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Isabelle Rome, ex-ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes, première présidente de chambre à la cour d’appel de Versailles, était mercredi 3 janvier la Grande témoin de la matinale de franceinfo.

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Transcription
00:00 Elle a retrouvé son rôle de magistrate après son départ du gouvernement l'été dernier,
00:04 ministre déléguée à l'égalité hommes-femmes pendant un peu plus d'un an.
00:07 Isabelle Rohm est notre grand témoin ce matin alors que le ministre de la Justice a livré
00:12 hier le bilan des féminicides recensés en France l'an dernier.
00:16 Bilan à la baisse.
00:17 Bonjour Isabelle Rohm.
00:18 Bonjour.
00:19 94 femmes tuées l'an dernier par leur conjoint ou leur ancien compagnon.
00:24 C'était 118 en 2022, ce qui représente une baisse d'environ 20%.
00:28 C'est très loin d'être satisfaisant, dit Éric Dupond-Moretti.
00:31 Est-ce que c'est aussi votre avis ?
00:33 Oui, il faut penser tout d'abord à toutes ces femmes qui ont perdu la vie sous les
00:39 coups de leur conjoint et bien sûr à toute leur famille.
00:42 C'est néanmoins un signe d'encouragement pour toutes ces politiques volontaristes qui
00:50 ont été mises en œuvre sous l'impulsion du président de la République et notamment
00:55 depuis le Grenelle des violences conjugales en 2019.
00:58 Je rappelle qu'en 2019, c'est-à-dire avant le Grenelle des violences conjugales,
01:03 on avait 146 femmes qui avaient été tuées.
01:06 Donc vous voyez quand même 2019, 146, 2023, 94, bien sûr que c'est toujours trop, mais
01:14 c'est un encouragement grâce à toutes ces actions qui ont pu être menées.
01:19 Et même si les chiffres sont à consolider, qu'il y a quelques divergences d'ailleurs
01:23 avec des collectifs féministes qui font aussi leur recensement, ce début d'année, Isabelle
01:29 Rome marque la généralisation notamment des pôles dédiés aux violences intrafamiliales
01:34 dans tous les tribunaux.
01:35 Vous aviez lancé ce dispositif, plaidé pour la formation non seulement des policiers mais
01:40 aussi des magistrats de tous les acteurs de la justice.
01:43 Pourquoi c'est important ?
01:44 Alors moi je suis vraiment très heureuse qu'au 1er janvier, tous les tribunaux et
01:50 toutes les cours d'appel, 164 tribunaux, 36 cours d'appel, soient en ordre de marche
01:56 avec des pôles spécialisés.
01:57 Le décret qui les organise a été publié le 23 novembre sous l'initiative du garde
02:04 des Sceaux.
02:05 Et puis c'est vrai que je suis très heureuse parce que ça fait plusieurs années que je
02:09 souhaite avoir cette justice spécialisée, les parlementaires Dominique Vérien et Mélise
02:15 Chandeler.
02:16 Ça veut dire formés, ça veut dire des moyens humains, ça veut dire du temps aussi ?
02:19 Alors elles ont rendu ce rapport très précis.
02:23 Il y a deux piliers, si vous voulez, pour bien comprendre ce qu'on peut appeler la
02:26 justice spécialisée.
02:27 C'est bien sûr une exigence de formation, il faut que les magistrats soient formés,
02:32 comme les policiers d'ailleurs et les gendarmes, pour ne pas passer à côté des situations
02:38 de danger.
02:39 Et le deuxième pilier c'est la cohérence, d'où l'intérêt de ces pôles.
02:43 Parce qu'il faut une action coordonnée, un très bon partage d'informations.
02:49 Vous voyez par exemple, il ne faut pas qu'un juge aux affaires familiales ignore qu'une
02:54 procédure pénale pour blessure, pour violence volontaire est en cours.
03:00 À l'inverse, un juge pénal doit savoir qu'une affaire familiale est en cours.
03:04 La cohérence...
03:05 Vous dites ne plus passer à côté.
03:06 C'était quoi passer à côté jusqu'ici ?
03:08 Passer à côté, cela signifie qu'on n'est pas capable d'identifier une situation de
03:14 danger dans laquelle peut se trouver une victime.
03:16 Et c'est vrai qu'avec le Grenelle, il y a eu un apport très important, grâce aussi
03:22 aux sciences humaines, qui a permis de décoder un certain nombre de mécanismes, comme par
03:27 exemple ce mécanisme d'emprise, par lequel un conjoint violent va dominer sa conjointe,
03:33 mais aussi la menacer, la harceler.
03:35 Ce qui peut aussi provoquer non seulement des féminicides, mais aussi des suicides.
03:40 Puisque le Grenelle, ça a été aussi l'occasion de pénaliser ce qu'on appelle ce suicide
03:46 forcé.
03:47 Et ça, ça ne rentre pas dans les statistiques.
03:48 Aujourd'hui, c'est une réalité aussi.
03:50 Le suicide aujourd'hui n'est pas comptabilisé dans ces meurtres, puisque ce n'est pas un
03:58 meurtre.
03:59 Ce qu'on appelle le suicide forcé, c'est en quelque sorte la conséquence d'un harcèlement
04:05 moral au sein du couple qui va rendre la vie tellement impossible que la victime va se
04:10 suicider.
04:11 Il est important que tous les professionnels, tous les intervenants aient bien conscience
04:16 de ce qu'est une situation de danger.
04:18 Et puis, il y a toutes ces mesures comme le téléphone grave danger, comme le numéro
04:22 d'urgence 3919, comme les plaintes que l'on peut déposer progressivement à l'hôpital.
04:28 Est-ce que ça avance très concrètement ou est-ce que c'est encore timide parce que
04:33 ça n'est pas développé partout ?
04:34 Non, je pense qu'on a une avancée quand même assez extraordinaire.
04:39 Par exemple, le téléphone grave danger, en 2019, on en avait 300, aujourd'hui on en
04:43 a 4000.
04:44 On a aussi la mise en place du bracelet anti-rapprochement, à peu près 1000 qui sont disponibles.
04:50 Comme vous l'avez rappelé, le dépôt de plaintes à l'hôpital, c'est extrêmement
04:54 important parce que quand une victime commence à parler, il ne faut pas la lâcher.
04:58 Parfois, elle va faire constater ses blessures, mais elle avait tendance à repartir après.
05:05 Donc là, il faut la garder.
05:06 Et puis aussi, bien sûr, la présence des intervenants sociaux, des travailleurs sociaux
05:11 dans les commissariats, dans les gendarmeries.
05:13 Le 3919, numéro d'appel gratuit, ouvert 24h/24, 7j/7.
05:19 Et puis bien sûr, je dois leur rendre hommage aussi à tout ce travail quotidien fait par
05:24 les associations.
05:25 Inciter à porter plainte, c'est le message depuis plusieurs années.
05:28 Mais vous connaissez les statistiques comme magistrate Isabelle Rohm.
05:31 Vous savez à quel point il reste difficile dans les cas de viols, d'agressions sexuelles,
05:35 de rassembler les éléments, de caractériser les faits.
05:39 Comment ne pas décourager des femmes, vu la difficulté de porter plainte, vu la difficulté
05:44 du parcours, avec l'absence de garantie aujourd'hui d'aboutir à une condamnation ?
05:49 Oui, alors s'agissant des violences sexuelles, je pense que nous avons encore à progresser,
05:56 même si, je le rappelle là aussi, des efforts massifs ont été faits en matière de formation,
06:02 notamment des policiers et des gendarmes.
06:03 Avec par exemple des grilles d'évaluation du danger, qui sont intégrées dans leur
06:09 logiciel de dépôt de plainte.
06:11 Ces travailleurs sociaux dans les commissariats, les gendarmeries.
06:14 Donc moi ce que j'ai quand même envie de dire, c'est qu'une victime aujourd'hui,
06:18 ne doit pas avoir peur d'aller frapper à la porte d'un commissariat, d'une gendarmerie,
06:23 et qu'elle sera bien accueillie.
06:26 Que toutes les consignes aussi, qu'il s'agisse du ministre de l'Intérieur, du ministre
06:31 de la Justice, vont dans le même sens.
06:33 La parole du président est-elle à la hauteur aujourd'hui sur les questions des violences
06:38 faites aux femmes ? Vous avez évidemment vu les réactions à ses propos sur Gérard
06:42 Depardieu.
06:43 Voyez-moi ce que je trouve le plus important, ce sont quand même les actes, puisque c'est
06:49 sous l'impulsion de ce président qu'a été menée toute cette politique volontariste,
06:53 notamment ce Grenelle.
06:54 Ça vous le sent dans le décalage ?
06:56 Ce qui fait qu'aujourd'hui on a ce signe tout de même encourageant, puisque nous avons
07:03 une certaine baisse des féminicides.
07:08 Vous n'êtes pas tombée de votre chaise ?
07:10 Je pense qu'en tant que chef de l'État, il a rappelé la présomption d'innocence.
07:13 Et il a pointé la fierté de la France d'avoir Gérard Depardieu.
07:17 Je n'ai pas d'autres commentaires à faire.
07:20 Isabelle Romme, ancienne ministre à l'égalité entre les hommes et les femmes, merci d'avoir
07:25 qui ont été le grand témoin de France Info ce matin.

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