 Et on ne s'en lasse pas et ça perdure.
05:54 Aujourd'hui, regardez ce reportage de Camille Havon.
05:58 S'en inspirer, les sublimer pour faire rayonner le territoire isairois.
06:02 Auguste Ravier a passé les 28 dernières années de sa vie
06:06 à peindre les paysages de la commune de Maurestelle en Isère.
06:09 Artiste autodidacte, il n'était pas destiné à la peinture,
06:13 mais bien à une vie de notaire.
06:15 C'est après un voyage en Italie où il apprend aux côtés des plus grands
06:18 que Ravier décide de s'installer à Maurestelle en 1867,
06:23 dans cette demeure qui surplombe la ville,
06:26 offrant à l'artiste de quoi satisfaire sa créativité.
06:29 Ce qu'il cherche à peindre au-delà du paysage,
06:32 ce sont des états d'âme, mais ce sont aussi des sensations visuelles.
06:36 Et c'est ce qui lui donne en fait envie de peindre
06:39 et de manière toujours renouvelée,
06:43 puisque finalement, il va toujours aux mêmes endroits.
06:45 Auguste Ravier joua capturer ces paysages à différents moments de la journée.
06:50 Une lumière particulière qui se reflète sur un étang,
06:54 une vue sur les toits de la ville au petit matin
06:56 ou encore un coucher de soleil derrière une église.
06:59 On reconnaît l'église de Maurestelle,
07:04 ainsi que la tour médiévale et la vieille ville.
07:07 Mais c'est surtout dans cette manière très allusive, très rapide,
07:12 de noter simplement quelques éléments de la composition du paysage.
07:16 À l'époque romantique, la nature devient un sujet d'étude
07:20 important pour les artistes avec un style bien particulier.
07:24 Ces hachures, ces ébrures permettent de matérialiser l'air.
07:28 Et ce n'est pas la topographie qu'il cherche,
07:31 mais c'est vraiment cette sensation de rendre palpable ce qui est intangible.
07:38 Donc, on dit qu'il est un précurseur de l'impressionnisme.
07:40 Dès le 19e siècle, la diversité de ces paysages isérois
07:44 a attiré plus d'une centaine de peintres venus de toute la France.
07:48 Aujourd'hui, elle continue de fasciner les visiteurs.
07:51 Tous les sites qui ont inspiré Auguste Ravier sont accessibles.
07:54 Une balade a été conçue pour inviter les visiteurs à voir
07:58 une exposition grandeur nature des œuvres de l'artiste.
08:01 Et vous pouvez prolonger cette expérience en savourant un bon petit plat local
08:11 à l'Auberge des peintres à Optewoos.
08:13 C'était un véritable QG des peintres, là où les précurseurs, nous apprenons,
08:17 les précurseurs de l'impressionnisme se retrouvaient
08:20 jusqu'au début du 20e siècle.
08:22 On peut toujours y admirer deux fresques représentant les balcons du Dauphiné.
08:26 Et puis, vous pouvez sillonner cette route des peintres à vélo sur la Via Rona.
08:30 Sachez qu'entre Crémieux et Corbelins, un circuit thématique
08:34 vous permet de plonger dans l'inspiration et de vivre les tableaux
08:38 avec des panneaux explicatifs, comme à l'étang de Bas à Hier sur Amby
08:42 ou au Lavoir à Optewoos.
08:44 * Extrait de « Autoportrait » de Ernest Hébert *
08:51 « Autoportrait » en 1834.
08:53 Il avait 17 ans, Ernest Hébert, lorsqu'il a peint cet autoportrait.
08:57 Tout à fait. Un beau morceau de bravoure et un tableau,
09:01 donc un autoportrait fait par Ernest Hébert de lui-même devant un miroir
09:07 qu'on a, c'est un joli miroir rond qui est présenté dans le musée.
09:12 Et surtout, Ernest Hébert a voulu prouver qu'il était un bon peintre
09:16 et il a envoyé ce tableau à Paris en prévision de monter à la capitale
09:22 pour se former et pour devenir encore meilleur
09:25 et se former à l'École des Beaux-Arts.
09:27 - Mais qui était Ernest Hébert ?
09:29 - Alors, Ernest Hébert, c'est un fils de notaire,
09:32 en fait de plusieurs générations de notaires,
09:36 donc il était plutôt attendu dans le domaine du droit.
09:39 Et il a d'ailleurs fait du droit jusqu'à cette période-là.
09:42 Et à partir du moment où il a réussi à percer en tant que peintre,
09:45 à gagner le Grand Prix de Rome,
09:47 à ce moment-là, il a pu laisser tomber le droit
09:51 pour se consacrer entièrement à sa passion qui était l'art.
09:54 Il a été très soutenu par sa mère
09:56 et qui lui a donné en héritage cette maison dans laquelle nous nous trouvons.
10:01 - Et que sa femme a permis de réaménager par la suite en musée,
10:05 mais qui a été préservée.
10:07 - Tout à fait, sa femme, Gabrielle Hébert,
10:09 qui a eu un rôle très important dans la transmission de l'œuvre d'Hébert,
10:13 dans la connaissance de cet artiste.
10:15 Ils avaient 30 ans d'écart, mais elle a été son élève.
10:18 Et surtout, elle a vraiment souhaité réunir un maximum d'œuvres.
10:22 Et c'est elle qui a créé le premier musée consacré à Ernest Hébert
10:27 dans cette maison en 1934.
10:30 - Où il repose, d'ailleurs.
10:31 - Où il repose, tout à fait.
10:32 C'est la particularité de cette maison, quand même.
10:34 C'est que ça tombe effectivement dans le parc,
10:37 un très beau monument, d'ailleurs, que je vous invite à découvrir.
10:40 - Et au crépuscule de sa vie, on retrouve du crayon,
10:47 du crayon de la couleur du pastel.
10:48 - Tout à fait.
10:50 On est ici devant une boîte, en fait.
10:51 Cet objet, finalement, c'est à la fois des dessins,
10:54 mais c'est aussi tous ses éléments.
10:55 Et c'est une boîte souvenir qui a été réalisée par son épouse,
10:58 Gabrielle Hébert, juste après la mort du peintre.
11:01 Et c'est un souvenir des derniers dessins qu'il a réalisés
11:04 à l'île d'Amour, sur les bords de l'Isère.
11:07 Et vous avez raison, c'est un crayon ici et ici, un pastel,
11:11 avec sa boîte de couleurs, ses crayons.
11:15 Et en fait, ça montre bien cet intérêt qu'il a toujours eu
11:18 d'aller dessiner comme ça, à proximité,
11:22 et de faire des paysages qui sont finalement assez touchants.
11:26 Il est vraiment à la veille de sa mort.
11:29 On est en 1908 et on voit qu'il a des belles capacités encore à dessiner.
11:36 Et puis on devine les sommets à l'arrière-plan.
11:41 - Et qui sont là uniquement pour la perspective, finalement.
11:45 - Tout à fait. Il a juste installé le décor, il a posé le décor.
11:48 Et puis, ce qui est intéressant, c'est ce travail des reflets.
11:51 En fait, là, il n'y a finalement pas de couleur, c'est que du crayon,
11:54 mais on devine cette eau mouvante.
11:56 Et c'est ça qui est aussi assez beau dans ce dessin.
12:00 - Donc, une boîte à souvenirs pour son épouse.
12:03 On a fait la connaissance, bien sûr, d'Ernest Hébert et Gabriel.
12:07 Et d'autres couples endophinés ont vraiment marqué l'histoire de l'art.
12:11 En endophiné, on pense spontanément à Jules Flandrin et Henriette de Lauras.
12:16 - Tout à fait. Jules Flandrin, Henriette de Lauras, un beau couple.
12:20 Et voilà, Jules Flandrin, on est ici à La Tronche et Jules Flandrin était de Coran.
12:24 On sait d'ailleurs qu'ils étaient voisins, Jules Flandrin et Henriette de Lauras.
12:28 Ils avaient pas mal d'écartages aussi,
12:30 un petit peu comme Gabriel Hébert finalement et Ernest.
12:34 Et c'est un couple qui est assez touchant parce que finalement,
12:38 lui, il a fait carrière, il est monté à Paris et on va dire qu'il a un peu devancé sa carrière à elle.
12:46 Mais il lui a prodigué des conseils, il lui a apporté des...
12:52 Il a aidé notamment à se mettre au pastel.
12:55 Et c'est vraiment là qu'elle va se révéler et elle-même va être entre Liserre et Paris.
13:00 Où elle va aussi plutôt représenter, on va dire, les cafés, la vie parisienne.
13:06 Vraiment cette ambiance que je trouve assez géniale avec ces pastels.
13:12 Et alors que Flandrin, lui, va régulièrement revenir en Liserre et faire des paysages.
13:16 C'est quelque chose qu'il fait, des grands formats parfois,
13:20 et des paysages colorés avec des aplats vifs.
13:23 Et voilà, un très beau couple, effectivement, avec des styles assez différents.
13:28 - Oui, on apprend aussi dans ce magazine qu'elle est décédée très jeune, à 40 ans.
13:31 - Tout à fait, elle est décédée très jeune, je crois, vers 1940, par là.
13:35 Et donc voilà, un couple qui a été important l'un pour l'autre,
13:41 mais finalement sur une durée assez courte.
13:44 - Oui, tout comme Marcel Samba et Georgette Agut.
13:47 Alors, parfois, c'est vrai qu'à Grenoble, vous pouvez traverser le boulevard Agut-Samba.
13:52 Beaucoup ne savent pas qu'il s'agit de deux artistes différents, donc un couple majuscule, vraiment.
13:57 - Tout à fait. Alors lui, il était député, c'était vraiment un homme politique,
14:03 mais un grand amateur d'art.
14:04 - De cubisme en particulier.
14:05 - De cubisme, vraiment un fervent défenseur de la modernité du début du XXe siècle.
14:11 Et elles étaient donc artistes, et ils se sont vraiment...
14:15 Ils étaient unis de manière extrêmement forte,
14:18 et la preuve en est, c'est qu'il est décédé en 1922,
14:22 et qu'elle s'est suicidée dans la foulée,
14:24 parce qu'ils avaient vraiment ce goût et cette passion commune pour l'art.
14:28 Ils collectionnaient également des œuvres,
14:30 et elle a légué au musée de Grenoble une quantité importante d'œuvres d'art,
14:36 dont des paysages, et c'est des œuvres finalement modernes, très colorées,
14:41 vives, vraiment avec une personnalité forte que l'on découvre à travers ces œuvres exposées.
14:49 - Et alors, avec quelle matière ?
14:51 On a parlé ici du pastel, du crayon,
14:54 on apprend en page 18 de ce magazine Alpizer,
14:58 le magazine source d'auteurs de cet hiver,
15:00 que les pigments contenus dans les racines, dans les feuilles, les écorces,
15:03 ou même certaines baies, permettent de créer des nuances très typiques.
15:07 Le brou de noix aussi, notre noix de Grenoble,
15:09 le rouge de Garance, ou encore le jaune du Réséda.
15:12 Peut-être qu'il y en a ici, dans ce musée d'art.
15:14 - Alors, pas ma connaissance, mais c'est vrai qu'il y a tout un travail autour du pigment
15:18 qui est extrêmement intéressant.
15:19 Les pigments naturels, les pierres aussi, le charbon,
15:22 on broie des couleurs et pendant longtemps,
15:25 avant d'avoir des tubes avec de la couleur pour aller peindre dans la nature,
15:28 on a dans les ateliers des petites mains qui broient les couleurs
15:32 et qui les fabriquent avec ces éléments naturels.
15:34 - Exactement.
15:35 Merci beaucoup de nous avoir accueillis, Fabienne Pluchard,
15:37 dans ce magnifique musée Héberme, musée départemental.
15:40 Alors, on parle de la peinture, mais pas seulement, bien sûr,
15:43 pas seulement les artistes, ils s'expriment aussi sur des supports inattendus,
15:47 toujours très inspirés par cette sublime nature montagnarde qui les entoure.
15:51 On vous emmène aux Deux-Alpes, plus précisément à Mont-de-Land,
15:55 à la rencontre de Laetitia Héral, qui gratte des portes.
15:59 - Donc voilà, ça, c'est le bois comme je l'ai reçu,
16:05 et donc brut.
16:07 Et pour faire ressortir un peu plus les veines,
16:09 je suis venue le brûler dans un premier temps.
16:11 Et après, en fait, pour celui-ci, j'ai appliqué une couleur,
16:15 voilà, pour faire ressortir un petit peu le tout.
16:17 C'est dans ce village de Mont-de-Land, vers les Deux-Alpes,
16:21 que Laetitia joue avec la matière.
16:24 Et son petit chouchou, c'est le bois.
16:26 Laetitia est artiste muraliste.
16:29 Avec ses animaux sauvages et autres créations,
16:32 elle insuffle une nouvelle jeunesse et vitalité aux planches.
16:35 - C'est d'inscrire le bois dans le durable,
16:38 et puis de lui donner une dimension artistique,
16:41 de donner un peu une âme, une ambiance,
16:43 du caractère à des choses devant lesquelles on passe tous les jours.
16:47 Des fois aussi, je peux récupérer, par exemple,
16:49 des volets des maisons quand on les change,
16:51 parce que leur fonction est arrivée à bout,
16:54 mais qu'ils font partie de l'histoire de la maison.
16:57 On en fait un objet de décoration autrement.
16:59 Donc voilà, on ne jette pas et on en fait quelque chose de beau.
17:02 Et pour en faire quelque chose de beau,
17:04 il faut adopter une approche différente de celle du dessin classique,
17:08 plutôt que de travailler d'abord sur les ombres,
17:11 et puis avec le bois, la clé est de creuser pour trouver la lumière.
17:15 - C'est une matière qui innoble, c'est une matière qui est authentique.
17:19 On en a toujours vu, on en a toujours eu,
17:21 ça a toujours été apprécié.
17:23 Et c'est surtout une matière qui est pleine de surprises,
17:25 parce qu'il n'y en a pas un seul qui est pareil.
17:28 Il y en a qui ont vécu l'humidité avec la neige,
17:31 avec la pluie, avec le soleil.
17:32 Donc c'est une matière vivante et qui crée des nuances
17:36 complètement improbables et surtout beaucoup de surprises
17:39 qu'on n'a pas sur une toile blanche.
17:40 C'est beaucoup plus vivant à la base,
17:42 alors qu'une toile blanche, on va lui donner vie.
17:44 Le bois, il nous donne sa vie pour pouvoir créer.
17:47 - Également, peintre sur toile, mur, placo, béton,
17:50 les talents de Laetitia sont pluriels,
17:52 mais l'artiste, elle, reste singulière.
17:55 - Et que faire après avoir pisté le chemin des portes de Laetitia ?
18:02 Eh bien, vous pouvez tester le vertical
18:05 et vous initier à l'escalade sur glace,
18:07 sur les falaises du lac Besson.
18:09 C'est dans l'Oisan, alors renseignez-vous bien sûr
18:11 auprès des guides de l'Alpe d'Huez qui vous accompagneront.
18:14 Et puis, est-ce le verre Chartreuse ou le verre de Chartreuse
18:18 qui vous inspireront davantage ?
18:19 Nous, c'est la Chartreuse tout court qui nous inspire
18:23 et qui nous ébahit sans cesse.
18:24 C'est votre cas, Didier Bic, la Chartreuse,
18:26 c'est un énorme coup de cœur ?
18:28 - Oui, c'est un coup de cœur qui date de très longtemps,
18:32 quand je suis venu habiter dans le Grésil-Baudin.
18:34 Donc voilà, et qui m'a conduit à essayer d'y mener
18:38 quelques actions et en état d'exploiter
18:40 le petit domaine skiable du col de Porte.
18:42 - Oui, vous êtes exploitant du col de Porte,
18:45 de cette station, vraiment petite station familiale,
18:48 où vous avez skié aussi lorsque vous étiez plus...
18:50 lorsque vous étiez enfant aussi, dans vos vieux souvenirs ?
18:53 - Alors moi non, parce que je ne suis pas grenoblois d'origine,
18:55 mais mes enfants, oui, ils ont skié, bien évidemment.
18:57 Ils ont tous appris à skier là.
19:00 - Et vous, vous avez appris à skier où ?
19:02 - Moi, j'ai appris à l'Alpe d'Huez. Voilà.
19:05 Donc, mais c'est un plus grand domaine,
19:07 mais c'était à l'époque, c'était vraiment les débuts
19:09 du Géneski de l'Eclos, que tout le monde connaît,
19:11 qui a fait la réputation de l'Alpe d'Huez à ses débuts.
19:14 - Bien sûr, et pourquoi est-ce que vous avez particulièrement
19:17 souhaité développer cette station, cette station du col de Porte ?
19:20 Qu'est-ce qu'elle représente pour vous ?
19:21 - Alors en fait, il y a une raison déjà très pratique,
19:23 c'est que le col de Porte était tombé un petit peu,
19:26 en tout cas le domaine alpin, était tombé un petit peu à l'abandon.
19:29 Et donc, il avait même été arrêté pour des raisons administratives.
19:33 Donc voilà, l'idée, c'était de reprendre
19:35 et de remettre en route ce site, qui est un site magnifique,
19:39 et qui est aussi l'apprentissage du ski pour les gamins.
19:42 C'est le ski et la montagne d'une manière générale.
19:46 C'est tellement magnifique que l'idée, c'était de pouvoir la partager
19:48 et la faire connaître aux enfants, alors par le ski alpin,
19:51 mais aussi par d'autres choses, ce qu'on essaie de faire actuellement.
19:54 - Bien sûr, alors moi, c'est ici que j'ai notamment appris à skier,
19:58 donc bien sûr que ça me parle.
20:00 Mais ce qui vous parle aussi, c'est d'admirer les sommets.
20:02 Vous êtes un amoureux de la montagne.
20:04 Vous ne vous lassez pas de ces contemplations de nos massifs
20:07 vers la Chartreuse ou vers Beldon ?
20:10 Qu'est-ce qui vous fascine toujours autant ?
20:12 - Ah, si vous parlez de Beldon, on a en face le panorama sur Beldon
20:16 quand on habite dans le Grésiveau-Dent.
20:19 Il est magnifique et on ne s'en lasse pas parce qu'il change tous les jours.
20:22 C'est en fonction de la lumière, des couleurs.
20:24 C'est incroyable, on ne s'en lasse jamais.
20:27 Et la Chartreuse, évidemment aussi, puisque nous, on a la chance d'avoir
20:32 soit des points de vue contemplatifs quand vous êtes en haut du Charmanson,
20:36 vous êtes en poste avancé sur les Alpes et vous avez un panorama exceptionnel
20:40 qui vous permet de voir évidemment le Mont Blanc,
20:43 mais aussi les écrins et toutes les Alpes en un seul coup d'œil.
20:48 Donc ça, c'est magnifique.
20:49 Et puis moi, j'avoue que j'aime bien au détour de certains virages
20:51 quand vous montez de Saint-Pierre-de-Chartreuse vers le Col de Porte
20:54 et vous avez Châme-Chaude avec sa silhouette extrêmement élancée
20:57 et qui est magnifique au détour d'un virage.
21:01 Je trouve ça sur les routes très, très surprenant.
21:03 Et en Chartreuse, on a beaucoup ça.
21:04 On l'a aussi vers le Granier, aussi, quand on débouche vers le Col du Granier,
21:08 en Anche-en-Béry, d'un seul coup, on se retrouve avec ce monstre-là juste devant.
21:12 C'est magnifique.
21:13 - Il vous arrive, alors forcément, vous croisez des sportifs,
21:15 il vous arrive de croiser des peintres sur ces routes et sur ces sentiers ?
21:19 - Alors, on voit de temps en temps des peintres amateurs
21:22 qui se posent effectivement dans quelques clairières
21:24 parce qu'on a l'avantage quand même d'avoir beaucoup de changements de paysages
21:29 puisque c'est très vallonné, la Chartreuse, c'est plus que vallonné.
21:33 Et donc, dès que vous passez un virage ou un coin de route,
21:36 vous avez un paysage qui est totalement différent.
21:38 Donc, on en retrouve beaucoup à droite à gauche, effectivement,
21:41 des gens qui se mettent au pinceau comme ça, dans un champ ou sur un bord de route.
21:45 - Et ces couleurs qui changent aussi selon les saisons,
21:48 elle est verte, elle est Chartreuse verte, à l'automne, flamboyante ?
21:51 - Voilà, elle est verte, elle peut être blanche, comme elle est en ce moment.
21:54 Et puis, oui, les couleurs changent tout le temps, évidemment.
21:57 Toutes les couleurs, quand vous regardez notamment Chamchaud depuis le col de Porte,
22:01 oui, les couleurs, vous avez un panorama,
22:05 je vais dire un panel de couleurs exceptionnels sur toute la façade de Chamchaud, d'ailleurs,
22:10 parce que ça change d'un côté à l'autre de la façade.
22:12 - Oui, toujours. Et on se demande aussi comment est-ce qu'on peut aménager la montagne
22:18 et la protéger, puisqu'elle vous est chère et ces paysages vous sont chers.
22:22 Cette équation, elle est facile à trouver ?
22:25 - Alors, je pense qu'il faut la réfléchir, effectivement, mais on peut la trouver,
22:28 c'est-à-dire qu'il en faut pour tous les usages.
22:32 Et on avait tendance un petit peu à tout mélanger, etc.
22:35 Et je pense que pouvoir partager la montagne, alors bien sûr l'été, avec les alpagistes,
22:40 les gens qui souhaitent la promenade, les gens qui souhaitent faire un petit peu des activités.
22:44 L'hiver, c'est pareil. Aujourd'hui, au col, on a du ski alpin, on a du ski nordique,
22:47 on a de la raquette, on a de la rando. Et l'idée, c'est de pouvoir faire en sorte
22:51 qu'on n'ait pas de conflit d'usage et que chacun puisse faire ce qu'il a envie de faire.
22:55 Quand vous êtes randonneur, vous n'avez pas envie forcément d'être au milieu des enfants
22:58 qui sont en train d'apprendre le ski et qui, eux, sont là pour jouer.
23:01 Donc, un petit peu séparer les sites, comme on peut avoir côté prairie pour l'apprentissage,
23:07 côté châme chaude, qui est plus, pour moi, la montagne libre, l'accès libre avec la randonnée,
23:13 le ski nordique, la raquette, et puis peut-être un espace plus ludique.
23:18 Et puis le charmançon, qui est aussi assez contemplatif, mais avec quand même une petite auberge en haut.
23:23 De quoi avoir un petit peu d'activité, notamment estivale.
23:27 - Tout à fait. Et on peut aussi se restaurer aux Trois Sommets,
23:31 après avoir fait toutes ces belles découvertes, les Trois Sommets.
23:34 Il paraît qu'on y mange très bien, dans cette auberge. C'est écrit.
23:36 - On y mange très bien. Et en plus, on y fait beaucoup de plus en plus de séminaires d'entreprise
23:40 qui viennent là pour se faire à la journée ou sur deux jours, se mettre au verre
23:45 pour pouvoir mieux réfléchir et mieux aussi se connaître entre les équipes.
23:50 - Exactement, se ressourcer. Est-ce que vous dessinez, vous peignez aussi ? Quelle peintre êtes-vous ?
23:54 - Alors moi, je suis très mauvais en peinture. Moi, je suis plutôt côté musique,
23:58 mais je ne suis pas très bon sur la peinture, j'avoue. J'aime bien regarder et visiter des musées,
24:04 mais j'avoue que je ne suis pas très... Non, moi, personnellement, je ne suis pas très fort là-dessus.
24:07 - Oui, je vais vous amener à la découverte d'un artiste.
24:10 Alors, il s'appelle Mad. Ça veut dire un peu fou. Et pourtant, il n'est pas si fou que cela.
24:14 Il ne se lasse pas de peindre la montagne selon des codes très particuliers. Merci beaucoup Didier Bic.
24:21 - De nature, j'aurais tendance à être un peu brouillon. Et en fait, c'est une espèce de discipline
24:26 pour arriver à se réguler. Et puis, c'est un peu comme tout. Il faut choisir parmi les éléments ce qui est important.
24:34 - Mad, ce qui est important au premier plan, c'est ce qu'essaye de représenter Mad dans ses œuvres.
24:40 C'est dans son appartement qui lui sert d'atelier qu'il peint les différentes montagnes de Grenoble
24:45 qu'il a en face de lui, avec un style bien particulier. Tout commence quand cet artiste entre dans un groupe
24:51 de peinture appelé Radical, un collectif d'art concret, un mouvement qui se caractérise par des formes géométriques,
24:58 des surfaces et des couleurs bien définies. Pour réaliser ses œuvres, Mad travaille avec une technique
25:05 de schématisation particulière.
25:07 - Il faut que je me débrouille pour faire en sorte que le dessin s'inscrive dans ce schéma de base.
25:14 - Les œuvres de Mad sont en série. À chaque fois qu'il l'ajoute, enlève ou remplace des formes ou des couleurs
25:19 pour qu'aucune d'entre elles ne se ressemble. Cet artiste est passionné par les montagnes.
25:24 En début d'année, il peint pendant 52 semaines la même vue du massif de Beldone.
25:29 Pour lui, le paysage qu'il voit depuis sa terrasse est son terrain de jeu préféré.
25:34 - C'est ce qui m'a amené à la peinture géométrique que je pratique toujours aussi.
25:40 C'est la simplification du paysage de montagne, donc la verticale de la falaise et la ligne d'horizon.
25:46 Et de là, c'est très facile de passer un travail géométrique.
25:51 Un hymne à la beauté des massifs chronoblois à travers chaque tableau, un travail qui ne lasse pas l'artiste.
25:57 - On n'a pas besoin d'aller à l'autre bout du monde, mais comme un lieu peut prendre toutes sortes de facettes
26:01 selon l'époque de l'année, selon le climat du moment, qui a vraiment une très grande variété d'impressions, de sensations.
26:10 - Mad a également participé à illustrer un recueil de poésie sur la montagne de l'écrivain Jean-Pierre Chambon.
26:16 - Et on n'oublie certainement pas le Triève ou la Matésine, sublimés entre autres par Edith Berger,
26:25 cette adresse incontournable des amateurs d'art.
26:27 Le Café des Arts à Main, c'est cette fresque réalisée par Gustave Riquet en 1896 et qui sont classés monuments historiques.
26:36 Et vous pouvez bien sûr enrichir vos connaissances et préparer vos itinéraires picturaux en parcourant ce magazine.
26:43 Alpizir, le magazine source de hauteurs. Merci et à vos pinceaux.
26:48 [Musique]