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Alors qu’il a élevé sa fille seul, un entraîneur de foot doit la laisser prendre sa liberté… mais aussi retrouver la sienne. Le deuxième long métrage d’Erwan Le Duc explore le thème de la filiation. Rencontre avec les deux acteurs.
Transcription
00:00 Bah oui, la liberté des enfants, au-delà des genres, au-delà des rôles, des dictats,
00:06 c'est quand même très puissant.
00:08 Et on l'opère assez facilement.
00:10 Donc voilà, c'est pas si loin que ça.
00:13 Mais t'es pas prêt, papa.
00:16 Je peux rester encore, mon Dieu, avec toi à la maison.
00:18 Tourne, tourne, tourne, tourne, tourne.
00:20 Comment ça va avec ma fille ?
00:22 On couche pas ensemble si c'est ça votre angoisse.
00:25 Tu sais, on a un truc à l'intérieur, assez pratique,
00:29 ça s'appelle un escalier.
00:30 On peut dire que c'est une relation père et fille qui n'est pas traditionnelle.
00:34 C'est un peu comme des collocs qui partagent la même maison.
00:38 Tu rentres au tard, je rentre au tard.
00:40 Parfois tu fais la cuisine, parfois c'est moi qui la fais.
00:43 Je suis autant responsable de toi que tu l'es de moi.
00:46 Et le film parle de ça aussi, d'une sorte de renversement de rôle
00:50 dans cette famille qui n'est pas traditionnelle.
00:54 Erwann, une question pour toi.
00:57 Après, ce qui fait que c'est aussi original,
00:59 c'est qu'on voit très peu de père avec sa fille,
01:01 parce que le père, c'est souvent la figure,
01:03 une espèce de spectre absent,
01:07 qu'on adore mais qu'on connaît pas.
01:10 Enfin, une espèce d'idéalisation du père tout le temps.
01:13 Mais lui, je pense pas qu'il cherchait à faire quelque chose d'original là-dedans.
01:16 C'était juste là où il se retrouvait.
01:18 T'aurais dû m'en parler avant.
01:25 Pourquoi tu me dis jamais rien ?
01:27 C'est toi qui me dis jamais rien.
01:30 Dans "Père Dry", c'était vraiment à partir de ça,
01:34 c'était franchement à partir de ça, c'était pas par hasard,
01:36 il voulait développer cette relation qu'il y avait.
01:39 Donc dans "Père Dry", ça je sais pas...
01:41 Mais qui quand même, je trouve, est vraiment différente.
01:44 Mais c'est clair qu'il est touché par l'amour filial et par...
01:48 Et qu'il fait peur aussi un peu.
01:50 Je pense qu'il y a de ça de comprendre pourquoi
01:53 c'est une espèce d'amour tellement énorme
01:57 et comment faire pour pas que ce soit étouffant
01:59 et trouver la bonne place là-dedans, et qui est un peu effrayant.
02:02 Rosa !
02:04 Ouais ?
02:05 Ça fait longtemps que t'es là ?
02:06 Ça fait 17 ans !
02:08 C'est un peu les modèles de père ou d'homme
02:12 dont on rêve, non ?
02:17 Je sais pas, des pères qui sont présents, des pères qui sont vulnérables,
02:20 des pères qui se permettent d'être affectueux.
02:24 Tout ce qu'on sait qu'on a en nous, mais qu'on ose pas trop exprimer
02:29 parce que la place des hommes dans ce système hétéropatrarchal est très dure.
02:35 Et on doit toujours assumer des rôles liés plus au côté matériel, etc.
02:40 Alors que l'amour n'a pas trop de place chez les hommes en général.
02:45 La capacité d'exprimer l'amour et tout.
02:48 Et je pense que c'est un sujet qui touche beaucoup à certains.
02:52 Pour moi, le rôle d'Étienne, ça m'a aussi permis de rentrer en contact avec ma vulnérabilité,
03:01 même si c'est quelque chose que j'essaie d'exercer, d'exprimer.
03:06 C'est touchant de se permettre d'incarner des personnages
03:11 qui peuvent être des paradigmes différents par rapport à ce qu'on a l'habitude de voir.
03:17 On parlait de ça tout à l'heure, comment un film peut aussi proposer de nouveaux liens et de nouveaux rapports,
03:23 même si c'est plus ou moins vu dans la réalité ou dans le cadre de la fiction.
03:28 C'est aussi intéressant de pouvoir justement être libre dans ce qu'on raconte.
03:35 C'est bien, mais c'est bien. C'est juste à 322 kilomètres.
03:40 Personne t'attend, personne te connaît, personne te jugera.
03:43 Tu seras libre.
03:44 Ah ouais, délire.
03:46 Par contre, c'est Youssef qui va te déçu que tu partes.
03:48 Alors que toi ?
03:50 Moi, là, c'est juste ce que je veux, c'est ton bonheur.
03:52 Toujours trouver de l'amusement dans ce que je peux faire.
03:57 Et là, j'ai l'impression qu'au sortir de l'adolescence, il y a eu toute une période de refus de l'enfance.
04:04 Et je ne sais pas, en grandissant, en étant heurté par des choses,
04:07 ou comme dans le film, le fait de quitter des lieux, de prendre des responsabilités et tout ça,
04:13 ça fait qu'au contraire, j'ai l'impression de toujours revenir un peu plus en enfance,
04:17 d'une manière presque effrayante, ou une espèce de besoin de ça.
04:20 Et je pense aussi à apprendre à faire les choses aussi vraiment à sa façon,
04:24 même dans un truc qui soit de la féminité, ou des espèces de...
04:29 Enfin, quelque pression sociale qui soit, une espèce de retour en enfance aussi,
04:33 c'est juste de réapprendre à devenir une adulte, mais à ma façon vraiment, quoi.
04:41 Oui.
04:42 Je suis très touché par ce que tu dis.
04:46 Bah oui, la liberté des enfants, au-delà des genres, au-delà des rôles, des dictats,
04:53 c'est quand même très puissant, et on l'opère assez facilement.
04:57 Comment ça va avec Youssef ?
05:08 On ne couche même pas ensemble.
05:10 Oui, vous êtes juste deux adolescents qui dorment dans le même lit sans jamais se toucher.
05:14 Il aurait voulu que je baise, pour bien montrer à quel point t'es un père moderne et sensible.
05:21 En tout cas, il n'est pas obligé de se cacher pour venir ici.
05:24 Il est timide.
05:26 Dans ce cas, je vais respecter sa timidité.
05:30 Et mon intimité.
05:31 Et ton intimité.
05:35 C'est vrai que c'est une fantaisie qui n'est pas personnelle.
05:39 C'est une fantaisie qui fait partie d'un système, d'une logique de famille,
05:43 qui n'a pas peur de la théâtralité de la vie, qui n'a pas peur de la beauté du geste,
05:50 dans un sens plus large.
05:52 Ce n'est pas juste la fantaisie pour s'amuser,
05:54 ou la fantaisie comme un espace restreint à un moment spécifique lié au jeu,
06:00 mais qui peut aussi s'infiltrer dans la vie quotidienne.
06:04 C'est pour ça, par rapport à l'abandon de la mère,
06:06 mais aussi à une espèce de brutalité et de dureté de ce que c'est que la vie.
06:13 Je pense que c'est un truc de sensibilité, vraiment,
06:15 de pouvoir survivre dans cette lutte-là,
06:19 d'accepter la légèreté, mais pas comme un truc frivole,
06:22 mais qui soit un truc nécessaire,
06:24 et que ça soit fait avec de la résistance.
06:29 C'est un acte de bravoure aussi, je trouve, d'assumer ça.
06:36 Oui.
06:38 [Musique]

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