Chaque dimanche, #LeGrandRDV reçoit un invité politique dans le Grand Rendez-Vous, en partenariat avec Europe 1 et Les Echos.
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00:00 Bonjour à tous et bienvenue à vous au Grand Rendez-vous Europe 1C News, Les Echos.
00:04 Bonjour Michel Onfray.
00:05 Bonjour.
00:06 Merci beaucoup de votre présence, c'est votre Grand Rendez-vous ce dimanche.
00:09 Vous êtes philosophe, auteur d'une œuvre prolifique.
00:12 Vous avez récemment publié "Le fétiche et la marchandise" ou encore "Théorie de Jésus" au bouquin Édition.
00:19 Vous gardez aussi, Michel Onfray, un œil averti et toujours sans concession sur la politique.
00:24 Et ce sera justement l'occasion d'une analyse sans langue de bois sur les récents événements dans notre pays.
00:29 Et puis on essaiera aussi en ce jour de se projeter sur l'année qui s'ouvre et puis peut-être bien au-delà.
00:34 Et pour vous interroger sur ces sujets, je suis entourée de mes camarades Stéphane Dupont du Zéco.
00:39 Bonjour à vous Stéphane.
00:40 Bonjour.
00:41 Et je suis ravie d'accueillir Yoann Usahi.
00:42 Bonjour Yoann.
00:43 Bonjour Sania.
00:44 Qui est journaliste à C News.
00:45 Michel Onfray, on voudrait démarrer avec les débats.
00:48 L'un des sujets qui a marqué l'année qui vient de s'écouler, probablement qui marquera la prochaine, l'immigration.
00:54 Les Français n'ont jamais été aussi cohérents sur le sujet de l'immigration en demande de fermeté.
00:59 Tandis que la classe politique, ou plutôt une partie de la classe politique, s'est entredéchirée sur ce sujet.
01:04 Comment vous expliquer une telle distorsion ?
01:07 Non, je dirais la totalité de la classe politique parce que tous ces gens qui font du cirque pendant toute l'année,
01:12 en nous disant qu'ils sont des grands ennemis, qu'ils se détestent, etc.
01:14 Au bout du compte, ils finissent, sauf Marine Le Pen, mais tous par voter Macron.
01:18 C'est-à-dire la France Insoumise a appelé à voter Macron, le Parti Socialiste a appelé à voter Macron,
01:22 les communistes ont appelé à voter Macron, les macronias ont appelé à voter Macron,
01:26 et puis les républicains ont aussi appelé à voter Macron, et en même temps les écologistes ont aussi appelé à voter Macron.
01:30 Donc il y a un moment donné où tous ces gens-là font la même politique, globalement.
01:34 Ils font semblant. Là on a vu ces dernières semaines la politique politicienne dans ce qu'elle a de pire.
01:40 Ce que le général appelait les politiciens, c'est-à-dire la 4ème République, pas grand souci des Français.
01:46 Mais ça c'est pas neuf, je veux dire que depuis un certain temps on a la démonstration, c'est-à-dire on sait ce que pensent les Français.
01:51 Quand le président sortant s'en vient nous dire "je fais le tour de la France pour voir un peu ce que c'est que la France",
01:57 vraiment on devrait avoir honte de dire une chose comme ça.
02:00 Quand on est président de la République, c'est le temps de savoir à quoi ressemble la France, on doit le savoir.
02:03 Honte dites-vous ?
02:05 Oui.
02:06 De prendre le pouls du pays ?
02:07 Oui, quand on est chef de l'État, oui.
02:09 Je pense que si on a besoin de savoir ce qu'est la France et de faire deux, trois petits tours en avion
02:13 pour voir à quoi ressemblent les territoires, comme on dit de façon tellement méprisante,
02:18 la province c'est un joli mot, ça veut dire effectivement qu'on ne sait rien des Français, c'est un aveu.
02:24 C'est un aveu de mépris, de détestation, en disant "bon je vais faire un petit tour et puis on va montrer quelque chose".
02:29 Vous préféreriez qu'il reste enfermé à l'Élysée avec ses conseillers ?
02:32 Oui, pendant ce temps-là il ne travaille pas.
02:35 Moi je trouve que tout ça c'est fait pour les médias, tous ces voyages qui coûtent extrêmement cher à la République,
02:40 qui mobilisent des préfets, des sous-préfets, qui mobilisent des gendarmes, qui mobilisent des policiers,
02:45 des renseignements, qui mobilisent plein de gens juste pour aller serrer des mains pour le journal de 20 heures.
02:50 Oui, oui, moi je préfère que le chef de l'État travaille.
02:52 Vous dites qu'il est déconnecté, est-ce que ça signifie qu'il est déconnecté parce que selon vous il n'aime pas les Français ?
02:57 Vous parlez de détestation, le président n'aime pas les Français ?
02:59 Oui, je pense, mais ça existe, des gens qui n'aiment pas les Français.
03:02 Quand on est président de la République c'est problématique ?
03:04 Oui, je ne vous fais pas dire, mais je pense effectivement que c'est son gros problème,
03:07 c'est-à-dire qu'il n'est pas très empathique de manière générale, semble-t-il, avec les gens en général.
03:13 Michel, on peut ne pas être empathique et être en adéquation avec les idées ?
03:18 Revenons finalement au sujet sur l'immigration.
03:20 Est-ce que vous diriez alors, si on vous comprend bien, qu'il y avait une véritable rupture entre les Français,
03:25 la demande de fermeté et puis une partie des élites, des élites autoproclamées,
03:30 qui ne veulent pas voir ce qui se passe dans le pays et ailleurs ?
03:33 Non, mais on sait ce que le peuple pense sur un certain nombre de sujets,
03:37 et c'est pourquoi on ne veut pas faire de recours au référendum, on sait très bien à quoi ça ressemblerait un référendum,
03:42 on n'a même pas besoin de faire des référendums quand on sait ce que pense la France, ce que pensent les Français.
03:46 Moi, je pense que ce n'est pas seulement un manque d'empathie, c'est une antipathie.
03:49 Je ne pense pas que le général De Gaulle tapait dans le dos des gens, ni même François Mitterrand,
03:53 mais ce sont des gens qui avaient d'abord quelques idées, quelques convictions,
03:57 du moins ça a duré chez Mitterrand entre 1980 et 1983, c'est toujours ça,
04:01 et puis un sens de la France.
04:04 Et ça, on ne peut pas, ni à l'un ni à l'autre, leur dénier chez lui, mais pas du tout.
04:09 Après, les Gilets jaunes, Emmanuel Macron est quand même allé au contact,
04:13 il a organisé tous ces grands débats, il était à portée de baffe selon la formule consacrée,
04:17 je crois qu'il a même pris une fois une gifle.
04:19 Vous trouvez qu'il ne parle pas aux Français, qu'il n'est pas près des Français, qu'il ne les entend pas ?
04:24 Vous avez cru à cette mascarade ?
04:26 C'était fait avec les préfets, les questions étaient préposées,
04:29 il y avait des gens qui étaient choisis, les gens qui lui posaient des questions,
04:33 il était très au courant des questions, ou alors comment expliquez-vous le fait qu'il y avait des fiches ?
04:36 Comment est-ce que vous pouvez avoir des fiches pour des questions que vous découvriez ?
04:39 Moi, quand je fais des interventions, je n'ai pas de fiches,
04:41 parce que je découvre les questions, vous m'avez dit les questions,
04:44 quand je suis venu sur ce plateau.
04:46 Alors, les gens qui ont des fiches et puis qui nous disent "ah, vous me posez cette question, écoutez, oui",
04:50 et puis voilà.
04:51 Non, s'il a des fiches, c'est que les questions, elles lui ont été données.
04:54 Non, tout ça, c'était de la communication, ce n'est pas parce qu'on s'en va voir des gens
04:57 dans des sous-préfectures ou dans des préfectures ou dans des salles polyvalentes,
05:00 le tout ayant été organisé par des préfets, les services de renseignement pour savoir qui était là
05:04 et qui on pouvait y placer, etc., qu'on est allé au contact des Français.
05:08 Non, et puis je pense qu'un chef d'État, c'est quelqu'un qui sait ce qu'est la France,
05:12 ce que sont les Français, c'est quelqu'un qui a lu l'histoire de France,
05:15 c'est quelqu'un qui sait ce qu'est l'Histoire,
05:17 et cette façon d'incarner le chef de l'État n'existe pas chez lui.
05:21 Alors, est-ce que vous pensez, Michel, on ferait pour revenir encore au sujet
05:24 dans l'actualité des dernières semaines, qu'il se pense davantage, d'ailleurs,
05:28 il est dû lui-même, en Européen.
05:30 Est-ce que c'est la question européenne, finalement, qui vient, selon vous,
05:34 peut-être éclaircir le spectre politique, puisque vous mettez dans la même case,
05:39 si je puis dire, les Républicains, les macronistes, la gauche.
05:42 Est-ce que c'est vraiment l'Europe et à l'aune des élections européennes
05:45 qu'on va voir le vrai révélateur, le vrai clivage ?
05:47 Oui, pas seulement les Européennes, mais je pense qu'effectivement,
05:50 il dit beaucoup de choses, tout est le contraire de tout,
05:52 en même temps, c'est l'occasion de dire tout est le contraire de tout,
05:54 mais il y a une ligne chez lui, et c'est une ligne qu'il honore sans cesse depuis le début,
05:59 et c'est la ligne européiste.
06:00 L'Europe.
06:01 L'Europe d'abord, la France après.
06:03 Cette façon de dire...
06:04 Mais c'est une conviction, c'est une cohérence que vous lui reconnaissez.
06:07 Vous n'êtes pas d'accord, mais...
06:08 Oui, il n'est pas là par hasard.
06:09 D'ailleurs, tout est fait pour qu'on mette au pouvoir quelqu'un qui défend cette thèse-là.
06:13 Alors après, il s'appelle Sarkozy, il s'appelle Hollande, il s'appelle comme on voudra,
06:17 ça peut être Édouard Philippe ensuite, ou qui l'on voudra, ou Gérald Darmanin,
06:20 enfin je ne sais qui, ou Raphaël Luxmann, enfin tous ceux qui sont susceptibles
06:24 d'être un jour éventuellement chef de l'État,
06:27 ils défendent tous cette idée-là.
06:29 D'abord la haine de Marine Le Pen présentée comme une fasciste, comme une nazie,
06:32 comme une vichiste, rapprochée sans cesse des camps de la mort, de la Shoah, etc.
06:37 Ça, c'est un leitmotiv.
06:39 C'est le quart d'heure de haine.
06:41 Vous ne croyez pas qu'ils ont compris que la fascisation,
06:44 en tous les cas où ce grand théâtre antifasciste ne marche plus aujourd'hui,
06:47 Marine Le Pen ne cesse de progresser,
06:49 l'ERN aux élections européennes, une projection des intentions de vote jusqu'à 30% ?
06:53 Oui, mais il y a quelques temps, on s'est bien vu avec ce vote,
06:56 ce vote nous a fait savoir que c'était Jean-Marie Le Pen,
06:59 que c'était les idées du Front National, et c'est reparti.
07:01 Et ça a continué, c'est toujours ça, sans cesse.
07:04 Cette idée qu'il nous faudrait la pousser sans cesse,
07:06 c'est où elle n'est pas démocrate, et on l'interdit, on la met en prison,
07:09 on fait un procès, on explique pourquoi elle n'est pas républicaine,
07:11 elle n'est pas démocrate, plutôt que de l'insulter,
07:13 où ça n'est pas le cas, et à ce moment-là on compose avec.
07:15 Il y a juste un moment donné où moi j'en ai un cycle,
07:17 le chef de l'État, quand il sait qu'il a été élu au premier tour,
07:20 il en profite entre les deux tours pour aller à Horadour-sur-Glane
07:22 et pour aller visiter le musée de la Shoah.
07:24 Avec ce qui s'est passé avec le Hamas, je pense qu'on pourrait arrêter
07:27 d'instrumentaliser la question juive, la Shoah, etc.
07:30 Donc il y a un moment donné où on fait de la politique,
07:32 on défend des idées, on n'est pas d'accord, on se bat,
07:34 mais de fait c'est l'Europe qui interdit à la France de faire sa politique,
07:38 si elle le voulait, donc on ne va pas demander au peuple ce qu'il souhaite,
07:41 puisque c'est l'Europe qui dit à la France ce qu'elle doit faire.
07:45 Emmanuel Macron, d'une certaine manière, on lui donne tous les matins
07:48 la feuille de route en provenance de Bruxelles.
07:50 Souvent ce sont les États qui ont consenti à ce que l'Europe fixe les règles.
07:54 On a l'impression que c'est de la faute à l'Europe.
07:56 Est-ce que vous ne croyez pas aussi, Michel Onfray, que les États,
07:58 parfois, ont cédé justement leur souveraineté ?
08:00 La propagande, ça existe, la propagande.
08:02 C'est-à-dire la propagande en 1992 pour nous expliquer que voter non au traité de Maastricht
08:06 c'était être du côté d'Adolf Hitler et des nazis, etc.
08:09 Ça existait. Il y a eu des gens terrorisés par ça,
08:11 qui se sont dit "je ne vais quand même pas voter comme Jean-Marie Le Pen".
08:14 Donc ils ont dit "on va voter pour cette Europe-là".
08:16 Maintenant, il s'agissait à l'époque de voter pour une idée en 1992.
08:19 Là, il s'agit de voter pour une réalité.
08:21 Je ne sais pas très bien compter, mais ça fait 30 ans, 40 ans.
08:24 Maintenant, c'est la réalité qu'on peut juger.
08:26 Ce n'est plus du tout l'idée que les Européens seraient pour la paix,
08:29 les gens qui seraient pour le souverainisme seraient pour la guerre.
08:32 Est-ce que, selon vous, c'est le prisme européen d'Emmanuel Macron
08:36 qui l'empêche de prendre les décisions concernant l'immigration que les Français attendent
08:39 ou est-ce que vous considérez que le chef de l'État est lui-même profondément immigrationniste ?
08:43 Ah non, c'est la même chose. Il est immigrationniste,
08:46 mais c'est parce qu'il est immigrationniste qu'il est là.
08:48 Le système est ainsi fait qu'on met des gens en avant en disant
08:53 "il faut qu'ils existent parce qu'on est des démocrates".
08:55 Je pense à Marine Le Pen. On fait des émissions, on montre qu'elle aime les chats,
08:58 qu'elle a fait un je ne sais pas quoi, un "c'est à péter toi l'étage de chat"
09:02 et on dit "vous avez vu, elle est gentille cette femme".
09:04 Et puis, quelques temps avant les élections, on nous dit "attention, retour d'Adolf Hitler".
09:07 Alors il faudrait savoir, c'est les chats ou c'est Adolf Hitler ?
09:10 Il y a une façon de fabriquer l'opinion.
09:12 Bernays a écrit quelque chose là-dessus, sur la construction de l'opinion.
09:15 Et on construit l'opinion aujourd'hui avec certains médias, pas le vôtre,
09:19 mais on construit l'opinion avec certains journaux, certains médias,
09:22 des médias qui sont entre les mains de gens qui défendent une idéologie tout à fait particulière
09:26 qui est une idéologie, vous avez raison, européiste, immigrationniste.
09:28 J'ai vu il y a quelque temps quelque chose...
09:30 Alors c'est affirmé, c'est au grand jour. Et dans ce cas-là, il y a deux projets.
09:33 Il y a le projet d'Emmanuel Macron que vous qualifiez d'immigrationniste
09:36 et puis il y a un autre projet, est-ce que selon vous il est porté, incarné par Marine Le Pen
09:40 qui d'ailleurs ne dit plus "immigration zéro" parce qu'elle estime que c'est un fantasme,
09:45 une illusion, mais qui parle évidemment d'une maîtrise extrêmement ferme.
09:49 Est-ce que ce sont les deux projets, les seuls projets qui existent aujourd'hui ?
09:51 Marine Le Pen, elle s'est chiracuisée comme ce n'est pas possible.
09:54 C'est-à-dire que ça n'a plus grand-chose à voir avec le Front National de Jean-Marie Le Pen.
10:00 Elle n'a pas seulement évincé son père, elle n'a pas seulement changé de nom,
10:03 elle a aussi changé totalement l'idéologie.
10:05 Quand le père était antisémite, moi j'ai lu les mémoires du père,
10:07 il n'y a pas beaucoup qui ont lu les mille pages, les deux volumes,
10:10 le père est sans cesse en train de faire l'éloge de Pétain, de Vichy, de Braziac, de Maurras,
10:15 il a dit-il dans ses mémoires, enregistré les coups de fusil de l'exécution de Braziac,
10:23 c'est devenu un disque dans la Serpe, je crois, la maison de production de Jean-Marie Le Pen.
10:30 C'est un homme qui effectivement défendait les idées d'extraterrestres.
10:33 Et pour vous, sa fille n'a plus rien à voir.
10:35 Écoutez, elle a dit des choses sur les homosexuels, sur les juifs, sur les minorités, sur les satrains.
10:40 Selon vous, ça s'appelle « chiraciser » ?
10:42 C'est même très hors de ça, souvenez-vous, on a là, je ne veux pas être insultant à votre endroit,
10:47 mais le chirac du bruit et de l'odeur, ça allait quand même très loin.
10:50 Le chirac du parti de l'étranger, etc., on a quand même entendu tout ça,
10:53 pour ceux qui ont soit l'âge d'avoir vécu ou soit la mémoire, c'était quand même ça Jean-Marie Le Pen.
10:58 Ça signifie que pour vous, Marine Le Pen, elle a une chance réelle d'être élue présidente de la République ?
11:01 Bien sûr, et elle a une chance très réelle, quand elle sera au pouvoir, de renoncer en trois semaines ou en trois mois.
11:07 Comme Melanie en Italie ?
11:09 Oui, bien sûr, mais pas seulement, comme Podemos, comme Syriza, etc.
11:12 Tous ces gens qui arrivent au pouvoir et qui déçoivent le peuple parce qu'ils n'ont pas de plan B.
11:16 C'est-à-dire que c'était très bien Podemos, c'était très bien Syriza,
11:19 et puis après on dit « mais comment ça se passe une fois que l'Europe a décidé de vous rendre la vie impossible ? »
11:24 On n'était pas au courant, on n'imaginait pas qu'ils allaient être méchants avec nous.
11:27 Et le peuple, dans ces cas-là, c'est toujours le peuple qui est le dindon de la farce.
11:31 Donc il y a un moment donné où ces gens-là...
11:33 Ces gens-là échouent à cause de l'Europe, c'est pas eux parce que leur projet est démagogique
11:36 ou parce qu'ils font des promesses qui sont intenables ?
11:38 Mais ces promesses-là ne sont jamais mises en place.
11:41 Donc simplement, ce que j'appelle le plan B, c'est de se dire que le jour où vous avez des gens qui disent
11:44 « on coupe les robinets », il faut que derrière vous puissiez dire « il n'y a pas de problème, j'ai prévu la chose,
11:48 et nous avons des banques, et nous avons de l'argent, et nous avons des contrats à passer avec d'autres pays. »
11:52 Et pourquoi pas les BRICS ?
11:54 Est-ce que vous pensez plus qu'on est tenus par un chantage économique, financier ?
11:57 Bien sûr.
11:58 Parce que la France est plutôt contributrice pour l'Europe par rapport à d'autres pays.
12:01 C'est-à-dire que la France donne beaucoup plus d'argent qu'elle n'en reçoit.
12:03 C'est-à-dire que ça nous coûte, l'Europe.
12:05 C'est une formidable idée.
12:07 Et moi je trouverais ça très bien si vraiment nous avions beaucoup d'argent.
12:10 Dans les familles, si vous avez beaucoup d'argent, c'est bien d'être généreux, de partager.
12:13 Si vous n'avez pas beaucoup d'argent, c'est pas la même chose, c'est pas exactement la même chose.
12:16 Moi je veux bien que nous donnions de l'argent pour qu'il y ait des autoroutes au Portugal,
12:19 pour qu'il y ait des hôpitaux en Pologne, pour qu'il y ait des infrastructures peut-être bientôt en Ukraine.
12:25 Si nous en avons les moyens.
12:28 Est-ce que nous en avons vraiment les moyens ?
12:30 Des gens à Noël n'ont pas pu...
12:31 En regardant notre déficit public et nos dettes, non.
12:33 Mais indépendamment des dettes et des déficits publics, à Noël récemment,
12:37 des gens n'ont pas pu offrir de jouets à leurs enfants.
12:39 Des gens qui travaillent aujourd'hui dorment dans leur voiture.
12:42 Des individus aujourd'hui qui travaillent normalement, qui ne mettent pas le feu aux voitures,
12:46 qui ne mettent pas des coups de voiture bélier dans les banques, etc.
12:49 Ce sont des gens qui n'ont pas les moyens de s'acheter une tranche de saumon
12:53 pour faire plaisir à leurs amis ou à leurs enfants un dimanche,
12:57 ou d'acheter même une bouteille de champagne.
12:59 On voit des reportages où des gens disent "on a acheté du mousseux, de la clairette".
13:03 J'ai honte moi.
13:04 J'ai honte que dans ce pays qu'est la France, les gens qui travaillent,
13:07 qui sont honnêtes, qui sont modestes, qui sont discrets, qui sont travailleurs,
13:11 qui obéissent à la République, qui payent leurs impôts,
13:13 et les impôts indirects, tout le monde en paie.
13:15 – Alors qui parle en leur nom ? – Personne.
13:17 – Personne ne les représente, ni dans la sphère politique,
13:20 ni médiatique, ni philosophique, non.
13:23 – Philosophique, je ne vais pas…
13:25 – Non mais j'entends bien que vous, comment dire,
13:28 là aujourd'hui vous êtes un peu le porte-voix,
13:30 en tous les cas vous portez la voix de ces personnes très nombreuses,
13:33 des millions de Français dont on parle peu.
13:35 – Oui, moi j'en viens, c'est-à-dire mes parents et mon père étaient ouvriers agricoles,
13:39 ma mère ferme de ménage, on avait de la dignité, on avait de la pauvreté,
13:43 mais c'était une pauvreté digne, comme souvent les gens pauvres
13:46 aujourd'hui sont dignes, c'est-à-dire ils ne se plaignent pas,
13:48 ils ont même parfois un peu honte de leur pauvreté,
13:50 parce qu'ils travaillent et ils se disent "normalement avec mon travail
13:52 je devrais pouvoir acheter à manger à ma famille et des jouets à mes enfants",
13:56 et ils ne sont pas assistés, je connais même des gens aujourd'hui
13:59 qui sont pauvres et qui ne demandent pas les aides auxquelles
14:01 ils auraient droit, simplement parce qu'ils estiment
14:03 qu'ils ne vont pas gréver la République, j'ai entendu des gens comme ça,
14:07 pas donné de nom, mais je vois que ça existe,
14:11 oui je ne pense pas que ce peuple-là ait des représentants,
14:15 je pense que Martin Le Pen est arrivé au pouvoir,
14:17 Mélenchon il a estimé qu'il y avait un bon peuple
14:19 qui était celui de l'islamo-gauchisme, mais le restant il en a fait son deuil,
14:23 et puis quant aux autres on voit bien, le peuple c'est juste pour travailler plus,
14:27 pour se taire, pour être flexible, etc.
14:31 Je ne pense pas que le peuple ait des représentants dans la classe politique aujourd'hui.
14:35 On va marquer une courte pause, c'est un sujet essentiel aussi,
14:38 il va être très important pour les prochaines élections,
14:40 et puis bien au-delà, c'est la représentativité évidemment.
14:43 Une courte pause et on se retrouve pour le grand rendez-vous avec Michel Onfray.
14:46 Merci d'être avec nous ce dimanche, surtout avec notre invité Michel Onfray.
14:51 Beaucoup de livres qui peuvent être autant d'idées de cadeaux,
14:55 évidemment en cette période des fêtes, j'ai cité "Théorie de Jésus"
14:58 chez Bouquins Éditions, ou encore "Le fétiche et la marchandise",
15:02 nous parlerons d'autres livres également tout au long de cette émission.
15:05 Michel Onfray, on a parlé d'un sujet très important, représenter le peuple,
15:09 qui pour représenter, incarner, porter aussi, les aspirations de beaucoup de Français.
15:14 Est-ce que pour vous, est-ce que le macronisme, est-ce qu'on est arrivé à la fin d'un cycle,
15:19 l'aboutissement de quelque chose ?
15:21 Beaucoup ont dit que c'était la fin du en même temps à l'aune de la loi immigration,
15:25 vous vous le dites depuis un certain temps Michel Onfray.
15:27 On voit bien qu'il y a eu une époque où il y avait cette droite maastrichtienne,
15:30 cette gauche maastrichtienne, et puis Macron est arrivé, il a fait le plaideur,
15:33 il a dit "c'est moi, c'est les deux, c'est en même temps, je suis les deux".
15:36 Il a vidé les républicains, il a vidé en même temps les socialistes,
15:39 et puis les socialistes qui ont compris sont allés chez lui,
15:42 les républicains qui ont compris sont allés chez lui,
15:44 il est resté comme ça, de manière assez marginale,
15:46 des gens qui ont continué à dire qu'ils étaient dans l'opposition,
15:49 alors que leurs idées étaient au pouvoir.
15:51 Les idées des républicains sont au pouvoir avec Macron,
15:53 les idées des socialistes sont au pouvoir avec Macron,
15:55 ils font tous semblant parce qu'ils sont tous en train de vouloir se partager les postes,
15:59 je veux dire, au détriment du peuple,
16:01 mais globalement Macron il a juste dit "moi je prends ce centre,
16:04 et puis le centre droit, centre gauche, je fabrique le macronisme,
16:08 et puis le macronisme c'est moi".
16:10 Le fameux "E.M. en marche", Emmanuel Macron,
16:12 enfin dès le dépeint il a fait savoir que c'était en gros plébiscitaire,
16:15 vous en avez assez des vieux, vous en avez assez de la vieille politique,
16:18 moi j'arrive, je suis neuf, et il avait des vieilles idées, et ça a marché.
16:21 Mais finalement c'est une capacité assez incroyable.
16:24 Capacité médiatique extraordinaire, bon communicant, des gens qui…
16:27 Vous n'y voyez que de la communication.
16:29 Ah ben j'y vois des…
16:30 D'ailleurs il n'y aura aucune trace dans l'histoire.
16:31 C'est quoi le Michel Onfray, le macronisme, c'est un concept creux ou c'est…
16:35 Non, pas du tout, c'est la philosophie politique de Maastricht.
16:38 C'est-à-dire l'européisme, l'Europe d'abord,
16:41 on a entendu récemment qu'il fallait que l'Europe devienne un État,
16:44 voilà, comme ça les choses sont clairement dites,
16:46 c'est-à-dire il faut être le faux soyeur des États.
16:49 Donc lui son boulot c'est effectivement de dire le moins de France possible,
16:52 et c'est ce que dit Jean-Pierre Chevènement,
16:54 on avait fait la confidence et il l'a dit depuis, dans ses mémoires,
16:57 mais Mitterrand lui avait dit à un moment donné,
16:59 la France n'existe plus, on ne peut plus que passer entre les gouttes.
17:02 Voilà des gens qui nous disent que la France n'existe plus
17:04 et qu'il ne faut plus que passer entre les gouttes.
17:06 Donc il faut fabriquer une Europe dans laquelle la France sera une espèce de province,
17:09 ce sera le Cantal, je ne veux pas être méprisant,
17:11 je veux dire la Normandie, chacun sait que j'adore la Normandie,
17:13 ce serait la Normandie de la France d'une certaine manière
17:16 et on n'a plus besoin de parler de Louis XIV, de Versailles,
17:20 tout ça c'est fatigant, enfin passons à autre chose.
17:22 - Le caricatural ?
17:23 - Pardon ?
17:24 Mais ce qui est caricatural c'est sa pensée à lui,
17:26 ce n'est pas ma pensée à moi.
17:28 - Vous dites finalement qu'Emmanuel Macron est une sorte d'anomalie
17:30 dans la Ve République, lui en même temps, ni de droite ni de gauche,
17:33 mais est-ce que vous diriez qu'il a abîmé la Ve République, qu'il lui a fait du mal ?
17:37 - Oui, oui parce que moi je suis un...
17:40 mon héros c'est le général de Gaulle,
17:42 et la Ve République elle est formidable, c'est un texte formidable,
17:45 à quoi j'ajoute l'élection au suffrage universel direct
17:47 qui s'ajoute au texte de 59,
17:50 mais le général de Gaulle dit "il y a le peuple et il y a le roi"
17:54 et ce n'est pas le roi sans le peuple et le peuple sans le roi,
17:57 c'est ça le problème, là on a un roi sans peuple,
17:59 et éventuellement un peuple...
18:00 - Il a un peuple, mais c'est le peuple peut-être européen,
18:02 mais vous vous dites qu'il n'y a pas de peuple européen.
18:04 - Il n'est pas président de l'Europe, il est président de la France,
18:06 donc il devrait...
18:07 - Mais il se pense en européen, très souvent d'ailleurs dans ses phrases,
18:09 alors peut-être aussi que c'est un peuple de substitution.
18:12 - Mais oui, par le souveraineté européenne par exemple,
18:13 la souveraineté européenne c'est très bien,
18:14 la souveraineté française...
18:15 - Pour vous ça n'existe pas,
18:16 la souveraineté européenne ce n'est pas possible Michel Onfray ?
18:18 - Si, mais si c'est l'Europe qui est souveraine,
18:20 c'est que la France ne l'est pas,
18:21 si la France est souveraine, c'est l'Europe qui ne l'est pas.
18:23 - Pourquoi ce sont des intérêts contradictoires selon vous ?
18:25 - Mais parce que les intérêts d'un pays ne sont pas l'intérêt de,
18:28 je ne sais pas, presque 30 pays, 27, je ne sais plus,
18:30 ce n'est pas exactement la même chose,
18:32 les intérêts de la France ne sont pas forcément les intérêts cumulés
18:34 de la Pologne, je le disais tout à l'heure,
18:36 du Portugal ou de la Roumanie,
18:39 il y a un moment donné où il faut se dire qu'effectivement...
18:41 - Qu'est-ce qu'il faut faire selon vous ? Il faut en sortir ?
18:43 - Non, mais ça c'est aussi un coup de génie des européistes,
18:47 c'est d'avoir laissé croire que c'était leur Europe,
18:49 sinon pas d'Europe.
18:51 Moi je suis contre l'Europe libérale parce qu'elle est libérale,
18:53 mais je suis pour l'Europe,
18:54 et je ne connais que des gens qui sont pour l'Europe,
18:56 tous mes amis souverainistes sont pour l'Europe,
18:58 le général de Gaulle était pour l'Europe,
19:00 simplement c'est une Europe des nations,
19:02 et une Europe des nations c'est ce qui fait qu'on garde son autonomie,
19:05 on garde son temps d'indépendance,
19:06 et puis on passe des contrats, c'est comme avec les mariages,
19:09 vous avez la possibilité de tout...
19:11 - Pas de politique, juste un grand marché où on échange des marchandises,
19:14 comme il y a avec la communauté...
19:16 - Pas du tout, pas du tout, c'est l'Europe maastrichtienne
19:19 qui ne pense qu'aux frics, à l'argent, aux échanges,
19:21 donne-moi trois bananes, je te donne un Kalachnikov,
19:24 ça ce n'est pas la conception de l'Europe,
19:26 c'est justement de se dire que l'Europe c'est un continent,
19:28 c'est un continent judéo-chrétien,
19:30 qui peut passer des contrats, on peut passer des contrats
19:32 avec l'un ou les autres, culturel, artistique,
19:35 même des grands projets, des avions, des fusées,
19:40 la conquête spatiale, l'intelligence artificielle,
19:43 je ne suis pas de ceux, d'ailleurs c'est la critique
19:45 qu'on fait toujours aux souverainistes,
19:46 c'est de dire "ah le petit pays, la France, Rikiki",
19:48 et bien sûr que non, si vous voulez travailler aujourd'hui
19:50 sur l'intelligence artificielle, si vous voulez travailler
19:52 aujourd'hui sur les ordinateurs quantiques,
19:54 si vous voulez travailler aujourd'hui sur une médecine prédictive
19:57 et l'usage par exemple de l'intelligence artificielle
20:00 dans la médecine, ce qui est formidable,
20:02 dans la création de nouveaux médicaments,
20:04 ce qui est formidable aussi, on n'y arrivera pas tout seul.
20:06 Donc bien sûr qu'il faut se dire, on a intérêt à faire ça avec vous,
20:09 faisons-le avec vous, mais sur ce contrat.
20:11 Ça ne veut pas dire que parce qu'on travaille
20:13 à l'intelligence artificielle pour faire des nouveaux médicaments,
20:15 il faudra que nous ayons une politique qui serait commune sur tout.
20:19 On entend et on comprend sur ce domaine-là,
20:21 et si on prend les sujets, j'allais dire, évidemment régaliens
20:23 comme l'immigration, comment on peut vraiment être souverain,
20:26 comment on peut vraiment maîtriser les flux migratoires
20:29 qu'on ne pense pas à l'échelle européenne aujourd'hui, Michel Onfray.
20:32 On a du mal à comprendre aujourd'hui comment on peut maîtriser ces flux
20:37 sans justement céder des pays.
20:40 Prenons l'exemple de l'Italie, comment imaginer aujourd'hui un pacte,
20:44 il y a eu récemment un pacte asile-immigration qui a été décidé,
20:47 sans la collaboration extrêmement proche finalement de nos voisins.
20:51 Mais l'Europe ne veut pas arrêter l'immigration.
20:54 Le discours officiel c'est "il faut réguler, il faut que..."
20:57 Mais dans la réalité ce n'est pas du tout ça, c'est très exactement le contraire.
21:00 C'est l'Europe ou c'est les patrons européens ?
21:03 Quand je parle de l'Europe, je parle de celle-ci,
21:06 de celle qui existe et qui nous fait savoir effectivement,
21:08 il y a quelque temps, c'était formidable,
21:10 le patron du Medef disait "nous avons besoin de travailleurs immigrés".
21:13 3,9 millions d'ici 2050, et à ce sujet d'ailleurs,
21:18 Bruno Le Maire, ministre de l'économie, il y a dit "non, pas du tout".
21:21 Oui, mais ce que je voulais ajouter, c'est que Mélenchon a dit
21:24 exactement la même chose, "nous avons besoin des travailleurs immigrés".
21:26 Quand la France Insoumise dit exactement la même chose que le Medef,
21:29 il y a un moment donné où il faut s'interroger.
21:31 Il y a quand même une question là qui se trouve posée.
21:33 Il n'y a pas de problème démographique avec le vieillissement de la population,
21:36 les pénuries de main-d'oeuvre, on ne trouve plus de gens pour travailler dans tout un tas de métiers.
21:39 Je n'ai pas dit ça d'une part, d'autre part je pense qu'il faut arrêter de penser l'immigration
21:44 comme si c'était un concept platonicien avec un I majuscule en disant "l'immigration".
21:49 On sait très bien, et quand les gens nous disent "bon, fin, Yves Montand, etc."
21:53 "Vous avez bien vu tous ces gens platinis qui ont fait la France."
21:56 Oui, d'accord, mais ce n'est pas exactement la même chose d'avoir une immigration judéo-chrétienne,
22:00 je ne dirais même pas intra-européenne, c'est-à-dire que ça ne pose pas de problème
22:03 si vous avez des Néo-Zélandais, des Américains, des Américains du Sud, des Américains du Nord.
22:07 Ça ne pose pas de problème non plus avec toute une immigration asiatique
22:10 parce qu'ils ont effectivement une conception de l'intégration
22:14 qui n'est pas problématique à l'endroit de la France.
22:16 Ça pose un problème quand on est dans une guerre de civilisations
22:19 avec des gens qui nous font savoir que cette civilisation est détestable
22:22 et qu'ils ne veulent pas s'intégrer.
22:24 - Votre exposition... - L'idée d'accueillir...
22:25 - Alors, tous ne le disent pas, Michel Onfray.
22:26 - Pardon ? - Tous ne le disent pas, évidemment.
22:27 - Qui ?
22:28 - Non, parce que vous dites "on est dans une guerre de civilisations"
22:30 avec des gens qui disent que c'est détestable,
22:32 que la culture, la civilisation qu'incarnerait la France est détestable.
22:36 - Ça dépend de quel sujet.
22:38 Si vous parlez des crèches, par exemple, si vous parlez de la laïcité,
22:42 si vous parlez de l'histoire de France, si vous parlez de Napoléon,
22:46 si vous parlez, etc., etc., vous allez voir que quand il faut vraiment faire le choix,
22:50 eh bien le choix, il est en coffre.
22:52 - Mais pardonnez-moi, est-ce qu'au sein de la civilisation même judéo-crétienne,
22:55 il n'y a pas ceux qui déboulonnent cette histoire française
22:58 et qui n'ont rien à voir avec des gens qui viendraient de l'autre côté de la Méditerranée ?
23:01 Je pense aux wauquistes.
23:02 - Moi, je veux bien qu'on déboulonne.
23:03 - Ils tiennent la main, alors, dans ce cas-là, aux islamistes et qui pensent la même chose ?
23:06 - Ah, mais déboulonnons, il n'y a aucun problème.
23:08 Donc, déboulonnons Colbert, mais déboulonnons aussi Le Pont, Sartre, Simone de Beauvoir,
23:13 des gens qui ont collaboré pendant la Deuxième Guerre mondiale,
23:16 qui travaillaient à Comédiar, à Deauparis, etc.
23:19 Faisons de telle sorte qu'il n'y ait plus aucun lycée à Ragon, plus aucun collège Éloire,
23:23 enfin tous ces gens qui ont fait partie du Parti communiste,
23:26 qui étaient au Parti communiste, qui lui a collaboré pendant deux ans
23:28 en vertu du pacte germano-soviétique.
23:30 Moi, je veux bien, mais à ce moment-là, on le fait pour tout le monde.
23:32 Tous les gens qui ont été à un moment donné staliniens,
23:34 tous les gens qui ont défendu le pacte germano-soviétique,
23:37 tous les gens qui ont défendu Pol Pot, qui ont défendu la Chine,
23:39 qui ont défendu Staline, ça va faire du monde.
23:41 Eh bien, tous ces gens-là, même chose, on interdit.
23:44 – La question c'est, faut-il vraiment, parce que là,
23:46 vous nous dites une immigration qui viendrait, si j'ai bien compris,
23:49 de certaines contrées n'est pas assimilable, mais est-ce qu'il n'y a pas, en France,
23:54 et je vais dire des personnes qui sont là depuis très longtemps,
23:56 qui eux-mêmes déboulonnent ses propres statuts,
23:58 sans avoir besoin d'une immigration qui viendrait encourager cela ?
24:01 – Moi, je pense que le problème n'est pas l'immigration.
24:03 Ce n'est pas la force de l'immigration qui est problématique,
24:07 c'est la faiblesse de la France qui ne veut pas intégrer.
24:09 C'est ça le problème.
24:10 Les gens qui disent, on va vous mépriser,
24:12 si on les laisse nous mépriser, ils nous méprisent.
24:14 – C'était la question, qu'est-ce qu'on propose en fait ?
24:16 – Eh bien, on ne propose rien justement.
24:18 – Et ce qu'il faut faire ?
24:19 – Qu'on ait une vraie politique d'intégration, c'est-à-dire qu'on propose aux gens
24:23 de ne pas tous les accueillir en disant, venez, vous aurez tous les droits,
24:26 mais juste de dire, si vous venez, vous aurez des droits,
24:28 il faut que vous ayez des droits, mais il n'y a pas de droit sans devoir.
24:31 Donc, on va vous aider à vous intégrer, à apprendre la langue,
24:34 les cours sont gratuits, la culture sera gratuite,
24:36 mais la culture, il ne faut pas que ce soit la culture walkiste non plus,
24:39 vous intégrer à un endroit, et dans cet endroit, il y a Karnak, il y a Lascaux,
24:43 il y a Versailles, il y a la tour Eiffel, il y a ce genre de choses,
24:46 il y a Rousseau, il y a Voltaire, il y a Madame Lafayette, etc.
24:49 On va vous aider à aimer la France, si vous aimez la France, vous avez votre place.
24:53 Moi, je n'ai jamais pris en considération la couleur des gens ou leur religion,
24:56 je prends en considération le fait que les gens aiment ou n'aiment pas la France.
24:59 – Vous disiez tout à l'heure…
25:00 – Pour intégrer, il faut que les personnes qui sont sur le territoire français
25:03 veuillent s'intégrer, or ce n'est pas le cas de tout le monde,
25:05 on a vu lors des émeutes, notamment, il y a des personnes,
25:08 notamment dans les banlieues, qui n'aiment pas la France,
25:10 ça a été dit, y compris par le ministre de l'Intérieur,
25:12 qui ne veulent pas s'intégrer.
25:14 Qu'est-ce qu'on fait de ces personnes-là ? Qu'est-ce qu'on leur dit ?
25:16 Parce qu'ils sont français et ils sont là, a priori, pour toute leur vie.
25:19 – Vous avez raison, et je pense exactement comme vous,
25:23 c'est le problème de gens qui ne veulent pas s'intégrer,
25:25 qui ne veulent pas de cette France-là, qui veulent même détruire cette France-là,
25:28 et qui disent que, quand ceux qui disent qu'ils vont planter du blanc,
25:31 on a bien compris qu'ils n'aimaient pas la France.
25:33 Alors d'abord, ce serait bien que tous les musulmans
25:36 qui ne pensent pas comme ça, existent, se fassent voir,
25:39 se fassent entendre, qu'on les aide, qu'on les aime, qu'on les porte,
25:42 qu'on fasse une vraie communauté avec eux, et qu'on dise,
25:44 on va s'enrichir de cette culture.
25:46 – Michel Encre, reconnaissons que pendant des années,
25:48 ceux qui l'ont dit ont été caricaturés, extrêmes droitisés,
25:50 nazifiés, fascisés, alors il est difficile de dire aujourd'hui,
25:53 mais où sont-ils quand depuis des années, ou pendant des années,
25:56 on les a soit laissés au placard, on ne leur a pas tendu le micro,
25:59 ni mis la lumière dessus ?
26:00 – Non, ce n'est même pas ça, c'est-à-dire que quand des gens
26:02 comme Jean-Pierre Chevènement parlaient des sauvageons,
26:04 Jean-Pierre est quelqu'un d'extrêmement cultivé,
26:06 quand il parle des sauvageons, je renvoie aux gens,
26:08 et à leur dictionnaire, allez voir, ça concerne l'horticulture,
26:11 et même si ça signifiait "petit sauvage",
26:13 "sauvageon" ce n'est quand même pas terrible comme insulte,
26:16 je dis, on fait quand même beaucoup mieux.
26:18 Que n'avait-il dit à cette époque-là ?
26:20 Et la gauche a dit "pou-pou-pou, on s'en va",
26:22 moi je reste de gauche républicaine, ma gauche est républicaine,
26:24 ma gauche est prodonienne, ma gauche est girondine,
26:26 elle n'est pas du tout jacobine.
26:28 – Vous devez avoir très mal à votre gauche en ce moment ?
26:30 – Ce n'est pas la gauche pour moi,
26:32 c'est les gens qui veulent qu'on puisse louer des utérus,
26:36 acheter des enfants, faire de telle sorte que des femmes
26:40 en état de mort clinique puissent porter des enfants pour autrui, etc.
26:45 Moi je suis pour le mariage homosexuel,
26:47 je suis pour l'adoption des couples homosexuels,
26:49 la chose étant dite, je ne suis pas du côté de la manif pour tous, etc.
26:53 – Ce n'est pas une personnalité à gauche aujourd'hui en France
26:55 qui vous paraît être à la hauteur des défis qu'on a à relever ?
26:58 – Non. – Il n'y a pas un homme…
27:00 – Non, dans les figures que la gauche nous présente,
27:03 non, sûrement pas Hollande, sûrement pas Cazeneuve,
27:05 sûrement pas je ne sais pas quoi, enfin les autres là.
27:08 Moi ma gauche elle est du côté de Cossette et de Fantine,
27:11 elle est obligée Cossette de vendre ses cheveux et ses dents
27:14 pour pouvoir payer les médicaments de sa fille.
27:16 Aujourd'hui cette gauche-là elle est du côté des Ténardiers,
27:19 ben non, cette gauche-là n'est pas la mienne,
27:21 mais je sais moi qu'il y a une autre gauche,
27:23 de gens qui sont toujours sur les mêmes principes,
27:25 de la République, de la générosité, de l'égalité, de la fraternité,
27:28 du souci des plus simples, des plus modestes, des plus pauvres,
27:31 elle existe encore cette gauche-là, simplement.
27:33 – Mais il n'y a pas de qui l'incarner.
27:34 – Elle n'a pas de figure médiatique.
27:36 – Une courte pause, on va se retrouver,
27:38 vous nous direz aussi à quel idéal, à quel modèle,
27:41 aujourd'hui on peut s'accrocher et finalement,
27:43 il faut faire des Français de désir et comment on les fait,
27:46 ces Français de désir, qu'est-ce qu'il faut leur dire ?
27:48 Une courte pause et on se retrouve avec Michel Onfray.
27:51 La suite du grand rendez-vous Europe 1C News,
27:53 les échos merci de votre fidélité, c'est la fin de l'année 2023,
27:57 une année qui a été marquée par des épisodes, hélas,
28:00 tragiques comme celui de Crépole, Michel Onfray avec la mort de Thomas,
28:03 mais aussi il y a l'attentat de Paris, et lors de ces deux faits,
28:07 il y a eu des fractures politiques extrêmement fortes,
28:09 notamment sur Crépole, où la majorité n'a pas voulu voir tout de suite
28:12 qu'il s'agissait d'un fait de société, avant de reconnaître
28:16 qu'il pouvait y avoir un basculement de la société, selon vous,
28:19 de quoi tout cela est-il le révélateur ?
28:22 De fractures qui sont là depuis très longtemps,
28:26 je pense que quand le think tank qui avait décidé
28:30 qu'il fallait que la gauche renonce au peuple,
28:33 que le peuple était parti chez la famille Le Pen
28:36 et qu'il fallait les laisser, et qu'il fallait finalement
28:38 établir sur un néo-peuple ou un nouveau peuple,
28:41 le peuple effectivement né d'immigrés,
28:44 d'un néo-féminisme agressif, etc.
28:47 Tout ce peuple-là, ces deux peuples-là sont dos à dos,
28:53 ou face à face pour le coup, cette fois-ci.
28:56 Et il y a des visibilités, c'est-à-dire il y a des endroits,
28:58 les fameux territoires perdus de la République,
29:01 où on sait très bien qu'on n'entre plus.
29:03 Quand on est une femme aujourd'hui, et même à Caen où j'habite,
29:05 il y a des femmes qui me disent "moi je ne vais pas au cinéma toute seule,
29:08 après 10h du soir je ne rentre pas, ce n'est pas possible".
29:11 Il y a une espèce d'inquiétude, ce ne sont pas des femmes
29:14 qui sont racistes, sexistes, ce ne sont pas des femmes qui ont peur,
29:17 parce qu'effectivement il y a plein de faits divers en ce sens.
29:20 Donc il y a effectivement au moins deux France.
29:23 Ça n'a rien à voir avec les couleurs de peau et avec les religions,
29:25 mais il y a une France qui aime la France et une France qui ne l'aime pas.
29:28 Et ça au moins, ça permet ce genre de...
29:31 Vous avez dit faits divers, mais moi je pense que c'est un fait historique,
29:36 ce sont dans des moments historiques comme ceux-là que l'histoire se joue.
29:39 Quand on lit aujourd'hui les origines de la France contemporaine de Teyn,
29:43 on voit bien comment il raconte un certain nombre de choses
29:45 qui rendent un jour possible la Révolution française.
29:47 Et je pense qu'un historien qui un jour fera l'histoire de l'effondrement,
29:52 il prendra en considération ce genre d'événement dans lequel on dit
29:55 "des jeunes sont venus prétendument pour s'imbuser,
29:57 draguer des filles, si j'ai entendu Patrick Cohen, avec des couteaux".
30:00 Donc ça participe pour vous à l'effondrement.
30:02 Couteau, vous vous rendez compte ?
30:03 Moi je veux bien qu'il y ait quelqu'un qui ait tiré les cheveux,
30:05 il n'a pas tiré les cheveux, il y a quelqu'un qui a dit ceci,
30:07 il y a quelqu'un qui dit... Mais enfin factuellement,
30:09 parce que là pour le coup c'est version contre version,
30:11 mais factuellement il y a des gens qui portaient des couteaux,
30:13 et des gens qui n'avaient pas de couteaux.
30:15 Il y a une victime, il y a un mort.
30:17 Pour vous c'est un francocide ?
30:19 Oui, je veux bien qu'on utilise le mot, oui.
30:21 Et est-ce que ça signifie, puisque vous employez ce terme de francocide,
30:25 que selon ce que vous venez de nous décrire,
30:27 c'est la preuve que nous vivons déjà face à face et non plus côte à côte ?
30:31 Mais bien sûr.
30:32 Moi je n'ai pas fait partie de ceux qui ont versé des larmes de crocodile
30:36 à la mort de Gérard Colomb.
30:38 Je salue la mémoire de l'homme, entendons-nous bien là-dessus.
30:41 Mais sur la question de la politique,
30:43 parce que les gens oublient la moitié de ce qu'il a dit.
30:45 Alors il y a cette belle formule, elle a été probablement ciselée,
30:48 en fait semblant d'improviser, mais vous avez un cabinet
30:50 qui derrière a produit la bonne phrase pour qu'on s'en souvienne, etc.
30:53 Nous étions côte à côte, attention à ne pas être de face à face.
30:57 Mais il ajoute quelque chose d'extrêmement intéressant,
30:59 il lui dit "Mais enfin, vous avez rendu possible Emmanuel Macron,
31:01 vous êtes un macronien de la première heure,
31:03 et vous avez été ministre de l'Intérieur,
31:05 vous avez fait un pouvoir, que n'avez-vous rien dit ou fait tout de même ?
31:09 Je ne voulais pas faire le jeu du Front National.
31:12 Vous vous rendez compte, un chef de l'État,
31:14 enfin si un chef de l'État aussi, mais je veux dire un ministre de l'Intérieur
31:17 qui dit "Bien sûr que j'aurais pu mener une politique en faveur de la France,
31:21 et des Français les plus simples et les plus modestes,
31:23 mais je ne voulais pas faire le jeu du Front National."
31:25 - Donc ils ont peur ? - Pardon ?
31:26 - Ils ont peur ? - Pardon ?
31:27 - Ils ont peur ? - Ben oui.
31:29 - Mais de quoi justement ? Est-ce qu'ils ont raison de...
31:31 - Des mauvais papiers dans Libération, dans Le Monde, dans l'Obs, à France Inter...
31:34 - Peut-être davantage, peut-être un affrontement sur le terrain
31:37 qui se généraliserait, avec des émeutes à contrôler.
31:40 Est-ce que quelqu'un au pouvoir, on peut comprendre
31:42 qu'il puisse avoir peur de ce genre de situation dans le pays ?
31:45 - Ça veut dire effectivement qu'on peut comprendre dans ces cas-là
31:48 qu'Emmanuel Macron ne se dise pas ce qu'il est bon pour la France,
31:51 que je manifeste avec ceux qui sont contre l'antisémitisme,
31:55 plutôt que de savoir qu'il va demander à quelqu'un
31:58 qui a un casier judiciaire long comme ça, qui est un comique semble-t-il,
32:01 s'il doit y aller ou pas y aller, et on lui dit
32:03 "Non, tu risques de froisser les banlieues."
32:05 Ah, ben si je risque de froisser les banlieues, je n'y vais pas.
32:07 - Justement, comment on fait ? Alors, Michel, vous avez posé ce constat,
32:10 et vous le faites, il faut saluer cette cohérence depuis des années.
32:13 Comment on fait pour donner l'envie d'avoir envie ?
32:16 Pour que tout ne soit pas perdu, pour que le tableau ne soit pas noir.
32:20 Comment on fait, comme dit quelqu'un comme Philippe de Villiers,
32:23 des Français de désir ? Comment on en sienne ?
32:26 Philippe de Villiers dit qu'il faut arrêter de mettre en avant la laïcité du vide.
32:31 Par exemple, de dire laïcité, laïcité, laïcité,
32:33 que ce n'est pas avec ça qu'on peut justement arrimer un peuple.
32:36 Est-ce que vous êtes d'accord ?
32:38 - Oui, oui, parce que je pense que l'histoire de France ne commence pas à la loi 1905,
32:42 et ne commence pas non plus avec 1792, voire 1789, la Révolution française.
32:47 Il y a une France avant tout de même.
32:49 Donc encore faudrait-il que des gens aiment la France, au sommet de la France.
32:54 Si vraiment vous avez un chef d'État qui aime la France,
32:56 et qui aime les Français, et qui aime l'histoire de France,
32:59 et qui le fait voir en permanence,
33:01 ce n'est pas exactement la même chose que s'il y avait un chef d'État
33:03 qui bafoue tous les symboles.
33:05 - Donc vous, par exemple, à la tête de l'État, vous exaltez la France,
33:08 vous parlez des racines, vous prenez en exemple des grandes figures françaises,
33:12 vous pensez qu'il suffit de cela pour qu'on décrète l'amour de la France ?
33:16 - Non, il ne suffit pas du tout.
33:17 - Mais peut-être que ça commence par ça, des signaux aussi.
33:19 - Non, c'est une vraie révolution qu'il faut.
33:22 C'est une révolution à tous les niveaux.
33:24 C'est-à-dire le ministère de la Culture, les subventions, l'éducation nationale.
33:28 Il y a plein d'endroits, le service public, la télévision,
33:31 où effectivement on dit qu'au moins il y aura du contradictoire.
33:36 Je ne veux pas qu'il y ait une télévision d'État,
33:38 qui est un art d'État, encore qui est un art d'État aujourd'hui.
33:40 On sait qui est subventionné et qui ne l'est pas.
33:42 Mais un service public, je suis pour aussi.
33:44 Moi, je suis tricard sur le service public depuis six ans.
33:46 Je ne parle pas seulement de moi, je dis simplement à un moment donné,
33:49 on doit pouvoir entendre tout le monde,
33:51 on doit pouvoir voir tous les artistes, pas seulement ceux qui disent la même chose,
33:54 ou qui exposent la même chose.
33:55 C'est avoir le sens de l'intérêt général et du bien public.
33:57 Et c'est de le montrer, ne serait-ce que dans sa propre vie.
33:59 C'est de faire de telle sorte que quand on choisit un ministre,
34:01 il n'ait pas de déjeuner, des casseroles, le jour même où il est nommé.
34:05 Vous allez vous parler d'un ministre, ministre de l'Éducation nationale,
34:07 qui parle de l'école française et pas forcément de l'école de la République,
34:10 Gabriel Attal, qui a fait interdire la baïa,
34:12 et qui affirme aujourd'hui que des élèves sont soulagés de cela,
34:16 qui appelle à la fermeté, à l'autorité,
34:18 qui à chaque coup de canif dans la laïcité se rend sur place.
34:21 Est-ce que ça fait partie de ces ministres, justement,
34:23 qui peuvent aider à, alors, à aimer la France, c'est un grand mot,
34:25 mais en tout cas à réparer quelques blessures ?
34:27 Écoutez, moi, je n'aime pas beaucoup la classe politique
34:30 qui, la plupart du temps, pense à ses intérêts plutôt qu'aux intérêts de la France.
34:33 Moi, j'ai beaucoup aimé le premier Blanquer,
34:35 qui justement nous disait des choses essentielles,
34:37 du genre on va maintenant, désormais, apprendre à lire, à écrire,
34:39 à compter, à penser, à l'école.
34:41 On va s'occuper non plus des pédagogistes,
34:43 mais des gens qui font des sciences cognitives
34:45 et qui sont capables de nous expliquer les dégâts
34:47 de certaines méthodes de lecture globales, par exemple,
34:50 ou de l'usage de certains écrans sur les cerveaux des enfants.
34:53 Je me suis dit, si, il est formidable.
34:55 – Un peu ce que dit Gabriel Attal, non ?
34:57 – Oui, j'y arrive.
34:58 Et puis, quelques temps après, il s'est dit, finalement,
35:00 ça marche bien pour moi, peut-être que je pourrais être premier ministre,
35:03 si j'étais premier ministrable.
35:04 Et là, c'est devenu un courtisan, c'est devenu une espèce de valet
35:07 d'Emmanuel Macron, puis on a vu tout se défaire.
35:10 Alors, pour répondre à votre question, Attal, c'est pareil.
35:12 Ministère du Verbe, formidable.
35:14 Tout ce qu'il dit, c'est bien.
35:15 Et après ?
35:16 Là, on sent bien que le chef de l'État sortant
35:20 est en train de préparer un peu sa sortie.
35:22 Donc, il faut voir qui peut, qui ne peut pas.
35:24 Il teste, il teste avec Darmanin, il teste avec Attal,
35:26 ça fait partie des tests.
35:28 Mais quand vous êtes à l'autre bout de la chaîne,
35:30 c'est-à-dire que vous êtes l'institut, le professeur des écoles,
35:32 on ne dit plus, mais moi, je préfère instituteur.
35:34 Quand vous êtes l'instituteur, comment ça se passe ?
35:36 Et vous avez les syndicats qui vous disent, on ne bouge pas.
35:38 Vous avez des frondes aujourd'hui.
35:40 Vous avez vu quand la loi a été votée sur l'immigration,
35:43 un certain nombre de présidents de départements qui ont dit,
35:45 non, on ne va pas obéir à la loi.
35:47 Vous avez des gens aujourd'hui qui disent,
35:48 non, non, mais attendez, la grammaire et l'orthographe, c'est genré.
35:51 Moi, le masculin l'emporte sur le féminin, je n'enseigne pas ça.
35:54 Et donc, je suis un résistant.
35:55 Moi, je suis le Jean Moulin de l'orthographe et de la grammaire française.
35:58 Et qu'est-ce qu'on dit à ces gens-là ?
35:59 Rien. Continuez, il n'y a pas de problème.
36:02 Donc, c'est bien quand on est ministre de dire des choses,
36:04 mais qu'est-ce que ça va donner ?
36:06 - Michel Offray, vous dites, si nous avions à la tête de l'État
36:10 un président de la République qui aime la France,
36:12 les choses iraient probablement mieux.
36:13 Mais ces questions liées à l'immigration,
36:15 les problèmes liés à l'intégration, à l'immigration,
36:18 tout ce qui en découle, ça ne date pas d'aujourd'hui.
36:20 Est-ce que ça signifie que les prédécesseurs d'Emmanuel Macron
36:22 n'aimaient pas la France ?
36:23 Quel est, selon vous, le dernier président qui a réellement aimé la France ?
36:27 - Ben, le général de Gaulle.
36:29 - Ça remonte un peu quand même, non ?
36:31 - Ben oui, heureusement.
36:33 Enfin, heureusement, hélas, je préférais qu'il y en ait beaucoup plus.
36:36 Mais on ne sache pas que Mitterrand ait vraiment beaucoup aimé la France.
36:39 Il a aimé le pouvoir.
36:40 - Et pourtant, il avait une culture livresque, là, que vous saluez.
36:43 - C'est pourquoi, oui, pour en parler aussi.
36:46 J'ai eu le catalogue de sa bibliothèque quand elle a été vendue.
36:51 - J'entends, il y a une orientation peut-être de la bibliothèque.
36:53 - Il y en avait, des rebattés, des brésiliens, qui triaient la Rochelle.
36:55 - Enfin, il connaissait quand même...
36:56 - Il était un éditeur d'extrême droite.
36:57 Les deux étendards dont il nous disait que c'était...
36:59 Il y avait dans la vie ceux qui avaient lu les deux étendards de rebatté,
37:02 grands collaborateurs,
37:04 auteurs des "Mémoires d'un fasciste" et des "Décombres".
37:06 Oui, il avait une culture, mais je n'ai pas dit que ça suffirait.
37:10 Ça ne suffirait pas d'avoir un chef d'État...
37:12 Il ne manque pas de culture, Emmanuel Macron aussi, Gabriel Attal également.
37:15 La culture ne suffit pas.
37:17 Ce n'est pas la culture de la distinction qui permet de dire
37:19 "Mais moi, je connais, et parlons-en, ayons une conversation sur Proust".
37:22 Ça ne sert à rien, la culture, si c'est ça.
37:24 La culture, ça sert si ça permet de produire des effets dans le réel.
37:27 Et là, avoir un chef de l'État cultivé, intelligent,
37:31 agrégé de philosophie, connaissant bien l'histoire, etc.,
37:33 ça ne suffirait pas. Entendons-nous bien.
37:35 Je ne suis pas... Je ne pense pas comme Zemmour
37:37 qu'il nous faudrait un homme providentiel qui réglerait le problème
37:40 en disant "Avec moi, tout va bien se passer.
37:42 Je vais décréter l'amour de la France et on aimera désormais la France".
37:45 Je ne pense pas comme ça.
37:47 On va se retrouver dans quelques instants,
37:49 pour savoir ce que vous pensez de l'avenir, de la suite.
37:52 Michel Onfray, si on vous demandait si vous étiez chef de l'État,
37:56 quel vœu vous formuleriez au français ?
38:01 On le voit dans quelques instants, à tout de suite.
38:03 Michel Onfray est l'invité du grand rendez-vous européen
38:06 C-News Les Echos, invité de la dernière saison, en 2023.
38:11 Et justement, Michel Onfray, tous les présidents de la République
38:14 présentent au soir du 31 décembre leur vœu aux Français.
38:17 Est-ce que vous avez en tête des vœux,
38:20 si vous voulez bien vous prêter l'exercice, bien sûr,
38:23 des vœux plus originaux que d'autres ?
38:26 Avant de vous demander vos propres vœux,
38:28 est-ce que vous avez en tête un président,
38:30 vous allez me dire le général de Gaulle, peut-être,
38:33 qui se soit démarqué en particulier sur le ton, sur la forme ou sur le fond ?
38:38 Oui, c'est le dernier vœu de François Mitterrand,
38:42 qui se dit "bon ben voilà, c'est fini, de toute façon,
38:45 je ne serai plus président dans quelques temps,
38:47 je ne serai plus de ce monde dans quelques temps".
38:51 Et alors il se lâche totalement et il nous fait un numéro d'Élisabeth Tessier.
38:55 "Je crois aux forces de l'esprit, là où je serai".
38:58 On ne peut pas parler des forces de l'esprit sans être Élisabeth Tessier ?
39:01 Quand on est comme lui, quand on est dans cette logique-là, non.
39:04 Vous ne croyez pas à la force de l'esprit ?
39:06 Si, je crois aux forces de l'esprit, mais pas dans le sens où je pourrais,
39:09 parce que la suite de sa phrase, c'était "là où je serai, je vous regarderai".
39:12 Je ne crois pas que quand on meurt, on puisse être quelque part,
39:16 je me souviens que c'était Benoît XVI qui, au moment du décès de Jean-Paul II,
39:19 disait "accoudez au balcon de la maison du Seigneur d'où il nous regarde".
39:22 Je n'ai pas cette conception un peu infantile de la survie après la mort,
39:25 l'idée qu'on pourrait continuer à voir et à regarder en disant
39:29 "je suis là-haut, je vous regarde et je vois qui est le personnage qui me suit".
39:34 Y a chez vous une certaine fascination pour François Mitterrand ?
39:36 Pas du tout. Non, parce que je pense que c'est très exactement ce qu'il ne fallait pas faire.
39:39 C'est-à-dire, quand je parlais tout à l'heure des deux corps du roi,
39:42 c'est "j'en ai plus rien à faire de la fonction que j'incarne,
39:45 je suis là en train de vous dire que je vais bientôt mourir,
39:48 et ne craignez rien quand vous n'aurez pas voté pour moi,
39:51 parce que vous ne pourrez pas continuer à voter pour moi,
39:53 je serai toujours votre président et je veillerai sur vous".
39:55 Et pourtant c'est paradoxal, parce que l'une des phrases qui a marqué les Français,
39:58 probablement si nous faisions aujourd'hui une sorte de test auprès des Français,
40:02 y compris les plus jeunes, ce serait cette phrase-là,
40:04 qui a trait aux forces de l'esprit et probablement à l'au-delà.
40:08 Comment vous l'expliquez ?
40:10 Je l'explique par l'effondrement de l'école qui a cessé d'enseigner la raison,
40:14 la discussion, le débat, la science, le positivisme et un certain nombre de choses,
40:19 ce qui fait qu'aujourd'hui on peut croire que 1) les vaccins ne soignent pas,
40:22 mais qu'en plus de ça ils tuent, que 2) la terre est plate,
40:25 que 3) le duo du balcon de la maison du Seigneur,
40:28 on peut regarder les gens qui sont toujours vivants, etc.
40:30 Je pense que moi je reste un homme des lumières.
40:32 Je crois qu'il faut... d'ailleurs je lis des choses...
40:35 Et qui peut être touché par la grâce.
40:36 On se souvient de certains de vos textes justement à l'Abbaye de la Grâce
40:41 où vous étiez quand même porté par quelque chose qui vous dépasse.
40:44 Bien sûr, oui, en l'occurrence la lumière.
40:48 On n'a pas le temps, mais je voudrais bien vous dire...
40:50 C'est intéressant de vous écouter en ce jour, 31 décembre, d'apporter un peu de lumière.
40:53 Il n'y a pas très longtemps, le jour du solstice d'hiver,
40:56 la terre tourne sur elle-même autour du soleil sous forme d'ellipse,
40:59 enfin sur le trajet d'une ellipse, et on a les équinoxes, les solstices,
41:02 donc on sait très bien qu'il y a un moment donné où il y a la nuit la plus courte,
41:05 non la nuit la plus longue et le jour le plus court, le 21 décembre,
41:09 et le lendemain on reprend une minute.
41:12 Pour moi c'est un grand jour, c'est "Sol Invictus" chez les Romains,
41:14 c'est le soleil invaincu.
41:16 Et comme par hasard, quand on a inventé Jésus, il a fallu qu'il naisse là.
41:19 Ça a un sens, c'est évidemment le sens.
41:22 Moi je pense que les hommes se sont toujours agenouillés devant la vie.
41:25 Et la vie c'est la lumière.
41:27 Si vous n'avez pas de lumière, si la lumière se rétrécit,
41:30 les feuilles tombent, la sève descend dans les racines,
41:35 c'est l'hiver, c'est de l'arbre qui donne l'impression d'être mort,
41:37 et puis après ça, quand ça repart, ça revient,
41:40 on a les bourgeons, on a les feuilles, on a les fleurs, ça sent bon, etc.
41:43 Et les hommes préhistoriques ont probablement très vite compris,
41:45 alors évidemment pour les équinoxes et les solstices,
41:47 mais qu'il y avait un cycle, et que ce cycle-là, c'était le cycle de la lumière,
41:50 qui était aussi le cycle de la vie.
41:52 Ce que vous décrivez dans ce livre formidable,
41:54 qui est une sorte de fresque de l'âme,
41:57 "Vie et mort de l'âme", de Lascaux au transhumanisme,
42:00 aux éditions Albain et Michel,
42:02 la transition va être compliquée.
42:04 Est-ce qu'on peut parler de ces choses-là,
42:06 si vous étiez au sommet de l'État,
42:07 que vous deviez présenter vos voeux aux Français ?
42:09 Est-ce que vous parleriez de choses très pragmatiques,
42:12 presque terre à terre,
42:13 mais de sujets qui nous concernent tous, les Français,
42:15 ou est-ce que vous iriez sur des sujets qui élèvent ?
42:18 Non, je vais jouer le jeu.
42:21 Je veux vous demander de regarder la caméra et de le faire.
42:23 Non, oui, je veux dire, je vais jouer le jeu,
42:25 mais d'abord, si j'avais le pouvoir,
42:27 ce serait pour le rendre, très rapidement,
42:29 et de dire que je crois en un certain nombre de choses,
42:32 notamment au référendum,
42:33 et que si nous voulons garder l'âme publique,
42:35 il faut qu'elle cesse d'être jacobine,
42:37 et si on veut une France girondine,
42:40 il faut redonner du pouvoir aux communes,
42:42 aux départements, aux régions,
42:44 et que donc il y a une nouvelle règle du jeu
42:46 qui permet de dire que la démocratie,
42:48 c'est vraiment le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, etc.
42:50 En disant donc, je suis le dépositaire jacobin
42:53 de ce pouvoir que je vous rends,
42:55 et je vais passer,
42:56 alors disons les premiers voeux,
42:58 je vais passer, je sais pas, 5 ans,
43:00 je joue le jeu,
43:01 je vais passer 5 ans à vous rendre le pouvoir,
43:03 et on va refaire tout ça,
43:05 et faire de telle sorte que vous puissiez décider
43:07 par vous-même, sur les questions d'immigration,
43:09 sur les questions d'histoire,
43:12 et bien sûr que j'essaierai d'être digne.
43:15 Je crois qu'il faut être digne,
43:17 et qu'il faut être à la hauteur de la représentation,
43:19 c'est-à-dire qu'on n'est plus soi,
43:21 quand on est chef de l'État,
43:22 je parlais tout à l'heure des deux corps du roi,
43:24 il y a un moment donné où on a des obligations,
43:26 c'est-à-dire que, moi je pense par exemple,
43:27 qu'en 5 ans on prend pas de vacances,
43:28 on prend pas de week-end,
43:29 on prend pas des choses comme ça.
43:30 Un homme s'empêche,
43:31 et un président doit aussi s'empêcher.
43:32 Il y a des choses qu'on ne fait pas,
43:33 c'est-à-dire que vous ne vous faites pas filmer,
43:35 enfin photographier,
43:36 en faisant du jet-ski par exemple,
43:38 vous êtes en vacances,
43:39 non, vous refusez ces photos-là.
43:40 – Vous pensez vraiment que ça,
43:42 ça fait du mal à la fonction ?
43:44 – Oui, je pense qu'il y a plein de choses
43:46 qui font du mal à la fonction,
43:47 il y a des gens qu'on n'invite pas à l'Élysée,
43:49 il y a des gestes qu'on ne fait pas,
43:50 il y a des photos qu'on ne laisse pas faire
43:52 avec des gens qui font des doigts d'honneur,
43:53 ça, ça ne se fait pas.
43:54 C'est d'ailleurs ce qui explique une partie de ma disgrâce,
43:57 d'avoir beaucoup ri de manière très voltairienne,
44:00 c'est-à-dire de manière grinçante,
44:01 sur cette photo qui faisait honte à la fonction,
44:03 qui faisait honte à la France et aux Français,
44:05 ça fait le tour du monde ce genre de photos,
44:07 et il y a un moment donné, on se dit "attention,
44:08 je ne m'appartiens plus, j'appartiens aux Français".
44:10 Donc quoi que vous fassiez,
44:11 vous ne pouvez pas dire en plaisantant comme ça,
44:13 un petit truc,
44:14 vous ne pouvez pas descendre d'une bouteille de bière comme ça,
44:16 en disant "je suis avec des footballeurs,
44:18 je ne sais plus, des rugbymans, je ne sais pas quoi",
44:20 en disant "non, il y a des choses qu'on ne fait plus,
44:21 il faut être digne",
44:22 c'est un honneur,
44:24 vous avez la souveraineté nationale en vous,
44:26 votre corps porte la souveraineté nationale,
44:28 les gens ont voté pour vous,
44:29 et même ceux qui n'ont pas voté pour vous,
44:31 ils ont eu le devoir de penser à eux,
44:32 d'être avec eux, de les accompagner,
44:33 de voir ce qu'ils pouvaient faire avec eux,
44:35 donc il y a de la dignité,
44:36 donc on ne fait pas des vœux du genre
44:38 "ça a été difficile, c'était pas terrible,
44:40 il y a eu, puis on fait une espèce de petit truc,
44:42 mais ça a été difficile,
44:43 mais nous avons pu faire la réforme des retraites,
44:45 nous avons pu faire la réforme des migrations,
44:47 nous avons bien travaillé,
44:48 et puis nous allons faire aussi des choses formidables,
44:51 etc."
44:52 Non, très peu de choses,
44:53 et honorer les choses qu'on aurait annoncées.
44:54 - Justement, pour les vœux de ce soir,
44:56 les Français attendent évidemment un cap,
44:57 parce qu'on a du mal à savoir où on va,
44:59 on a du mal à savoir où le président veut aller
45:00 pour les trois ans et demi qu'il reste de son mandat,
45:02 donc un cap,
45:03 mais est-ce que les Français n'ont pas aussi besoin
45:05 de se sentir aimés ?
45:06 Jacques Chirac avait dit à son époque,
45:08 en s'adressant aux Français,
45:09 "cette France que j'aime autant que je vous aime".
45:11 Est-ce que vous trouvez que ce serait de bon ton,
45:13 ce soir, pour Emmanuel Macron,
45:14 de dire des choses comme ça,
45:15 en s'adressant aux Français ?
45:16 De dire, oui, qu'il aime la France,
45:18 contrairement à ce que vous semblez penser ?
45:19 - Moi je pense que quand Chirac le dit,
45:21 il le pense,
45:22 et les gens savent qu'il dit vrai,
45:23 parce qu'ils l'ont vu,
45:24 ils l'ont vu boire des coups,
45:25 un peu trop parfois,
45:26 ils l'ont vu tâter le cul des vaches, etc.
45:28 Il y avait cette réputation,
45:29 il y passait la journée entière,
45:30 il ne se forçait pas,
45:31 il était là, il les connaissait,
45:32 il y avait la corresse derrière lui,
45:33 il y avait ce genre de choses,
45:34 c'est-à-dire que la télé ne ment pas,
45:37 sur un certain nombre de signes, de gestes, etc.
45:40 Elle voit bien si vous mentez,
45:41 si vous dites des sottises,
45:42 si vous dites "j'aime les Français",
45:43 si Macron dit "j'aime les Français",
45:45 personne ne va le croire une seconde,
45:46 si Chirac dit "j'aime les Français", etc.
45:49 Lui, on va le croire.
45:51 – Il va dire quoi alors, Emmanuel Macron,
45:53 ce soir à la télévision,
45:54 pour embarquer les Français ?
45:56 – Moi, je ne lui demande plus rien.
45:58 – C'est pour vous, c'est terminé ?
46:01 – Ça fait un petit moment que c'est terminé pour moi.
46:03 Il y a quand même un moment donné
46:05 où quand on a perdu tout son crédit,
46:07 la parole est démonétisée, vous savez,
46:09 c'est le berger qui crie "au loup, au loup"
46:11 et puis un jour, il n'y a jamais de loup,
46:13 et puis quand le loup arrive véritablement,
46:15 il se fait tromper.
46:16 – Donc les trois prochaines années
46:17 sont des années perdues,
46:18 on ne se dira rien, la France va perdre trois ans,
46:19 on peut se permettre ça ?
46:20 – Non, mais je pense qu'il va se passer des choses.
46:24 Il n'est pas possible que pendant trois années,
46:26 les gens puissent souffrir autant,
46:28 être autant malheureux, supporter ce qui se passe.
46:30 – C'est-à-dire des révoltes, des manifestations d'ampleur ?
46:33 – Bien sûr.
46:34 – Une cohabitation, une démission ?
46:36 – Une démission sûrement pas, il aime trop le pouvoir.
46:39 Cohabitation, il ne le fera pas,
46:40 il sait très bien que si tout se fait à l'Assemblée nationale
46:42 et qu'il fait un vote, le Rassemblement national
46:44 va faire un succès considérable
46:46 et que ce sera Jordan Bardella comme Premier ministre,
46:48 il ne veut pas laisser ça comme trace dans l'histoire.
46:50 Donc ce n'est pas la France qui l'intéresse,
46:52 c'est juste ça, on ne peut pas me permettre, etc.
46:55 Et c'est un peu ça le problème,
46:57 c'est-à-dire qu'il est au pouvoir, il a trois ans,
46:59 il pourrait aussi dire "j'ai fait une révolution".
47:01 – Vous croyez à la révolution de la rue,
47:02 comme Jean-Luc Mélenchon ?
47:03 – Non, je ne crois pas.
47:04 – Il cherche à provoquer, mais vous croyez à cela ?
47:05 – Mais moi, je ne crois pas à ça, je le déplore.
47:08 Je trouve que c'est toujours dommageable
47:10 de voir des gens qui mettent le feu,
47:11 qui incendient, qui brutalisent,
47:13 mais je crois qu'il y a un moment donné,
47:15 si vous n'écoutez pas les gens, ils vont se manifester.
47:18 On le voit bien, Mélenchon met de l'huile sur le feu en permanence,
47:21 il va faire ça pendant trois ans.
47:23 Lui, il a intérêt à ce que ça explose et à ce que ça brûle,
47:25 parce qu'il arrivera en disant "c'est moi, je suis l'homme providentiel".
47:28 C'est un danger terrible pour la République.
47:30 Alors il y a Marine Le Pen qui dit "j'attends les élections et j'arriverai",
47:33 et lui dit "non, je n'attends pas les élections, je suis trop vieux,
47:35 je crois au pouvoir insurrectionnel", formation de trotskiste,
47:38 "et je veux arriver comme quelqu'un qui…".
47:41 Vous savez, la révolution d'octobre se fait avec une poignée de gens.
47:44 Ce n'est pas du tout ce que Eisenstein nous raconte
47:46 avec des films incroyables qui…
47:48 Octobre 17 ou des choses… pas du tout.
47:50 C'est un coup d'État pendant lequel Lénine est déguisé en femme.
47:52 Je rappelle, c'est des choses qu'on ne dit pas dans l'histoire.
47:54 Et c'est un coup d'État avec 20 personnes qui sont violentes.
47:57 Donc les révolutions se font comme ça.
47:59 Et Mélenchon sait bien que des révolutions, ça se passe comme ça.
48:02 Vous laissez pourrir, et il y a plein de gens qui ont intérêt à laisser pourrir.
48:05 Et je ne souhaite pas ça.
48:07 Moi, je crois à la démocratie, je crois à la République,
48:09 je crois que la politique ne doit pas se faire dans la rue.
48:11 Si on veut qu'elle ne se fasse pas dans la rue,
48:13 il faut qu'elle se fasse là où elle est censée se faire.
48:15 Il y a une Assemblée nationale, il y a un Sénat, ça devrait fonctionner.
48:18 On sollicite les gens, c'est ce que faisait le général de Gaulle,
48:20 j'en parlais tout à l'heure.
48:22 C'est-à-dire on demande au peuple, et le peuple fait ou défait.
48:25 Le peuple dit "je vous confirme ou je ne vous confirme pas".
48:27 Si je ne vous confirme pas, je m'en vais.
48:29 - On a compris que c'est le mot, c'est vraiment le mot, comment dire,
48:33 le conducteur de votre pensée, le peuple, d'ailleurs dans vos voeux.
48:36 C'est "retour au peuple" et "dignité", dignité vis-à-vis du peuple.
48:40 C'est une sorte de devoir que vous imaginez pour le président de la République.
48:43 - Incarner dignement la fonction et faire de telle sorte
48:46 que les gens n'aient pas l'impression qu'on se moque d'eux.
48:49 Redonner une valeur à la parole présidentielle.
48:52 Là, tout le monde s'en moque, on sait très bien que c'est un truc qui veut dire...
48:54 - Il y a quand même des données qui sont...
48:56 Quand on est dans un système de 5e République
48:58 et quand on est aussi bousculé par les réseaux sociaux,
49:01 est-ce qu'on peut le peu, comme le faisaient les présidents auparavant,
49:04 Michel Gonfray, est-ce qu'on n'est pas bousculé,
49:06 ballotté par tout ce qui se passe autour de nous ?
49:09 Une décision chasse l'autre, une actualité en chasse une autre.
49:11 Et c'est la perte du zapping qui pousse à des présidents zapping, malheureusement.
49:14 - Il faut une hygiène personnelle.
49:16 Si vous croyez que je regarde tous les matins ce qu'on raconte sur moi
49:19 sur les réseaux sociaux, ils peuvent toujours courir et raconter ce qu'ils veulent.
49:22 Ça ne m'atteint pas, je ne regarde pas.
49:24 Donc si le matin, vous avez quelqu'un qui vous fait une revue de presse
49:27 en disant "voilà, on a trouvé que vous étiez méchant, pas gentil, etc."
49:30 Bon, alors il ne faut pas faire ça.
49:32 Le chef de l'État, c'est quelqu'un qui sait ce qu'il doit faire,
49:34 qui tient un cap et qui se dit "je ne vais évidemment pas être sur les réseaux sociaux,
49:37 je ne vais évidemment pas sur-réagir, il y a des questions auxquelles je ne répondrai pas."
49:41 - Qu'est-ce qu'on pourrait vous souhaiter, à vous personnellement,
49:43 pour conclure cette émission pour l'année qui vient, Michel Gonfray ?
49:46 Peut-être de nouveaux ouvrages ?
49:48 - Non, des choses très simples.
49:51 Vous savez, dans le temps, avec mes parents, on allait voir les anciens
49:54 et puis on leur souhaitait bonne année, bonne santé.
49:57 Et c'était très simple.
49:58 Et moi, j'ai eu pas mal de problèmes de santé,
50:00 les choses ne sont pas toujours simples de ce côté-là.
50:02 Et je trouve que la santé, c'est très important.
50:04 Alors, ça ne sert à rien de souhaiter une bonne santé.
50:06 Si ça se trouve, j'ai un cancer en phase terminale.
50:08 - On vous souhaite évidemment une bonne santé.
50:10 - Mais si on doit se souhaiter quelque chose,
50:12 pour moi, ce n'est pas du succès, ce n'est pas de je ne sais pas quoi.
50:15 Je peux vous dire, peut-être vers un scoop,
50:18 que l'Université populaire de Chambord aura lieu
50:20 et que j'ai les moyens aujourd'hui de la construire,
50:22 et que ça, c'est un vrai bonheur.
50:24 Je dirais à qui je dois ce bonheur-là dans les temps qui viendront.
50:28 Et je me souhaiterais que cette aventure aille jusqu'au bout,
50:31 mais ce que je me souhaite de manière intime,
50:33 c'est la santé des gens que j'aime, et la mienne aussi.
50:37 - Évidemment, on le souhaite, on le souhaite à tous ceux qui nous regardent et qui nous écoutent.
50:41 Je vais citer vos ouvrages, Michel Onfray,
50:44 les derniers, si je peux dire, "Théorie de Jésus", aux éditions Bouquin.
50:48 Il y a aussi "Le fétiche et la marchandise".
50:51 On en a parlé "Vie et mort de l'âme", de Lascaux au transhumanisme.
50:55 Et puis, il y a, c'est pour ça que je le disais, on vous souhaite aussi les livres,
50:59 on le souhaite aux lecteurs, "Patience dans les ruines".
51:02 - "Patience dans les ruines", oui, c'est une...
51:05 Je suis allé à l'Abbaye de la Grâce, passer trois jours et trois nuits,
51:08 avec des moines formidables, une expérience extraordinaire,
51:11 justement l'expérience de la lumière,
51:13 qui rend possible une expérience de la spiritualité
51:15 quand on est athée et matérialiste, comme moi.
51:17 Et dans la cellule où j'étais,
51:20 il y avait une bibliothèque magnifique dans le couloir,
51:22 pas dans la cellule, il n'y a rien, vraiment,
51:24 il y avait une bibliothèque magnifique,
51:26 et j'ai prélevé des sermons sur la décadence de Saint-Augustin,
51:28 j'ai commencé à les lire ces trois jours,
51:30 et puis je n'ai pas tout lu, mais quand je suis rentré chez moi,
51:32 j'ai acheté le livret, et j'ai tout lu plume à la main,
51:35 et c'est une méditation sur la question de la décadence
51:38 et de la fin des civilisations, l'avènement d'autres civilisations,
51:41 et la période de tuilage dans laquelle nous nous trouvons,
51:43 c'est-à-dire qu'Augustin assiste à la fin de l'Empire romain,
51:46 mais en même temps il assiste au début de l'Empire chrétien,
51:48 mais il ne le sait pas, et il ne sait pas
51:50 qui sera le grand homme de l'Empire chrétien.
51:52 Notre civilisation judéo-chrétienne, c'est une civilisation augustinienne,
51:55 donc c'est une réflexion sur ça,
51:57 ça s'appelle "Saint-Augustin, urbi et orbi", en fait.
51:59 Voilà le programme de lecture pour l'année qui vient,
52:01 merci d'avoir été notre invité,
52:03 Michel Onfray, plein de bonnes choses,
52:05 je remercie évidemment mes camarades, Stéphane Dupont et Yoann Usahi,
52:08 merci encore, plein de bonnes choses à vous,
52:10 et en cette période de fête, on pense aussi évidemment
52:12 à ceux qui sont seuls, à ceux qui traversent des périodes difficiles,
52:15 donc voilà, beaucoup de pensées affectueuses, et à très bientôt.