• il y a 11 mois
En ce mois de mobilisation pour la santé masculine, nous avons interviewé @raphpoulain pour notre série de vidéos « Tu n’es pas seul·e ». Raphaël Poulain, ex-joueur professionnel de rugby au XV de France et au @stade_français_paris, s’engage désormais en faveur de la santé mentale avec @movember France. Il est aujourd’hui conférencier dans le domaine du sport et de l’entreprise ainsi que consultant pour @eurosportfr avec son podcast « Poulain raffûte ». Il s’apprête également à jouer au théâtre avec son seul en scène « Quand j’etais Superman 2 » afin de continuer à partager son parcours après la sortie de son livre « Quand j’étais Superman » sortie en 2011 aux éditions @robert_laffont.

Movember agit pour une meilleure prise en compte de ces enjeux et appuie sur les leviers de prévention efficaces : plus que la parole des experts, c’est la solidarité entre les mo-bros et les mo-sistas qui peut aider à faire bouger les lignes.

Si vous avez besoin d’aide, nous vous conseillons de contacter le @3114_appel.

Direction : @musaetomorrow
Journaliste : @christelle_tissot
Production et montage vidéo : @musaetomorrow et @pauline.lcmt
DA by : @musaetomorrow et @_siobhankeane_
Motion design : @adrienlopes

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Transcription
00:00 Ma vulnérabilité, je pense qu'elle est dans mon discours, dans mes sourires, dans mes larmes parfois.
00:04 Je ne maîtrise pas tout et c'est très bien comme ça.
00:06 Je suis aujourd'hui papa de deux petits gars, Léo et Eliott, qui ont 4 et 7 ans.
00:16 J'ai 43 ans. Je suis paxé avec Julie.
00:19 J'ai été rugbyman professionnel pendant 6 ans.
00:21 J'ai eu la chance de gagner 3 boucliers de Brenus, 2 finales de Coupe d'Europe.
00:25 J'ai fait 5 fois les calendriers.
00:27 Ça, c'est pour le paraître, mais j'ai vécu une aventure à la fois extraordinaire comme Icar.
00:33 En fait, je me suis approché très près du soleil et je me suis tellement brûlé
00:36 que je suis tombé au fond de la gamelle, au fond du sac, au fond du seau.
00:39 En 2013, j'ai fait un énorme burn-out. J'ai fini à l'HP. J'en suis sorti.
00:42 Et voilà, donc la réponse à qui suis-je ?
00:45 Je suis. C'est déjà pas mal.
00:46 Avant 2008, il était néant parce que j'étais complètement en conquête du monde extérieur
00:57 et plus en représentation qu'en introspection.
00:59 Et j'ai rencontré Richard Escoe, un journaliste et philosophe
01:03 qui m'a fait découvrir la philosophie en décembre 2007.
01:06 Et de là, j'ai ouvert la boîte de Pandore, donc j'ai ouvert la conscience.
01:08 Et j'ai commencé à me pencher un peu sur le rôle que j'avais joué pendant toutes ces années
01:13 et dans le rugby et dans ma vie de fils, de frère,
01:17 pas encore de père à ce moment-là, mais de mec en fait, avec les nanas
01:21 et tout ce que j'ai pu représenter.
01:22 Et ça a duré 5 ans, donc je m'étais formé une carapace physique de mec super gaillard pendant 27 ans.
01:28 Je me suis formé une carapace de mec super intelligent en apparence.
01:32 Pendant 5 ans, je pouvais citer Zaratustra, Nietzsche, voilà.
01:35 Et puis pas mal de sujets sur la psychologie.
01:38 Et puis en 2013, ma femme est arrivée avec une petite aiguille, elle m'a dit
01:41 « t'es devenu un gros con, c'est fini ». Et j'étais devenu dogmatique.
01:44 Donc j'ai fait ce burn-out et après, j'ai commencé vraiment à me pencher sur la santé mentale,
01:48 mais vraiment de l'intégrer.
01:49 Donc je dirais que le déclic, ça a été 2007 et aujourd'hui, c'est totalement assumé.
01:53 Parce que ça reste un sujet tabou dans le rugby, comme je l'ai dit.
02:00 On est des bonhommes, on est grands, on est forts, on est invulnérables.
02:03 Et on n'est pas malade dans le rugby.
02:05 Dès qu'on parle de santé mentale, on parle de psychologie, on n'est pas malade.
02:09 Donc il y a une forme de toute-puissance en fait, où ça évite justement de se remettre en question.
02:13 Tout ce qui est invulnérabilité, tout ce qui est, je le répète,
02:17 des couilles, du cœur, des muscles, je pense qu'on en a vite fait le tour.
02:20 Et que je fais partie d'une génération aujourd'hui qui se doit de se poser des questions,
02:23 non pas sur sa masculinité, mais sur son mascule insacré, sur sa vulnérabilité,
02:28 sur son droit à l'échec, sur tout ce qu'on a à balancer de clichés de merde depuis tout petit,
02:32 à être le plus grand, le plus fort, à écraser l'autre.
02:35 On parle beaucoup de santé physique, on ne parle pas de santé psychologique et mentale.
02:42 Ma mère est tombée malade en 2006, et donc elle s'est très rapidement penchée sur d'autres méthodes de soins
02:48 que la chimio et en tout cas la médecine traditionnelle.
02:52 Donc elle a commencé à se pencher sur la psychologie, sur la philosophie.
02:54 Donc on a commencé à se pencher aussi sur qui on était au milieu de cette famille,
02:58 et puis qui on était en tant que fille d'eux, en tant que mère d'eux.
03:01 Et puis on avait vécu aussi des traumatismes que nos parents ont vécus.
03:06 Et on avait peut-être envie de casser un cycle.
03:10 Je pense que, mesdames, vous avez plus de facilité à en parler,
03:15 et puis je pense aussi à lâcher des émotions.
03:18 L'homme, en tout cas pour ma part, je vais parler de manière subjective,
03:21 depuis tout petit je me suis coupé de mes émotions aussi.
03:23 Et puis en revanche j'en ai eu ras-le-bol.
03:25 Donc en fait on dit que les émotions sont féminines, non ?
03:27 Elles sont aussi masculines, que la psychologie c'est féminin, mais c'est tout aussi masculin.
03:30 Voilà, vous avez vécu dans des clichés de féminité,
03:34 on a vécu dans des clichés de masculinité, et celui-ci en fait partie.
03:37 J'ai appris qu'il y avait un suicide par minute, c'est un homme qui se suicide dans le monde.
03:40 75% des suicides dans le monde sont des hommes.
03:43 Donc il y a un véritable mal-être. Mais on n'en parle pas.
03:45 Je n'ai pas voulu d'aide, pourtant aujourd'hui je le prône,
03:51 vraiment d'être accompagné, d'être aidé par des psychologues, des psychiatres, par des coachs.
03:54 J'ai fait une grosse introspection, où là j'ai déstructuré un peu mon monde,
03:57 le monde dans lequel j'avais vécu pendant 5 ans,
03:59 et je suis entré en dépression en 2013.
04:01 Mais j'avais eu des états dépressifs aussi avant.
04:03 Comment on s'est perçu ? Déjà quand l'enfer est partagé, c'est souvent l'autre qui trinque.
04:07 C'est hyper dur, c'est hyper dur, parce que l'autre est complètement démuni,
04:10 et qu'aujourd'hui il y a des gens compétents, mais comme on ne l'aimait pas en lumière,
04:13 on a l'impression qu'il faut qu'on se démerde par nous-mêmes.
04:15 Donc ma mère a été malade, mais elle était au soutien.
04:20 Mon père un peu démuni aussi, mes soeurs au soutien, et puis des amis.
04:24 Quand tu es au fond de la gamelle, c'est là où tes amis se révèlent.
04:27 J'ai eu la chance d'en avoir sur cette main-là, sur cette main-là, et sur les doigts de pied.
04:30 J'ai beaucoup d'amis qui ont été au soutien,
04:33 et puis à un moment qui ont eu l'intelligence de me laisser tomber.
04:37 C'est-à-dire de me dire « on est là, on est aux côtés de toi, mais il faut que tu ailles au bout ».
04:41 Dans le côté mythologique, c'est le mec qui est dans la forêt épaisse et sombre,
04:45 et qui se bat avec une épée en mousse, face à ses propres peurs.
04:48 Je l'ai vécu, parce que cette solitude était vitale.
04:51 Mais j'ai toujours été plutôt bien entouré,
04:54 ce qui permet d'avoir ce discours-là aujourd'hui, et puis d'être vivant.
04:57 Parce que j'en ai certains qui sont partis, et ça fait chier.
05:01 Je trouve que ce qui se passe en société aujourd'hui m'inspire beaucoup,
05:08 parce qu'il y a une nouvelle génération aussi qui a envie d'y toucher, à cette vulnérabilité.
05:11 Donc je ne suis pas là avec mes carcans d'invulnérabilité en vieux con à dire « c'était mieux de mon temps ».
05:16 Mais ça me déstabilise, parce que moi j'ai ma cape de super-héros depuis tout petit,
05:20 parce que je porte papa, parce que je porte maman, parce que je suis Redmi Mah, parce que je suis des calendriers.
05:24 Puis à un moment il faut couper le cordon, puis à un moment il faut sortir de la toute-puissance pour devenir adulte.
05:28 Donc ça veut dire lâcher la cape de super-héros.
05:30 Donc ça veut dire accepter d'être vulnérable, accepter de s'être comporté comme un connard,
05:33 accepter d'avoir été manipulé, accepter de pardonner, et surtout de se pardonner soi-même.
05:37 Mais qui nous apprend ça ?
05:38 C'est hyper difficile de demander pardon, de dire pardon, et puis de pleurer.
05:42 C'est une force en fait, la vulnérabilité est une force, la santé mentale est une force.
05:46 Mais pour ça il faut aussi voir la part sombre de l'histoire, en soi, et puis de ce que l'on vit au quotidien.
05:51 Je pense que ça se voit déjà avec cette interview.
05:54 Je le fais au quotidien au théâtre, je le fais au quotidien dans mes interventions,
05:58 je le fais au quotidien avec ma femme et mes enfants.
06:01 Donc on commence à toucher un peu au bonheur, simple d'être ensemble, parce que ça a été très dur.
06:06 Et c'est assez agréable et déstabilisant.
06:08 Et donc ce burnout a été salvateur, parce qu'aujourd'hui je suis équilibré entre ce que je suis au quotidien avec ma femme,
06:12 mes gosses, et même seul avec moi-même.
06:14 Et je suis un peu plus libre, je suis plus libre de faire des choses,
06:17 je suis équilibré entre ce que je suis au quotidien avec ma femme, mes gosses, et même seul avec moi-même.
06:21 Et sur scène, et face à vous, et dans une heure, et dans deux heures.
06:25 Donc c'est comme ça que je l'exprime ma vulnérabilité.
06:28 C'est que je n'arrive pas avec des trucs en disant "vous savez comment j'ai gagné des boucliers de Brelus ?
06:31 J'ai plaqué 30 mecs sur un terrain, ça c'est le côté héroïque de l'histoire, qui est aussi magnifique !
06:36 Mais j'aime bien raconter l'envers du décor en fait.
06:38 Et je me permets d'être moi-même en fait aujourd'hui, parce que je n'ai plus peur du regard des autres.
06:42 Parce que je me connais je pense.
06:44 Donc ma vulnérabilité, je pense qu'elle est dans mon discours, dans mes sourires, dans mes larmes parfois.
06:48 Et voilà, je ne maîtrise pas tout et c'est très bien comme ça.
06:51 En témoignant, et puis en respirant, et puis en regardant mes gosses,
07:02 et puis en voyant aussi évoluer ma femme, et en me levant le matin,
07:06 en m'obligeant à me dire que ça va être une belle journée.
07:09 Mais le bonheur, ça appelle à la responsabilité.
07:12 Donc je m'oblige à me sentir bien avec moi-même.
07:16 Et il y a des moments où j'ai des coups de blouse, des moments où j'ai des coups de gueule.
07:19 Et voilà, ça fait partie de la vie. Mais ça ne dure plus que 48 heures.
07:22 Maintenant ça dure 48 minutes, et un jour ça durera 48 secondes.
07:25 La religion, je l'ai mis de côté parce que j'ai eu un sale coup étant enfant.
07:34 Ça aurait pu être un modèle, parce que j'ai une éducation judéo-chrétienne.
07:37 J'ai été dans une école, et un collège, et un lycée catholique.
07:40 Sauf qu'il y avait un sale type dans le village qui traînait.
07:46 Ça a été l'éducation que m'ont donné mes parents.
07:49 Même si elle n'a pas été toute rose.
07:52 Mais j'ai eu des modèles aussi dans le rugby, qui étaient un peu des fous aussi.
07:56 Je pense à Christophe Dominici, qui était un mec profondément humain.
07:59 Et puis après, il y a des livres qui m'ont inspiré, écartolé.
08:03 Joseph Campbell, Nietzsche, Zaratustra.
08:07 J'aimerais tous vous les citer, ces auteurs et ces autrices.
08:10 C'est des rencontres.
08:14 Des rencontres avec des livres, des rencontres avec des gens.
08:17 C'est des mecs comme Pierre Rabadon, c'est des mecs comme Luc Closier,
08:20 que vous ne connaissez pas, mais qui est orthodontiste à Rodez,
08:23 et qui est mon meilleur ami depuis que j'ai 7 ans.
08:25 Et puis c'est des femmes.
08:26 C'est Mme Van Arselaar qui m'a fait découvrir le théâtre en 1994.
08:29 On se construit avec les autres.
08:30 Sortir du Covid, ce qui nous a manqué, c'est l'humain.
08:32 Les gens m'ont manqué.
08:34 Donc je me construis avec les gens autour de moi.
08:37 J'écoute les témoignages des vieux de 60, 70 piges, ça m'interpelle.
08:41 Avant 2013, mon burn-out, je me prenais pour Jésus.
08:43 Maintenant, je suis juste Raphaël Poulain et je me sens bien.
08:45 Accepter la vulnérabilité, je sais que ce n'est pas évident.
08:51 Accepter d'avoir joué beaucoup de rôles pour vos femmes, pour vos mères,
08:55 ou pour vos mecs.
08:56 Accepter d'appuyer sur pause et de dire "j'ai besoin d'aide".
08:59 Là, j'ai besoin d'aide.
09:00 Ce n'est pas à ma femme de prendre, ce n'est pas à mes gosses de prendre,
09:02 ce n'est pas à mon mec de prendre, ce n'est pas à mes parents de prendre.
09:04 D'aller voir quelqu'un.
09:05 Il y a des gens compétents aujourd'hui qui ouvrent les portes
09:08 et qui sont là pour vous aider.
09:09 Imaginez, à votre naissance, vous êtes une mouche,
09:11 vous rentrez dans un bocal, vous prenez des parois invisibles,
09:14 et hommes et femmes, c'est tous les rôles qu'on vous a mis sur le coin de la gueule.
09:17 D'être une bonne mère, d'être une bonne femme, d'être un bon père, d'être un bon mari,
09:19 d'être un bon mec, le meilleur bosseur, le meilleur baiser.
09:21 Il y a tout ça au milieu.
09:22 Tu joues tous ces rôles et puis à un moment, tu tombes au fond de la gamelle.
09:25 Et tu te dis, putain, il m'est arrivé tout ça.
09:28 Lève un peu plus la tête et tu verras, il y a un cercle.
09:30 C'est là par où tu es rentré.
09:32 Ce cercle, c'est la confiance en soi, c'est se connaître,
09:34 c'est s'accepter vulnérable et accepter d'être en devenir.
09:38 Et c'est ça qui est génial.
09:39 Donc, sortir du bocal, c'est accepter sa vulnérabilité,
09:42 accepter d'aller voir quelqu'un, accepter d'être aidé.
09:45 Parce que quand vous irez bien, vous pourrez venir en aide justement
09:47 à ceux qui ne vont pas bien.
09:48 Mais c'est une phase à traverser et qui est vitale.
09:51 [Musique]

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