Dominique Schelcher, PDG de Système U, est l'invité du Grand Entretien. Il revient sur la hausse des prix, du carburant, sur la shrinkflation et sur l'aide alimentaire.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien
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00:00 Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin dans le Grand Entretien le PDG de System U,
00:05 quatrième groupe de grande distribution en France.
00:08 Il dirige lui-même un magasin, Super U à Fessenheim, dans lequel il passe deux jours
00:13 par semaine, il faut toujours le rappeler.
00:15 Questions et réactions, 01 45 24 7000 et l'application de France Inter.
00:21 Dominique Schell, chère, bonjour !
00:23 Bonjour !
00:24 Et bienvenue à ce micro, beaucoup de sujets abordés avec vous ce matin, en cette rentrée
00:28 encore marquée par l'inflation, prise alimentaire, prix des carburants, fournitures scolaires,
00:33 pour le dire simplement, tout coûte cher.
00:35 Vous nous direz comment vous voyez évoluer les choses à court et moyen terme.
00:40 Mais une question plus générale pour commencer.
00:42 Dans ce contexte d'inflation, tout ce qui se passe dans les super et les hypermarchés
00:48 est devenu aujourd'hui un sujet politique, médiatique, social, souvent même aussi un
00:53 sujet de polémique.
00:54 Avez-vous conscience, vous et vos homologues de Carrefour ou de Leclerc, de jouer un rôle
01:00 considérable dans la vie des Français, un rôle presque politique ?
01:04 Il y a un peu une dimension politique.
01:08 Vous savez, nous on est au cœur de la vie des gens.
01:09 Et vous venez de le dire, moi, chaque semaine, le vendredi et le samedi, je suis dans mon
01:14 magasin.
01:15 Et donc, je vais au contact de mes clients et je peux vous dire qu'en ce moment, ils
01:19 ont beaucoup de questions, ils ont besoin de comprendre ce qui se passe.
01:22 Parce que ce quotidien et tous ces changements et cette inflation pèsent lourdement sur
01:28 leur vie de tous les jours.
01:29 Et donc, quand ils me croisent, quand je les vois, ils m'interpellent, ils m'arrêtent.
01:33 Je vous ai entendu sur telle radio.
01:35 Merci de nous expliquer ce qui se passe.
01:38 Donc voilà, moi, j'essaye de prendre la parole en faisant un peu aussi de pédagogie
01:44 pour que les gens comprennent ce qui se passe.
01:46 Je pense que c'est important dans une France où parfois la culture économique, on a besoin
01:51 d'expliquer et de comprendre.
01:52 Vous êtes un peu devenu comme les épidémiologistes pendant le Covid, on vous scrutait pour avoir
01:59 les bonnes ou les mauvaises nouvelles.
02:00 Vous avez conscience de ce nouveau rôle médiatique ?
02:02 Non, mais on est vraiment, encore une fois, au cœur de la vie de tous les jours.
02:07 Ce sont des sujets qui les touchent au quotidien.
02:09 Donc oui, je comprends que la parole des uns et des autres puisse être écoutée et entendue.
02:16 Alexandre Bompard, votre homologue chez Carrefour, parlait fin août sur France Info d'un tsunami
02:20 de déconsommation.
02:21 Le constatez-vous aussi dans vos magasins ?
02:24 Il y a des signes de baisse de consommation, particulièrement sur une catégorie de produits
02:31 qui sont les produits frais traditionnels.
02:33 La boucherie, la poissonnerie, la fromagerie, surtout les fruits et légumes.
02:37 Ça, les gens, parce que c'est cher dans le panier, en achètent moins.
02:40 Après, je relativiserai une chose, c'est que la consommation alimentaire est montée
02:45 très haut pendant le Covid, quand les gens cuisinaient à la maison.
02:48 Donc, il y a aussi une part de recul par rapport à ça.
02:51 Mais oui, il y a des signes sur les produits frais traditionnels.
02:53 Et il y a un autre grand signe, c'est sur les grandes marques.
02:56 Les gens commencent à fuir les grandes marques au profit des marques distributeurs, la marque
03:00 U chez nous, parce que c'est un rapport qualité-prix moins cher.
03:04 Mais ce n'est pas un tsunami, selon vous ?
03:06 Je n'irai pas jusqu'au terme tsunami, parce que vous savez, il ne faut pas s'arrêter
03:11 à la toute dernière période.
03:12 Il faut regarder sur deux ou trois ans.
03:14 Et quand tu reviens un tout petit peu en arrière, ça n'est pas non plus un effondrement.
03:20 Il y a des signes.
03:21 Il me préoccupe au plus haut point parce que la baisse n'est bonne pour personne.
03:26 Elle n'est pas bonne pour nous, elle n'est pas bonne pour l'industriel et elle n'est
03:29 surtout pas bonne pour le producteur agricole au départ.
03:31 Donc, il faut qu'on regarde, il faut qu'on suive.
03:33 Elle n'est pas bonne quelque part non plus à terme.
03:36 Moi, ce qui me préoccupe, par exemple, c'est la santé des Français.
03:38 Quand vous achetez moins de fruits et légumes depuis des mois, ce n'est pas bon à terme
03:42 sur la longue durée.
03:43 Donc, ces signes sont préoccupants.
03:45 Voilà, gardons la bonne mesure.
03:48 Ils en font trop à votre avis, les patrons de Leclerc et de Carrefour dans les médias ?
03:52 Ils exagèrent les choses ?
03:55 Il faut expliquer les choses simplement, au plus près des préoccupations des gens
04:01 et en restant au plus proche des données, etc.
04:04 Alors, au plus près des gens, vous vous dites qu'il y a trois types de clients dans vos
04:08 magasins aujourd'hui, depuis le début de l'inflation.
04:10 Lesquels ?
04:11 Quels sont ces trois types ?
04:12 Il y a effectivement trois tiers en France aujourd'hui pour moi.
04:16 Avant, quand je venais vous voir, je parlais d'une France coupée en deux.
04:19 Maintenant, elle n'est plus coupée en deux, je dirais qu'elle est coupée en trois.
04:21 On a un chiffre très important la semaine dernière.
04:23 C'est un sondage Elab qui disait 78% des Français déclarent devoir se serrer la ceinture,
04:29 dont 29% beaucoup.
04:31 Et c'est exactement ça.
04:32 Donc, il y a un premier tiers qui est dans la contrainte très forte, voire qui saute
04:37 déjà des repas.
04:38 Ils nous le disent.
04:39 Et par exemple, ce matin, il y a des chiffres sur vos stations qui le disent concernant
04:44 les étudiants.
04:45 Les étudiants qui viennent de rentrer, leur budget est déjà contraint.
04:49 Ils s'ouvrent.
04:50 Ça, c'est un premier tiers.
04:51 Vous avez un tiers de clients qui sautent un repas.
04:53 Qui vont jusqu'à sauter un repas, qui sont dans une contrainte très forte par rapport
04:58 à l'alimentation.
04:59 Il y a un deuxième tiers qui est, je dirais, plus la classe moyenne, les retraités.
05:04 Je pense à un couple que j'ai rencontré ce samedi dans mon magasin, qui me disait
05:08 « avant cette crise, on était bien.
05:13 Là, on n'y arrive plus.
05:15 Est-ce que vous pouvez nous aider ? Comment vous faites ? » Et là, leur dernier point,
05:18 c'était le carburant.
05:19 Et donc, ce deuxième tiers, c'est je dirais cette France, la classe moyenne, particulièrement
05:23 inférieure, qui est impactée directement.
05:25 Vous avez deux salaires, mais vous avez deux enfants.
05:28 Vous ne vous en sortez plus.
05:29 Comment on fait ?
05:30 Et ce deuxième tiers renonce à quoi, par exemple ?
05:32 Ce deuxième tiers renonce aux produits frais dont je vous ai parlé tout à l'heure,
05:38 renonce aux produits absolument non essentiels, donc des produits de beauté, d'hygiène,
05:41 disent « on en met moins dans le caddie ».
05:43 C'est des gens aussi qui viennent plus souvent pour maîtriser leur budget au plus
05:48 près et qui, par exemple, achètent moins de produits frais, mais plus souvent pour
05:52 ne pas les gaspiller.
05:53 On en est là.
05:54 Et donc, on est dans la restriction et la contrainte.
05:59 L'inflation, ce n'est pas qu'une donnée macroéconomique dans un tableur.
06:02 C'est une réalité pour les gens et en ce moment, c'est restriction et pour certains,
06:08 privation.
06:09 Et il y a un tiers qui peut, le dernier tiers, se permettre de continuer comme avant.
06:12 Exactement, mais c'est un petit tiers.
06:13 Quand on a 78% dans le sondage, vous voyez, c'est 22% de gens qui sont à l'aise.
06:18 Donc, il y a vraiment trois France.
06:19 Alors, sur les chiffres, l'inflation, on rappelle qu'elle a légèrement ralenti
06:24 en août.
06:25 Elle n'a augmenté que de 11% sur un an, alors qu'elle était de 12,7% en juillet.
06:28 Mais en gros, depuis deux ans, les prix alimentaires ont augmenté de 20%.
06:33 C'est ce que dit l'INSEE en deux ans.
06:36 L'INSEE qui est toutefois optimiste et prévoit une inflation sur les prix alimentaires qui
06:41 sera autour de 7% à la fin de l'année.
06:43 Vous pensez que c'est trop optimiste ou vous voyez aussi ça ?
06:46 Moi, j'ai plutôt envie de confirmer ce chiffre, mais vous avez raison.
06:49 Sur deux ans, c'est 21,2%.
06:51 C'est considérable.
06:52 C'est ça qui change la vie des gens.
06:54 Heureusement, ça se ralentit maintenant depuis quatre mois et donc ça n'augmente plus.
06:59 Mais si vous voulez, à 21% sur deux ans, ça reste un niveau élevé.
07:03 Et moi, ma préoccupation, c'est quand est-ce que ça pourra baisser ?
07:07 Mais est-ce que ça va baisser ?
07:08 Est-ce que ça va vraiment baisser ?
07:10 Et pour en revenir au statut qu'on hantait ?
07:12 La réponse est non.
07:14 Et il faut le dire aux Français.
07:15 Il faut dire qu'on ne reviendra pas dans l'alimentaire au prix d'avant la crise parce
07:20 qu'il y a beaucoup d'éléments qui ont changé, y compris les salaires.
07:26 Aujourd'hui, les salaires ont augmenté sensiblement, mais le coût du transport,
07:31 enfin, il y a plein de choses qui rentrent en compte qui font qu'on ne reviendra pas
07:36 au prix d'avant.
07:37 Mais notre travail à nous, les distributeurs, c'est quoi ?
07:39 C'est de faire le tri dans tout ça parce que d'un autre côté, il y a un certain
07:43 nombre de matières premières qui, malgré tout, baissent depuis des mois.
07:46 Et donc nous, ce qu'on essaie de faire dans les fameuses discussions avec les industriels,
07:51 c'est de tenir compte au moins de ces baisses-là.
07:53 Donc non, ça ne reviendra pas au prix d'avant, mais on essaie quand même auprès de nos
07:58 industriels d'obtenir un certain nombre de baisses par rapport à des choses qu'on
08:01 voit bien qu'elles baissent.
08:02 Dominique Schellcher, un mot sur ce nouveau mot qu'on entend depuis quelques jours,
08:07 « shrinkflation » qui consiste à baisser le contenu vendu tout en augmentant le prix.
08:13 Le prix du paquet de chips augmente, mais il y en a moins dedans.
08:16 Vous constatez le phénomène que le patron de Carrefour a fustigé la semaine dernière ?
08:21 Je le constate et pour tout dire, il n'est pas nouveau ce phénomène.
08:24 Ça fait des années qu'il existe.
08:26 Il existait beaucoup précédemment dans les produits d'hygiène et de beauté.
08:30 Les industriels dans ce domaine-là avaient l'habitude depuis toujours, dans la lessive
08:34 par exemple, d'avoir ce type de pratique.
08:37 Nous, on s'y oppose depuis toujours, mais ce n'est pas forcément facile dans la discussion
08:41 commerciale.
08:42 Je rappelle que c'est aussi quelque chose qui est légal, ça n'est pas interdit par
08:47 la loi.
08:48 Par contre, c'est moralement pas acceptable en ce moment que, alors que tout le monde
08:53 se serre la ceinture, en plus il y a des produits qui arrivent en plus petit grammage et quand
08:58 même plus cher.
08:59 C'est ça et c'est pour ça que médiatiquement ça émerge aujourd'hui.
09:02 Le patron de Carrefour, lui, a décidé depuis lundi de mettre des affiches où il dit « ce
09:08 produit-là fait de la shrinkflation ». Vous, vous ne le faites pas, pourquoi ?
09:12 Ça, c'est une opération de communication.
09:14 Nous, on est des commerçants indépendants, on a débattu de ça, on a décidé de ne pas
09:18 le faire.
09:19 On considère que c'est à l'État de dire qu'il y a telle ou telle communication
09:24 à faire éventuellement et on appliquera ce que dira l'État.
09:27 Le phénomène existe, mais ce n'est pas notre travail à nous, c'est à l'industriel
09:32 d'assumer qu'il pratique ce genre de choses.
09:35 Parlons peu, parlons bien.
09:36 Pour le dire clairement, parmi les industriels de l'agroalimentaire, y a-t-il des profiteurs
09:41 de crise, des industriels qui profitent de l'inflation pour maintenir leurs marges,
09:46 qui continuent à maintenir des prix élevés alors que les matières premières baissent
09:51 ?
09:52 À cette question, je réponds oui.
09:55 L'INSEE le dit, depuis trois trimestres, les marges des entreprises de l'agroalimentaire
10:01 ne cessent de progresser.
10:02 Et mon discours, c'est lequel ? C'est simplement un discours d'équilibre.
10:07 Je considère que les consommateurs prennent lourdement l'inflation dans leur panier tous
10:12 les jours.
10:13 Le gouvernement encore dit que les distributeurs ont fait des efforts et on en fait sans doute
10:18 pas assez.
10:19 On devrait en faire plus, je l'entends.
10:20 Vous devez en faire plus ?
10:21 Mais il faut continuer bien sûr, mais c'est notre rôle d'accompagner les Français.
10:24 Et on a renforcé les actions anti-inflation à la rentrée d'ailleurs, à l'appel du
10:29 gouvernement.
10:30 Mais on avait de toute façon prévu de renforcer ça.
10:33 Mais il y a un maillon, le troisième qui est l'industriel et particulièrement les
10:37 grands industriels qui ne prennent pas assez part à cette inflation.
10:42 C'est ça que je dis de manière précise.
10:43 Et en faisant une distinction très précise, je mets de côté les PME qui souffrent en
10:48 France, il faut le dire.
10:49 J'ai vu leur représentant encore il y a quelques jours, ce n'est pas facile pour
10:52 elles.
10:53 Je pense au monde agricole aussi qui est très préoccupé par cette idée de renégocier
10:58 alors qu'ils ont leur revenu à progresser, etc.
11:01 Mais alors vous visez qui ?
11:02 Alors je vise exactement des entreprises qui ont souvent leur siège à l'étranger,
11:10 pour qui la France ne pèse pas grand-chose et qui au fil de ces discussions qui durent
11:16 maintenant depuis des mois de réouvrir les négociations, il n'y a pas de réaction.
11:19 Mais c'est vrai qu'ils ne vous prennent pas au téléphone ?
11:21 Mais même, absolument, ils ne nous prennent même pas au téléphone, ça ne les intéresse
11:25 pas.
11:26 Ils ont des consignes d'Atlanta, de Rotterdam ou de je ne sais où.
11:30 Il faut dire que le marché français pour eux est petit.
11:32 Mais peut-être, peut-être.
11:33 Et donc, qu'est-ce qui est intéressant ?
11:36 Et comme vous dites, ce sont des multinationales qui ont leurs instructions et leurs ordres
11:42 qui viennent d'Atlanta ou d'ailleurs, ils ne s'en fichent en fait.
11:46 Mais en partie il y a ça.
11:48 Et ça pour nous c'est quand même extrêmement décevant.
11:50 Et là on se rend compte de quoi ? On dit toujours oui, la distribution est extrêmement
11:53 puissante.
11:54 Eh bien face à ces géants-là, et ils sont quelques-uns, nous ne pesons pas grand-chose
11:59 dans leur compte d'exploitation.
12:00 C'est vrai, mais vous, est-ce que vous en faites assez ? Parce que ce que je veux dire
12:04 c'est que, c'est vrai que ça fait des mois que vous renvoyez là-bas les distributeurs
12:08 et la grande distribution en disant "ce n'est pas notre faute, c'est la faute des industriels".
12:11 C'est ce que vous dites ce matin, on pourrait inviter des industriels qui nous diraient
12:14 "bah aussi la grande distribution, elle se fait des profits, elle se fait des marges
12:17 comme nous".
12:18 Les consommateurs, à la fin, c'est eux qui trinquent, non ?
12:22 C'est ce que je vous dis.
12:23 Il faut partager cette inflation.
12:25 Qu'est-ce que vous pouvez faire de plus, vous ?
12:27 Déjà, depuis le début de l'année, chez System U, on offre un panier à prix coûtant.
12:32 On a été les premiers à le faire depuis le 15 février.
12:35 On a annoncé le prolongé jusqu'à la fin de l'année.
12:37 Ce sont des dizaines de millions d'euros qu'on investit pour les consommateurs.
12:41 On a commencé, nous, à baisser les prix sur les produits U.
12:44 Ça c'est nouveau.
12:45 À partir du mois de juin, on l'a renforcé en cette rentrée.
12:47 On fait une action sur les fruits et légumes.
12:50 Depuis trois ans maintenant, toutes les semaines, quatre fruits et légumes à prix coûtant.
12:53 Voilà, tout ça, il faut continuer à le renforcer.
12:56 Parlons honnêtement, l'année dernière, vous avez fait combien de marge ?
12:58 Un magasin U moyen, moi, je n'ai aucun problème à le dire, c'est entre 2 et 2,5% de résultats
13:06 nets à la fin.
13:07 Quand quelqu'un vient dépenser 100 euros chez nous, il reste aux commerçants entre
13:10 2 euros et 2,50 euros.
13:12 Ce sont des résultats ou des bénéfices, disons le mot, qui permettent à une PME comme
13:18 les nôtres de réinvestir.
13:20 Je veux dire, ce n'est pas exagéré.
13:22 Un industriel, il faut le savoir, quand vous dépensez 100 euros d'un industriel, chez
13:26 eux, c'est jusqu'à 15% de bénéfices qui restent à la fin.
13:29 2 euros à 2,50 euros chez nous, 15% chez les plus gros industriels, souvent 4 à 5
13:35 chez les autres.
13:36 Voilà, les fêtes, ils sont là.
13:37 La question de votre marge est une question qui est posée par plusieurs de nos auditeurs.
13:42 En France, on a un système annuel de renégociation des prix.
13:46 Bruno Le Maire veut anticiper le calendrier pour 2024, car les prix des matières premières
13:51 baissent, mais que cette baisse n'est pas répercutée pour le consommateur.
13:55 Il faut accélérer le calendrier.
13:57 Ce système annuel, selon vous, est dépassé, caduque en temps d'inflation ?
14:02 Complètement caduque.
14:03 Mais moi, depuis le mois de mars dernier, j'appelle à la refonte du Code du commerce
14:09 pour nous permettre de négocier toute l'année.
14:10 Dans le monde entier, industriels et commerçants discutent tout au long de l'année.
14:14 Il n'y a qu'en France où ça ne se fait pas comme ça ?
14:16 Il n'y a qu'en France, nulle part.
14:17 Quand je discute avec mes voisins allemands, on a une alliance de collaboration avec EDEKA.
14:24 Mais ils ne comprennent pas le phénomène.
14:27 Et en plus, quand on discute pendant trois mois, entre le 1er décembre et le 28 février,
14:33 forcément, c'est dans une période très courte, c'est tendu.
14:35 Et vous en parlez, les négociations tendues, c'est crispé.
14:39 Il faut détendre ça.
14:40 Rien que de pouvoir discuter toute l'année, de se voir régulièrement, fera du bien.
14:44 Alors, parlons des carburants, parce que vous le savez, c'est aussi une autre grosse
14:49 préoccupation des Français, puisque les prix à la pompe sont en forte augmentation.
14:52 On approche des 2 euros le litre dans à peu près 10% des stations-service.
14:56 Ce matin, il y a l'annonce de Total Energy qui prolongera le plafonnement à 1,99 euro
15:03 des carburants au-delà de fin 2023.
15:05 Est-ce que vous faites la même chose ? Est-ce que vous vous engagez ce matin à maintenir
15:10 en dessous des 2 euros le litre ?
15:11 Mais je ne peux pas le faire et je vais vous expliquer pourquoi.
15:14 Parce que je ne suis pas producteur de carburant.
15:16 Je suis un commerçant, j'achète et je revends.
15:19 Et au moment où les prix d'achat qui sont les miens aujourd'hui sont en train d'augmenter,
15:27 j'ai un prix d'achat, je rajoute les taxes, toute la TVA et toutes les taxes.
15:31 À un moment, je vais moi-même me retrouver, même sans prendre de marge, à plus de 2
15:35 euros et je n'ai pas le droit de vendre à perte.
15:37 La force de Total, et tant mieux, c'est qu'il produit son carburant et qu'il gère sa marge.
15:44 Et que donc, il peut, lui, à un moment, décider de prendre moins de marge à la production
15:48 pour pratiquer un juste prix.
15:50 Mais Ernest Pagnet-Renacher vous demande ce matin de faire des efforts, demande directement
15:54 à la grande distribution et au distributeur de carburant.
15:56 Vous lui dites "je ne peux pas".
15:59 Elle cite le cas d'Intermarché qui s'engage à faire des efforts.
16:03 Nous avons fait des opérations, ce qu'on appelle prix coûtant tout l'été au moment
16:07 des chassés croisés.
16:08 On l'a fait.
16:09 On va le refaire.
16:10 Et donc, je vous dis ce matin, oui au principe d'en refaire.
16:13 Mais vous annoncez quoi ?
16:15 Mais le problème, quand on fait une opération prix coûtant, c'est quoi ? C'est un ou
16:21 deux centimes de moins au litre.
16:22 Ça ne change plus grand chose.
16:24 D'ailleurs, aux dernières opérations, les clients nous l'ont dit.
16:27 Vous affichez ça, mais l'écart n'est pas grand parce qu'on ne prend quasiment pas de
16:30 marge sur le carburant.
16:31 Donc, ce n'est pas chez nous qui est la clé de la baisse du prix du carburant.
16:36 C'est chez Total et uniquement chez Total ?
16:37 Absolument.
16:38 C'est chez les raffineurs et c'est sur un autre sujet, les taxes.
16:41 60% du prix du carburant, ce sont des taxes.
16:44 Donc, vous dites au gouvernement de baisser les taxes ?
16:46 Mais je sais bien qu'il n'a pas les moyens.
16:48 Donc, la plus grande piste, elle est à mon avis chez les raffineurs.
16:51 Quelques questions Dominique Schellcher sur l'application d'Inter.
16:55 Lorenzo, la baisse des fruits et légumes et produits frais ne se fait-elle pas au profit
17:01 des petits producteurs ? Les fruits et légumes de grande surface ne sont pas du tout attractifs.
17:06 Pas forcément, je vais vous dire.
17:09 Les petits producteurs, les circuits courts étaient montés très très haut pendant la
17:13 crise Covid.
17:14 Il y avait eu des habitudes prises à ce moment-là et en même temps, cette consommation est
17:18 retombée après.
17:21 Donc non, je pense que c'est vraiment un phénomène de restriction et de contrainte qui conduit
17:25 à cette baisse, clairement.
17:27 Question de Rosi en réaction à l'édito de Dominique Seux consacrée à la France moche,
17:35 la France des zones commerciales à laquelle s'attaque le gouvernement.
17:38 C'est un peu tard cette initiative du gouvernement.
17:42 Vous sentez-vous responsable d'avoir rendu la France moche, Dominique Schellcher ?
17:47 Eh bien non, évidemment non.
17:50 Et je m'inscris en faux contre cette expression qui a été très fortement reprise hier.
17:55 Imaginez, il y a des millions de gens chaque fin de semaine qui vont dans ces zones commerciales
18:03 profiter de produits à des prix accessibles et on leur dit "vous évoluez dans une France
18:07 moche".
18:08 Je trouve que c'est se moquer d'eux.
18:09 Donc déjà, je ne suis pas d'accord avec cette expression.
18:12 Après, vous la trouvez belle ? Vous trouvez la France périphérique autour des zones
18:16 commerciales esthétiquement ?
18:17 Non, il faut revoir et l'améliorer.
18:21 Bien sûr, il faut qu'un nouveau cycle démarre.
18:22 En fait, je vais vous dire, derrière toute notre discussion ce matin, on est à la fin
18:26 d'un cycle.
18:27 La fin de cette consommation traditionnelle pendant 40 ans, 50 ans, grande consommation.
18:32 On est à la fin de ces zones construites de cette façon-là.
18:36 Il faut qu'on réinvente un nouveau système, je suis le premier à le dire, bien sûr.
18:39 Vous consommez moins, vous ? Au-delà même de l'inflation, sur l'idée de moins consommer,
18:46 de moins acheter, d'acheter le nécessaire ?
18:49 Mais absolument.
18:50 On va, je pense, tous plus à l'essentiel.
18:52 Et il y a une autre dimension dont on n'a pas parlé ce matin.
18:55 Bien sûr, la dimension la plus importante, c'est celle de la contrainte.
18:57 Mais il y a aussi aujourd'hui des gens qui consomment sensiblement moins parce qu'ils
19:01 se disent « c'est là encore que je peux faire un geste pour la planète, pour produire
19:06 moins d'emballages, etc. ». Donc vous voyez, parfois les deux se mêlent.
19:09 On est au Standard avec Samira.
19:12 Bonjour.
19:13 Bonjour.
19:14 Vous nous appelez de Lyon, on vous écoute.
19:15 Oui, tout à fait.
19:16 Merci de prendre mon appel.
19:18 Écoutez, j'ai bien entendu la segmentation de la France en trois tiers.
19:24 Je voudrais parler d'une quatrième France, à savoir celle qui n'a pas accès à l'alimentation.
19:29 Et puis comme vous le savez, il y a eu un appel des Restaurants du cœur et aussi du
19:36 Secours populaire.
19:37 Donc je voudrais aborder le sujet de la responsabilité sociale des hypermarchés qui, comme l'a
19:46 dit votre invitée, sont au cœur de la vie des Français.
19:50 Donc je voulais savoir s'ils comptaient contribuer à la solidarité nationale, mais
19:56 dans la durée, puisque effectivement cette situation risque malheureusement de durer.
20:01 Merci Samira pour cette question.
20:04 Victor, Dominique Schellcher, pardon, vous répond sur les Restos du cœur.
20:14 Avez-vous été surpris par la crise des Restos du cœur ?
20:18 Je ne suis pas surpris, nous on le sentait venir.
20:20 En fait, pour la première fois dès cet été, certains centres des Restos du cœur
20:24 nous ont dit localement sur les territoires, nous n'avons plus de marchandises, ils étaient
20:28 déjà venus nous voir.
20:29 Donc moi, dès le lendemain de l'appel, j'ai écrit à mes 1200 patrons de magasin
20:34 pour leur demander de provoquer des collectes supplémentaires, pour renforcer leurs dons.
20:38 Nous faisons toute l'année des dons importants, que ce soit aux Restos du cœur, aux banques
20:43 alimentaires.
20:44 Je vous le redis, nous on a une relation historique particulièrement avec les banques alimentaires.
20:49 Tous nos entrepôts de France chez Système U font des dons tout au long de l'année
20:53 aux banques alimentaires.
20:54 Donc l'appel a été donné de renforcer bien sûr et on va accompagner.
20:57 Mais moi ce qui m'importe c'est d'être au plus près des territoires, site par site.
21:02 Alors une dernière question rapide s'il vous plaît de Gaspard au Standard, vous nous
21:06 appelez de Marseille.
21:07 Bonjour, bienvenue.
21:08 Bonjour, merci pour prendre ma question.
21:11 Très rapidement, pourquoi est-ce qu'on ne parle pas plus des circuits courts, puisqu'il
21:16 est question ce matin des circuits longs, qui impliquent tout un tas de coûts.
21:20 Mais il existe des solutions, par exemple les marchés dans les villes, les magasins
21:23 de producteurs, les fermes, qui ont des prix tout à fait compétitifs pour tous les Français
21:28 sur tous les territoires.
21:29 Merci Gaspard pour cette question.
21:31 Dominique Schellcher vous répond.
21:33 Tout ça extrêmement complémentaire bien sûr.
21:35 Et les Français plus que jamais font leur choix, prennent leur décision, comparent
21:39 les prix et vont là où est leur intérêt.
21:41 Et leur intérêt est aussi dans ces circuits courts là.
21:44 Et ils sont tout à fait complémentaires de nos propres circuits.
21:47 Mais vous savez, je le redis, ces circuits sont montés très haut en utilisation pendant
21:51 la crise Covid et sont redescendus parce que beaucoup de Français disent au moment où
21:55 le carburant est cher, moi je vais dans un magasin parce que ça me coûte moins cher
21:58 de faire un trajet.
21:59 Question rapide sur la Pied-d'Inter de Méchain.
22:01 Je travaille avec des viticulteurs qui vendent à Super U.
22:04 Le prix d'achat ne bouge pas, les prix de vente augmentent de 15 à 20 % et la TVA elle
22:09 non plus ne bouge pas.
22:10 Là c'est un cas particulier que ce producteur m'appelle et qu'on regarde son cas.
22:15 On essaye d'avoir des relations équilibrées.
22:18 Je vous le dis, Super U est l'enseigne préférée des PME.
22:21 Et ce n'est pas moi qui le dit, c'est leur syndicat.
22:23 Merci Dominique Schenck, d'avoir été à notre émission.