Rencontre avec Cécile de France, pour la sortie au cinéma de « Bonnard, Pierre et Marthe » de Martin Provost.
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00:06 D'abord, c'était parce que c'est Martin Provo qui réalisait
00:10 et que j'avais été complètement emportée, subjuguée par Séraphine.
00:14 La manière dont il avait dirigé Yolande Moros, c'est absolument merveilleux.
00:18 Donc je me suis dit, oh là là, si j'ai la chance d'être aussi dirigée par lui.
00:22 Donc déjà, avant de lire le scénario, j'avais déjà très envie.
00:25 Et après, oui, j'ai découvert ce personnage qui est très singulier, très énigmatique, très sauvage,
00:32 en connexion avec la nature, et puis folle aussi, et puis menaçante, dangereuse.
00:37 Il y avait beaucoup de choses à jouer parce qu'il a toute une trajectoire.
00:41 Ça part du moment, du jour où ils se rencontrent, Pierre et Marthe,
00:45 et on la voit mentir sur son identité pour pouvoir opérer son transfuge,
00:49 pour pouvoir effacer leur différence sociale et garder Pierre comme un idéal.
00:56 Et puis après, se retrouver enfermée toute seule dans son mensonge pendant presque 40 ans,
01:02 puisque c'est uniquement le jour de leur mariage, quand Marthe aura 59 ans,
01:07 qu'il va découvrir que ce n'est pas sa vraie identité.
01:10 Et donc pendant tout ce temps, elle a gardé comme étouffée par les fantômes de son passé,
01:16 et voilà ce terrible secret, toute seule.
01:19 Pour finir par rencontrer la peinture, évidemment grâce à Pierre,
01:24 mais comme pour transcender sa douleur.
01:27 Et puis finir, elle est complètement folle, elle est psychotique.
01:31 Et puis aller jusqu'à sa mort.
01:33 Enfin voilà, vous voyez, il y a de sa jeunesse à sa vieillesse,
01:37 en racontant aussi tout ce qu'un couple vit en 50 ans d'amour.
01:46 C'est ce mystère qui était la source d'inspiration première de Pierre Bonin,
01:50 puisqu'il a représenté Marthe, son amoureuse, plus de mille fois, deux mille fois,
01:56 plus tous les croquis qu'on n'a pas retrouvés, etc.
01:59 Mais justement, imbibé de ce mystère.
02:02 C'est-à-dire que quand il représentait son visage, c'était toujours la tête baissée,
02:07 deux trois quarts, deux profils, les yeux clos.
02:11 Enfin vous voyez, c'était toujours flou, elle n'était pas nette.
02:14 En fait, il avait bien compris, je pense, qu'elle n'était pas qui elle disait être.
02:18 Et c'est ce mystère qu'il a totalement inspiré.
02:22 À la fois, il y a les représentations de Marthe,
02:28 qui était vraiment justement de l'avoir enfermée dans ce monde intérieur inaccessible.
02:33 Et puis après, il y a beaucoup d'artistes de l'époque, d'écrivains,
02:37 qui essayaient de comprendre qui elle était.
02:40 Et personne n'a vraiment réussi à cerner son personnage.
02:43 Et donc, il y a des écrits qui sont restés.
02:47 Et il y a notamment Annette Vaillant qui disait qu'elle avait des yeux assis d'une fixité végétale.
02:53 Et Tadée Nathanson, je l'ai dit parce que je l'ai collée par cœur,
02:56 parce qu'elles m'ont vraiment servi chaque jour.
03:00 Des fois, on s'en éloignait parce qu'évidemment, ce qui comptait, c'était la vision de Martin Proveau.
03:05 Et Tadée Nathanson qui disait qu'elle avait d'un oiseau l'air effarouché,
03:09 le goût de l'eau, ça c'est très présent dans le film, de se baigner.
03:13 Et la démarche sans poids qui vient des ailes.
03:15 Bon, ça c'était un peu moi parce qu'elle était toute petite.
03:19 Après, elle était moins connue que Pierre Bonnard,
03:21 donc on n'était pas non plus enfermés dans une représentation réaliste de qui elle était vraiment.
03:27 Il avait vraiment étudié comment il se tenait physiquement,
03:35 la manière dont il peignait, évidemment.
03:37 Tous les deux, on a travaillé, lui la peinture, moi le dessin.
03:41 Et donc de le voir comme ça, être responsable d'être au plus proche de ce que Pierre Bonnard était,
03:47 et en étant aussi évidemment ouvert à la direction et à la vision du réalisateur de Martin.
03:53 De le voir travailler comme ça, ça m'a en tout cas impressionné et ça m'a stimulé aussi,
03:59 même si j'étais très, très, très investie aussi dans le plaisir que j'avais,
04:05 la chance que j'avais d'interpréter un personnage aussi complexe.
04:08 [Musique]