• il y a 11 mois
Interview cinéma d'une émission produite par CANAL+ autour d'un film disponible sur CANAL+ ou sortant en salles, un événement ou une actualité du 7ème Art
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Transcription
00:00 - On est au musée d'Orsay, devant des toiles de Bonnard.
00:03 Je me demandais en arrivant, est-ce que vous êtes du genre, tous les deux,
00:06 à flâner dans les musées, à aller...
00:09 Surtout en préparant un film sur un peintre.
00:11 - Ça m'arrive, mais pas souvent.
00:13 En effet, c'est assez beau de pouvoir voir ces toiles de Bonnard.
00:16 On voit le tracé de pinceau.
00:20 C'est un grand coloriste.
00:22 Et parfois, il commence une toile avec une envie d'une couleur.
00:25 Il n'est pas tout le temps le sujet.
00:27 Enfin, il n'est pas forcément un sujet.
00:29 Il disait "Tiens, j'ai trouvé ce jaune, je vais faire une toile avec ce jaune."
00:33 Et de voir comment il applique ses couleurs, comment il applique son pinceau,
00:37 c'est assez émouvant. C'est quelque chose qu'on ne voit pas, en effet.
00:40 - Vous ne connaissiez pas bien Bonnard,
00:43 si mes informations sont bonnes, avant de commencer le film.
00:45 Maintenant, vous le connaissez intimement.
00:48 Qu'est-ce que vous aimez chez lui ?
00:50 - Ce que m'a appris Bonnard, c'est sa façon de regarder le monde,
00:54 son aptitude à l'observation.
00:58 Quand j'ai pris des cours de peinture pour un peu travailler le rôle,
01:01 la première chose que la professeure de peinture me disait,
01:04 c'est de prendre le temps de regarder le sujet,
01:05 de ne pas commencer à dessiner ou peindre trop vite,
01:09 d'observer, de laisser la vie rentrer.
01:14 Et quand on voit cette toile, on le ressent tout de suite.
01:16 On voit la lumière, la couleur, la vie,
01:19 la nature qui rentre dans cette toile.
01:22 C'est la chose la plus importante.
01:23 C'est l'attitude à la méditation, à l'observation.
01:28 - Et vous, Cécile Bonnard, qu'est-ce qui vous plaît chez lui ?
01:31 Évidemment, il y a Pierre et Marthe.
01:33 Marthe, qui elle-même était peintre.
01:35 On va y revenir, mais qu'est-ce que vous aimez dans la peinture de Bonnard ?
01:37 - De Pierre Bonnard, le fait que ce soit très subjectif, très personnel,
01:41 le fait qu'il se soit libéré de tous les mouvements artistiques
01:44 qui pourtant se bousculaient au début du XXe siècle.
01:47 Et lui, il s'est dit, non, moi, je reste fidèle à moi-même.
01:50 Et puis, la manière dont il s'empare de la nature
01:54 et de cette femme dont il est éperdument amoureux.
01:57 - C'est une femme qui est absolument unique,
02:00 à la fois très énigmatique et mystérieuse, on sait pas d'où elle vient.
02:03 Elle est à la fois son inspiratrice, sa muse, comme on dit.
02:08 Comment est-ce que vous pourriez la définir ?
02:10 - Je pense que sans elle, Pierre ne serait pas devenu Pierre Bonnard.
02:14 Je pense que c'est en s'offrant à lui,
02:16 en offrant son corps et son cœur aussi.
02:20 Et à l'époque, il fallait, parce que les femmes étaient dépendantes des hommes,
02:25 pour sortir de sa condition sociale, il fallait faire ce qu'elle a fait,
02:29 c'est-à-dire s'inventer une nouvelle identité, un nouveau nom,
02:32 pour effacer la différence sociale, parce qu'il représentait un idéal,
02:37 pour sortir aussi de son passé douloureux.
02:40 Elle a eu une enfance vraiment très difficile.
02:43 Donc, elle a réussi quelque part son transfuge.
02:45 Et le problème, c'est qu'elle a pas pu le dire pendant 33 ans, je crois,
02:50 puisqu'ils sont... Le jour de leur mariage, elle avait 59 ans.
02:54 Et à la mairie, Pierre Bonnard entend que le nom que j'avais dit,
02:57 le nom d'aristocrate italienne, n'était évidemment pas son vrai nom.
03:02 Et donc, ce mensonge l'a emprisonné.
03:04 Et cet étouffement s'exprimait par des crises d'asthme.
03:08 Et donc, c'était une grande malade.
03:11 Et jusqu'à devenir psychotique.
03:14 Donc, il y avait aussi pour moi, comédienne, le bonheur de jouer la folie,
03:18 ce qui est un cadeau pour une actrice.
03:20 - Vincent, vous êtes d'accord ? Sans Marthe, il n'y a pas de Pierre Bonnard ?
03:23 - Je suis d'accord.
03:24 Après, ce qui est assez beau aussi dans leur relation,
03:27 c'est que Pierre Bonnard était un peintre déjà assez respecté
03:30 quand il l'a rencontré.
03:32 Il était un peu dans le tumulte parisien,
03:34 dans la vie parisienne un peu artistique.
03:37 En plus, à ce moment-là, il était assez prolifique avec Jarry, au théâtre.
03:42 Il faisait des décors de Jarry, il faisait plein de choses différentes.
03:45 Et je pense que quand il a rencontré Marthe,
03:49 elle l'a emmené, en fait, vers la campagne,
03:53 vers une forme de concentration.
03:55 Cette rencontre a été en effet primordiale
03:57 parce que ça l'a amené vers la nature,
04:01 parce que la nature qui va rentrer totalement dans son œuvre,
04:04 ça l'a amené à la peindre, à peindre son visage,
04:06 à essayer de peindre son visage.
04:09 Il a dû faire des milliers de portraits de Marthe.
04:13 Donc, ça a complètement hanté toute son œuvre.
04:16 Donc, évidemment, c'est une rencontre extrêmement importante.
04:19 Et d'ailleurs, le film, c'est ça qui est très beau dans le film,
04:21 c'est un film vraiment sur une histoire d'amour avant tout.
04:24 Mais on comprend l'étoile de Bonnard grâce au film aussi.
04:29 Oui, c'est clair, littéralement, grâce au film.
04:31 Je voudrais revenir un instant sur ce couple qui est quand même très étrange,
04:48 très mal assorti au départ.
04:51 Parce que Bonnard vient de la bourgeoisie parisienne,
04:54 Marthe, elle vient de la campagne.
04:58 Il y a une énorme différence entre eux
05:00 et pourtant, il y a un point commun, malgré leurs aventures respectives,
05:05 les infidélités, tout ce qui pourrait les séparer encore plus.
05:09 Il y a cette volonté farouche de rester ensemble jusqu'au bout.
05:12 Ça m'a beaucoup touché, ça.
05:13 Je suis d'accord. Moi, c'était une des raisons
05:16 pour laquelle j'ai fait le film.
05:17 Quand j'ai lu le scénario, la première chose qui m'a ému,
05:20 c'est le temps qui passe et à la fin du film.
05:23 Et je trouve que c'est l'émotion qui reste, au final,
05:25 qu'il y avait à la lecture du scénario et qui est là quand on regarde le film.
05:28 C'est de voir un couple qui, malgré tout, malgré toutes les tragédies,
05:32 toutes les histoires, toutes les choses bien et pas bien,
05:35 restent ensemble malgré tout.
05:37 -Ça vous a touché aussi ? -Ouais, ouais.
05:39 Et puis c'est beau de se dire qu'ils sont irremplaçables,
05:43 ils sont indissociables.
05:45 Elle, elle représente vraiment, elle incarne pour lui
05:48 l'émerveillement qui est né et qui a fait de lui ce qu'il est devenu.
05:51 Et puis, cette complicité qu'ils avaient
05:52 dans les petites choses du quotidien, dans leur intimité,
05:55 ce qu'il a peint, tout ce qu'on voit de lui,
05:57 c'est ses petites choses, ses petites tâches ménagères.
06:01 Elle se lave avec son gros, comme ça.
06:04 C'est ce qu'ils partageaient, en fait.
06:06 Et ça, personne d'autre...
06:08 Il a vécu avec personne d'autre, ça.
06:10 -Merci à vous deux.
06:11 [SILENCE]

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