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Transcription
00:00 On va retrouver tout de suite à Beyrouth notre invité du jour, Joseph Baout. Bonjour, merci d'être avec nous.
00:04 Vous êtes directeur de l'Institut des affaires publiques et internationales de l'Université américaine de Beyrouth.
00:09 Peut-être un premier mot, un premier commentaire avec cette information qu'on a appris donc il y a moins d'une heure maintenant.
00:16 Un chef militaire du Hezbollah a tué ce matin visiblement dans une frappe israélienne.
00:22 Plusieurs sources donc font état de cette frappe.
00:26 L'homme jouet, vient d'indiquer un responsable de la sécurité libanienne, un confrère de l'AFP,
00:31 jouait un rôle de premier plan dans la direction des opérations militaires dans le sud.
00:36 Est-ce que ça, ça pourrait être un nouvel élément qui pourrait faire accentuer la tension dans la région ?
00:43 Probablement pas plus qu'autre chose. Je ne sais pas pourquoi on donne cette importance ce matin à cette mort.
00:52 Le Hezbollah a déjà perdu plus de 100 hommes depuis le début du conflit.
00:56 Certains étaient très très importants, peut-être même de l'importance de celui de ce matin.
01:00 Je crois que le Hezbollah a maintenant une ligne très claire.
01:03 C'est-à-dire qu'il s'agit de continuer à riposter aux frappes israéliennes,
01:07 mais sous le seuil qui ferait que le conflit ne s'embrasse pas et ne s'élargit pas au-delà d'une certaine limite.
01:13 On est encore dans la même équation.
01:15 Je crois que dans les heures qui viennent, le Hezbollah probablement ripostera à cette attaque-là,
01:20 de façon plus ou moins contenue.
01:22 La question n'est pas là. La question est de savoir maintenant,
01:24 avec la tension qui devient de plus en plus grandissante à la frontière,
01:28 si les efforts diplomatiques... Vous parliez de la visite d'Anthony Blinken.
01:32 Il y a d'autres visites dans la région. Il y avait Joseph Borrell hier à Beyrouth.
01:36 Il y aura des émissaires américains dans les heures qui viennent aussi à Beyrouth.
01:39 La question est de savoir si les efforts diplomatiques réussiront à obtenir ce qu'Israël veut du Hezbollah,
01:45 à savoir un retrait de la force radouane que vous citiez à quelques 10 km de la frontière.
01:51 Si ce n'était pas le cas, Israël menace d'une opération militaire limitée.
01:57 On ne sait pas très bien ce que ça veut dire et si ça servira à quelque chose.
02:00 C'est aujourd'hui dans ce contexte qu'il faut mettre l'ensemble de cette escalade.
02:03 Il y a bien sûr un autre volet à l'escalade qui est la riposte du Hezbollah
02:07 au meurtre, à l'assassinat du leader du Hamas au cœur de la banlieue sud de Beyrouth il y a quelques jours,
02:13 mais qui elle est une autre paire de manches et à laquelle le Hezbollah a déjà commencé à riposter.
02:18 Le Hezbollah qui a tiré des dizaines de roquettes vers une base militaire israélienne ce week-end.
02:23 Je vais répondre à votre interrogation.
02:25 Il est vrai qu'on est assez sensible, de plus en plus sensible peut-être,
02:29 étant donné le contexte à chaque annonce.
02:32 Aujourd'hui, la mort semble-t-il de ce militaire de premier plan au sein du Hezbollah libanais.
02:40 Qu'est-ce qui pourrait faire franchir la ligne rouge ?
02:43 On s'est beaucoup interrogé la semaine dernière après l'annonce de l'élimination d'une mirode du Hamas en plein cœur de Beyrouth.
02:49 Qu'est-ce qui, selon vous, pourrait être déterminant, qui pourrait constituer un point de bascule ?
02:55 Si l'on peut savoir ce qu'il y a dans la tête des stratèges du Hezbollah,
03:00 la ligne rouge est clairement l'attaque contre les civils à haut niveau, c'est-à-dire dans une échelle inacceptable,
03:08 et l'attaque répétée contre Beyrouth et sa banlieue.
03:12 C'est là la ligne rouge.
03:13 Le reste est bien clairement établi par le Hezbollah et par son chef dans tous ses discours.
03:18 Ce qui se passe au sud fait partie des règles d'engagement établies avec Israël depuis longtemps.
03:23 Le Hezbollah accepte et absorbe la mort de ces éléments, même s'ils sont très importants.
03:30 Je vous rappelle juste qu'il y a quelques semaines, c'est le fils du chef du bloc parlementaire du Hezbollah,
03:36 un très haut commandant dans la force radouane qui a été tué dans une frappe au sud.
03:40 Ça n'a rien changé à la riposte du Hezbollah.
03:43 Il accepte ces pertes militaires, mais il n'admettra pas probablement des frappes contre les villages au sud de Liban
03:50 qui feraient des victimes civiles.
03:52 Et il n'admettra surtout pas une atteinte à son bastion dans la banlieue sud de Beyrouth,
03:57 parce que là, ce serait sortir des règles d'engagement qui sont aujourd'hui le théâtre d'opération Israëlo-Hezbollah et confiné au sud.
04:05 En dehors de cela, bien entendu, il y a des choses beaucoup plus graves qui pourraient provoquer un embrasement,
04:10 mais elles ne sont pas posées sur la table aujourd'hui, c'est-à-dire probablement l'implication directe de l'Iran dans le conflit,
04:17 à laquelle évidemment le Hezbollah répondrait par une action d'une autre nature.
04:22 Mais on n'en est pas là aujourd'hui.
04:23 Aujourd'hui, la vraie question est de savoir si les efforts diplomatiques en cours en ce moment,
04:29 depuis deux ou trois jours, depuis une semaine, vont conduire à ce retrait relatif de la frontière.
04:36 En échange de quoi ? On ne le sait pas très bien.
04:38 Justement, l'objectif, l'enjeu de la tournée d'Anthony Blinken, quatrième tournée régionale depuis le 7 octobre, c'est quoi concrètement ?
04:48 Alors, il y a deux choses ou trois choses.
04:50 Il y a d'abord essayer de contenir la guerre à Gaza même.
04:54 Là, on parle de Gaza même.
04:55 Il y a, vous le savez, on le sait tous, depuis pratiquement un mois, un bras de fer latent, discret,
05:01 très fort entre Netanyahou et son équipe et la Maison-Blanche.
05:05 La Maison-Blanche considère que cette guerre a assez duré dans la forme qu'elle prend jusqu'à maintenant.
05:11 La Maison-Blanche et les États-Unis respectent évidemment le droit d'Israël à se défendre, à riposter.
05:18 Mais il y a la question des pertes civiles.
05:20 Il y a aussi la question, surtout la plus importante politiquement, celle du jour d'après et des projets israéliens.
05:26 La tournée de Blinken aujourd'hui est très particulièrement dirigée vers ce dernier point,
05:30 puisque le cabinet israélien récemment a proposé un plan en quatre points pour l'après-guerre à Gaza,
05:36 dont beaucoup d'aspects sont inacceptables, en tout cas pour le moment, par les États-Unis.
05:41 Ça, c'est le premier volet.
05:42 Le deuxième volet, c'est contenir l'escalade avec le nord d'Israël, c'est-à-dire avec le Liban.
05:48 Depuis deux jours, les phrases américaines sont extrêmement précises
05:52 dans le sens du refus de voir cette escalade prendre place.
05:56 Très probablement, les Américains envoient des signaux aux Israéliens leur disant que s'ils s'embarquaient dans cette affaire,
06:02 ils le feraient à ce moment-là tout seuls, sans l'appui logistique américain, ce qui est très important.
06:06 La troisième chose, qui est beaucoup plus latente, c'est la question régionale,
06:11 c'est-à-dire essayer de contenir le conflit de Gaza pour ne pas qu'il déborde vers des fronts beaucoup plus lointains,
06:17 comme celui d'Irak, de Syrie ou même du Hémen, où la Mer Rouge est en train de devenir un autre point chaud
06:23 qui ne met pas en jeu Israël à ce moment-là, mais qui met en jeu directement à la fois la flotte américaine
06:28 et la navigation maritime internationale.
06:31 Je vous interroge sur la marge de manœuvre dont disposent aujourd'hui les Américains, prévenus à la dernière minute.
06:39 La semaine dernière, on ne l'a pas oublié, de cette frappe en plein cœur de Mer Rouge.
06:42 Je crois qu'en coulisses d'ailleurs, on dit que Washington a très peu apprécié la façon dont cela avait été fait.
06:49 Quelle résonance va avoir la prise de parole, les requêtes formulées par Anthony Blinken ce soir à Tel Aviv ?
06:56 Tout à fait, je crois que c'est exactement la bonne question aujourd'hui à se poser.
07:00 D'abord, on sait tous quel est le degré de dissatisfaction, de mécontentement de l'administration américaine
07:07 par rapport à la surdité israélienne depuis le début du conflit.
07:12 Mais entre ces deux alliés, il y a quelque chose qui n'apparaît pas visiblement
07:16 parce qu'il protège un tout petit peu l'apparence de leur relation.
07:19 Mais la vraie question aujourd'hui qui se pose, et c'est ce que vous dites, c'est dans une année électorale américaine,
07:25 je vous signale qu'il y a une élection américaine présidentielle dans moins d'un an.
07:29 Aujourd'hui, dans les huit mois qui viennent, est-ce que cette administration continuera à avoir
07:35 la largeur de bande politique et diplomatique pour s'occuper de ce conflit ?
07:40 Et deux, est-ce que l'administration Biden va vouloir dilapider son crédit politique
07:45 ou ce qui en reste dans la région pour essayer de croiser le fer avec l'administration israélienne
07:51 et contenir ce conflit et peut-être, mais ça devient de plus en plus hypothétique,
07:56 lancer un plan de paix pour l'après ? C'est ça la vraie question.
07:59 Je crois qu'aujourd'hui, dans la tête, dans les calculs du Premier ministre israélien Netanyahou,
08:03 il y a clairement l'idée que la fenêtre américaine est en train de se rétrécir de jour en jour
08:09 et que lui, à ce moment-là, voit sa marge de manœuvre augmenter contre l'administration américaine,
08:15 ce qui risque de mettre la région dans une situation extrêmement explosive,
08:19 disons au détriment de la politique américaine dans la région.
08:23 Merci beaucoup, Joseph Baout. Merci d'avoir été notre invité du jour.

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