• l’année dernière
Les nouvelles ambitions du président russe.
Les ambitions territoriales du président russe Vladimir Poutine semblent sans limites. Un de ses principaux objectifs : la conquête de l'Arctique au pôle Nord. Pour Moscou, cette conquête passe aussi par une militarisation de la région, ce qui n’est pas sans inquiéter l’OTAN.

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Transcription
00:00 ...
00:05 Au-delà du cercle polaire, en Russie,
00:08 un soldat de l'armée rouge, de 35 m de haut,
00:12 veille sur la ville de Murmansk.
00:15 ...
00:17 Située au nord-est du pays,
00:20 c'est le plus grand port de l'Arctique russe
00:23 et le siège d'une immense base navale militaire.
00:27 Elle abrite la moitié des sous-marins nucléaires de la marine
00:31 et une flotte de brise-glaces, eux aussi nucléaires.
00:35 ...
00:38 "La Marseillaise"
00:41 Nous sommes en 2019.
00:44 Ce jour-là, la ville célèbre le lancement
00:48 d'un navire unique au monde.
00:50 La première centrale nucléaire flottante.
00:54 L'Académique, l'Homonosof.
00:57 ...
01:01 Parmi les dignitaires du régime
01:03 et les militaires venus assister à cette célébration,
01:07 Alexei Lykatchov,
01:09 le patron de Rosatom, le géant du nucléaire russe.
01:13 C'est l'ancien vice-ministre de l'économie de Vladimir Poutine.
01:18 ...
01:21 -Bonjour.
01:24 Bonjour, chers invités, amis et collègues.
01:27 C'est un grand jour.
01:30 Le lancement de la centrale flottante
01:32 Académique, l'Homonosof.
01:34 Une construction unique au monde
01:39 qui combine les caractéristiques d'une centrale nucléaire
01:42 et d'un navire.
01:44 Tout est exceptionnel.
01:48 Sa puissance énergétique
01:50 et le cycle du combustible nucléaire.
01:52 C'est une énergétique unique.
01:54 ...
01:56 -La centrale, un navire de 140 m de long
02:00 et de 30 de large,
02:02 entièrement repeint aux couleurs de la Russie,
02:05 blanc, bleu et rouge.
02:08 Seul un petit groupe de journalistes
02:10 a été autorisé à la visiter.
02:12 Nous sommes la seule télévision française.
02:16 Le lieu est sensible,
02:18 la visite très encadrée.
02:21 -Alors, il est interdit de filmer les caméras de surveillance,
02:26 les verrous et tout ce qui est lié à la sécurité.
02:29 Et moi non plus, vous ne pouvez pas me filmer.
02:32 ...
02:34 -Installer une centrale nucléaire sur un bateau,
02:37 l'idée semble folle et inquiète les journalistes.
02:40 Parmi eux, un Japonais.
02:43 Dans son pays, depuis la catastrophe de Fukushima en 2011,
02:47 on est particulièrement sensibles
02:49 à tout ce qui concerne la sécurité nucléaire.
02:52 Le directeur de la centrale a accepté de répondre aux questions.
02:55 -Que pouvez-vous nous dire
03:00 sur la résistance de votre navire ?
03:02 Sur le dossier de presse,
03:06 on lit que le navire peut résister à des chocs,
03:08 à des tempêtes,
03:13 à des vents de 200 km/h
03:15 ou à des vagues allant jusqu'à 7 m de haut.
03:18 Est-ce que le bateau peut vraiment tenir ?
03:23 -On a tout prévu.
03:26 Un hélicoptère qui s'écrase dessus,
03:28 l'échouage ou un choc avec un autre bateau.
03:30 Le navire sera toujours capable de flotter,
03:33 sa coque est très épaisse.
03:35 Et on a aussi tenu compte d'une température extérieure
03:38 de -40 degrés.
03:39 -Cette journaliste vient de Finlande,
03:42 un pays situé à seulement 150 km de Murmansk.
03:46 -Selon Greenpeace,
03:50 cette centrale est un Tchernobyl flottant.
03:53 Est-ce que le réacteur est semblable à celui de Tchernobyl ?
03:57 -Je ne peux parler que de ce réacteur.
04:00 Aujourd'hui, ce réacteur est le plus élaboré qui soit en Russie.
04:06 C'est un réacteur mobile qui a été modifié
04:10 et qui respecte tous les critères de sécurité.
04:13 -Merci.
04:16 -Quelques minutes plus tard,
04:18 les marins larguent les Amars.
04:20 Cette centrale flottante,
04:24 c'est une volonté de l'Etat russe.
04:26 Le patron de Rosatom a conçu ce prototype unique au monde
04:31 pour fournir de l'électricité dans les endroits isolés,
04:34 au nord du cercle polaire.
04:36 -L'Arctique doit être développé
04:41 comme toutes les autres régions russes.
04:43 Mais la question du développement de l'Arctique
04:46 est plus complexe qu'ailleurs.
04:47 Cette région est unique.
04:49 Elle est fragile d'un point de vue écologique
04:53 et les conditions climatiques sont extrêmes pour ses habitants.
04:56 En Arctique, on peut tout changer, sauf le climat.
05:02 Musique pesante
05:05 -La centrale nucléaire flottante part pour un voyage de 4 mois.
05:09 Elle va parcourir 4 000 km
05:12 pour rejoindre un petit port de 5 000 habitants,
05:15 Pevec, au nord du détroit de Béryl.
05:19 ...
05:23 Cette centrale, c'est le symbole de la conquête de l'Arctique,
05:27 voulue par Vladimir Poutine.
05:29 ...
05:32 L'Arctique, c'est le nouvel Eldorado de la planète.
05:36 Son sous-sol regorge de richesses,
05:40 de l'or, de l'uranium, des terres rares
05:43 et bien sûr du pétrole et du gaz.
05:46 Il attise aujourd'hui les convoitises
05:49 des huit pays qui l'entourent,
05:51 parmi lesquels les Etats-Unis et surtout la Russie,
05:56 qui possèdent le plus vaste territoire de cette zone.
05:59 D'autant qu'aujourd'hui, le réchauffement climatique
06:03 rend ses ressources naturelles plus accessibles.
06:06 Ces images de la NASA montrent l'état de la banquise.
06:11 En 40 ans, elle a perdu 40 % de sa superficie,
06:15 ouvrant de nouvelles voies de navigation
06:18 et facilitant l'exploitation des richesses minières.
06:22 Une opportunité pour Vladimir Poutine,
06:26 qui multiplie les projets,
06:28 comme cette gigantesque usine de gaz liquéfié,
06:31 construite sur le sol glacé au nord du cercle polaire.
06:35 -Si Poutine n'exploite pas l'Arctique russe,
06:39 il ne restera pas au pouvoir en Russie.
06:41 -Et pour le Kremlin,
06:43 cette conquête passe aussi par une militarisation de la région.
06:47 En Arctique, l'armée russe
06:49 multiplie les démonstrations de force
06:52 et construit des bases spectaculaires
06:54 sur des îles jusqu'ici quasi inhabitées.
06:57 -Le Trèfle du Nord est la première base permanente
07:01 des forces armées russes capables de vivre en autarcie.
07:06 De quoi effrayer les autres pays de la zone arctique,
07:09 qui craignent aujourd'hui d'être envahis par la Russie.
07:13 -Vous voyez bien ce qui se passe en Ukraine ?
07:17 On a une frontière avec la Russie au nord.
07:20 Alors on ne sait jamais. Poutine est fou.
07:24 -L'OTAN a décidé d'envoyer un message fort au Kremlin.
07:28 Pour montrer qu'elle pouvait à tout moment
07:31 repousser une invasion russe, l'Alliance atlantique
07:34 a organisé le débarquement d'une armée de 35 000 hommes en Norvège.
07:38 -L'ennemi auquel on est confrontés a autant de capacités que nous.
07:42 Dans certains domaines, parfois, il nous est supérieur.
07:45 -Mais il existe aussi une présence russe en Arctique
07:48 qui inquiète l'OTAN.
07:49 Des colonies au nord de la Norvège,
07:54 d'anciennes mines de charbon installées ici depuis 90 ans.
07:59 -C'est vraiment figé dans le temps.
08:03 C'est joli, mais je suis curieux de savoir comment c'était
08:07 de vivre ici à l'époque.
08:08 -Des enclaves russes au coeur de l'OTAN
08:12 que Poutine ne veut à aucun prix abandonner.
08:15 Cible des ambitions du Kremlin,
08:18 l'Arctique est aujourd'hui devenue
08:20 une nouvelle zone de tension internationale.
08:23 Deux ans après son lancement dans le port de Murmansk,
08:32 nous avons été autorisés à aller voir la centrale nucléaire flottante.
08:36 C'était avant la guerre en Ukraine.
08:39 Pour atteindre les confins de l'Arctique russe,
08:43 il va nous falloir deux jours de voyage
08:45 et pas moins de quatre avions.
08:47 Nous avons rendez-vous à l'aéroport de Magadan,
08:51 dans l'extrême-Orient russe.
08:53 Pour rejoindre le cercle polaire,
08:56 Rosatom, le géant du nucléaire,
08:58 a affrété un avion spécial,
09:01 un vieil Antonov des années 80,
09:03 vestige de l'ex-URSS.
09:06 Un avion à hélice,
09:09 capable de se poser sur des pistes d'atterrissage très courtes
09:12 et dans des conditions climatiques extrêmes.
09:15 A l'intérieur, des officiels de Rosatom
09:21 et une dizaine de journalistes.
09:24 Quelques Occidentaux, mais aussi des Russes,
09:27 car c'est la première fois que des médias
09:29 sont autorisés à se rendre là-bas.
09:31 Nous partons de Magadan,
09:38 cette petite ville située dans l'extrême-Orient russe,
09:41 et nous allons remonter tout au nord,
09:44 jusqu'à Pévec,
09:45 le port où est stationnée la centrale nucléaire.
09:49 Cinq heures de vol, au-dessus de régions quasi désertes.
09:58 Pévec est considéré par les autorités russes
10:01 comme une zone sensible,
10:03 normalement interdite aux étrangers.
10:05 Pour se rendre ici, il faut un permis spécial,
10:13 validé par l'armée et le FSB,
10:17 les services secrets russes.
10:19 La ville est située à 15 km de l'aéroport.
10:23 ...
10:31 Nous longeons des bâtiments en ruines
10:33 et des usines désaffectées.
10:38 La région était célèbre pour ses mines d'uranium,
10:43 dans lesquelles travaillaient les prisonniers des goulags.
10:47 Et soudain, au détour d'un virage,
10:51 la centrale nucléaire flottante apparaît,
10:54 amarrée à l'entrée de la ville.
10:56 ...
11:01 Pévec.
11:02 De longues barres d'immeubles de cinq étages de couleur vive,
11:06 posées au bord de l'océan Arctique.
11:08 Une ville plongée dans l'obscurité trois mois par an
11:14 à cause de la nuit polaire.
11:16 ...
11:18 Des conditions extrêmes.
11:20 Moins 40 degrés l'hiver
11:22 et des vents glacés
11:24 qui peuvent atteindre 200 km/h.
11:27 5 000 personnes vivent ici,
11:31 dans ce bout du monde coupé de tout.
11:33 C'est le cas de Nadia.
11:37 -Maman va préparer la marinade.
11:40 Qui veut mettre les épices ? Christiane ?
11:42 -Moi !
11:44 -Elle vit ici avec son mari et ses trois filles.
11:48 -Maman, est-ce que je peux étaler ?
11:51 -Avec les mains.
11:53 -Un tout petit peu.
11:54 -Comme ça ? -Oui.
11:57 -Avec ma main, maman ?
11:59 -Oui, vas-y.
12:00 -Et après, tu iras te laver les mains.
12:03 -Pi-ti-pi-ti-pi-ti-pi...
12:06 -La famille est installée ici depuis 10 ans.
12:09 Le mari, Paul...
12:11 -Bonjour.
12:12 -...est ingénieur dans une mine d'or.
12:14 Nadia a fait une partie de ses études aux Etats-Unis.
12:18 Elle a dû s'adapter aux contraintes de la vie en Arctique,
12:21 le froid, mais aussi et surtout l'approvisionnement en nourriture.
12:25 -Eh bien, ici, il n'y a pas d'agriculture
12:31 et on ne peut pas faire de jardinage car l'été est trop court
12:34 et on ne peut rien faire pousser dans le sol.
12:38 Toute la nourriture est amenée par bateau.
12:42 De la fin juillet à novembre, à peu près,
12:47 quand la navigation est possible dans la région.
12:50 Les cargos viennent ici, ils apportent tout.
12:54 La nourriture, les vêtements, tout.
12:57 Ils doivent apporter assez de nourriture pour toute l'année.
13:01 -Et pendant l'hiver ?
13:03 -En hiver, seuls les avions peuvent venir avec de la nourriture.
13:08 Ils en apportent, mais c'est très cher.
13:11 -Nadia et son mari ont accepté de nous montrer
13:15 les coulisses de la vie quotidienne à Pévec.
13:19 Nous sommes en octobre.
13:21 La neige et la glace n'emprisonnent pas encore la ville.
13:25 Il fait -10 degrés, presque un temps de printemps
13:29 pour le couple habitué aux températures extrêmes de l'hiver.
13:33 -Il y a du vent, mais il y a un peu de soleil.
13:36 -La première chose qui frappe lorsqu'on marche dans les rues de Pévec,
13:41 c'est l'absence de centre-ville.
13:43 Juste une succession d'immeubles.
13:46 Aucun magasin, aucune vitrine.
13:49 -Il y a des épiceries,
13:51 mais elles sont installées au rez-de-chaussée des immeubles.
13:55 On n'a pas de magasins dans des bâtiments à part,
13:58 comme des supermarchés.
14:00 -D'ici, on peut voir au moins deux magasins,
14:03 un et deux au bout de l'immeuble.
14:05 -A l'angle.
14:06 -Mais comment pouvez-vous voir qu'il y a un magasin ?
14:09 -Regardez les petits panneaux installés au-dessus.
14:13 -Ce sont ces petits écriteaux, à l'entrée des bâtiments,
14:18 qui indiquent la présence des magasins.
14:20 Comme ici, l'épicerie, où Nadia a ses habitudes.
14:24 -Qu'est-ce qu'on va acheter ?
14:29 -Pourquoi pas des légumes ?
14:30 -A l'intérieur de l'épicerie,
14:33 des murs entiers recouverts de marchandises.
14:36 Pas un seul espace de libre jusqu'au plafond.
14:39 La propriétaire stocke suffisamment de nourriture
14:42 pour tenir tout l'hiver, car pendant six mois,
14:45 l'océan est gelé et aucun bateau ne peut arriver à Pévec.
14:50 Et ce matin, elle est inquiète,
14:52 car un conteneur de 20 tonnes de nourriture
14:55 qu'elle avait commandée n'est toujours pas arrivé.
14:58 -Ce conteneur est parti de Moscou.
15:01 Il y a plus de 20 tonnes de produits à l'intérieur.
15:04 Il est bloqué dans le port d'Arkhengelsk.
15:07 C'est sans doute à cause de la glace.
15:09 Le transporteur qui devait l'amener
15:12 ne le prend pas.
15:13 Tous les conteneurs sont bloqués depuis deux mois.
15:16 On ne reçoit plus aucune nourriture par voie maritime.
15:19 Ce sont des produits congelés vitaux pour les gens ici.
15:22 De la viande, des poissons, des fruits de mer,
15:25 des plats surgelés.
15:26 Nous, on est là et on attend.
15:28 -L'autre problème, ce sont les produits frais,
15:31 comme les fruits et légumes.
15:33 L'hiver, seuls quelques rares avions
15:35 relient Pévec au reste du monde.
15:37 -C'est un des plus grands
15:39 produits de la nature.
15:40 -Si l'avion vient une fois par mois,
15:43 on a des fruits et des légumes une fois par mois.
15:46 Si l'avion vient deux fois par mois,
15:48 on en a deux fois par mois.
15:50 -Résultat, ici, les fruits et légumes
15:52 sont considérés comme des produits de luxe.
15:55 9 euros le kilo d'orange,
15:56 10 euros les poires
15:58 et 12 euros le kilo de concombre ou de tomate.
16:01 -Au revoir.
16:02 -C'est cher, mais c'est pas la peine.
16:05 -C'est pas la peine,
16:06 mais au revoir et bonne vie.
16:08 -C'est cher, mais ici,
16:10 les salaires sont entre 30 et 50 % plus élevés
16:13 que dans le reste du pays.
16:15 Et le chauffage et l'électricité sont gratuits.
16:18 Car l'Etat veut inciter les Russes
16:21 à s'installer à Pévec pour exploiter
16:23 les richesses de la région,
16:25 comme l'or ou l'uranium.
16:27 Problème, la vieille centrale à charbon
16:32 n'est pas assez puissante pour alimenter les mines.
16:36 Alors, aujourd'hui,
16:38 c'est sur cette centrale atomique flottante
16:41 que la Russie mise pour mener à bien ses ambitions.
16:44 Le navire est amarré sur un ponton spécial.
16:48 Des bras articulés permettent de le stabiliser
16:52 en cas de montée des eaux.
16:53 Le réacteur a été activé en décembre 2019.
17:03 A l'intérieur, un labyrinthe de couloirs et de canalisations.
17:07 C'est le directeur de la centrale en personne,
17:18 Kirill Toporov, qui fait office de guide.
17:21 -Ici, on stocke le combustible nucléaire déjà utilisé.
17:27 Et là, c'est la partie centrale
17:29 où se trouve le réacteur.
17:32 Musique pesante
17:34 Il nous entraîne au coeur de la centrale nucléaire.
17:39 ...
17:42 -Nous sommes dans la salle des machines numéro 1,
17:46 dans la partie droite du bateau.
17:48 C'est ici que se trouve l'équipement essentiel
17:51 qui produit l'énergie.
17:53 Il y a la turbine
17:55 et il y a le générateur électrique.
17:58 -Et le réacteur, il est où ?
18:01 -Le réacteur est là-bas, plus loin.
18:04 De l'autre côté du mur.
18:07 -Les ingénieurs et les ouvriers de Rosatom
18:11 ne sont pas habitués à avoir des caméras à bord.
18:14 Et ça les stresse un peu.
18:16 -Ils se filment.
18:19 Ils viennent de filmer en haut.
18:22 A l'instant, on va faire remonter l'information
18:26 au directeur de la sécurité.
18:29 -On va vérifier ce qu'on peut montrer ou pas.
18:33 -On va les prouver.
18:35 -Par contre, pas de problème pour filmer les lieux de détente
18:40 mis à la disposition des employés,
18:43 comme ces salles de sport.
18:45 Ici, 130 personnes travaillent à temps plein.
18:49 Certains dorment sur le port,
18:52 d'autres à l'intérieur même de la centrale.
18:56 Il se relève 24 heures sur 24.
18:59 Cette centrale flottante fonctionne avec deux réacteurs
19:03 du même type que ceux utilisés sur les sous-marins nucléaires
19:07 ou sur le porte-avions de la marine française, le Charles de Gaulle.
19:12 L'énergie produite est très largement supérieure
19:16 aux besoins d'une ville de 5 000 habitants, comme Pévec.
19:20 -Cette centrale peut alimenter en électricité et en chauffage
19:24 une ville de 100 000 habitants.
19:26 -Pourquoi l'avoir installée à Pévec ?
19:29 -C'est à cause du plan de développement énergétique
19:33 de la Russie.
19:35 On doit fournir de l'électricité aux sociétés minières,
19:39 qui sont déjà implantées ici et qui extraient des minéraux.
19:43 Elles sont en croissance et elles ont besoin
19:46 de beaucoup d'énergie pour leur activité.
19:49 Ce sont d'énormes consommateurs.
19:51 C'est pour eux qu'on va utiliser la centrale nucléaire.
19:54 -Il y aura un plavoucher énergobloc.
19:56 -Pour Rosatom, ces centrales représentent
19:59 un marché d'avenir.
20:01 Elles peuvent fournir de l'électricité
20:03 dans les endroits les plus reculés du monde.
20:06 Le Kremlin en a commandé trois nouvelles
20:08 pour les installer en Arctique.
20:10 Sont-elles plus dangereuses que les centrales classiques ?
20:14 Trop tôt pour le dire.
20:16 Brouhaha
20:18 De toute façon, à Pevec,
20:20 les habitants n'ont pas été consultés
20:22 et n'ont pas eu d'autre choix que d'accepter.
20:25 -Est-ce que parfois, vous avez peur ?
20:33 -Peur ? Au début, oui, j'étais effrayée.
20:36 Au début, je pense que tout le monde l'était.
20:39 C'est quelque chose de nouveau que personne n'a jamais vu.
20:42 On ne sait pas comment ça marche.
20:44 Tout le monde avait peur,
20:46 mais avec le temps, on s'est habituées.
20:48 Il y a cette grosse machine paisible,
20:52 et on espère tous qu'elle va produire
20:55 de la chaleur et de l'électricité
20:57 pour notre ville et notre région.
21:00 On espère ça,
21:04 et on prie pour la sécurité
21:06 à la fois de cette centrale nucléaire flottante
21:09 et de notre région.
21:10 -Papa !
21:12 -Papa !
21:13 -Chez Nadia et Paul,
21:15 on préfère ne retenir que les aspects positifs
21:18 de l'arrivée de cette centrale.
21:20 -Je crois que c'est bien.
21:24 Parce qu'encore une fois,
21:26 on espère que c'est bon pour l'écologie.
21:28 Surtout si on compare cette centrale
21:32 avec l'ancienne centrale à charbon,
21:35 avec ces fumées très noires.
21:37 Ca, c'est propre.
21:39 Maintenant, les gens viennent ici pour travailler.
21:44 Il y a des emplois.
21:46 On a chaud à la maison et on a la lumière.
21:50 Et...
21:53 Je crois que c'est un très bon projet
21:56 pour une région aussi éloignée que la nôtre.
21:59 -Papa, papa,
22:00 je veux te regarder.
22:02 -En deux ans, la ville a commencé à changer.
22:05 Le collège et le lycée ont été rénovés
22:07 et des aires de jeux ont été construites
22:10 devant les barres d'immeubles.
22:12 Tout cela grâce à l'argent de Rosatom.
22:15 Tout est fait pour attirer de nouveaux habitants
22:18 et de nouveaux investisseurs.
22:20 Avec cette centrale, le Kremlin espère bien faire de Pévèque
22:24 le fer de lance de sa conquête du Grand Nord.
22:27 Musique pesante
22:29 En Russie, la zone arctique
22:33 représente environ 20 % de la surface totale du pays.
22:37 Un espace très peu habité
22:40 et qui regorge de ressources naturelles.
22:43 ...
22:46 Depuis 15 ans,
22:47 Vladimir Poutine en a fait son objectif prioritaire.
22:51 Il se met régulièrement en scène
22:54 lors de voyages dans les régions les plus reculées de l'Arctique.
22:59 Comme ici, en 2017,
23:01 lors d'une expédition
23:04 dans l'archipel François-Joseph,
23:07 les îles les plus au nord du pays.
23:10 Où il va, une nouvelle fois,
23:12 répéter son credo.
23:14 -Je voudrais vous rappeler
23:16 que cette région revêt une importance considérable
23:19 pour renforcer la position de la Russie dans le monde
23:22 et garantir nos intérêts économiques.
23:25 La valeur totale des réserves minérales
23:27 contenues dans le sous-sol de la zone arctique
23:30 est estimée entre 1 500 et 2 000 milliards de dollars.
23:34 ...
23:36 -2 000 milliards de dollars.
23:39 Une somme astronomique
23:41 qui permettrait d'assurer la prospérité économique du pays
23:44 pour les 20 ou peut-être même les 50 prochaines années.
23:48 Pour Mika Mered, ce chiffre est loin d'être surestimé.
23:53 Cet enseignant à Sciences Po
23:55 est un spécialiste de la géopolitique des pôles.
23:58 Selon lui, l'exploitation de l'Arctique
24:02 est vitale pour le gouvernement russe.
24:05 -Comme la Russie est une économie extractive
24:08 dont la valeur ajoutée, c'est tout simplement
24:10 extraire des choses du sol et les vendre à l'étranger,
24:14 il faut aller vers le nord.
24:15 Pour la Russie, c'est indispensable.
24:18 Si Poutine n'exploite pas l'Arctique russe,
24:20 il ne restera pas au pouvoir en Russie.
24:23 Les choses sont très claires.
24:24 Aujourd'hui, l'Arctique est le premier gisement de croissance
24:29 pour l'ensemble du système des oligarques russes.
24:32 Musique douce
24:34 -La réalisation la plus spectaculaire de l'ère Poutine,
24:38 se trouve sur la péninsule du Yamal,
24:40 à 600 km au nord du cercle polaire.
24:43 Une gigantesque usine industrielle,
24:47 construite sur Piloti,
24:49 sur le permafrost, le sol gelé de l'Arctique.
24:52 Son but ?
24:54 Exploiter les gisements de gaz de la région
24:57 et exporter ce gaz sous forme liquide dans le monde entier
25:01 grâce à de gigantesques bateaux,
25:03 des méthaniers capables de naviguer au milieu des glaces.
25:07 Musique pesante
25:09 A Yamal, il fait -40 degrés l'hiver.
25:13 Et pendant quatre mois,
25:15 c'est l'obscurité de la nuit polaire.
25:19 -Honnêtement, les salaires sont très bien.
25:24 Ici, le climat est dur.
25:26 Mais on vient tous du nord.
25:28 Moi, je viens de Magadan.
25:31 Alors ça va.
25:32 -On est fiers. La Russie grandit et s'enrichit.
25:36 La construction a duré cinq ans.
25:39 Et en 2017, c'est Vladimir Poutine lui-même
25:42 qui vient l'inaugurer.
25:45 Avec ce projet, dont il avait fait un défi personnel,
25:48 il prouve que la Russie peut construire
25:50 de gigantesques infrastructures industrielles
25:53 en zone polaire.
25:56 -Vous avez vu des aurores boréales ?
25:58 -Non, je n'ai pas vu d'aurores boréales.
26:00 Je n'ai vu que la lueur de votre usine.
26:04 Une véritable aurore boréale high-tech.
26:07 -Que pensez-vous de sa taille ?
26:09 -C'est génial. Impressionnant.
26:12 -C'est aussi un message
26:14 envoyé à la population russe.
26:17 -C'est peut-être le plus grand pas en avant
26:20 dans le développement de l'Arctique.
26:22 Nous pouvons maintenant affirmer avec certitude
26:25 que la Russie s'étendra dans l'Arctique
26:28 au cours du siècle prochain.
26:30 -Et si Poutine a réussi à mettre en oeuvre
26:33 ce projet hors normes,
26:35 c'est grâce au Français Total.
26:37 Le pétrolier a participé à la construction de cette usine
26:42 et en possède aujourd'hui 20 %.
26:45 -C'est ici que Total et ses partenaires
26:48 se sont associés pour développer Yamal LNG,
26:51 un projet de construction d'une usine de gaz...
26:53 -Sur le site Internet du groupe, on peut voir une vidéo de 2016
26:58 où le PDG, Patrick Pouyanné,
27:00 se félicitait de cet investissement.
27:03 -Ici, à Yamal, c'est un immense projet,
27:05 27 milliards de dollars.
27:07 Yamal est une des plus grandes réserves de gaz au monde,
27:11 à partir de laquelle on pourra alimenter
27:13 le marché européen et le marché asiatique.
27:15 Le gaz étant l'énergie future qui va se développer.
27:18 Grâce à ce projet, nous allons trouver des nouvelles bases
27:22 de croissance pour notre entreprise.
27:24 -Nous avons voulu interroger les dirigeants de l'entreprise
27:27 sur Yamal, mais depuis le début de la guerre en Ukraine,
27:31 silence Total.
27:32 Le pétrolier refuse de communiquer sur ce sujet sensible.
27:37 Seule certitude, Total ne s'est pas désengagé du projet.
27:41 -Est-ce qu'aujourd'hui, Total est capable de s'asseoir
27:45 sur ce qui devait, à l'horizon 2050,
27:48 représenter ce qui allait permettre au groupe
27:51 de continuer sa prospérité dans le secteur du gaz ?
27:54 A priori, pas complètement.
27:56 -On considère que l'article russe
27:59 contient 20 % des réserves mondiales de gaz
28:02 encore à découvrir sur la planète.
28:04 Une manne à laquelle Total ne veut pas renoncer.
28:07 Et cela, pour une raison très simple.
28:10 -Pendant que la Russie est mise au banc des nations occidentales
28:14 et que les entreprises européennes sortent de l'article russe,
28:17 que les gouvernements demandent à leurs entreprises
28:20 de sortir de l'article russe ou de Russie,
28:23 il y a des gouvernements sans scrupule qui disent
28:26 "C'est pas grave, je prends la place."
28:28 Il y a des pays pour lesquels c'est trop important
28:30 d'être en Russie par rapport à la ressource énergétique,
28:34 il y a les Coréens, pour la même raison,
28:36 et d'autres, encore moins scrupuleux,
28:38 comme l'Inde, la Turquie, l'Arabie saoudite,
28:41 qui disent à leurs entreprises "Allez-y !
28:43 "Ces ressources sur lesquelles vous espériez mettre la main
28:47 "et que les Français, les Italiens, les Belges,
28:50 "les Irlandaises, ce que vous voulez, ont pris,
28:52 "ils sont partis, la chasse perd sa place, allez-y."
28:55 Et ils y vont.
28:57 -Aujourd'hui, au Yamal,
28:58 de nouveaux projets gaziers sont déjà en cours,
29:01 et le Kremlin accélère la construction de brises glaces,
29:05 car grâce à la fonte de la banquise,
29:08 une nouvelle voie maritime est apparue,
29:11 le passage du Nord-Est.
29:13 Il permet aux cargos de relier l'Asie à l'Europe en 20 jours,
29:18 au lieu de 40 par le Sud.
29:20 Une voie maritime que le Kremlin veut contrôler.
29:26 Pour cela, Vladimir Poutine s'est lancé
29:28 dans une remilitarisation de toute la région.
29:32 En moins de 15 ans,
29:35 des anciennes bases militaires de l'ex-URSS ont été rénovées
29:40 et quatre nouvelles ont été construites,
29:42 dont une sur l'île de Kotelny.
29:45 Musique pesante
29:47 Voici le trèfle du Nord,
29:50 la plus grande et la plus spectaculaire des bases.
29:53 Peinte aux couleurs de la nation,
29:55 c'est la fierté de la flotte du Nord,
29:58 l'armée qui contrôle tout l'Arctique russe.
30:01 -Le trèfle du Nord est la première base permanente
30:05 des forces armées russes capables de vivre en autarcie.
30:10 Elle est construite avec les dernières technologies.
30:14 -La base peut accueillir 250 hommes.
30:18 Le ministère de la Défense y a convié
30:21 une vingtaine de journalistes russes et occidentaux.
30:24 Au programme, une démonstration de force.
30:28 Bruits de la machine
30:32 Et la présentation du dernier modèle de camion-lance-missile.
30:36 -Il s'agit du système de missiles Bastion,
30:39 qui est prévu pour détruire des navires.
30:43 Il a une portée de 300 km.
30:45 -Cette visite organisée est clairement un message
30:50 à destination du monde entier.
30:52 Le Kremlin veut montrer que l'Arctique
30:55 est son nouveau terrain de chasse.
30:57 Mais pour l'OTAN, pas question de laisser la Russie
31:01 apparaître comme la seule puissance dominante de la région.
31:05 Et elle va le faire savoir de manière spectaculaire.
31:09 Direction la Norvège,
31:12 l'un des huit Etats présents en Arctique
31:15 et qui possède une frontière avec la Russie.
31:18 Musique pesante
31:21 Nous sommes en mars 2022,
31:23 un mois après le déclenchement de la guerre en Ukraine.
31:27 ...
31:29 Au milieu des fjords,
31:31 un bateau de guerre français,
31:33 le Dixmude.
31:36 ...
31:41 Sifflement
31:42 -Menace, missiles !
31:46 -Attitude, two zero zero.
31:48 Heading, one five zero.
31:50 ...
31:52 -Vos intentions ne sont pas claires.
31:54 Vous approchez un navire de guerre.
31:58 ...
32:01 -La piste vient de braquer à l'ouest.
32:03 Fin de la menace.
32:05 -Fin de l'alerte et fin de l'exercice.
32:09 Il n'y a pas d'avion ennemi.
32:11 Le Dixmude n'est pas en guerre,
32:13 mais c'est tout comme.
32:15 Le porte-hélicoptère français
32:17 participe à une opération de l'OTAN à grande échelle,
32:21 la simulation d'une guerre en Arctique.
32:24 ...
32:25 La Norvège vient d'être envahie par une puissante armée énue.
32:30 Les armées de l'OTAN doivent la délivrer.
32:33 ...
32:35 La mission s'appelle "Cold Response",
32:38 "riposte froide".
32:40 Le but de l'exercice,
32:42 c'est d'apprendre aux armées de l'OTAN
32:44 à combattre au nord du cercle polaire.
32:47 ...
32:49 -Radar, est-ce qu'on a des pistes sur la prochaine route ?
32:53 -Le capitaine de vaisseau Emmanuel Moccard
32:55 est aux commandes du Dixmude.
32:57 Selon lui, cet exercice est plus que justifié.
33:00 Aujourd'hui, la Marine nationale doit absolument se préparer
33:04 à mener des combats en pleine mer, en Arctique ou ailleurs.
33:07 -Dans les espaces maritimes,
33:09 ça fait quand même 10 ou 15 ans
33:11 qu'on s'aperçoit que les relations entre les Etats se durcissent
33:15 et que le combat naval est redevenu une hypothèse de travail.
33:18 Vraiment.
33:20 On sent les tensions, enfin, les rapports qui se durcissent.
33:23 En tout cas, ce qui est sûr,
33:25 c'est qu'on insiste à un réarmement naval
33:27 de nombreux pays à travers le monde,
33:31 et on sait que les tensions sont présentes.
33:33 ...
33:36 -Bonjour à tous. Repos.
33:39 -Et dans les Fjords, c'est bien une opération de guerre
33:42 que le capitaine de vaisseau va mener.
33:44 Il doit organiser le débarquement d'un régiment de l'armée française
33:48 sur une plage norvégienne.
33:50 A l'intérieur du navire, 300 hommes du 1er RIMA,
33:55 le régiment d'infanterie de marine,
33:58 et plus de 80 véhicules de combat,
34:01 dont trois chars AMX 30.
34:03 ...
34:05 Le Dixmude n'est pas seulement un porte-hélicoptère.
34:08 Il possède aussi des péniches de débarquement.
34:11 ...
34:12 Avec les chars d'assaut à bord,
34:15 elles foncent à près de 50 km/h dans les Fjords.
34:18 ...
34:21 Pour l'équipage, c'est l'occasion d'expérimenter
34:23 les conditions climatiques extrêmes de l'Arctique,
34:26 car le Dixmude est basé à Toulon
34:30 et a plus l'habitude de manœuvrer en Méditerranée.
34:33 -Ca va ? C'est pas trop dur de travailler
34:35 dans ces conditions ?
34:37 -On s'adapte.
34:38 ...
34:42 Le temps ne nous empêche.
34:43 ...
34:54 La Méditerranée, moi !
34:57 ...
35:02 -C'est pas facile, en armée.
35:04 -Ah ouais.
35:05 ...
35:07 -Ça m'engage maintenant 8 jours !
35:09 ...
35:12 -La météo dans les Fjords est changeante et capricieuse,
35:16 mais il faut absolument débarquer tous les hommes
35:19 et tous les blindés avant la tombée de la nuit.
35:22 ...
35:23 L'opération va durer 8 heures.
35:26 ...
35:29 Sur la berge, les habitants de ce petit village de pêcheurs
35:33 observent les manœuvres avec intérêt,
35:36 car ici, depuis le début de la guerre en Ukraine,
35:39 les Norvégiens se méfient d'une possible invasion de la Russie.
35:42 -Je ne veux pas y penser, mais...
35:46 J'y pense.
35:47 Plus que je ne le voudrais.
35:50 On est un petit pays.
35:52 On est un pays très étendu, mais avec peu d'habitants.
35:55 Et la Russie est grande.
35:59 Donc oui, j'y pense.
36:01 -Donc, pour vous, l'OTAN est important ?
36:03 -Oui.
36:04 ...
36:08 On est très heureux que l'OTAN soit ici.
36:11 -Pourquoi vous êtes très heureux ?
36:13 -Vous voyez bien ce qui se passe en Ukraine.
36:17 On a une frontière avec la Russie au nord.
36:20 Alors on ne sait jamais.
36:23 Poutine est fou.
36:24 Poutine, c'est un dingue.
36:27 -Et là, vous vous sentez plus en sécurité ?
36:29 -Bien sûr, bien sûr.
36:31 ...
36:34 -A 20 km de la plage des Français,
36:36 au même instant, d'autres militaires débarquent.
36:39 Ce sont les US Marines,
36:43 venus directement de Caroline du Nord.
36:45 ...
36:48 Avec leurs véhicules amphibies et leurs discours bien rodés.
36:52 ...
36:55 -Je pense que les Marines sont toujours prêts,
36:58 quel que soit l'état du monde.
37:00 Le corps des Marines est toujours prêt.
37:02 Dès qu'on nous le demande,
37:04 nous pouvons agir partout dans le monde.
37:06 C'est pourquoi cet exercice,
37:08 "cold response", est si important pour nous.
37:10 Nous sommes prêts à intervenir dans le Grand Nord s'il le faut.
37:15 ...
37:16 -35 000 militaires, venus de 28 pays alliés,
37:20 participent à cette opération.
37:22 Ils vont affronter un ennemi bien réel.
37:26 Cachés dans les montagnes, en embuscade,
37:31 voici l'armée norvégienne dans le rôle du méchant.
37:35 Avec leurs chars équipés de caméras thermiques
37:39 et leurs techniques de camouflage adaptées à l'environnement nordique,
37:43 ils vont affronter les troupes de l'OTAN.
37:47 -On va ralentir l'ennemi vers le nord.
37:51 Et quand ce sera fait,
37:54 on va se regrouper et on va l'attaquer.
37:58 -Les Norvégiens jouent à domicile,
38:03 dans des conditions climatiques qu'ils maîtrisent parfaitement.
38:07 -Ici, un hiver normal,
38:10 les températures descendent à -30, -35 degrés.
38:13 On est plus que capables de se battre dans ces conditions.
38:16 -Et les autres armées, elles en sont capables ?
38:20 -Avec l'entraînement qu'ils font en ce moment,
38:22 elles en seront bientôt capables.
38:24 ...
38:27 -La bataille va durer deux semaines
38:29 sur une zone grande comme un département français.
38:33 -On a un, deux, trois, quatre objectifs.
38:37 -OK.
38:38 -Des navires de guerre et même des sous-marins,
38:42 des chars d'assaut, des hélicoptères de combat
38:45 et des avions de chasse.
38:47 La démonstration de force de l'OTAN est spectaculaire.
38:51 ...
38:53 -OK, Guillaume, c'est bon ?
38:55 -Pour le colonel Le Gouvelot, qui dirige l'offensive côté français,
38:59 l'enjeu n'est pas seulement de s'habituer
39:02 aux conditions climatiques extrêmes.
39:04 Il faut aussi qu'après des années de guerre
39:07 contre des groupes terroristes, l'armée française
39:10 s'entraîne de nouveau à lutter contre des armées régulières,
39:13 modernes et puissamment équipées.
39:15 -On a fait beaucoup d'opérations en Afrique, en Afghanistan, etc.
39:20 C'était pas du combat haute intensité.
39:24 Donc là, on se réoriente vers du combat de haute intensité,
39:28 vers la confrontation avec un ennemi qui est à parité avec nous.
39:32 Et en ce sens, finalement, cet exercice,
39:35 c'est exactement ça, c'est-à-dire que l'ennemi
39:38 auquel on est confronté a autant de capacités que nous
39:41 et dans certains domaines, parfois, il nous est supérieur.
39:44 -Cet ennemi auquel tout le monde pense,
39:46 c'est bien sûr la Russie.
39:48 Mais pour des raisons diplomatiques,
39:50 sur le terrain, aucun militaire n'y fait référence.
39:53 ...
39:56 A Paris, au ministère des Armées, le discours est plus direct.
40:00 ...
40:02 Pour le général Yanni, porte-parole de l'état-major,
40:06 ce déploiement de force
40:08 est un signal directement envoyé à Moscou.
40:11 ...
40:15 -L'Arctique est un espace de compétition.
40:17 Ce n'est pas encore un espace de confrontation ou d'affrontement.
40:22 Aujourd'hui, c'est un espace de compétition.
40:24 C'est un peu comme le jeu de go ou un jeu d'échec,
40:27 suivant ce qu'on choisit.
40:29 Et en fait, chacun place ses pions,
40:31 ce que font les Russes en ouvrant des bases
40:33 ou en montrant ce dont ils sont capables,
40:36 ce que fait l'OTAN.
40:37 -Est-ce que vous pensez que la Russie a compris le message ?
40:40 -Je ne sais pas si la Russie a compris le message.
40:43 Il faudrait leur poser la question.
40:45 Une chose est certaine, c'est que l'OTAN a montré
40:48 que l'organisation était capable de projeter
40:51 plusieurs dizaines de milliers d'hommes
40:53 dans un scénario de haute intensité
40:55 à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres
40:58 des bases des unités. C'est un signal stratégique.
41:01 Musique pesante
41:02 -Un message, en tout cas, bien reçu par les pays de l'Arctique.
41:05 Deux mois après la fin de l'exercice,
41:09 la Suède et la Finlande ont officiellement demandé
41:12 leur adhésion à l'OTAN.
41:14 ...
41:20 Mais il existe aussi en Arctique
41:22 une présence russe beaucoup plus discrète,
41:26 des colonies installées en plein coeur de la Norvège
41:29 et qui inquiètent aujourd'hui l'OTAN.
41:31 Elles sont situées au coeur de l'archipel du Svalbard,
41:37 Barentsburg et Pyramiden.
41:40 ...
41:43 Barentsburg, une enclave russe
41:46 implantée depuis 90 ans,
41:48 qui a fait en toute l'égalité sur le sol norvégien.
41:51 Un village de 400 habitants perdu au milieu des glaciers.
41:55 Il a été construit dans les années 30
41:57 pour exploiter une mine de charbon.
42:00 Nous avons pu tourner avant l'invasion de l'Ukraine.
42:03 Ici, tout rappelle la mère patrie.
42:06 L'église orthodoxe,
42:08 les HLM colorés typiques de la Russie contemporaine
42:12 et, au centre de la place principale,
42:15 le buste de Lénine.
42:18 ...
42:20 La mine est toujours en activité.
42:23 Sa façade vient même d'être rénovée.
42:26 ...
42:29 -Bonjour. Je m'appelle Ruslan.
42:33 Je suis mineur.
42:35 Ca, c'est le local pour les lampes.
42:39 C'est là qu'on recharge les batteries des torches.
42:43 Ruslan est russe.
42:46 Il est ingénieur en chef.
42:48 Cela fait 3 ans qu'il travaille dans la mine de Barentsburg.
42:52 Et les gens aiment ce travail ?
42:54 -Oui, bien sûr.
42:55 Quand on a travaillé plusieurs années ici,
42:58 on ne peut plus se passer de la mine,
43:00 comme les cosmonautes qui rêvent de l'espace.
43:03 La mine est dangereuse.
43:06 Ruslan est responsable de la sécurité.
43:09 ...
43:11 -C'est un espace clos
43:13 et l'étendue de la mine est très grande.
43:17 C'est une mine hors catégorie à cause de la présence du métal.
43:20 Avec la poussière de charbon, il y a des risques d'explosion.
43:24 -Les mesures de sécurité sont draconiennes.
43:28 Nous devons tourner avec une caméra spéciale.
43:32 ...
43:34 La mine a été creusée dans le permafrost
43:37 et s'enfonce jusqu'à près de 500 m sous le sol.
43:41 ...
43:44 Les Russes ont pu s'installer ici à l'époque
43:47 car un traité de 1920 autorisait des pays étrangers
43:51 à exploiter les ressources naturelles du Svalbard.
43:55 Dans les wagonnets, le charbon en poudre.
43:58 -Ce charbon a été soumis à un traitement technologique
44:03 pour être réduit en poudre.
44:06 Il est destiné aux centrales électriques.
44:09 On l'envoie sur le continent.
44:12 ...
44:18 -130 mineurs travaillent ici, 24 heures sur 24.
44:23 Pour les attirer, la Russie leur offre de bons salaires.
44:27 Pourtant, la mine n'est plus rentable depuis des années.
44:32 Le charbon y est rare et de mauvaise qualité.
44:37 En réalité, il sert surtout à faire fonctionner la centrale
44:42 qui fournit le chauffage et l'électricité à la ville.
44:47 Mais pour les Russes, pas question de quitter
44:50 cette position stratégique au coeur de l'Europe.
44:54 Pour preuve, la construction de ce consulat flambant neuf
44:58 aux allures de bunker,
45:01 avec à l'intérieur son escalier en marbre
45:04 et sa petite fontaine.
45:07 Le maître des lieux, c'est ce consul au Loukhatipi,
45:11 Sergei Gushin.
45:14 Il a été nommé en 2018.
45:16 Il a 51 ans.
45:18 -Habituellement, les consuls en poste ici
45:23 étaient proches de la retraite, donc ils étaient âgés.
45:28 C'était leur dernier poste avant la retraite.
45:32 -Mais vous êtes jeune. -Oui, très jeune.
45:36 C'était mon rêve de venir ici.
45:39 -Selon le traité de 1920,
45:41 les Russes n'ont le droit de conserver cette colonie
45:45 que s'ils y exercent une activité économique.
45:48 Alors, le consul a eu une nouvelle idée,
45:51 développer le tourisme.
45:53 -La mine de charbon est de moins en moins rentable chaque année.
45:58 Depuis 3 ans, enfin, depuis 2015,
46:01 il y a eu plus de profits qui viennent du tourisme
46:05 que de la mine.
46:07 Donc, le tourisme se développe alors que l'activité de la mine baisse.
46:13 Mais nous devons garder cette mine de charbon,
46:16 car c'est fondamental pour pouvoir rester ici.
46:20 -Et pour attirer les touristes dans cette région reculée du monde,
46:24 les Russes ont décidé d'exploiter un endroit spectaculaire
46:28 et très étonnant.
46:30 A 3h30 de bateau de Barentsbourg
46:33 se trouve une autre colonie russe implantée au Svalbard.
46:37 Pendant l'été, chaque semaine,
46:39 un bateau emmène des touristes
46:41 pour un véritable voyage dans le temps.
46:44 -A gauche, vous voyez les ruines d'une cabane de chasseurs.
46:50 Il y en a de différentes époques.
46:52 -A son bord, Tobias,
46:54 un guide allemand qui travaille depuis 10 ans dans l'archipel.
46:59 Il montre aux touristes sur la côte
47:02 des bâtiments construits par des pionniers russes.
47:05 Leur présence sur l'archipel remonte à plus d'un siècle.
47:09 Et Tobias a son idée sur la raison
47:11 pour laquelle les Russes s'accrochent au Svalbard
47:14 depuis si longtemps.
47:17 -Maintenant que les glaciers fondent,
47:21 on trouvera peut-être de nouvelles choses, je suppose.
47:24 Peut-être plus de charbon, des minéraux,
47:28 ou peut-être même de l'or ou du pétrole.
47:31 C'est sans doute la raison pour laquelle ils veulent rester ici.
47:35 Bien présents.
47:37 Car quand tu quittes un endroit,
47:39 c'est dur d'y remettre les pieds, n'est-ce pas ?
47:43 -Le bateau arrive à destination.
47:47 Un port presque abandonné,
47:50 jonché de grues rouillées et de ruines industrielles.
47:54 ...
47:58 -Donc, bienvenue en Russie !
48:01 Non, je plaisante. Bienvenue à Pyramiden.
48:04 A partir de maintenant, vous allez avoir un autre guide.
48:08 Je vais me contenter de vous suivre
48:10 et veiller à ce que vous restiez groupés.
48:13 C'est très important, car il pourrait y avoir un ours polaire.
48:17 Donc, il a un fusil et moi, j'ai un pistolet d'alarme.
48:20 Donc, restez près de nous.
48:22 -L'homme armé en veste rouge est un guide russe.
48:26 C'est lui qui va assurer la visite.
48:29 Allons explorer, mes amis !
48:31 Musique sombre
48:34 -Au milieu des glaciers de l'Arctique,
48:37 les touristes vont découvrir un vestige de l'ex-URSS.
48:41 ...
48:43 Pyramiden.
48:44 ...
48:48 Une ancienne mine à charbon,
48:50 abandonnée en 1998,
48:53 est devenue une ville fantôme.
48:55 ...
48:58 Ici, le temps s'est arrêté.
49:00 La ville a compté jusqu'à 1 000 habitants.
49:03 Aujourd'hui, c'est une société russe qui gère le site
49:07 et l'a transformée en attraction touristique.
49:10 ...
49:17 Chaque année, 20 000 touristes viennent y faire un voyage
49:21 pour voir à quoi ressemblait la vie en URSS.
49:24 ...
49:27 -On a dû faire un grand ménage par mesure de sécurité.
49:30 ...
49:32 -Ivan est l'un des 10 guides touristiques.
49:35 ...
49:37 Il commence toujours ses visites par le buste du camarade Lénine.
49:42 -Dès qu'on sera en haut des escaliers de la Maison de la Culture,
49:46 vous découvrirez le panorama
49:48 et vous comprendrez que ce camarade-là
49:51 a la plus belle vue du monde.
49:53 Rires
49:54 Venez, mes amis, dans l'école et la maternelle
49:57 les plus au nord du monde.
49:59 Des émotions dont vous vous souviendrez toute votre vie.
50:03 ...
50:05 -Dans l'école, tout est resté en état.
50:08 En 1998, les habitants de Pyramiden
50:12 sont partis avec seulement leurs affaires personnelles,
50:16 laissant le mobilier.
50:17 Beaucoup pensaient que la fermeture de la mine était temporaire.
50:21 Le dortoir est intact.
50:24 Et sur les bureaux, en vrac,
50:27 les cahiers d'école de l'époque.
50:30 -Ici, on a l'éducation physique,
50:35 les mathématiques et la littérature russe.
50:39 -Un autre bâtiment était réservé aux loisirs,
50:45 avec une salle de sport et même une piscine.
50:48 Tout était prévu pour assurer le confort des habitants.
50:53 ...
50:56 -C'est vraiment figé dans le temps.
50:59 ...
51:02 C'est joli.
51:03 Je suis curieux de savoir comment c'était de vivre ici à l'époque.
51:07 -A l'époque soviétique ?
51:09 -Oui. Est-ce que c'était vraiment agréable ?
51:12 Ou ça en a juste l'air ?
51:13 -Pour répondre à cette question,
51:16 les guides ont prévu une visite surprise.
51:19 Le cinéma de Pyramiden, qui abrite un véritable trésor.
51:23 Voici les archives du jugement dernier.
51:26 Tout ce qui restera de nous quand nous serons partis.
51:29 -600 pellicules de films de l'époque soviétique
51:33 sont stockées ici.
51:34 De véritables pépites,
51:36 parfaitement conservées grâce au froid polaire.
51:40 Stanislav est en charge de la restauration de ces films.
51:44 -J'attire ?
51:45 -T'as des visières.
51:47 -Stanislav grimpe comme Spiderman.
51:50 -Et la pousse.
51:51 Applaudissements
51:53 -Il a même redonné vie à la salle de projection
51:58 pour montrer ses trouvailles aux touristes.
52:01 Brouhaha
52:03 ...
52:08 -Sport ?
52:10 -Le sport n'est pas du tout un simple passe-temps.
52:13 Il est indispensable pour rester en forme.
52:16 -Des films de propagande tournés dans les années 80
52:20 pour inciter les Russes à venir travailler à Pyramiden.
52:24 On y promet une vie idéale, une abondance,
52:27 qui faisait rêver les Soviétiques, qui, à l'époque, manquaient de tout.
52:31 -L'alimentation est une affaire de grande importance.
52:35 Au village des mineurs, les repas sont gratuits.
52:38 Et excellents, bien sûr.
52:39 Musique joyeuse
52:42 -L'école et les soins aussi étaient gratuits.
52:45 Et surtout, les mineurs pouvaient gagner
52:48 jusqu'à sept fois le salaire moyen de l'Union soviétique.
52:51 Après la projection,
52:54 les touristes ont droit à un spectacle musical.
52:57 -Chers amis, on a une main gauche, on a une main droite.
53:01 Ensemble, nous allons applaudir.
53:03 Musique rythmée
53:05 -Au programme, du rock.
53:08 Russe, bien sûr.
53:10 Musique rythmée
53:12 Avec, à la basse, un invité surprise,
53:15 le consul, qui, pour l'occasion, a abandonné son costume 3 pièces.
53:20 Musique rythmée
53:22 Et pour finir en beauté,
53:24 un peu de folklore avec Kalinka,
53:28 l'hymne traditionnel de la Russie.
53:30 Musique rythmée
53:33 Applaudissements
53:35 Musique rythmée
53:37 Mais ça, c'était avant la guerre en Ukraine.
53:40 Aujourd'hui, les touristes se font rares,
53:44 car les bateaux norvégiens
53:46 ont décidé de ne plus desservir cette destination.
53:49 Quant aux Russes, ils n'ont pas bougé
53:52 et semblent plus que jamais décider à conserver ces colonies
53:56 au coeur de l'Europe.
53:57 ...

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