Loïc dirige la dernière fabrique française de soldats de plomb

  • 7 months ago
"C’est le moule qui fait les grenadiers de Napoléon." En Maine-et-Loire, Loïc Pemzec est le gérant de CBG Mignot, la dernière fabrique française de soldats de plomb. Il nous a ouvert les portes de son atelier pour nous faire découvrir la fabrication minutieuse de ces figurines.‍♂
Transcript
00:00 Nos clients collectionneurs ouvrent leurs colis de soldats de plomb
00:02 comme un enfant ouvre ses cadeaux au pied du sapin de Noël.
00:05 On a presque 2000 ans d'histoire qui sont représentés dans ces vitrines.
00:08 Le terme soldats de plomb, c'est un peu réducteur.
00:10 Maintenant, on devrait plutôt parler de figurines de plomb et d'étain
00:13 parce que c'est ni que des soldats et c'est pas que du plomb.
00:15 L'entreprise C.B.G. Mignot, elle a été fondée en 1825.
00:20 Donc à l'heure où je vous parle, ça va bientôt faire 200 ans.
00:23 Elle était censée disparaître complètement en 1992.
00:26 Et mon père, qui était un très très grand, voire le plus grand collectionneur de soldats de plomb,
00:31 a décidé de la sauver.
00:32 Je suis Loïc Pemzek, le gérant de C.B.G. Mignot,
00:35 la dernière fabrique française de soldats de plomb installée dans le Saumuroi.
00:39 On arrive dans notre fonderie.
00:43 Vous avez les moules très anciens qui sont plus maintenant du domaine de l'histoire, du patrimoine.
00:48 Mais ce sont quand même les moules qui ont fondu des générations
00:51 et des générations de soldats de plomb du début du 20e siècle.
00:54 Par exemple, je vais vous faire une démonstration d'un moule qui date de 1906.
00:59 C'est le moule qui fait les grenadiers de Napoléon.
01:02 Les techniques aujourd'hui sont un petit peu différentes,
01:04 mais le principe reste le même.
01:06 C'est-à-dire qu'on vient verser du métal en fusion à l'intérieur d'un moule
01:09 et que ça va faire une forme.
01:10 Là, c'est l'alliage de plomb, d'étain et d'antimoine.
01:13 Au début, le métal va être très brillant, ça veut dire qu'il est encore chaud.
01:17 Et puis d'un coup, ça va se matifier.
01:18 Ça voudrait dire qu'il sera froid et que je pourrais démouler.
01:20 Brillant, brillant, brillant, brillant, mat.
01:23 Hop, donc là, vous avez la figurine.
01:26 Je vais enlever ce surplus qu'on appelle une carotte.
01:29 Ça repart en fonderie pour la fois suivante.
01:31 J'ai des moules.
01:32 Elles font 5,5 à 6 cm de haut.
01:34 En fait, le CBG était la plus grande fabrique de soldats de plomb,
01:37 donc c'est elle qui avait donné le standard au début du 20e siècle.
01:39 Notre atelier, on a été contraints de le fermer il y a quelques années
01:42 pour des questions de normes autour de la fonderie du plomb.
01:45 On a sous-traité dans un atelier en France pendant quelques années.
01:48 Et aujourd'hui, cet atelier a fermé.
01:49 On est partis à Madagascar.
01:52 Je m'appelle Murielle Pinson.
01:54 Je suis peintre dans l'entreprise.
01:56 Ça fait 29 ans que je travaille ici.
01:58 Mon rôle de peintre ici, c'est de récupérer toutes les pièces
02:01 qui reviennent de chez les peintres pour les vérifier,
02:04 pour qu'il n'y ait pas d'erreurs au niveau des détails.
02:06 Chaque pièce est peinte à la main.
02:07 C'est un plaisir de pouvoir les peindre, de leur faire comme s'ils allaient vivre.
02:13 Et en plus d'ici, je fais les réparations des pièces
02:17 pour les clients qui cassent leurs pièces.
02:20 C'est son épée avec le fourreau.
02:23 Pour les ressouder, on les soude à l'étain.
02:26 De toute façon, ce métier-là, il faut aimer.
02:29 C'est aussi une passion.
02:33 On est dans notre salle d'exposition.
02:34 C'est-à-dire qu'on a présenté dans ces vitrines
02:37 un exemplaire de chaque pièce de notre catalogue.
02:39 Ça en fait 12 000 au total.
02:41 On a énormément de thèmes militaires, bien sûr,
02:43 comme le terme soldat de plomb veut laisser croire.
02:45 Mais on a aussi pas mal de thèmes civils,
02:47 comme le cirque, les métiers, les sports, etc.
02:50 Chaque figurine s'est vendue entre 25 et 30 euros.
02:53 Aujourd'hui, les Régiments Napoléon sont les premiers
02:55 que les collectionneurs nous demandent.
02:56 Il y a deux raisons principales.
02:57 C'est déjà au niveau historique,
02:59 c'est une des périodes où la France rayonnait le plus.
03:02 Et puis, pour un collectionneur,
03:04 quand vous avez dans votre vitrine des soldats
03:07 avec des chapeaux de toutes les formes,
03:09 des uniformes de toutes les couleurs,
03:11 ça fait beaucoup plus chatoyant,
03:13 c'est beaucoup plus sympathique que d'avoir une vitrine
03:15 avec des soldats en bleu horizon, de la tête aux pieds,
03:17 qui sont tous différenciés simplement par un point sur le col.
03:21 Là, vous avez une pièce tout à fait exceptionnelle,
03:24 emblématique de nos productions, justement, civiles,
03:26 en dehors des soldats de plomb.
03:27 C'est ce qu'on appelle le grand chapiteau du cirque.
03:29 Dans cette pièce, vous avez 200 figurines différentes.
03:32 Le soldat de plomb a été créé
03:36 dans la deuxième moitié du XIXe siècle,
03:38 vous voyez, les années 1850-1870.
03:41 Il a été encouragé par le gouvernement
03:44 après la défaite de 1870,
03:46 parce qu'il fallait que les enfants retrouvent un élan patriotique.
03:49 Donc, on a énormément développé le soldat de plomb
03:51 entre la guerre de 1870 et la Première Guerre mondiale.
03:54 Donc, il y a eu tout un engouement,
03:57 un âge d'or du soldat de plomb au début du XXe siècle.
03:59 Il faut imaginer que le soldat de plomb, au début,
04:01 c'était un jouet pour les garçons,
04:02 ce n'était pas un objet qui était destiné
04:03 à être collectionné soigneusement.
04:05 Donc, les enfants jouaient avec, les cassaient ou les perdaient.
04:08 Et comme c'était des pièces qui étaient relativement chères,
04:10 ils se faisaient disputer par les parents quand ils rentraient.
04:12 Quand l'aluminium est arrivé entre les deux guerres,
04:14 il y a des fabricants qui se sont dit,
04:15 plutôt que de produire des soldats de plomb très chers,
04:17 on va plutôt faire des soldats de plomb en aluminium,
04:19 beaucoup moins cher.
04:20 Et le coup de grâce, ça a été l'arrivée du plastique,
04:22 où là, pour le prix d'un soldat en plomb,
04:24 vous aviez un paquet de 100 soldats en plastique.
04:26 Donc, les enfants ont complètement délaissé le soldat de plomb.
04:28 Jusque dans les années 1970,
04:30 où là, c'est devenu un objet de collection.
04:32 Les enfants qui avaient rêvé devant les vitrines de soldats de plomb
04:35 au début du XXe siècle, c'était devenu des adultes.
04:37 Ils avaient des pouvoirs d'achat qui leur permettaient,
04:39 à nouveau, de se payer des soldats de plomb.
04:41 Donc, on vit encore aujourd'hui sur cette clientèle de collectionneurs
04:45 un peu nostalgique de leur enfance.
04:46 Mais la clientèle des collectionneurs,
04:48 elle s'est un petit peu tassée depuis une dizaine d'années.
04:50 On est en train de trouver de nouveaux marchés.
04:52 J'ai la chance d'avoir mon fils qui, avec un ami,
04:55 décide de relancer une fabrication de soldats de plomb,
04:58 mais cette fois, des régiments beaucoup plus contemporains.
05:01 On a décidé de changer d'échelle et d'époque
05:03 dans l'idée de produire plus proche des statuettes que des soldats de plomb.
05:06 Donc là, en ce moment, on se concentre un petit peu
05:08 sur les unités de force spéciales.
05:10 Donc là, on a un exemple d'un soldat du 13e RDP,
05:13 13e Régiment de Dragons Parachutistes.
05:15 Et l'idée, c'est derrière, de faire toutes les unités françaises,
05:20 pourquoi pas étrangères après, dans un futur proche,
05:23 et essayer de récupérer des choses un petit peu particulières
05:27 de leur uniforme, de leur équipement de combat,
05:29 pour qu'on puisse vraiment en faire une statue dédiée.
05:32 [Applaudissements]
05:36 [Sonnerie de fin]

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