Alors que la télévision publique suisse interdit la diffusion des films avec Gérard Depardieu, soupçonné de viols et visé par des plaintes pour agressions sexuelles, Aliénor Laurent, présidente de l'association Osez le Féminisme 67, est l'invitée de France Bleu Alsace.
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00:00 C'est un des sujets qui a fait débat autour des tables de fête de fin d'année,
00:04 les agissements de Gérard Depardieu, dénoncés dans le documentaire "Complément d'enquête"
00:09 et toutes les réactions qui en ont suivi d'Emmanuel Macron aux artistes, pour et contre l'acteur.
00:14 En Suisse, la télévision publique, Théo, a interdit la diffusion des films avec l'acteur français.
00:20 Et on y revient en effet ce matin avec la présidente de l'association Osée, le féministe dans le barin.
00:25 Bonjour Aliénor Laurent.
00:26 Bonjour Théo.
00:27 Le débat autour de Gérard Depardieu, toutes les réactions avec les contre-tribunes,
00:31 est-ce que ça vous a choqué ou justement les réactions contre Gérard Depardieu
00:35 vous ont plutôt encouragé à dire qu'il y a quelque chose qui change ?
00:37 Bien sûr que ça nous a extrêmement choqué.
00:39 Ce qui nous a surtout choqué, ce sont les propos tenus par Gérard Depardieu.
00:43 Néanmoins, ce que je veux dire, c'est qu'encore une fois, ce n'est pas surprenant
00:46 puisque ça fait depuis la fin des années 90 que Gérard Depardieu a reconnu avoir commis plusieurs vuioles,
00:51 notamment dans les médias américains.
00:53 Donc il y a eu toujours ce mécanisme de protection en France.
00:58 Les propos tenus en complément d'un fait ont heurté.
01:02 Et en plus de ça, que ce soit les réactions qui ont suivi, celle du président de la République,
01:06 qui, mine de rien, a quand même pris position en faveur de Gérard Depardieu
01:10 en n'ayant pas un seul mot pour les victimes.
01:12 Et ensuite la tribune "N'effaçons pas Gérard Depardieu" signée par 50, 56 personnalités du cinéma,
01:18 bien sûr, ont extrêmement choqué.
01:20 Et je pense qu'il n'y a pas uniquement les associations féministes qui l'ont été.
01:23 Beaucoup de femmes, beaucoup de personnes se sont senties complètement attaquées.
01:27 Et moi j'ai vraiment une parole pour les victimes et une pensée pour elles,
01:30 pour ce qu'elles ont dû ressentir à ce moment-là.
01:33 Vous avez eu des réactions justement de personnes, de femmes,
01:35 après les propos qui ont été diffusés dans le reportage de Complément d'Enquête
01:39 ou même les propos d'Emmanuel Macron ?
01:41 Oui, tout à fait. Nous avons eu beaucoup de réactions,
01:43 notamment des femmes qui ne se revendiquaient pas particulièrement comme féministes,
01:47 particulièrement engagées et qui pourtant nous ont écrit pour nous dire
01:50 qu'elles étaient absolument scandalisées, qu'elles se sentaient bafouées, outrées,
01:53 qu'elles ne comprenaient pas cette prise de position,
01:55 que ce soit celle du Président de la République
01:57 ou que ce soit celle des signataires de la tribune "N'effaçons pas Gérard Depardieu".
02:01 Est-ce que le temps de parole, puisqu'on a beaucoup parlé évidemment de cette affaire,
02:06 il y a eu beaucoup de débats dans les médias,
02:08 est-ce que le temps de parole a été équilibré entre les victimes et entre Gérard Depardieu ?
02:12 Qu'est-ce que vous en avez ressenti par rapport à ça ?
02:14 Non, le temps de parole n'a pas du tout été équilibré.
02:17 On a beaucoup entendu des personnalités publiques prendre des positions,
02:21 notamment bien sûr dans les médias,
02:23 et nous n'avons pas entendu les victimes.
02:25 Charlotte Arnoux, pour rappel, c'est la femme qui a porté plainte contre Gérard Depardieu.
02:31 C'est pour cette affaire qu'il est mise en examen depuis 2020 ?
02:33 Exactement, ça fait maintenant 4 ans.
02:35 On ne l'a pas beaucoup entendu dans les médias, ni les autres victimes.
02:38 Et par ailleurs, au-delà du fait que l'antenne n'a pas forcément été occupée
02:42 par des anciennes victimes ou de ménager à des victimes,
02:44 nous n'avons pas beaucoup parlé d'elle.
02:46 En tout cas, le camp "adverse", les signataires, le président de la République,
02:50 n'ont pas eu un seul mot pour les victimes.
02:52 Cette initiative de la télévision suisse dont nous parlons depuis ce matin,
02:56 c'est-à-dire qu'ils ont décidé d'arrêter de diffuser les films
02:58 dans lesquels Gérard Depardieu figure, ou du moins dans lesquels il a le rôle principal,
03:02 est-ce que c'est quelque chose qu'il faudrait faire en France, selon vous ?
03:05 La télévision suisse, c'est une chaîne publique, pour rappel,
03:09 a choisi en ce moment de ne plus mettre des films Gérard Depardieu à l'antenne
03:15 selon, de ce que je lisais, l'avis des téléspectateurs
03:19 qui ne souhaitaient plus voir Gérard Depardieu.
03:21 Je trouve cette décision quand même assez salutaire
03:23 puisque nous sommes dans un moment de polémique compliquée
03:26 avec la diffusion de compléments d'enquête,
03:29 puis des contre-tribunes et des tribunes.
03:31 Si le public n'en veut pas, en France le public a aussi été choqué,
03:35 je ne sais pas s'il faut en faire une décision pour toutes les télévisions,
03:39 toutes les chaînes, je sais que France Télévisions a aussi pris cette décision,
03:42 ce sont des décisions qui peuvent être réexaminées par la suite.
03:45 Il y a eu un débat autour de ça, beaucoup d'échanges,
03:49 mais France Télévisions ne va pas empêcher la diffusion des films avec Gérard Depardieu.
03:52 Ça a été sous-entendu à un moment par les internautes,
03:54 mais en effet non, ils ne vont pas le faire.
03:55 En tout cas, je pense qu'on a suffisamment de films en France
03:58 et on regorge de cet art pour ne pas forcément diffuser des films de Gérard Depardieu,
04:02 ce mois-ci par exemple.
04:04 - On vous pose la question ce matin sur France Bleu Alsace,
04:06 est-ce qu'il faut que les télévisions françaises, la télé française,
04:10 se calquent finalement sur ce que fait la RTS en Suisse,
04:14 donc interdire les films de Gérard Depardieu ?
04:17 Vous parlez de décision salutaire, Aliénor Laurent,
04:20 présidente de l'association Osée le Féminisme 67,
04:22 invitée de France Bleu Alsace ce matin pour réagir,
04:24 voici le numéro 0388 25 15 15.
04:28 - Il y a eu beaucoup de réactions, même très épidermiques,
04:30 au sujet de Gérard Depardieu, sur la question de la Légion d'Honneur,
04:33 sur la question de ses films, est-ce qu'il faut continuer à les passer ou pas ?
04:36 Qu'est-ce que cette affaire Depardieu dit peut-être de nos perceptions
04:40 de ce qu'est un agresseur sexuel Aliénor Laurent ?
04:42 - Alors plusieurs choses, déjà la première chose je pense que cette affaire-là,
04:46 que ce soit les propos tenus ou le fait que ce soit cette figure de Gérard Depardieu,
04:51 qui est appelée le monstre sacré et c'est pas pour rien,
04:54 a percuté en fait notre vision de ce qu'est un agresseur.
04:58 En France et ailleurs, on a construit une espèce de mythe autour de l'agresseur
05:01 qui serait un homme qui attrape les femmes la nuit dans un parc
05:04 ou dans un coin de ruelle sombre.
05:06 Les agresseurs en France, c'est pas ça en fait la réalité.
05:09 Il y a un viol sur dix pour lesquels effectivement c'est un agresseur qu'on ne connaît pas,
05:13 c'est pas de chance, on tombe sur lui.
05:15 Dans les neuf autres cas, c'est un agresseur qui est dans notre entourage proche,
05:19 donc notre famille ou nos amis, c'est ça la réalité.
05:22 Donc effectivement ça percute, Gérard Depardieu c'est l'acteur français,
05:26 c'est le bon GG qui joue Obélix, que tout le monde adore,
05:30 tout le monde adore ce film, ça percute notre vision.
05:32 Donc effectivement ce que ça dit là, c'est qu'on a du mal à se rendre compte
05:35 que ça peut être aussi notre voisin qu'on aime bien, notre meilleur pote,
05:39 mais en fait c'est ça la réalité.
05:41 Et par ailleurs, ce que ça dit aussi cette affaire là,
05:43 c'est que depuis MeToo, donc ça fait maintenant cinq ans passés, presque six ans,
05:48 on nous dit "oui ça a changé, les femmes parlent".
05:51 Oui les femmes parlent, les femmes ont toujours parlé, ça c'est important de le dire.
05:54 Il y a eu MeToo qui a permis effectivement d'avoir cette vision médiatique,
05:59 le fait que tout le monde en a parlé, ça a créé une ouverture.
06:03 Néanmoins, regardons les propos du président de la République,
06:05 les femmes parlent, mais qui les écoute ? On ne les écoute pas.
06:08 On va écouter justement des propos aussi de réaction.
06:11 C'était au moment lorsque la tribune est sortie en soutien à Gérard Depardieu,
06:15 notamment l'académicien Jean-Marie Rouart,
06:17 qui appelait à ne pas annuler, à ne pas mettre Depardieu au placard.
06:21 Ne soyons pas punis, bon, un acteur de la dimension de Gérard Depardieu,
06:26 on l'embête pour des déclarations qui peuvent être vulgaires.
06:30 Et alors est-ce que c'est important dans la vie ?
06:32 Ce qui compte, c'est ce qu'il est, c'est ce qu'il apporte.
06:36 L'opinion est dans la mauvaise voie.
06:38 En moralisant bêtement ces grands artistes,
06:42 elle est en train de vouloir supprimer une liberté fondamentale
06:46 et supprimer surtout ce qui fait le bonheur de la France,
06:50 cet humour qu'on pouvait avoir et cette indulgence qu'on avait avec la vie
06:55 des grands artistes.
06:56 - Ce qu'on entend dans les propos de Jean-Marie Rouart aussi,
06:59 c'est un affrontement entre deux générations,
07:01 entre une génération plus ancienne qui ne comprend pas forcément
07:05 les changements que veulent impulser les nouvelles générations.
07:08 Comment est-ce qu'on arrive à faire dialoguer ces deux générations ?
07:11 Est-ce que c'est encore possible, vous pensez à Léonard Laurent,
07:13 de faire dialoguer ces deux générations ?
07:15 - Je pense que c'est possible et il ne faut effectivement pas couper le débat.
07:18 Sinon, vers quelle société irons-nous ?
07:20 L'idée c'est de pouvoir effectivement recréer une société égalitaire
07:24 dans laquelle il n'y a pas de domination d'un sexe sur l'autre,
07:27 en l'occurrence des hommes sur les femmes.
07:29 Et ça commence par le fait de se dire qu'on fait le deuil de Gérard Depardieu,
07:33 notre acteur préféré, on fait le deuil de, comme le disait l'académicien,
07:39 qu'on vient d'entendre, c'est de dire Gérard Depardieu en tant qu'acteur
07:42 est en dehors de notre société.
07:44 Non, l'art se situe dans la société, elle n'est pas indépendante
07:48 et Gérard Depardieu c'est pareil.
07:50 Ces systèmes d'agression des femmes systématiques dans les hautes sphères,
07:54 que ce soit médiatique, journalistique, politique,
07:57 elles se créent justement parce qu'il y a cette omerta,
07:59 parce qu'il y a des figures aussi imposantes que celles-ci.
08:01 Et on n'en veut plus.
08:02 Donc oui, effectivement, on continue de dialoguer.
08:04 Par contre, pour ce qui est des agresseurs du sexisme, du machisme, on n'en veut plus.
08:08 - Une dernière question.
08:09 Il y a quand même eu des avancées, notamment dans le domaine du cinéma.
08:12 On parle du Collectif 50/50 qui donne la parité au sein des sphères du cinéma.
08:18 Les coachs d'intimité qui permettent de réguler les tournages, etc.
08:22 On a aussi l'exemple du réalisateur Samuel Teiss qui est accusé de viol
08:27 et qui a été isolé du tournage pour permettre aux équipes de continuer à travailler.
08:33 Est-ce que Gérard Depardieu est finalement juste un peu l'exemple de l'arbre qui cacherait la forêt ?
08:37 Il y a quand même des avancées dans ce milieu-là.
08:39 - Alors, c'est sûr qu'il y a des avancées de là à s'en satisfaire pleinement.
08:44 Je pense que c'est difficile puisqu'on le voit encore là avec l'affaire Gérard Depardieu
08:48 ou le fait que simplement les femmes ne soient pas forcément valorisées.
08:52 Je pense à la réalisatrice du film qui a été primée très récemment au Golden Globe,
08:57 dont Emmanuel Macron aurait pu se gargariser en disant qu'elle faisait la fierté de la France.
09:02 Ça n'a pas été le cas.
09:03 Bien sûr que ça lui les avancées, néanmoins, c'est toujours pas assez.
09:07 - Bonjour Menouba.
09:08 - Oui, bonjour.
09:09 - Bienvenue sur France Bleu Alsace.
09:11 Vous souhaitez réagir, Menouba ?
09:12 On se pose la question nous ce matin.
09:14 La RTS, la télé suisse qui interdit les films de Gérard Depardieu,
09:16 est-ce qu'on doit faire la même chose en France ?
09:18 - Oui, je pense parce que maintenant ça suffit, ce machisme que ces hommes sont toujours en train de démontrer,
09:26 dire que la femme c'est juste un objet.
09:29 Ça suffit maintenant, il faut qu'ils arrêtent.
09:32 C'est un mec qui, au départ, était assez proche de la vie de la vérité,
09:42 mais aujourd'hui, avec ses succès, ses arrogances,
09:47 allez stop, ça suffit, on arrête.
09:49 Oui, il faut les interdire.
09:51 - Donc si demain, Menouba, il y a un film de Gérard Depardieu qui passe à la télévision,
09:55 vous, c'est simple, vous boycottez, vous ne regardez pas ?
09:58 - Je ne vais pas, je ne regarderai pas.
10:00 Non, non, non, non.
10:02 - Et ces films de Gérard Depardieu éventuellement que vous appréciez,
10:05 est-ce qu'aujourd'hui vous ne les appréciez plus ?
10:07 Est-ce que tout cela a changé votre vision des choses, votre perception de l'acteur ?
10:10 - Oui, maintenant, oui.
10:12 Il faisait une très belle émission sur la qualité de manger, boire, tout ça,
10:19 mais maintenant, j'enlève tout.
10:22 J'enlève tout parce que finalement, c'était bon, c'est un comédien.
10:27 Il joue avec la vie, il joue avec les sentiments des gens.
10:31 Et puis, il aura le bol de ces hommes qui ont toujours des mauvais regards sur les femmes.
10:36 Ça suffit, je ne sais pas, on est en 2021, en 2024.
10:40 - 24 même, oui, oui.
10:42 - Non, au 21e siècle.
10:44 - Oui, au 21e siècle, tout à fait.
10:46 - Il faut qu'on arrête de nous prendre pour des moins que rien,
10:49 parce que c'est ce qu'il fait en plein compte.
10:51 - Stop Depardieu, voilà le message, votre message, Menouba.
10:55 Merci de nous avoir appelés depuis Strasbourg ce matin, belle journée à vous.
10:58 - A vous aussi, au revoir. - A bientôt, Menouba.
11:00 - Une dernière réaction peut-être, est-ce que ce qu'on entend là, les propos de Menouba,
11:03 ça aurait été possible il y a encore quelques années de les entendre comme ça,
11:06 dans ce contexte-là, par exemple ?
11:08 - Déjà, merci beaucoup.
11:09 - Apporté par les associations, pas apporté par des militants, des militantes.
11:13 - Merci beaucoup, Menouba, pour votre soutien et pour vos propos qui sont très justes,
11:17 et je pense qu'ils reflètent une bonne partie des propos des gens en France.
11:21 Effectivement, c'est courageux de le dire, puisque encore aujourd'hui,
11:24 quand on tient les propos comme Menouba a pu le faire,
11:27 on nous oppose "Cancel culture", "Une tribune n'effaçon pas Gérard Depardieu",
11:31 donc effectivement, c'est encore une fois, vous le disiez tout à l'heure,
11:33 ça fait partie des avancées qu'on peut avoir,
11:36 c'est qu'aujourd'hui, on peut tenir ces propos-là,
11:38 sans passer pour, je reprends volontairement des propos qu'on nous aurait pu nous asséner,
11:42 c'est les hystériques de service qui veulent interdire Gérard Depardieu.
11:46 Pourquoi ? Parce qu'il a touché les fesses, parce qu'il a touché les seins d'une jeune actrice,
11:50 et que si elle était là, c'est peut-être parce qu'elle le voulait.
11:54 Globalement, c'est ça. Et aujourd'hui, ce n'est plus le cas,
11:56 on a une prise de conscience et on refuse.
11:58 Et comme l'a dit Menouba, on n'en peut plus, ça suffit.
12:00 On va de l'avant, et le futur sera fait d'égalité entre les femmes et les hommes,
12:04 en tout cas, on l'espère et on se bat pour.
12:06 Merci beaucoup Aliénor Laurent d'être venue ce matin dans les studios de France Bleu Alsace,
12:10 présidente de l'association aux ailes féministes dans le bar.
12:12 Merci et bonne journée à vous.
12:14 Merci beaucoup.
12:16 dans l'intégralité sur francebleu.fr