• il y a 10 mois
Marie Portolano reçoit Ludovic Sot, professeur d'histoire-géo, membre de l'association des professeurs d'histoire et de géographie à l'occasion de cette rentrée scolaire. Selon un sondage, les jeunes ont de plus en plus de lacune en histoire, nous revenons ensemble sur ce phénomène. 

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Transcription
00:00 Bonjour Ludovic, merci d'être avec nous.
00:02 Alors on a eu envie de vous inviter, c'est vrai, on est en rentrée scolaire pour les élèves.
00:07 Et on voulait parler de ce constat des lacunes des jeunes en histoire.
00:11 Alors c'est une enquête qui a été menée par OpinionWay pour la Tribune du dimanche.
00:15 Entre 16 et 24 ans, il y a beaucoup de lacunes en histoire.
00:18 Et quand je dis lacunes, ce n'est pas seulement la méconnaissance de quelques dates,
00:21 c'est plus alarmant, il s'agit carrément de culture et de connaissances.
00:25 Si je vous dis qu'à peine plus d'un jeune sur deux n'est capable de dire quand a débuté la Révolution française ?
00:31 La question, enfin il y a plusieurs questions qui se posent dans ce sondage,
00:34 c'est les questions qui sont posées, effectivement, quand a débuté la Révolution française ?
00:38 Alors vous pourriez me répondre le 14 juillet 1789, je pourrais vous répondre que ça a commencé avant aussi.
00:42 Oui c'est ça.
00:43 Donc il n'y a pas une seule date.
00:44 Et aussi le fait qu'aujourd'hui on a toujours insisté beaucoup sur les dates,
00:49 on essaye aussi de faire passer davantage de connaissances, de compréhensions des mouvements profonds.
00:54 Et le mouvement de la Révolution française est un mouvement profond.
00:57 Et donc savoir le 14 juillet, je suppose que la majorité des françaises savent ce que c'est,
01:02 maintenant le 14 juillet 1989 est connu surtout par la fête nationale plus que par le début de la Révolution.
01:07 Oui parce qu'en fait concrètement quand on voit cette enquête, ce n'est pas que les dates, c'est aussi les grands événements.
01:12 Oui, si vous regardez la Shoah par exemple, 63% des jeunes françaises savent ce que c'est que la Shoah.
01:17 Il faut déjà se réjouir de cette…
01:19 Mais 63 ce n'est pas énorme.
01:20 63 ce n'est pas énorme, mais c'est peut-être le terme de Shoah qui pose question.
01:23 C'est-à-dire que le terme de Shoah c'est un terme qui est utilisé depuis un certain nombre d'années maintenant en France.
01:28 Si on parle de l'extermination des juifs européens pendant la Seconde Guerre mondiale, la majorité des jeunes françaises savent ce que c'est.
01:34 Alors vous savez que non, parce que pour le coup j'ai rencontré quelqu'un cet hiver qui avait 18 ans,
01:39 enfin qui a 18 ans et qui me dit, on discute un petit peu de la culture,
01:42 et il m'a dit "mais attendez, on a fait du mal aux juifs pendant la guerre, pendant la Seconde Guerre mondiale ?".
01:46 Et donc j'ai dit "oui, il y a eu 6 millions de morts etc." et il ne le savait pas.
01:50 Et il m'a dit, ce n'était pas quelqu'un d'illitré, il m'a dit "ah ben je vais me renseigner alors, ok, merci".
01:54 Comment c'est possible ?
01:56 C'est l'exemple individuel, je ne sais pas, après c'est compliqué.
02:00 Aujourd'hui l'enseignement, par exemple sur la question de la Shoah, c'est au programme de primaire, en CM2,
02:06 c'est au programme de troisième, c'est au programme de terminale.
02:09 Donc on a forcément dans sa scolarité enseigné, appris ce qu'est la Shoah et l'extermination des juifs d'Europe.
02:17 Cet enseignement, il est fait partout, avec plus ou moins de difficultés,
02:21 puisque c'est une question qui parfois crée des polémiques dans certaines classes,
02:25 mais dans l'ensemble l'enseignement est fait.
02:28 Donc après, comment est-ce possible que les jeunes ne puissent pas répondre à cette question ?
02:32 C'est une question un peu complexe, parce qu'il faudrait, moi la question que je pose aussi,
02:37 c'est de savoir comment est-ce que ce sondage, si on l'avait posé il y a 10 ans, il y a 20 ans, il y a 30 ans,
02:41 est-ce qu'on aurait les mêmes réponses ?
02:42 Et je suis sûr que non, si vous prenez le chiffre le plus bas sur la connaissance de la rafle du Val-d'Yves,
02:48 posé la question il y a 30 ans, la majorité des Français ne savent pas ce que c'est que la rafle du Val-d'Yves.
02:53 Donc vous, en tant que prof, qu'est-ce que ça vous évoque, ça justement, ces lacunes en histoire ?
02:56 Il y a plusieurs questions qui se posent pour nous.
02:59 Il y a la question de l'ampleur de l'enseignement qu'on a à faire en histoire aujourd'hui.
03:04 On a des programmes qui sont de plus en plus longs, par définition l'histoire s'allonge.
03:07 Mais alors il n'y a que trois heures hebdomadaires.
03:09 Il n'y a que trois heures hebdomadaires, effectivement.
03:12 Si vous prenez il y a 20 ans, l'enseignement de Terminal était centré autour de la guerre froide globalement,
03:18 depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à 1991.
03:21 Aujourd'hui, l'enseignement de Terminal commence en 1929 et se termine aujourd'hui.
03:25 Donc avec la guerre froide, avec la guerre du Golfe, avec le génocide de Tutsi-Urbanda, avec les attentats.
03:33 Si vous posez la question aujourd'hui, le génocide de Tutsi-Urbanda est enseigné,
03:36 il ne l'était pas il y a 10 ans ou il y a 20 ans.
03:38 Qu'est-ce qu'il faudrait faire ? Il faudrait allonger ? Plus d'heures ? Plus d'heures en lits ?
03:42 En tout cas au lycée, plus d'heures que trois heures hebdomadaires, ce n'est pas suffisant ?
03:46 La question, effectivement, la revendication forcément des professeurs d'histoire-géographie,
03:50 c'est d'avoir davantage d'heures pour pouvoir prendre davantage le temps de l'enseignement et de la compréhension.
03:56 On est dans une société où on est dans l'immédiateté permanente.
03:59 Et on voit bien que les jeunes d'aujourd'hui, par les réseaux, par etc.,
04:03 sont dans une volonté de connaissance rapide et de zapping aussi rapide.
04:08 Donc nous, ce qu'on enseigne, c'est plutôt sur du temps long et c'est des apprentissages qui prennent du temps.
04:13 Mais alors concrètement, qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
04:17 Est-ce que c'est un désintérêt ? Parce que concrètement, c'est très intéressant l'histoire, c'est passionnant.
04:22 C'est passionnant, oui. Moi, je trouve que c'est passionnant, effectivement.
04:25 On a aujourd'hui beaucoup de jeunes qui sont passionnés par l'histoire.
04:29 Vous avez dans le nouveau bac cette spécialité "Histoire, géographie, géopolitique et sciences politiques"
04:34 qui recueille quand même un grand assentiment de la part de jeunes.
04:38 On a beaucoup de jeunes qui s'inscrivent dans cette spécialité, qui sont intéressés par ces questions.
04:42 Si je reviens à la question de la Shoah, elle est aussi enseignée dans d'autres spécialités,
04:47 humanité, littérature et philosophie, par exemple.
04:49 Et en philosophie également, on réfléchit à la banalité du mal.
04:52 Donc finalement, on a quand même un intérêt important.
04:55 Maintenant, il est clair que cet enseignement est toujours complexe et complexe selon les lieux où on enseigne.
05:01 Les lacunes sont réversibles ?
05:03 Les lacunes sont parfaitement réversibles, oui.
05:05 Il suffit quoi de lire, de s'intéresser ?
05:07 Il faut lire, il faut s'intéresser, il faut donner envie.
05:09 Aujourd'hui, on a plein de moyens pour donner envie aux jeunes.
05:11 Alors comment vous faites, vous, pour donner envie, vous, professeur ?
05:13 Comment on fait ? Il y a plusieurs éléments.
05:15 On peut d'abord utiliser… On ne va pas considérer que tout ce qui est réseaux sociaux,
05:19 tout ce qui est Internet, etc. est à jeter.
05:22 Sinon, on passe complètement à côté.
05:25 Donc on peut aussi aller les chercher en ayant, par exemple, un compte Instagram
05:29 sur lequel on peut leur passer des informations, on peut leur passer des podcasts,
05:33 on peut leur conseiller un certain nombre de lectures.
05:35 Vous avez aujourd'hui aussi beaucoup de romans graphiques ou de bandes dessinées
05:39 qui traitent de questions d'histoire et qui vont peut-être parfois plus toucher
05:42 des jeunes qui ont du mal à lire, par exemple.
05:44 Merci beaucoup, Ludovic Sceaux, professeur d'histoire-géographie au lycée Marie Curie de Sceaux,
05:48 membre de l'association des professeurs d'histoire et de géographie.
05:50 Merci beaucoup d'avoir été avec nous.

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