Pascal Praud : "Depardieu et les malfaisants"

  • il y a 9 mois
Chronique de Pascal Praud sur les accusations contre Gérard Depardieu et l'attitude de certains artistes contre l'acteur

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Transcription
00:00 Je n'ai pas aimé les paroles de Gérard Depardieu dans le magazine Complément d'Enquête diffusé le 7 décembre sur France 2,
00:06 mais j'aime encore moins ceux qui l'attaquent depuis un mois.
00:09 Je n'aime pas leurs mots, je n'aime pas leur posture, je n'aime pas leur dictate.
00:13 Je soupçonne chez ces procureurs un plaisir à déboulonner une statue.
00:18 Il existe des causes nobles, soutenues par des motivations qui ne le sont pas.
00:23 La vie n'est pas élégante, évitons d'être comme elle.
00:27 Je vois aussi chez ces censeurs une façon de faire parler de soi à bon compte.
00:32 J'ai lu La Tribune, signé par 600 personnalités du monde des arts et des lettres.
00:37 J'ai découvert des noms que je ne connaissais pas.
00:39 Qui sont ces comédiens sans public, ces écrivains sans lecteur, ces artistes sans talent ?
00:45 Ils habitent dans les arrières-cuisines du succès.
00:48 « Les ratés ne vous rateront pas », disait Bernanos, « au nom de la morale ou de la moraline.
00:54 Ils tiennent leur revanche, Depardieu est un hommater.
00:58 Les sangrades ont le vin triste, ils sentent le beurre rance.
01:02 Le fiel coule dans leurs veines.
01:05 Ils restent pour égayer leur enfer, le malheur des victorieux.
01:08 Si une disgrâce frappe un héros de notre temps, les malfaisants le sourirent. »
01:14 Depardieu avait tout, n'a plus rien.
01:16 La mauvaise fortune du plus grand comédien de sa génération éponge, quelques secondes,
01:22 le chagrin causé par une destinée sans éclat.
01:26 « Tu ne la voyais pas comme ça ta vie.
01:28 Pas d'attache et caisse quand t'étais pris, etc. »
01:31 Alain Souchon a tout dit dans une de mes chansons préférées de la variété française,
01:35 « Doucement la vite a mis K.O. »
01:37 Je connais ces accusateurs publics qui avancent la vertu en bandoulière.
01:42 Allez écouter, elle serait la cause de leur échec.
01:46 L'époque est morale, mais les indignations sont sélectives.
01:50 « Une religion renvoie les femmes au Moyen-Âge dans quelques quartiers de France. »
01:55 Complément d'enquête, n'investigue pas.
01:58 Complément d'enquête garde ses flèches et son curare pour Cyril Hanouna ou Philippe Devilliers,
02:04 comme si l'un et l'autre représentait une menace pour la France.
02:08 Complément d'enquête est l'enfant de France Dimanche et son présentateur, le fils du sapeur Camembert.
02:14 Le rappeur Medine a signé avec 600 artistes contre Depardieu.
02:19 Il avait qualifié les séistes Rachel Kahn, juive, et petite fille, de déportées, de rescampées cet été.
02:28 Il ne me semble pas que l'espace médiatique disqualifie cette tribune
02:32 au regard de ceux qui la signent comme elle a jeté l'opprobre sur Yanis Eziadi.
02:37 Le comédien a lancé la défense de Gérard Depardieu, il traîne deux boulets,
02:41 il est proche de Sarah Knafo, la compagne d'Éric Zemmour,
02:45 écrit dans Causeur, le journal d'Elisabeth Lévy,
02:48 deux poids, deux mesures, et la règle d'or des bien-pensants.
02:53 Aurélie Filippetti a compris comment avoir une page dans le journal Le Monde.
02:56 Chargée Depardieu, l'occasion était trop belle pour la disparue des radars
03:01 que son grand talent a renvoyé aux affaires culturelles de la ville de Paris,
03:04 et accessoirement à l'anonymat.
03:06 Madame Filippetti voit dans la défense de l'acteur l'influence de l'extrême droite.
03:11 Je vois dans les lignes de Madame Filippetti l'influence de la bêtise.
03:16 L'extrême droite au secours des 68ards jouisseurs, on aura tout vu.
03:22 Une tribune défendue Depardieu le 25 décembre,
03:26 la reculade des signataires qui expliquent qu'ils ont été aveuglés,
03:29 qu'ils avaient mal compris, qu'ils sont désolés en dînant sur un milieu culturel
03:34 qui supporte mal la voix dissidente.
03:37 Courage, fuyons, est le mot d'ordre.
03:40 Rares sont les univers où pèse une chape de plomb comme le monde de la culture en France.
03:45 C'est d'autant plus étonnant qu'un artiste est par essence un franc-tireur,
03:49 un soliste, un résistant.
03:51 Mais non, aucune tête ne doit dépasser si tôt que les idées politiques sont avancées.
03:57 Tous à gauche, et le mot d'ordre est malheur à ceux qui franchissent la ligne du camp du bien.
04:03 Je comprends Jacques Weber, Patrice Lecomte ou Gérard Darmon, ils pensent à eux.
04:09 La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson.
04:12 Je cite souvent Michel Audillard qui avait connu la période de l'épuration à partir de 1944.
04:17 Je parle de l'épuration qui ne passait pas par les tribunaux judiciaires,
04:21 je parle de l'épuration dans la rue, sur le trottoir, au milieu des barricades.
04:26 Je n'aime pas la meute.
04:28 Le matraquage anti-Depardieu déclenche une sympathie pour l'homme jeté au chien,
04:32 comme disait qui vous savez.
04:34 Je ne sais pas ce que feraient nos pères Lamoral et nos dames Patronesse si venait le temps du trouble.
04:39 Jean-Paul Sartre monta les mouches et huit clots sous l'occupation allemande en 1943 et 1944,
04:46 quand Jean Gabin fut engagé volontaire dans les forces françaises combattantes.
04:51 Avec sa folie, avec son génie, avec son esprit, qui sait ?
04:56 Si Depardieu ne partirait pas pour Londres en 1940,
05:00 d'autres signeraient avec la Continentale,
05:04 joueraient tous les soirs au théâtre ou castonneraient à Radio Paris.
05:09 Si je déteste la chasse à l'homme, la révolution #MeToo fut indispensable.
05:13 #MeToo a dit stop à ceux qui se croient tout permis.
05:16 #MeToo a levé le voile sur des paroles, des attitudes, des habitudes d'un autre âge.
05:20 #MeToo a rendu inacceptable ce qui était toléré.
05:23 Aurélie Filippetti comprend-elle que la société patriarcale qu'elle attaque
05:28 a permis la révolution #MeToo ?
05:31 Je connais les garçons, je ne suis pas toujours client.
05:33 Le zizi est la grande affaire de leur vie.
05:35 Certains se croient irrésistibles, ils forcent, ils humilient, ils avilissent.
05:39 Combien sont-ils parmi la jante masculine ?
05:42 10% ? 20% ? Plus encore ? Comment savoir ?
05:46 #MeToo a ouvert la boîte de Pandore, tant mieux.
05:49 J'ai le sentiment que les jeunes femmes d'aujourd'hui pensent le monde d'hier comme un lupinard
05:53 avec des loups enragés et des oies blanches.
05:55 Elles se figurent leur père, leur grand-père, harceleur, violeur, prédateur.
06:00 Qu'elles sachent que c'est faux.
06:02 Les boomers ne réclamaient pas une fellation dans une voiture
06:06 à celle qu'ils voyaient pour la première fois.
06:09 Mes amis étaient plutôt encleins à réfléchir avant de faire le premier pas.
06:13 Ils attendaient un signe, sans quoi ils ne tentaient rien de peur d'essuyer un échec.
06:18 Je ne crois pas, mes amis, différent de la grande majorité des cadras, des quinquas.
06:23 Et au-delà que j'ai croisé depuis l'adolescence.
06:27 Que les millennials en soient convaincus.
06:30 Il existait jadis des hommes délicats, subtils, élégants, charmants, respectueux, etc.
06:37 Défendre la présomption d'innocence, refuser le lynchage de libération et consorts
06:42 ne fait pas de vous un avocat du monde d'hier.
06:44 Emmanuel Macron l'a dit avec courage et détermination.
06:47 Laissons Depardieu tranquille. La seule ligne qui soit digne dans cette affaire est celle du droit.
06:53 Depardieu est mis en examen pour viol. La justice est saisie.
06:57 La présomption d'innocence existe. Point final.

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