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Lundi 25 décembre, cinq corps ont été retrouvés dans un appartement à Meaux, en Seine-et-Marne. Il s'agissait d'une mère et de ses quatre enfants. Le père de famille, en fuite, a été arrêté non loin du domicile de son père. Il a été placé en garde à vue. Le procureur de la République de Meaux, Jean-Baptiste Bladier, a évoqué le passé médical du principal suspect, en soulignant que le père de famille était atteint de troubles psychiatriques.

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Transcription
00:00 [Générique]
00:04 - Et on va en parler avec nos invités.
00:07 Mourad, Baptique, vous venez de l'enjambe en plateau, bonjour.
00:09 - Bonjour.
00:10 - Vous êtes avocat pénaliste.
00:11 Maxime Brandschaster du service Police Justice de BFMTV.
00:13 Je salue à distance le docteur Olivier Dubois qui est psychiatre.
00:16 D'abord, Maxime, que sait-on de l'état psychiatrique dans lequel se trouve le suspect et de son passé en la matière ?
00:24 - Alors, dans l'état actuel, on ne sait pas grand-chose.
00:27 On sait qu'il est hospitalisé mais on ne sait pas exactement pourquoi parce qu'on le rappelle,
00:30 le procureur explique aussi qu'il était blessé physiquement, donc ça peut être aussi pour ces raisons.
00:36 On sait qu'il n'a pas été entendu par les enquêteurs pour l'instant,
00:39 mais qu'il a vaguement évoqué aux policiers qui l'ont arrêté sa dépression, son mal-être et reconnaître avoir fait du mal à sa famille.
00:44 Donc en ce moment, on ne sait pas. Il faudra une expertise pour savoir dans quelle état psychiatrique il est.
00:48 En revanche, on connaît son passé. On sait qu'en 2017 au moins, il a été interné grâce à des documents qu'on a retrouvés chez lui.
00:55 On sait qu'il avait des ordonnances pour des calmants, qu'il a eu un suivi psychiatrique,
00:59 qu'il a eu des épisodes que sa femme racontait, des épisodes suicidaires, de violences.
01:06 Et on sait aussi qu'en 2019, il avait déjà blessé sa femme, il avait déjà poignardé sa femme.
01:12 Après, et donc on a les auditions de sa femme à l'époque qui n'avait pas voulu porter plainte,
01:16 qui avait raconté que depuis huit jours, il n'était pas très bien, qu'il lui répétait "tu ne comprends pas, tu ne comprends pas".
01:21 Qu'un jour, il s'était... il est allé dans la chambre avec les clés pour que personne ne sorte de la maison, qu'elle était allée le voir.
01:27 Il lui avait expliqué vouloir se suicider et au moment où il tourne le dos, il lui avait donné un coup de couteau.
01:32 Lui, plus tard, entendu par les enquêteurs, il expliquera qu'il a fait ça.
01:37 Le coup est parti tout seul, nous explique le procureur. Il explique qu'il voulait s'en prendre à lui, mais surtout pas à sa famille.
01:43 Il ira un peu en garde à vue. Il sortira de garde à vue parce qu'on jugera qu'il a une abolition du discernement.
01:48 Il retournera en garde à vue. Finalement, il ne sera pas condamné parce qu'on jugera que son discernement était aboli.
01:53 Alors, vous avez beaucoup autant de paroles dans les minutes qui viennent d'altération, d'abolition du discernement.
01:57 On va évoquer ça dans un instant juste. Docteur Dubois, merci d'être avec nous.
02:01 Maxime Ronstetter nous le disait, l'individu a évoqué sa dépression, son mal-être personnel.
02:06 Est-ce que la dépression, le mal-être personnel, ça peut être considéré comme des facteurs d'altération, voire d'abolition du discernement ?
02:14 Généralement, quand une personne dépressive a une abolition du discernement, c'est plutôt contre lui-même.
02:25 Les dépressifs, très généralement, sont amenés à se suicider et malheureusement, dans leur désespoir, souvent, sont amenés à commettre un crime envers eux-mêmes.
02:35 Mais là, on ne peut pas considérer que la dépression seule entraîne le meurtre de 4 ou 5 personnes de l'entourage proche.
02:44 Il y a sans doute d'autres dimensions, par exemple un délire, une interprétation de la situation qui a été jugée non pas uniquement à l'aune de la propre perception du sujet par rapport à lui-même,
02:59 par rapport à son découragement, par rapport à ce qu'il a pu faire de mal ou d'erroné. Il y a aussi quelque chose de beaucoup plus complexe qui s'est mis dans son cerveau pour lui dire
03:08 « Agis, tue tous les autres autour de toi ». On pourrait imaginer que dans un certain désespoir, une personne puisse dire effectivement
03:22 « Moi, je pense que le monde est fichu, le monde va mal, il n'y a pas d'avenir pour nous dans cette société, ma situation financière est tellement désastreuse, je préfère vous voir tous mourir,
03:32 comme ça au moins, c'est terminé, on n'en parlera plus et finalement, je vous libère du poids d'une société absolument inadaptée à notre famille ».
03:41 Ça reste quand même très compliqué pour expliquer un simple suicide.
03:46 Docteur, on va revenir dans un instant sur les conséquences judiciaires si effectivement son jugement a été aboli ou altéré.
03:53 Mais docteur, avant une question, comment les experts jaugent de son état ? Comment on détermine si une personne a son jugement aboli, a son jugement altéré ?
04:04 C'est quoi ? C'est des questions, c'est des tests ? Et est-ce que c'est fiable comme expertise ?
04:08 Alors, on est sur…
04:09 Je vais juste poser la question, docteur. Pardon.
04:11 Alors c'est vrai que l'expertise, elle va tenir compte des réponses du sujet. En fait, ce qui vraiment détermine le plus l'altération de la compréhension,
04:25 de l'altération de la réalité, c'est, je dirais, la façon dont la personne répond qui va souvent, quand elle est altérée, être inadaptée à la réponse.
04:33 Par exemple, oui, le monde va mal, la société est perturbée, ou j'entendais des voix qui me disaient, attention, ta famille, tes enfants sont en très grand danger,
04:42 il faut les protéger. Vous voyez, ce genre de réponse-là qui pourrait très, très bien être répondue signerait vraiment l'altération de la pensée du sujet.
04:52 Mais attention, je peux me permettre une petite digression par rapport à votre question. Il est certain que si cette personne est dans ce fonctionnement-là,
04:59 ce qui d'ailleurs à mon avis est assez probable, parce que je ne vois pas très bien comment on peut expliquer autrement ce geste qui n'a pas de sens finalement,
05:07 je crois que dans cette hypothèse-là, certes on est dans la psychiatrie, certes on n'est pas en tout cas que dans la justice, et la justice ne va peut-être pas prendre
05:15 toute la place de la décision, mais il faut absolument que la psychiatrie soit à ce moment-là renforcée dans sa prise en charge, qu'elle soit accompagnée judiciairement
05:27 et qu'on ne fasse pas des hospitalisations qui durent 15 jours ou 3 semaines, mais des hospitalisations qui durent longtemps, et en tout cas qu'il y ait derrière
05:35 des systèmes de protection et de sécurité de suivi qui soient obligatoires avec une intensité, une précision absolue.
05:42 Maître Batik, on comprend que là on est dans l'expertise et c'est parfois un peu ténu, il y a une chose qui est extrêmement claire, c'est que si les experts décident
05:50 que l'individu a son discernement altéré, aboli ou pas du tout, ça change tout.
05:54 Ça change tout parce qu'il y a un principe cardinal dans le droit pénal français, c'est qu'il ne peut pas y avoir de crime sans intention criminelle.
06:00 Je crois que c'est une bonne chose, je pense qu'il ne faut pas toucher à ce principe, quelle que soit l'émotion qui peut être la nôtre du délirement collectivement.
06:07 Ça veut dire discernement aboli, pas de procès.
06:09 Exactement, discernement aboli ça veut dire pas de procès, discernement altéré ça veut dire qu'il y a un procès, il y a des peines, mais il y a des peines
06:14 qui seront minorées sous l'effet de l'altération du discernement. Maintenant l'abolition du discernement, ça n'est pas quelque chose que l'avocat en défense
06:23 peut obtenir très facilement. Il y a tout un processus, il y a des étapes à passer, à valider, évidemment avec des experts psychiatres.
06:33 Dès lors qu'un expert psychiatre va dire "Écoutez, concernant cet individu, il y a très probablement une abolition du discernement,
06:40 le magistrat instructeur, le juge d'instruction va très probablement, ou le collège des juges d'instruction va très probablement désigner un autre,
06:47 voire un collège eux-mêmes de psychiatres pour avoir la confirmation de cette abolition du discernement qui devrait être validée par la chambre d'instruction.
06:56 Donc ça n'est pas une mince affaire, c'est quelque chose, c'est un processus long et c'est un processus qui in fine mène à effectivement ce qu'il n'y ait pas de procès,
07:04 mais parce qu'on aura constaté médicalement que cette personne au moment des faits n'avait pas d'intention criminelle.
07:10 Mais pas de procès ça veut pas dire que la personne n'est pas dangereuse. Et moi il y a quelque chose qui m'interpelle dans cette affaire,
07:14 c'est qu'il y a des audiences qui existent malgré tout quand quelqu'un est reconnu irresponsable pénalement,
07:20 et il peut y avoir des mesures de sûreté qui sont prises là visiblement en 2019, ce qui s'est passé c'est qu'il a agressé sa femme avec un couteau,
07:27 et là, paf, non lieu, fin de l'histoire, pas de suivi, pas de mesures de sûreté. Comment vous l'expliquez ?
07:35 Oui parce que vous regardez ça aujourd'hui à travers ce crime, ces infanticides, ce féminicide, en disant c'était nécessairement une alerte
07:43 qui devait nous dire attention il va se passer quelque chose de grave. Sauf qu'à ce moment-là, au regard des faits, au regard des circonstances,
07:52 au regard de l'infraction qui a été commise, il a été jugé à juste titre, malheureusement au regard des faits on peut se dire qu'effectivement
08:00 il y a eu une erreur d'appréciation, mais au moment des faits on a jugé que le coup qui a été donné ne nécessitait pas effectivement
08:08 à ce que toute la société mette cette personne en marge de la société avec une hospitalisation sous contrainte.
08:14 Maître Batik, merci beaucoup d'avoir été avec nous, je remercie aussi le docteur Olivier Dubois, on a tellement de questions à poser sur ce sujet-là,
08:20 c'est vrai que c'est passionnant, il y en aura l'occasion évidemment d'y revenir sur l'antenne de BFM TV, merci Maxime Branstetter.

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