Faites entrer l’accusé : Les parents accusés de se tromper avec les jeunes footballeurs

  • il y a 9 mois
Débat animé par Jean-Michel Larqué et Jérôme Rothen, avec Tony Vairelles comme juge. La Dream Team réagit aux propos de Thierry Henry, dans l'émission "The Diary of a CEO". Le champion du monde a évoqué la pression mise par son père durant sa carrière.

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Transcription
00:00 Faites entrer l'accusé.
00:02 Alors Thierry Henry s'est confié dans une longue interview à un podcast britannique
00:06 sur sa jeunesse notamment, il s'est longuement confié son rapport à son père au football professionnel.
00:10 Alors il y a plusieurs choses assez intéressantes dans ce qu'il dit
00:13 qui nous permettent d'alimenter le "faites entrer l'accusé" du soir.
00:16 D'abord il explique comment il a été programmé pour réussir dans le foot.
00:19 "La première fois que mon père m'a pris dans les bras, dit-il, ce qu'il a dit c'est ce bébé sera un footballeur incroyable.
00:25 Peu importe donc ce qui se passait derrière, il m'a mis sur un terrain à 5-6 ans et à partir de là c'était une mission.
00:30 Pour accomplir son rêve, lui faire plaisir. Un conditionnement qui a donc touché sa relation avec son père."
00:36 Et Henry ajoute "Je savais que si je voulais rendre mon père heureux, ce n'était qu'avec le football.
00:41 Quand j'étais petit, il ne me disait jamais ce que je faisais de bien.
00:46 Alors ça m'a permis de rester les pieds sur terre, me dire que chaque jour je devais être meilleur
00:49 mais ça n'a pas aidé l'enfant que j'étais, l'être humain, ça a aidé l'athlète plutôt.
00:54 Voilà ce que dit Henry en disant même "A partir de là, j'ai peut-être été même en dépression parfois dans ma carrière,
01:01 je ne savais pas vraiment comment faire, je ne savais pas ce qui me rendait triste.
01:05 Mon bonheur ou ma tristesse, je l'avais à travers les gens."
01:08 Alors est-ce qu'à partir de cet exemple, on peut ouvrir de nouveau le dossier des parents
01:12 qui mettent peut-être trop la pression sur les jeunes footballeurs ?
01:15 Est-ce qu'ils sont à blâmer ou est-ce qu'ils contribuent au contraire à créer des champions ?
01:20 Pour l'accusation, ils sont néfastes ces parents qui mettent la pression.
01:24 L'accusation est représentée par le procurant Jean-Michel Larké ce soir. Bonsoir.
01:28 Bonsoir.
01:29 Le père de Thierry Henry et ses parents vont être défendus par maître Jérôme Rauten. Bonsoir maître.
01:33 Bonsoir.
01:33 Et le juge Tony Verel est là pour trancher. Bonsoir.
01:36 Bonsoir monsieur le juge.
01:37 Bonsoir, attention à vous.
01:38 Ceci là.
01:39 (Rires)
01:41 Et là je n'ai pas de maillot là en soi.
01:43 On sait que vous êtes là, on vous respecte.
01:45 Monsieur le procurant Larké, qu'est-ce que vous reprochez à ce genre de parents ?
01:48 Alors d'abord c'est compliqué. L'éducation d'un enfant,
01:51 on pourrait y passer des heures et des heures, c'est pas facile.
01:55 Mais il y a trois façons de s'en occuper.
01:57 Ou plutôt la première, c'est de ne pas s'en occuper du tout.
02:00 Et ça, c'est un scandale.
02:02 Et puis, il y a la deuxième façon, c'est d'être bienveillant avec son enfant,
02:07 d'être à l'écoute, d'être un pédagogue averti,
02:12 de savoir le féliciter quand il le mérite,
02:14 de savoir lui donner des conseils quand il en a besoin.
02:17 Bref, de l'aider dans son cheminement.
02:20 Je pense que c'est la pédagogie que tout le monde devrait avoir.
02:22 Et puis, il y a ceux qui rejettent la frustration.
02:26 Alors, concernant le cas de Thierry Henry, pour moi,
02:29 je vous ai laissé, pardon Monsieur le rapporteur, présenter ça.
02:34 Pour moi, c'est un faux débat.
02:37 Parce que, un faux débat, ou en tout cas, de la part de Thierry Henry.
02:42 Parce que Thierry Henry a six ans.
02:44 Ni son père, ni lui, ni le président de la République,
02:48 personne ne savait qu'il deviendrait footballeur professionnel.
02:51 Si tu as les pieds carrés, Jean-Louis,
02:55 tu peux t'entraîner 24 heures sur 24,
03:00 tu auras toujours les pieds carrés.
03:02 Un peu moins carrés peut-être, mais ils seront carrés quand même.
03:05 Donc, à un moment ou à un autre, dire
03:09 "oui, j'étais programmé pour devenir un champion,
03:12 laisse-moi rire et me tenir les lèvres que j'ai exercées,
03:17 et je n'ai pas envie de rigoler là-dessus."
03:18 Je trouve ça, ce n'est pas vrai.
03:21 Un père peut te guider.
03:23 Un père, moi, j'ai mon papa qui m'a guidé
03:26 pour le concours du jeune footballeur lorsqu'il existait.
03:29 Il a toujours été bienveillant avec moi.
03:31 Ce n'était pas un homme qui me faisait des compliments
03:39 à tout bout de chambre, bien au contraire.
03:41 Et puis, je voudrais en venir à une autre facette
03:45 de ceux qui sont insupportables.
03:47 Et là, ça n'a rien à voir avec les parents.
03:50 Donc, excusez-moi si je dévie un tout petit peu.
03:53 C'est aujourd'hui les parents qui veulent que leur fils soit champion,
03:57 même s'ils ont les pieds carrés.
03:59 Et là, ils deviennent odieux avec leur enfant
04:01 et ils jouent contre leur enfant et ils n'aiment pas leur enfant.
04:04 Ça, c'est une certitude.
04:05 Et puis, il y a certains éducateurs aujourd'hui,
04:08 et Monsieur le juge le sait,
04:11 il y a plein de clubs qui sont parrainés
04:13 ou qui sont partenaires de clubs professionnels.
04:17 Et qu'est ce que j'entends des éducateurs sur des 11 ans,
04:20 des 12 ans, des 13 ans qui viennent les recruter en leur disant
04:24 "Viens chez nous parce que nous, on est partenaire avec tel club,
04:28 tel club, tel club. Et si tu viens chez nous,
04:30 tu auras plus de chances d'être professionnel que là où tu es.
04:34 Là, tu as peut être un bon éducateur,
04:36 mais chez moi, tu auras un club partenaire."
04:37 Alors, la première des choses, la Fédération française de football,
04:40 la première des choses, ce serait interdire les clubs partenaires
04:44 parce que ça ne sert à rien.
04:46 Les enfants, ils n'appartiennent à personne d'autre qu'à eux-mêmes et qu'aux parents.
04:51 Ils n'appartiennent absolument pas aux éducateurs.
04:53 Ils n'appartiennent pas non plus au président du club.
04:56 Donc, moi, la première chose que je ferais dans ces cas là,
04:59 c'est que les clubs amateurs restent amateurs
05:02 et qu'il n'y ait aucun partenariat et que tous les clubs amateurs
05:06 et que tous les enfants soient mis sur un même pied d'égalité.
05:10 Voilà une solution.
05:12 Voilà sur enchaire.
05:13 Viens chez moi, on est avec l'Olympique lyonnais,
05:18 c'est tout à fait au hasard, ou le Stade Rennais ou ceci.
05:20 Tandis que là, le club où tu es, ils n'ont pas de club partenaire,
05:24 tu n'as aucune chance.
05:25 Un joueur, s'il doit devenir professionnel,
05:28 qu'il soit dans un club qui est partenaire ou un club qui n'est pas partenaire,
05:32 il deviendra professionnel.
05:34 - D'accord.
05:35 Le message en tout cas est passé, l'envie est formulée.
05:39 Maître Rotten.
05:40 - Oui.
05:42 Là, je suis désolé, mais M. Larkin était un peu hors sujet,
05:45 parce qu'à la fin, comme souvent, il me parle des clubs,
05:49 alors que là, on parlait des parents.
05:51 Il faut remettre un petit peu le débat au centre de notre plaidoirie.
05:58 - Oui, le plus au centre du village.
05:59 - Voilà, mais n'empêche que moi, je ne vais pas vous cacher,
06:04 j'ai vécu très longtemps avec Thierry, avec son père Tony,
06:09 que j'embrasse s'il nous écoute.
06:12 J'étais dans la voiture très souvent, j'étais dans les discussions très souvent.
06:15 Alors oui, je dormais pas avec eux,
06:18 quoique avec Thierry, on a dormi très souvent ensemble,
06:23 parce qu'on était à l'INF Clairefontaine ensemble,
06:25 et je l'ai vu grandir.
06:26 Et en effet, il était aidé, épaulé.
06:32 Son père était toujours là.
06:33 Je pense que d'avoir un soutien comme ça, même quand tu t'appelles Thierry Henry,
06:37 et qu'en effet, il y avait un tapis rouge, contrairement à ce que dit M. Larké,
06:42 là je parle pas à l'âge de 6 ou 7 ans,
06:45 mais je parle à 11, 12 ans, 13 ans,
06:47 on savait tous que Thierry Henry allait être professionnel.
06:50 Il était tellement au-dessus de tout,
06:53 qu'il avait tellement de facultés comme ça,
06:59 l'aisance, et puis surtout les contacts et les clubs qui lui ont servi,
07:02 l'INF Clairefontaine dans un premier temps, et après la S-Monaco,
07:05 pour réussir très vite,
07:08 et c'est pour ça qu'à l'âge de 16 ans déjà, il a fait ses débuts en professionnel.
07:11 Mais pour autant, il avait un soutien.
07:13 Alors moi, je remets pas en question Thierry dans ce qu'il dit,
07:19 parce qu'en effet, il en a souffert, et on en a même parlé par la suite,
07:23 il a souffert de cette compétition,
07:27 - Cette pression qui était survenue. - Cette pression hors terrain,
07:30 hors terrain, au quotidien, où en effet,
07:32 certainement qu'à l'âge de 12 ans, 13 ans,
07:35 alors que normalement, tu dois penser juste à la passion du football et tout ça,
07:40 déjà dans la nutrition, à savoir ce que tu manges, ce que tu manges pas,
07:42 le repos, le ceci, le cela, et tu dois pas faire ça, tu dois pas faire ça,
07:46 déjà, tu te mets dans ce qu'on a vécu après,
07:49 plus tard, Jean-Michel, Tony et moi, et tous les professionnels,
07:53 ou les jeunes professionnels,
07:55 c'est ça, t'as une hygiène de vie à avoir, Jean-Louis,
07:57 et il faut faire attention, et ça, normalement, tu l'as un peu plus tard.
08:00 Lui, c'est vrai qu'il l'a eu très tôt, parce que son père lui imposait ça,
08:03 parce qu'il avait pas le droit à l'erreur,
08:04 parce qu'il devait performer, performer, performer,
08:07 il devait marquer des buts,
08:08 quand il en mettait 5, c'était pas suffisant, il fallait qu'il en mette 10,
08:11 peut-être qu'en effet, ça, inconsciemment,
08:15 il a créé un robot, un footballeur hors pair,
08:21 et c'est pour ça qu'il a une machine à buts,
08:24 il nous l'a dit, il s'en est pas caché, Thierry,
08:27 s'il avait pas eu ça, peut-être qu'il aurait pas été le footballeur qu'il est devenu,
08:30 et qu'il a été, ou il a battu tous les records,
08:32 quasiment tous les records qu'il a gagnés, tous les titres.
08:35 - Alors il faut pas qu'il s'en plaigne ?
08:36 - Non, mais je dis pas qu'il s'en plaigne,
08:41 parce que...
08:42 - Il s'en plaigne pas au point de dire qu'il a pas dû faire une dépression ?
08:45 - Jean-Michel, il s'en plaigne pas, déjà parce qu'il a beaucoup de respect pour son papa,
08:49 et je peux te le dire.
08:51 Après, bien sûr que Tony, mais comme mon père,
08:54 moi c'est pour ça qu'en fait, on a,
08:56 je dis pas qu'on a la même vie, parce qu'on était pas les mêmes joueurs,
08:59 on avait pas les mêmes qualités et les mêmes facilités qu'on était plus jeunes,
09:02 mais on avait des parents, parce qu'il y avait pas que mon père,
09:05 il y avait ma mère, et lui pareil, c'est pareil, qui avait un autre soutien.
09:09 Mais au niveau sportif, au niveau du football, heureusement qu'ils ont été là.
09:12 Et on leur doit beaucoup.
09:13 - Bien sûr !
09:14 - Et c'est pour ça que ton père, il te mettait autant la pression que celui de Férienry ?
09:18 - Il me mettait pas la pression, mais quand j'étais pas bon,
09:23 il savait me dire que j'étais pas bon.
09:24 - Et alors ?
09:25 - Ça fait partie de la pédagogie, ça !
09:28 - Attention, je te dis pas qu'il mettait autant de pression
09:32 que Thierry, c'est sûr que si je mettais trois passes D,
09:34 ça devait arriver très souvent, Jean-Louis !
09:36 Et ben il me disait pas qu'on aurait dû en mettre six !
09:40 - C'est pas possible !
09:41 - C'est vrai que Thierry, il avait un père qui était à côté,
09:43 à côté d'autant plus.
09:45 Mais moi, et je sais qu'il pense ça, que ça a créé un robot,
09:50 et peut-être que par la suite, en effet, il a oublié certaines valeurs,
09:54 certainement, et on lui a reproché comment il fêtait ses buts,
09:58 et il nous a expliqué de toute façon,
10:00 et que ça a créé une forme de dépression,
10:02 et ça, ça le regarde.
10:05 Et moi, j'ai beaucoup de respect pour ce qu'il a fait et ce qu'il a dit,
10:08 parce qu'il faut le croire.
10:10 Maintenant, à côté de ça, je te dis que des parents proches,
10:13 et c'est pour ça que je veux les défendre,
10:14 il n'y a pas que des énergumènes qui sont complètement cinglés
10:17 et qui ont un fils avec les pieds carrés,
10:20 et que ce fils-là, avec les pieds carrés,
10:22 tu sais très bien qu'il n'y arrivera jamais à 12 ans, à 13 ans.
10:25 Par contre, des enfants qui sont livrés à eux-mêmes,
10:28 il y en a beaucoup trop, et que les parents, ils doivent être là.
10:31 Ils doivent être là pour les encadrer.
10:33 Voilà, c'est tout.
10:34 - Mais non, je suis désolé, il y en a qui ne voient pas d'ailleurs,
10:38 parce qu'ils se projettent dans leur fils.
10:40 Mais ils ont beau avoir tous les samedis après-midi,
10:45 des enfants qui ne manquent que des passes à 5 mètres,
10:47 ils considèrent quand même que ce sont des génies du football.
10:50 - Ceux-là, c'est problématique, mais ce n'est pas une généralité.
10:54 - Allez, le verdict, Tony.
10:55 - Il y en a beaucoup.
10:57 - Ça va être difficile pour moi de faire un verdict court,
10:59 parce que franchement, il y a tellement à dire sur ce sujet.
11:01 Et moi, je suis bien placé pour...
11:03 - Tu étais proche de ton papa, toi, Tony.
11:05 - J'étais hyper proche, on était fusionnel avec mon père.
11:07 Mais parce que depuis tout jeune, mon père...
11:08 - Avec sa petite moustache, on l'a vu.
11:11 - Don Diego de la Vega.
11:14 Et oui, mon père, lui était un passionné de foot
11:17 et il m'a emmené dans sa passion avec lui.
11:19 Mais il ne m'a jamais mis la pression,
11:22 même si je pense qu'à travers moi, il a réalisé son rêve,
11:25 parce que lui, il aurait tout donné pour le foot.
11:27 - Tant mieux pour lui.
11:29 - Exactement. Mais bien sûr que de temps en temps,
11:33 ça pouvait être une pression pour moi.
11:34 Mais moi, je ne l'ai jamais ressenti comme ça.
11:37 Maintenant, ça dépend aussi de chacun.
11:39 Chacun est propre.
11:42 Certains peuvent prendre une façon de gérer son fils,
11:46 comme mettre de la pression, et d'autres vont dire
11:49 "il était proche de moi, il a toujours été derrière moi".
11:53 Et aujourd'hui, quand je suis sur le bord des terrains,
11:56 moi, ce qui m'horripile, c'est les parents qui se projettent
11:59 dans leur fils et qui veulent déjà en faire des Mbappés,
12:03 des Zidanes et qui pensent qu'ils ont des Zidanes
12:07 et qui sont insupportables.
12:10 - Ah, puis ils en sont persuadés, Monsieur Lejeune.
12:13 C'est terrifiant.
12:13 - Mais ils sont insupportables avec les autres gamins
12:16 qui sont dans la même équipe, voire les adversaires.
12:19 Et ça, moi, ça m'insupporte à un point.
12:22 J'essaye d'avoir beaucoup de recul
12:26 et de ne pas trop mettre la pression à mon fils,
12:28 mais j'arrive malgré tout à lui mettre une certaine pression
12:30 parce qu'il a aussi la pression de se dire
12:33 "je suis le fils d'un ancien footballeur professionnel,
12:37 donc il faut que je fasse quelque chose de bien,
12:39 sinon on va dire qu'on va toujours me comparer".
12:44 Donc ça, c'est déjà un point pour lui.
12:47 Mais je pense sincèrement qu'il y a des parents qui se trompent.
12:50 Et moi, si j'ai juste un message à faire passer,
12:52 c'est de dire "mais laissez-les s'amuser déjà à l'âge de l'âge".
12:56 - Donc c'est plus "Toni, je gagne".
12:57 - Non, j'ai gagné.
12:59 - Il faut qu'on arrête Toni, malheureusement.
13:00 On abordera de nouveau le sujet.
13:02 - Ça marche, mais il y a plein de choses à dire là-dessus.
13:04 Et ça va être super intéressant.
13:06 - Non, mais j'ai gagné.

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