• il y a 10 mois
Alors qu'on annonce des températures de plus en plus froides, on s'interesse ce matin au nombre de sans-abris qui vivent dans la métropole de Montpellier.
Il y a quelques semaines, une chercheuse de l'université Paul Valéry a rendu publique une étude sur le "sans-abrisme" à Montpellier.
Ce recensement a été effectué à l'occasion de la dernière nuit de la solidarité organisée au printemps dernier dans la métropole.
Et à ce moment là, la ville comptait au moins 2700 personnes considérées comme sans-abris.
Cela regroupe les personnes qui vivent dans la rue, mais aussi celles qui vivent dans des squats, des bidonvilles ou qui sont accueillies en hébergement d'urgence.
On en parle donc ce matin avec l'auteure de cette étude, Marion Lièvre, ancienne chercheuse à la maison des Sciences de l'Homme-Sud à l'université Paul Valéry.

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00:00 46, c'est une question comme chaque matin, si vous le pouviez, seriez-vous prêt à accueillir
00:03 chez vous un ou une sans domicile fixe pendant l'hiver ? C'est la question qu'on vous pose
00:07 ce matin, on va en parler avec notre invité dans un instant, je voudrais juste savoir
00:10 où on en est au niveau des résultats Guillaume, c'était sans appel tout à l'heure.
00:13 Oui alors question directe, question même un petit peu cash, vous répondez franchement
00:18 alors certes sous l'anonymat de votre souris ou de votre petit clic, mais vous répondez
00:24 non à 76%, je ne suis pas prêt, même si je le pouvais, à accueillir un ou une sans
00:30 domicile fixe à mon domicile pendant l'hiver et quand on va relire vos commentaires sur
00:34 la page Facebook, il y en a quelques-uns, vous pouvez d'ailleurs continuer même si
00:38 on attend surtout vos appels au standard de France Bleu Héro, vous dites que ce n'est
00:42 pas à vous, ce n'est pas à nous de régler le problème, mais c'est à l'État de faire
00:46 en sorte, comme l'avait promis, il faut le rappeler aussi en 2017 Emmanuel Macron, lors
00:50 de sa première campagne présidentielle, de faire en sorte qu'il n'y ait plus une seule
00:53 personne qui dorme dans la rue, c'est ce qu'il avait dit en 2017, je ne veux plus voir personne
00:57 dormir dans la rue avant la fin de l'année, malheureusement on attend toujours.
01:00 Une étude sur le sans-abri à Montpellier est sortie, Marion Lièvre est avec nous ce
01:05 matin, elle est maître de conférence à l'université de Bordeaux.
01:08 Depuis quelques mois, puisqu'il y a encore quelques mois, bonjour Marion Lièvre d'abord,
01:11 merci d'être venue nous rejoindre, vous étiez chercheur à la maison des sciences
01:15 de l'homme sud à l'université Paul-Valéry et c'est dans ce cadre là d'ailleurs que
01:20 vous aviez été sollicité pour, dans le cadre de cette Nuit de la Solidarité, mener
01:25 cette étude et donc mener notamment ce recensement.
01:29 Mais vous êtes toujours montpellierenne.
01:30 - Exactement.
01:31 - Ce qui nous permet de vous accueillir dans ce studio ce matin et on vous en remercie.
01:34 Donc Nuit de la Solidarité, au mois dernier, vous intervenez comme universitaire pour procéder
01:40 à une photographie, un recensement de ce qu'on appelle le sans-abrisme à Montpellier, c'est
01:46 ça ? - Exactement.
01:47 Alors l'enquête a eu lieu en mai 2023 et c'était la troisième édition pour la ville
01:52 de Montpellier, enfin la métropole de Montpellier et c'est une enquête qui prend cadre, qui
01:57 prend forme dans une dynamique nationale.
02:00 Donc c'est une enquête qui a lieu dans plus d'une trentaine de villes en France.
02:03 - Et vous avez publié vos résultats au mois de décembre dernier avec un chiffre très
02:09 précis.
02:10 En mai dernier, la ville, enfin la métropole de Montpellier, puisque cette étude vous
02:14 l'avez réalisée sur l'ensemble de la métropole, comptait au moins, disiez-vous, au moins,
02:20 2794 sans-abris.
02:23 2794, c'est un chiffre considérable quand même.
02:25 - Alors, exactement, oui, c'est un chiffre très important et je précise sans domicile.
02:32 C'est-à-dire que la catégorie de sans-domicile intègre...
02:35 - C'est très large, oui.
02:36 - Les personnes qui, la veille, étaient dans un hébergement d'urgence ou d'insertion,
02:41 ce que le sans-abri n'inclut pas.
02:45 - Oui, parce que vous recensez cette population-là qui n'est pas seulement la population qui
02:49 va, je dirais, dormir dans la rue, mais aussi celle qui dort en squat, en hébergement d'urgence
02:54 ou dans ce qu'on appelle les bidonvilles.
02:56 - Exactement, voilà.
02:57 - On en a beaucoup parlé pendant un moment avec un préfet de Leraud qui voulait démanteler
03:01 tous les bidonvilles de Montpellier et on se rend compte qu'au mois de mai dernier,
03:05 ce n'était pas le cas.
03:06 Il y en avait encore des gens qui dormaient en bidonville, beaucoup même.
03:08 - Oui, il y en a encore à peu près 600 personnes, je crois, qui vivent en...
03:13 Enfin, habitants, adultes et enfants compris.
03:16 Et en effet, beaucoup d'études montrent que les démantèlements ne changent pas beaucoup
03:22 la situation en termes de personnes et de nombre d'habitants des bidonvilles.
03:25 - Alors Marion Liève, comment vous avez procédé très concrètement pour recenser cette population-là ?
03:31 La nuit de la solidarité, en tout cas, vous a donné la possibilité et les outils pour le faire ?
03:36 - Alors, c'est une enquête qui repose principalement sur l'engagement bénévole, c'est-à-dire
03:42 que toutes les personnes qui passent les questionnaires, le square de l'enquête, sont bénévoles.
03:48 Donc du coup, voilà, ça repose sur l'engagement bénévole et sur la métropole qui a piloté
03:59 cette enquête sur Montpellier.
04:01 - Ça s'est passé un peu comme une maraude, en fait.
04:03 Vous êtes allé à la rencontre de ces personnes sans domicile fixe, dans la rue.
04:07 Certaines ont accepté de répondre, mais pas forcément toutes.
04:10 Certaines ont décidé de répondre.
04:12 - Alors, il ne s'agit pas vraiment d'une maraude, c'est important de le préciser.
04:16 - C'est un peu le même principe, on va dire.
04:17 - Voilà, c'est-à-dire qu'on va à la rencontre des personnes et on leur demande si elles
04:22 sont d'accord pour répondre au questionnaire.
04:25 Et en effet, sur les 267 adultes rencontrés, il y en a 123 qui ont donné leur consentement.
04:31 - Et les autres refusaient de répondre.
04:32 - Alors, 30 ont refusé.
04:34 30 autres n'étaient pas disponibles.
04:36 Soit ils dormaient, soit il y avait des tentes ou des campements qui n'étaient pas habités
04:42 à ce moment-là.
04:43 Donc voilà.
04:44 Et puis après, il y a eu pas mal de non-réponses aussi.
04:47 - Et parmi ceux qui refusaient, ils refusaient pourquoi ? Quelle explication ils vous offraient ?
04:52 - On n'a pas forcément de motif.
04:53 On n'a pas forcément de précision du refus.
04:56 Souvent, ce qui revient, c'est la critique de la prise en charge par l'État et les politiques publiques.
05:03 - Donc, 267 personnes rencontrées, me disiez-vous, qui vous a permis de faire une projection
05:08 ensuite entre ceux qui dorment dans la rue, ceux qui dorment dans les bidonvilles, ceux
05:12 qui dorment dans les accueils d'urgence.
05:13 Il y a quelques données quand même, on va éviter de donner trop de chiffres.
05:16 Ça donne quand même un petit peu une idée.
05:18 600 personnes à l'époque qui vivaient encore dans des bidonvilles, c'est ça ? Un peu plus
05:23 de 600, je crois.
05:24 Plus de 1000 personnes à ce moment-là accueillies en hébergement d'urgence et en été au mois de mai.
05:29 On peut imaginer que ces chiffres-là sont différents aujourd'hui avec l'hiver, non ?
05:34 - Complètement.
05:35 Plus 634 personnes aussi de mise à l'abri, c'est-à-dire en hôtel social.
05:38 Ce qui fait en gros plus de 1700 personnes prises en charge la veille, le soir de l'enquête.
05:45 Oui, complètement, avec un chiffre qui est potentiellement plus important aujourd'hui
05:49 en situation hivernale.
05:51 Plus de 600 personnes placées dans des hôtels à l'époque et 242 qui vivaient dans des squats.
05:55 Ce que vous appelez des squats, ce sont des logements vacants ou détériorés, inoccupés,
06:00 qui sont du coup occupés par ces personnes.
06:03 - Alors, vacants pas forcément, c'est-à-dire que c'est des lieux en tout cas qui sont occupés
06:07 sans droit ni titre.
06:08 - Oui.
06:09 Et alors ce qui est intéressant à travers votre recensement, c'est que c'était la troisième
06:12 édition de la nuit de solidarité, donc vous avez un peu de recul aussi par rapport à
06:16 des nuits de la solidarité précédentes.
06:18 Et comment les choses ont-elles évolué ?
06:20 Vous vous êtes rendu compte que finalement ça ne s'est pas arrangé du tout et que même
06:23 cette population-là était en augmentation ?
06:26 - Alors, les chiffres sont quand même assez stables alors que l'enquête n'a pas eu lieu
06:30 forcément tout le temps à la même période.
06:32 En 2019 c'était en mai, donc la même période, mais en 2022 l'enquête était en janvier,
06:36 donc en période hivernale.
06:37 Les chiffres sont assez similaires.
06:39 Après, il est difficile justement de comparer ces chiffres et il est difficile aussi de
06:46 s'en tenir à ces chiffres comme une représentation de la réalité.
06:51 On insiste vraiment sur le fait que c'est une photo, un instant T.
06:54 - En tout cas, ça ne diminue pas, ça c'est une évidence.
06:57 Et alors j'ai relevé quand même deux, trois choses dans vos conclusions.
07:01 D'abord le nombre de femmes qui...
07:03 Là en revanche, étant en haut, on peut dire de femmes seules qui vivent ou dans la rue
07:09 ou dans des hébergements d'urgence, ça c'est assez net.
07:12 - Complètement.
07:13 Et pour revenir sur le profil des personnes sans abri ou sans domicile, il y a des femmes
07:20 et aussi des familles.
07:21 C'est important aussi de prendre en compte la présence de famille.
07:24 - Ça c'est nouveau ou pas les familles ?
07:25 On va dire avec enfants ?
07:27 - Oui, voilà.
07:28 C'est en effet de plus en plus présent ces derniers temps, ces dernières années.
07:33 - Vous observez aussi que le nombre de personnes qui passent la nuit sous une tente a aussi
07:37 été en 2023, avait été multiplié par deux par rapport à 2022.
07:42 Deux fois plus de gens qui vivent sous une tente, y compris en hiver.
07:46 - Alors là l'enquête était en mai.
07:48 - C'était en mois de mai, mais dans ce qu'elles vous déclarent en tout cas, dans ce qu'elles vous disent.
07:52 - C'est là les limites encore une fois de cette enquête, c'est que c'est un instant T,
07:56 donc en fait on leur demande ce soir-là où est-ce qu'elles vivent, et on ne peut pas
07:59 savoir si c'est le cas toute l'année.
08:02 Alors il y a une question quand même qui permet de demander, est-ce que vous vivez là régulièrement ?
08:06 Et en effet, cette question-là permet de vérifier que oui, la tente,
08:10 enfin en tout cas quand ils ont déclaré habitude dans une tente, c'était le cas toute l'année.
08:15 - Il y en a aussi qui vivent dans leur voiture, dans une petite proportion.
08:18 - Ou dans des locales électriques d'immeubles aussi.
08:21 - Et alors, dernière chose Marion Lièvre, dans votre étude, j'ai cru comprendre aussi
08:27 qu'il y a une grande proportion de ces personnes qui disent être dans cette situation-là
08:33 depuis au moins cinq ans, c'est ça ?
08:35 - Oui, complètement.
08:36 - Ça veut dire qu'on s'est installé dans la précarité ?
08:39 - Complètement, et ça c'est quelque chose qui est très important, puisqu'il y a souvent
08:43 cette idée qui revient de personnes qui sont dans des processus de saisonnalité,
08:47 donc qui viennent, qui repartent, etc.
08:49 Ce qu'on voit c'est qu'il y a quand même une majorité de personnes qui sont là depuis longtemps.
08:55 - Et qui n'ont pas trouvé d'autres solutions que celle-là dans les cinq années qui ont précédé.
09:01 C'est peut-être le caractère le plus inquiétant des conclusions de votre enquête, non ?
09:06 - Oui, en effet, c'est un constat qui est fait par d'autres enquêtes au niveau national,
09:12 c'est pas quelque chose qui est nouveau.
09:15 - Pas spécifique à Montpellier ?
09:16 - Non, non, non, complètement.
09:17 Mais en effet, ça montre à quel point on est avec une population qui est là, ancrée,
09:22 et du coup ça donne aussi une autre manière, ça permet d'appréhender les politiques différemment.
09:29 - Merci Marion Liev d'être venue nous parler de votre étude et de votre recensement.
09:33 Je rappelle le chiffre, en mai dernier, 2794 personnes vivaient dans la rue ou dans des squats
09:39 sur la métropole de Montpellier.
09:40 C'est quand même un chiffre assez considérable, évidemment.
09:44 On pense à elle en cet hiver qui commence à être un petit peu rigoureux avec les températures qui baissent.
09:49 Merci à vous d'être venue ce matin nous en parler.
09:51 - Merci à vous, merci à vous, au revoir.
09:53 - Et notre question est toujours en ligne, si vous le pouviez,
09:55 seriez-vous prêt à accueillir chez vous un sandomye Silfix pendant l'hiver ?
09:58 Vous pouvez y répondre sur la page Facebook France Bleu Héro sur notre appli.
10:01 Vous retrouvez en tout cas cette interview sur Francebleu.fr.
10:04 Dans un instant les infos de 8h, juste après Véronique Samson.

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