Dominique Schelcher, PDG de Système U, est l'invité du Grand Entretien de Simon Le Baron. Avec lui, on s'intéresse à l'évolution des prix dans les mois qui viennent, alors que 2024 s'ouvre toujours en pleine crise inflationniste. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mercredi-03-janvier-2024-1794070
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Nous avons parlé des grands enjeux internationaux lundi, de la crise de l'immobilier hier.
00:05 Continuons de nous projeter dans le grand entretien de la matinale en nous demandant
00:09 ce matin comment vont évoluer les prix dans les supermarchés.
00:12 Le PDG du groupe System U, quatrième groupe de grande distribution française et l'invité d'Inter.
00:18 Bonjour Dominique Schellcher.
00:19 Bonjour.
00:20 Posez-lui vos questions, amis auditeurs, sur l'inflation, sur la consommation.
00:24 01 45 24 7000, application France Inter et France Inter.fr.
00:28 D'abord, Dominique Schellcher, comment se sont passées les fêtes ?
00:31 Est-ce que les Français ont fait plus attention ? Est-ce qu'ils ont moins consommé ?
00:35 Les fêtes se sont bien passées mais les Français ont cherché à se payer un Noël moins cher, je dirais.
00:42 L'inflation pèse lourdement sur le comportement des Français.
00:46 Pour moi, rarement ils auront autant arbitré sur leurs dépenses alimentaires.
00:51 C'est ça moi ce que je retiens de cette période de fêtes.
00:54 Ils ont donc fait des choix dont on a plein plein plein d'illustrations.
00:57 Je vous donne un exemple.
00:58 Par exemple, à la marée, ils ont acheté moins de fruits de mer pour plus de crevettes.
01:04 A la boucherie, ils ont acheté de la volaille, c'est vrai, ça s'est bien vendu.
01:08 Mais beaucoup, par exemple, de cuisses de canard.
01:10 C'est parfois un peu moins cher.
01:12 Et dans le champagne qui a tellement augmenté.
01:15 Le champagne a augmenté de 19%.
01:17 Et bien les ventes ont baissé de 20%.
01:19 Nos confrères de France Bleu ont fait un panier de Noël.
01:22 Ils avaient déjà fait l'année dernière d'Inde, foie gras, bûche, marrons, chocolat.
01:27 144 euros en moyenne cette année, 22 euros de plus que l'an dernier.
01:30 Mais complètement.
01:31 Et donc, c'est par rapport à cette évolution-là, qui encore une fois pèse sur beaucoup de Français,
01:37 que ces consommateurs ont fait des choix, ont arbitré un peu à la baisse.
01:42 C'est aussi le boom de la marque distributeur qu'un excellent rapport qualité-prix.
01:46 Par exemple, le saumon fumé.
01:48 Jamais on n'a vendu autant de saumon fumé, non pas de marque,
01:51 mais de marque eue chez nous ou de produits premier prix.
01:54 Vous passez toujours deux jours par semaine dans votre magasin,
01:59 celui que tenaient vos parents à Fessenheim en Alsace.
02:01 Mais bien sûr.
02:02 Vous avez passé une semaine là, pendant les vacances ?
02:04 Je suis resté toute la semaine de Noël, effectivement, au contact de mes clients.
02:09 Et qu'est-ce qu'ils vous ont dit ?
02:10 Et bien, qu'est-ce qu'ils m'ont dit ?
02:11 C'était très intéressant.
02:12 Forcément, comme ils me voient ou qu'ils m'entendent, par exemple sur France Inter,
02:16 ils m'arrêtent dans le magasin et ils me passent des messages.
02:19 Par exemple, j'ai ressenti que c'était quand même très difficile en ce moment,
02:23 toujours, pour les retraités.
02:24 Les retraités ont souvent pris la parole.
02:27 Le poids du carburant, le poids d'énergie.
02:30 Ce qui ressort très souvent, c'est le poids des dépenses contraintes.
02:33 Donc, le logement, carburant, chauffage, électricité,
02:38 tout ça leur pèse lourdement.
02:40 Et donc, c'est pour ça qu'ils cherchent des économies sur l'alimentaire.
02:43 Vous êtes avec vos collègues de la grande distribution,
02:45 en pleine négociation annuelle avec les industriels de l'agroalimentaire.
02:49 C'est essentiel, évidemment, puisque ce sont ces négociations qui fixent notamment les prix.
02:54 C'est la dernière ligne droite.
02:55 Vous devez vous mettre d'accord pour fin janvier ou plus tard.
02:58 Est-ce qu'il va y avoir des baisses de prix ?
03:00 Nous en cherchons, des baisses de prix.
03:02 Et notre objectif chez EWU, c'est de continuer à accompagner fortement nos consommateurs.
03:08 Et donc, là où c'est justifié, là où il y a eu des baisses de matières premières,
03:12 par exemple sur les produits à base de blé, sur certains cafés, sur certaines huiles,
03:18 c'est d'obtenir des baisses.
03:20 Mais vous n'y êtes pas encore ?
03:22 Les discussions battent leur plein.
03:26 Il y a un peu d'attentisme quand même.
03:28 On pensait que comme les dates sont rapprochées 15 janvier pour les PME,
03:32 31 janvier pour les grands industriels, ça se bousculerait.
03:35 Et en fait, là, on a un peu d'attentisme.
03:37 Mais je peux vous annoncer ce matin qu'on a trouvé des accords,
03:41 notamment dans le lait, par exemple avec Yoplait,
03:45 avec Entremont, avec la coopérative laitière qui nous fait du beurre, Laïta.
03:50 On a trouvé des accords.
03:51 Donc le prix de certains produits laitiers va baisser à partir de février ?
03:55 Là, en l'occurrence, non.
03:57 Sur les produits laitiers, ça va encore légèrement augmenter,
04:00 mais beaucoup moins que par le passé.
04:03 Et là, ce qui est important, et c'est un message aussi à nos agriculteurs,
04:06 c'est que la part de matières premières agricoles, là en l'occurrence le lait,
04:10 a été défendue et elle va légèrement progresser.
04:13 Ils sont très inquiets les agriculteurs en ce moment.
04:15 Et donc là, il y aura encore une légère hausse,
04:18 parce qu'on tient compte aussi de la réalité de leurs difficultés.
04:22 Le prix des matières premières a été défendu ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
04:26 La loi sous laquelle on négocie actuellement, la fameuse loi EGalim,
04:30 nous oblige à, comment dire,
04:33 "sanctuariser" la part de matières premières agricoles dans la discussion avec l'industriel.
04:39 Pour préserver le pouvoir d'achat, les revenus des agriculteurs ?
04:41 Pour préserver les revenus des agriculteurs.
04:43 C'est la grande victoire de ces lois EGalim.
04:45 Et là, en l'occurrence, leur lait sera payé un peu mieux.
04:49 Alors, vous avez parlé d'espoir de baisse de prix sur quelques produits,
04:53 peut-être les pâtes, peut-être le café, certaines huiles.
04:56 Mais si on met de côté ces quelques baisses, de manière générale,
04:59 ce qu'on peut dire ce matin, sans surprise,
05:01 c'est que les prix vont continuer à augmenter, mais moins vite. C'est ça ?
05:05 Voilà, exactement. L'inflation ralentit très fortement.
05:08 Mais il faut redire aux Français que les prix de l'alimentaire
05:11 ne reviendront pas aux prix d'avant la guerre en Ukraine, notamment,
05:15 qui sont en train de se stabiliser à un niveau supérieur.
05:19 Mais notre travail continue, à travers ces négociations,
05:22 de chercher, là où c'est possible, des poches de baisse de prix.
05:27 Quand le ministre de l'économie Bruno Le Maire assure que la crise inflationniste est derrière nous,
05:31 alors, ça peut être compréhensible d'un point de vue macroéconomique,
05:34 parce que vous l'avez dit, le pic de la crise est sans doute passé,
05:37 mais est-ce que c'est compréhensible pour les consommateurs et ceux qui nous écoutent,
05:40 et qui voient que le prix de l'Orcadi ne baisse pas,
05:43 et même, effectivement, continue d'augmenter, même s'il augmente moins ?
05:47 Vous le résumez bien. D'un point de vue économique, c'est tout à fait juste.
05:51 D'un point de vue du ressenti du consommateur,
05:54 les fameux clients avec lesquels j'ai discuté pendant ces quelques jours de fête,
05:57 ce ressenti reste un ressenti très négatif.
06:01 Ça pèse lourdement, encore une fois, et je le répète,
06:05 je pense que dans l'histoire récente, et moi qui fais ce métier depuis de longues années,
06:09 je n'avais jamais vu autant d'arbitrages sur l'alimentaire que depuis quelques mois maintenant.
06:15 Sur ces négociations annuelles avec les industriels de l'agroalimentaire,
06:19 le gouvernement les a donc avancées de quelques semaines,
06:22 d'habitude, elles se terminent au 1er mars, je crois,
06:25 donc avancées pour pouvoir trouver des solutions plus rapidement,
06:30 pour que ces baisses ou ces augmentations moins importantes se répercutent rapidement,
06:34 mais vous vous dites que c'est absurde, il faudrait négocier toute l'année,
06:37 pourquoi ça ne se fait toujours pas ?
06:39 Absolument, on est au bout de ce système de négociations
06:44 qui n'est plus adapté à cette période de forte volatilité des matières premières,
06:49 des hausses, des baisses, par exemple le sucre est annoncé en forte baisse cette année,
06:54 or si on ne renégocie pas au cours de l'année,
06:57 il faudra attendre la campagne 2025 pour tenir compte de ces baisses,
07:02 mais ça ce n'est pas possible,
07:04 donc moi je plaide depuis un an maintenant,
07:07 je crois que c'était à ce micro,
07:09 pour remettre en cause fondamentalement ce système,
07:12 réécrire une partie du code du commerce pour s'adapter à la vie économique d'aujourd'hui.
07:16 Et que vous dit le gouvernement ? Il y a un écho favorable ?
07:19 Il y a de l'ouverture, la ministre du commerce a lancé une mission
07:24 qui doit travailler au début de l'année pour voir comment on pourrait revisiter les choses,
07:30 et c'est une bonne chose.
07:32 Et peut-être des négociations annuelles pour répercuter plus rapidement les éventuelles baisses de prix ?
07:35 Tout à fait, et en fait on le fait déjà sur notre marque distributeur,
07:38 il n'y a pas les mêmes règles qu'avec les grands industriels,
07:41 et là on discute toute l'année,
07:43 et c'est pour ça que sur les produits U par exemple,
07:45 il y a eu des baisses depuis le mois de juin sur des centaines de produits.
07:48 Dominique Scheltcher, PDG de Système U,
07:50 Maurice nous appelle de Besançon, bonjour Maurice.
07:54 Oui bonjour.
07:55 Vous avez une question justement sur l'augmentation des prix ?
07:58 Oui tout à fait. Comment Monsieur Scheltcher peut-il expliquer l'augmentation
08:03 de la salade de gras double et de la salade de museau,
08:07 qui était il y a deux ans à 9,90€ le kilo,
08:11 et aujourd'hui on tourne à 16,20€, 16,40€ le kilo,
08:15 alors que ce ne sont que des morceaux bas,
08:21 ce n'est pas du produit noble, le gras double et le museau,
08:24 on imagine quoi c'est fait,
08:27 ce n'est pas de la partie noble de l'animal.
08:29 Comment il explique ça ?
08:31 Quand on vous entend Monsieur Scheltcher,
08:33 vous êtes comme Édouard Leclerc,
08:36 vous êtes les euros de la bataille pour les prix,
08:40 mais en attendant ça continue de grimper,
08:42 et en plus quand vous dites aux produits premier prix,
08:45 quand on va dans les rayons et qu'on voit l'emplacement du premier prix,
08:49 il n'y a rien dans le rayon.
08:51 Alors vous vous battez pour améliorer le pouvoir d'achat,
08:55 vous m'excuserez mais on n'en voit pas la différence.
08:57 Maurice Amateur Dabat est critique sur le rôle de la grande distribution,
09:04 Dominique Scheltcher, qu'est-ce que vous lui répondez d'abord très concrètement
09:07 sur ces produits qui augmentent dans les rayons boucheries ?
09:09 Mais derrière un produit de boucherie,
09:12 derrière un produit de charcuterie,
09:14 il y a un producteur agricole,
09:16 il y a un agriculteur, là en l'occurrence un éleveur de porc.
09:19 Qu'est-ce qui s'est passé pour cet éleveur de porc ?
09:21 Sa nourriture animale a augmenté ces derniers temps,
09:24 l'électricité avec laquelle il chauffe son élevage a augmenté
09:29 et il nous a donc répercuté cette hausse qu'on répercute au final aux consommateurs.
09:35 Mais voilà, c'est ce qu'on vient de dire,
09:37 nous ce qu'on essaye de faire c'est de faire la part des choses,
09:39 quand ça augmente et surtout quand ça rémunère un agriculteur,
09:42 on le répercute et quand ça baisse, on répercute à la baisse.
09:46 Justement, je vous coupe, je fais juste une insiste pour dire que Sabine sur l'appli d'Inter nous dit
09:49 "je suis éleveuse bio en élevage laitier et nous avons l'impression d'être toujours perdants et souffrons,
09:56 quels moyens pour nous permettre de vivre ?"
09:58 Donc là on en revient à ce que vous disiez,
10:01 c'est-à-dire qu'il faut permettre aussi à ses producteurs d'avoir des revenus décents.
10:05 Exactement, sur le cas du lait bio, je vais dans quelques jours sur le terrain
10:10 re-signer l'accord qui unit SystemU à la coopérative laitière qui nous fournit le lait bio
10:16 avec toujours le souci d'un prix rémunérateur pour ses agriculteurs.
10:21 C'est dans quelques jours qu'on va re-signer et on a trouvé un accord qui est gagnant pour eux et gagnant pour nous.
10:26 Sur la critique que vous faisiez Maurice en disant "vous, Michel-Edouard Leclerc,
10:30 vous vous présentez comme les oraux du pouvoir d'achat".
10:33 Finalement c'est vrai que la grande distribution est là aussi pour faire du profit.
10:38 Écoutez, on accompagne les consommateurs, nos profits, toute entreprise en fait,
10:45 mais on peut en parler très clairement.
10:47 Le résultat d'un magasin c'est environ 2% de résultat à la fin.
10:53 Quand un client dépense 100 euros chez nous, il reste aux commerçants 2 euros.
10:57 Ces 2 euros aujourd'hui servent à quoi ?
10:59 Ils servent à réinvestir, à payer les panneaux photovoltaïques dont on a l'obligation de l'installation sur nos parkings par exemple.
11:07 Par rapport à plein d'autres secteurs de l'activité, 2% je peux vous dire, c'est ce qu'il faut pour tenir aujourd'hui.
11:15 Vous distribuez aussi du carburant, vous faites station essence.
11:18 Là aussi les prix restent élevés même s'ils ont baissé depuis le pic du mois de septembre.
11:22 Comment cela va évoluer ?
11:25 Je n'ai pas de boule de cristal et je suis très prudent sur les évolutions.
11:29 Par contre ce qu'on peut constater c'est qu'on est au plus bas depuis des mois,
11:33 je dirais depuis avant l'été l'année dernière.
11:35 Pourquoi ? Parce que le baril de pétrole est aux alentours de 75 dollars le baril,
11:40 donc c'est tant mieux.
11:41 Mais on sait bien que n'importe quel événement géopolitique, on vient de parler de géopolitique,
11:46 peut bouleverser la donne du jour au lendemain quasiment.
11:49 Donc profitons de cette période où c'est plutôt bas et tant mieux,
11:53 parce que dans les campagnes où vous avez besoin de votre voiture tous les jours, c'est important.
11:57 Et j'espère que ça va continuer le plus longtemps possible.
12:00 Je repasse du parking du supermarché au rayon pour parler d'un phénomène
12:06 que l'on constate de plus en plus, c'est la « shrinkflation ».
12:09 Alors là pardon, néologisme + anglicisme, je sens que ça ne va pas plaire aux auditeurs d'Inter.
12:14 J'ai appris qu'en français on pouvait dire « réduflation ».
12:17 Mais je préfère largement ce mot et aux auditeurs d'Inter, il faut parler de « réduflation ».
12:21 Réduflation, on n'augmente pas les primes et on diminue les quantités.
12:24 Le paquet de biscuits coûte le même prix mais il y en a moins.
12:27 Le gouvernement veut vous obliger, vous les super, les hypermarchés, à en informer les consommateurs,
12:33 à étiqueter ces produits pour indiquer les baisses de poids.
12:36 Vous vous dites que c'est injuste, que ce n'est pas à nous de le faire ?
12:39 Premier point, sur notre marque, la marque U, nous ne pratiquons pas la réduflation.
12:43 Premier point. Deuxième point, si un décret sort a priori au mois de mars,
12:48 nous le respecterons et l'appliquerons.
12:51 Mais nous le regrettons bien évidemment, parce qu'on considère chez U
12:55 que ce n'est pas à nous d'informer le consommateur, c'est à l'industriel.
12:59 Pourquoi ? C'est l'industriel qui sait que son emballage a baissé,
13:02 que sa recette a éventuellement été remise en cause, qu'il y a 50 grammes de moins.
13:07 Lui, il a toutes les données. Pour nous, pour nos équipes, ça va être compliqué,
13:13 ça va être une perte de temps, ça va être un peu une usine à gaz d'organiser cela.
13:18 Donc pour nous, ce serait à l'industriel de le faire.
13:21 - Pour l'instant, le ministère du Commerce explique que le cadre juridique européen
13:25 ne permet pas ce que vous réclamez.
13:27 - Ils sont en train justement de consulter l'Europe pour rédiger leur texte.
13:32 - On parle de shrinkflation, il y a aussi une question sur l'application de France Inter
13:39 de Benjamin sur les produits importés, qui sont c'est vrai nombreux en magasin.
13:44 "Je suis frappé", dit Benjamin, "de voir qu'il n'y a plus que des produits chinois
13:50 par exemple dans les rayons objet ou jouet quand le pouvoir d'achat se fait
13:55 au détriment de l'emploi", dit Benjamin.
13:58 C'est une réalité, Dominique Schellcher, vous privilégiez, vous les distributeurs,
14:03 des produits moins chers fabriqués ailleurs.
14:06 - Benjamin a raison de pointer ce risque. En période d'inflation forte,
14:11 il peut y avoir une tendance à aller chercher des produits d'importation
14:15 à de la qualité moindre ailleurs.
14:17 Dans l'alimentaire chez ewe, on se refuse de faire ça.
14:21 Je prends l'exemple, un confrère a par exemple décidé que le beurre à sa marque
14:26 viendrait d'un pays européen. On a décidé chez ewe de ne pas rentrer là-dedans,
14:32 de continuer à proposer un beurre au lait français.
14:35 Et donc on continuera nous très fortement sur ces engagements-là,
14:39 puisque ce n'est pas à ces moments-là qu'il faut lâcher nos producteurs.
14:42 Et on a un sujet de souveraineté alimentaire en France, il faut la défendre,
14:46 sinon dans quelques années, on va manquer d'un certain nombre d'agriculteurs.
14:50 - Benjamin voudrait savoir si vous pouvez lui donner le pourcentage
14:53 de produits français vendus dans les grandes enseignes,
14:56 est-ce qu'il existe d'un point de vue global ?
14:59 - Je parle de l'alimentaire et par exemple de nos produits,
15:02 qui est vraiment le périmètre que je maîtrise parfaitement.
15:05 80% de nos produits sont fabriqués par des PME françaises,
15:10 des entreprises françaises. Les 20% restants, c'est de la charcuterie italienne,
15:15 c'est des produits grecs, c'est ce type de produits-là,
15:17 ou alors vraiment des produits qui ne sont pas produits en France.
15:21 - Sur l'alimentaire donc, mais sur le non-alimentaire ?
15:25 - Non, je n'ai pas ce chiffre-là aujourd'hui, je pourrais le chercher,
15:29 vous le donner ultérieurement. Mais actuellement, il y a un phénomène
15:33 de réindustrialisation de la France. Par exemple dans le textile,
15:36 on a de nouveau de la production de vêtements français,
15:39 de pantalons français, et on cherche évidemment à faire travailler ces filières.
15:44 - Vous parlez des étiquettes avec la réduflation il y a quelques instants.
15:48 Il y a aussi le Nutri-Score que nous connaissons de plus en plus,
15:51 et qui devient plus exigeant en ce début d'année,
15:54 pour davantage pénaliser les aliments trop gras, trop salés, trop sucrés,
15:59 c'est-à-dire que certains produits, par exemple des sodas,
16:01 vont être rétrogradés à C, D ou E. Est-ce que c'est une bonne idée ?
16:07 - C'est une très bonne nouvelle. Pourquoi ? Parce que le premier critère d'achat
16:11 des Français en ce moment, c'est le prix. Mais très vite derrière, il y a un critère de qualité.
16:15 Et le Nutri-Score est un repère de qualité qui a été adopté par les Français.
16:19 Et la preuve en est que, par exemple, les produits classés E se vendent moins bien.
16:24 C'est jusqu'à -5%. - Un vrai effet sur la consommation.
16:27 - Absolument. Et les produits A et B se vendent mieux.
16:30 Donc nous, on soutient le Nutri-Score. Il est affiché sur nos produits encore une fois.
16:35 Là, le sens de la réforme du 1er janvier, c'est de mieux tenir compte du sel,
16:40 du sucre des produits gras. Et donc, ces produits-là vont être moins bien notés.
16:45 Et ça va dans le bon sens. Donc bien sûr, nous, on soutient ce nouveau Nutri-Score
16:49 et on va le mettre en œuvre. - Et vous l'affichez sur vos marques distributeurs.
16:52 - Oui. Alors là, c'est au gré du renouvellement des emballages,
16:55 puisque c'est un nouveau calcul. Et des emballages, ça ne se fait pas du jour au lendemain.
16:59 Mais bien sûr, on va le mettre en œuvre et on soutient cette formule
17:03 qui est, encore une fois, adoptée par les consommateurs français.
17:06 - Mais certains industriels, comme la marque Bjorg, pour citer un exemple,
17:10 renoncent à afficher ce Nutri-Score, justement parce qu'il devient plus exigeant.
17:16 - Je pense que c'est une erreur. Je pense que ça ne va pas dans le sens des attentes
17:20 des consommateurs qui, encore une fois, cherchent une meilleure qualité,
17:24 cherchent des repères simples pour s'orienter dans les rayons.
17:28 Et là, peut-être, ça traduit la crainte d'une moins bonne note de la part de cet industriel.
17:33 Je pense que ce n'est pas une bonne décision.
17:34 - La loi climat prévoit aussi la mise en place d'un autre score,
17:38 une sorte de Nutri-Score, mais du climat et de la biodiversité,
17:42 censé indiquer l'impact environnemental des produits alimentaires ou textiles.
17:46 Ça a l'air compliqué à mettre en place.
17:48 - Oui, c'est compliqué à mettre en place. Les travaux sont en cours.
17:51 Mais comme l'était le Nutri-Score il y a quelques années, qui a fait beaucoup débat.
17:56 Mais moi, je suis pour cet affichage environnemental.
18:00 - Il était censé entrer en vigueur le 1er janvier ?
18:02 - Il était censé arriver cette année.
18:04 Oui, c'est un peu plus compliqué. Il faut continuer à travailler.
18:06 Mais ça va dans le bon sens.
18:08 C'est-à-dire que demain, on aura le Nutri-Score dont on vient de parler.
18:11 Et une note qui parlera de l'impact du produit.
18:14 Et ça, ça orientera les Français sur leur choix.
18:17 Et ce sera, au bout du compte, bon pour la planète, je pense.
18:20 Donc, c'est pour moi une excellente idée.
18:22 Encore une fois, il faut la stabiliser.
18:25 Et puis, trouver les bons calculs pour la mettre en œuvre.
18:28 Et de manière simple, bien sûr.
18:29 - Encore une question sur l'appli de France Inter.
18:32 D'Aurélie, sur le rôle des grandes surfaces,
18:36 nos auditeurs s'interrogent beaucoup là-dessus.
18:38 Qu'en est-il de vos marges ?
18:39 Dominique Schellcher, chez System U.
18:41 Est-ce qu'elles sont en baisse ?
18:43 - Les marges sont sensiblement en baisse dans cette période d'inflation.
18:46 Ce n'est pas moi qui le dis.
18:48 Il y a chaque année, le mensuel professionnel, qui s'appelle Linaire,
18:51 qui publie nos résultats de manière indépendante.
18:53 Ce sont des journalistes qui vont chercher les bilans de nos magasins
18:56 et qui les publient.
18:57 Je vous ai parlé d'un 2% en moyenne de résultats nets.
19:00 C'est en réalité un 94% ces derniers temps.
19:04 Et c'est en baisse.
19:05 Pourquoi ?
19:06 Parce qu'on a cessé d'accompagner les Français sur cette inflation.
19:09 Par exemple, avec nos 150 produits U à prix coûtant,
19:12 où on ne prend plus de marge et qu'on continue cette année.
19:15 - On le sait, et nous l'avons dit,
19:17 les prix ne reviendront pas au niveau d'avant crise.
19:20 Parce que les crises internationales sont toujours là.
19:23 Même cause, même effet.
19:25 - Oui, il y a des hausses, il y a des baisses.
19:29 Mais encore une fois, l'économie mondiale est en train de ralentir.
19:34 C'est ce qui explique aussi la baisse du prix du baril de pétrole.
19:39 Le sucre est annoncé à la baisse plus tard dans l'année.
19:43 Donc, avec ce ralentissement économique,
19:46 il va falloir pouvoir à un moment répercuter ces baisses
19:49 et donc nous permettre de négocier toute l'année.
19:52 Donc il y a de l'espoir quand même !
19:54 - Le trafic maritime menacé en mer rouge,
19:57 en raison des attaques des rebelles yéménites,
20:00 Houthis en particulier,
20:02 c'est quelque chose qui menace le pouvoir d'achat ici en France ?
20:06 - Ça risque de mettre des délais supplémentaires au temps de livraison.
20:11 Mais par exemple, pour nous,
20:13 qui livrons par la mer rouge nos magasins de Madagascar, de La Réunion,
20:18 ces bateaux font un détour et ça va être plus long de les livrer.
20:22 Mais bon, la sécurité a été renforcée ces derniers temps
20:26 et des compagnies commencent déjà à repasser par cet endroit-là.
20:30 Donc je pense que ça va s'améliorer,
20:32 mais ça pourrait avoir un peu d'impact sur les délais de livraison.
20:36 - Une question pour vous Dominique Schellcher au Standard Inter.
20:39 Bonjour Bastien !
20:40 - Oui bonjour !
20:41 - Vous nous appelez de l'île Dieu ?
20:43 - Tout à fait !
20:44 - Et on vous écoute.
20:45 Une question en rapport justement avec ce que l'on évoquait précédemment,
20:49 le climat, la biodiversité ?
20:51 - Le problème de l'agroalimentaire aujourd'hui,
20:53 je pense qu'ils sont en grande partie responsables,
20:56 c'est-à-dire que notamment la zoonose avec la volaille...
21:00 - Ce sont les maladies transmises par les animaux ?
21:02 - Tout à fait, oui, qui sont produites en batterie
21:05 et qui empêchent les petits producteurs de bien produire
21:11 et notamment l'uniformisation de l'agriculture
21:14 qui est une grande perte de diversité
21:16 où ils mettent les agriculteurs en salariat
21:19 et qui sont, avec la SNSA,
21:24 responsables de la perte de fertilité des sols
21:29 et des produits bio en perte de production.
21:34 - Et votre question à Dominique Schellcher ?
21:36 - Bah justement, je les vois qui sont souvent mis en avant,
21:40 avec Édouard Leclerc aussi,
21:42 et du coup que l'État perd la main-mise sur la production
21:46 notamment des produits bio qui devraient être mis en avant
21:50 les petits producteurs et pas notamment l'achat de terres agricoles
21:56 par ces grandes entreprises.
21:58 Donc je ne suis pas sûr que ce soit le bon système.
22:00 - Merci Bastien, on va finir par vous marier avec Michel-Édouard Leclerc,
22:03 Dominique Schellcher.
22:04 Votre responsabilité avec celle des industriels de l'agroalimentaire
22:09 dans la perte de biodiversité ?
22:11 - Alors écoutez, c'est le consommateur qui a le pouvoir actuellement
22:15 de voir ce qui se passe.
22:16 Quand son pouvoir d'achat est tendu,
22:18 il s'éloigne sensiblement des produits les plus chers,
22:21 par exemple les produits bio.
22:22 Les produits bio c'est un peu plus cher qu'un produit normal,
22:25 c'est comme ça, c'est juste que le produit bio soit un peu plus cher.
22:30 Donc il s'en éloigne, donc on en vend un peu moins.
22:32 Nous notre choix pendant cette période,
22:34 c'est de continuer à soutenir les producteurs bio
22:37 qui produisent par exemple encore une fois la marcupe,
22:39 pour ne pas les laisser tomber,
22:41 parce qu'à un moment ça va redémarrer,
22:43 quand il y aura de nouveau un peu plus de pouvoir d'achat,
22:44 les gens vont racheter des produits bio.
22:46 Donc voilà, mais au bout du compte,
22:48 c'est pas forcément nous qui décidons de tout ça,
22:51 c'est le consommateur qui oriente par ses achats
22:54 et qui a un énorme pouvoir sur la production
22:57 et sur nous au bout du compte.
22:59 - Alors on parle des prix, on parle des opérations
23:01 pour contenir les hausses de prix,
23:02 on parle d'espoir, c'est le mot que vous avez employé Dominique Schellcher,
23:06 mais au fond, est-ce que l'écosystème économique,
23:09 vous, les industriels, les grands patrons,
23:12 même les PME, a intérêt à voir les prix baisser ?
23:16 - Nous, notre travail au quotidien,
23:20 c'est d'accompagner les consommateurs,
23:22 de faire en sorte qu'ils choisissent notre enseigne,
23:24 et ils ont beaucoup choisi l'année dernière
23:27 parce qu'ils se sont rendu compte que nos prix sont bons,
23:29 on est le deuxième acteur en termes de prix sur le marché,
23:32 et notre travail c'est ça, donc on doit le faire.
23:36 Donc faire penser aux gens qu'on a un intérêt
23:39 à ce qui est beaucoup d'inflation,
23:41 c'est ça, non c'est faux !
23:42 - Parce que vous-même vous avez dénoncé,
23:44 d'un côté, le paradoxe de fin d'année,
23:47 d'un côté, je cite, des investisseurs qui se réjouissent,
23:50 le CAC 40 au plus haut historique,
23:52 et de l'autre, la vraie vie de nombreux français
23:53 qui n'ont jamais arbitré autant dans leur consommation.
23:56 - Mais nous sommes une coopérative de commerçants indépendants,
23:58 nous n'avons rien à voir chez eux avec le CAC 40,
24:01 qui effectivement est une espèce de bulle
24:04 avec une bourse qui s'est parfaitement bien comportée.
24:07 Moi, je vais vous dire, encore une fois,
24:09 je suis au contact de ces français
24:11 qui expriment beaucoup de souffrance ces derniers temps,
24:14 qui vivent mal cette période d'inflation,
24:16 et c'est eux qu'on cherche à accompagner par nos actions.
24:19 - Dominique Schellcher, PDG de System U,
24:21 4ème groupe français de grande distribution,
24:24 merci d'avoir été ce matin l'invité,
24:27 d'avoir accepté l'invitation de France Inter ce matin,
24:29 dans le grand entretien de la matinale.