Retrouvez William Leymergie entouré d’experts, du lundi au vendredi en direct dès 12h30, pour une émission dédiée aux problématiques de notre quotidien.
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00:00 [Musique]
00:06 - Bonjour M. Christian, comment ça va ?
00:08 - Pas mal du tout, bonne année !
00:10 - Ah oui c'est vrai, on y est encore !
00:12 Alors vous êtes actuellement animateur sur Radio Classique et vous publiez, c'est le tome 2,
00:19 "Nouvelles histoires légères de la musique classique".
00:22 C'est une bonne manière d'après vous de faire découvrir cette musique-là
00:27 et vous vous êtes peut-être dit, je sais pas, pourquoi ne pas la faire aimer au plus grand nombre ?
00:31 C'est plutôt ça non ?
00:32 - Oui et puis en plus c'est une manière de faire comprendre aux gens que c'est pas réservé à une élite.
00:38 La musique, il faut que ce soit ouvert à tous.
00:40 Alors je cherchais les anecdotes, je sais que vous aimez bien ça aussi William,
00:44 petites anecdotes dans la coulisse des musiciens, je racontais ça à la radio
00:49 et puis j'ai commencé à illustrer ces anecdotes avec des dessins dans un journal qui s'appelle "Notre temps".
00:55 Il y a eu un premier livre et le second vient de sortir pour lequel vous m'invitez gentiment aujourd'hui.
01:00 - Alors j'ai sélectionné quelques anecdotes, bon il y en a beaucoup, il fallait bien quelques-unes
01:04 avec des gens qu'on connaît et puis des autres qu'on connaît moins bien.
01:07 On commence avec l'histoire de l'ancêtre du tutu de danse, le tutu de danse.
01:12 Il y a un gars, il a inventé ça quoi.
01:14 - Alors le tutu c'est en fait, c'est une danseuse qu'ils appelaient Taglioni
01:20 et au départ on dansait avec des tutus en mousseline très très long
01:25 et puis on a commencé à remonter ces tutus d'abord parce qu'il fallait voir le travail des gens,
01:31 des danseurs et des danseuses surtout et ça n'a pas été que pour cela
01:35 parce qu'un jour il y a eu un drame à l'opéra, lors d'une répétition,
01:39 il y a Emma Livry, une jeune danseuse qui était promise à une très très belle carrière, 21 ans
01:44 et à l'époque on éclairait au gaz la scène et le tutu a pris feu
01:49 et malheureusement elle est morte dans des conditions atroces.
01:52 Il y a d'abord, on peut voir sa ceinture et un bout de ce tissu brûlé à l'opéra,
01:58 dans les vitrines de l'opéra Garnier.
02:00 - Et donc du coup on s'est dit non, on va leur donner le tutu.
02:02 - On va réduire le tutu.
02:03 - On remontait ça, puis c'était allumé avec des bougies à une certaine époque.
02:05 - Exactement.
02:06 - C'est pour ça.
02:07 Alors vous évoquez aussi quelqu'un qu'on ne connaît pas et pourtant il a un si joli prénom.
02:11 Il s'appelle Herschel, son prénom c'est William, c'est un compositeur renommé
02:15 qui a à côté de ça, il a fait des découvertes incroyables.
02:18 - J'ai pensé que vous aviez choisi justement ce compositeur pour le prénom au départ.
02:22 - Bien sûr.
02:23 - Alors William Herschel, c'était un allemand qui s'était enrôlé dans l'armée anglaise,
02:28 il était violoniste et oboïste, très bon compositeur mais passionné d'astronomie.
02:34 Il avait construit un télescope qui grossissait quand même déjà 227 fois pour l'époque
02:39 et il a découvert non pas la place de la Concorde sans voiture,
02:43 puisque vous y faisiez allusion, mais il a découvert une planète qu'il a d'abord appelée
02:49 Gorgium Sidus en référence à George III, roi d'Angleterre,
02:54 qui était lui aussi passionné d'astronomie et en fait c'est lui qui a découvert Uranus.
02:59 Tout simplement.
03:00 Et puis c'est aperçu qu'il y avait une certaine atmosphère sur Mars
03:04 et plus tard il a découvert aussi l'infrarouge.
03:07 Donc ce compositeur aujourd'hui est enterré à Westminster
03:10 et on a découvert sa musique sur le tard dans les années 1990.
03:14 Alors tout le monde connaît Vivaldi, au moins de nom, d'accord,
03:18 mais on ne sait pas toujours qu'à l'époque, à son époque,
03:21 il avait eu des problèmes avec l'Inquisition qui ne plaisantait pas
03:26 avec ceux qui ne respectaient pas la norme catholique, bien sûr.
03:29 Alors oui, ça s'est pas mal terminé d'ailleurs,
03:32 parce qu'un jour en plein office religieux, on l'appelait le prêtre Roux,
03:36 il a eu une idée de musique, donc à Slamkine, il a interrompu l'office religieux,
03:42 il est parti dans la sacristie, il s'est mis à composer, à écrire son idée
03:46 et il est revenu terminer l'office.
03:47 L'Inquisition s'est quand même un peu inquiétée.
03:50 Ça s'est bien terminé parce qu'on l'a considéré comme timbré.
03:54 J'utilise volontairement le terme de timbré parce que c'est repris par Marivaux
03:58 dans les "Fausses Convidences" de Marivaux
04:01 et timbré ça voulait dire qu'il n'y avait rien à l'intérieur du crâne
04:04 et vous pouviez taper dessus et il y avait une résonance joyeuse.
04:07 - Ah le timbre ! - Exactement.
04:10 Donc il a été sauvé grâce à cela.
04:12 - Ah mais c'est ça être timbré ? - Oui, oui.
04:14 - Et non pas c'est avoir un timbre sur la tronche ?
04:16 - Non, non pas du tout. Le timbre qui a augmenté d'ailleurs, comme vous le savez.
04:19 - Oui, d'ailleurs oui, parlons-en.
04:21 Il y a aussi le... alors on va appeler ça un braquage, on met des guillemets,
04:25 le braquage de Mozart au Vatican.
04:28 Mais qu'est-ce qu'il a fait Amadeus ? C'est quoi ce braquage ?
04:32 - Alors là, il était avec son père à Rome.
04:35 Il commençait déjà à être vieux, il avait 14 ans, on les compte pour Mozart.
04:38 Il était à Rome et il écoutait "Le Miséréré" de Giorgio Allegri
04:43 qui est une pièce, une composition qui appartient au Vatican, à la Sixtine.
04:48 Et surtout, n'allez jamais pencher votre regard sur la partition,
04:53 c'est interdit sous peine d'excommunication.
04:56 Et Mozart a écouté cette musique et comme par hasard, c'était Mozart,
05:01 avec le génie qu'il avait, il a pu reproduire cette musique assez facilement.
05:05 Sauf qu'on s'est aperçu d'une chose, c'est qu'il avait crayonné quelques notes
05:09 sur un bout de papier qu'il avait glissé dans son chapeau.
05:12 Mais quand même, il reste le génie que...
05:14 - Bah oui, mais enfin il s'est souvenu qu'avec quelques notes,
05:16 il pouvait refaire "Le Miséréré", c'est quand même très fort.
05:19 Vous relatez aussi d'étonnantes querelles entre l'un des Marx Brothers et son voisin.
05:24 - Alors ça c'est très drôle, en 1931, on est sur Sunset Boulevard à Los Angeles,
05:29 où il y avait une résidence qu'on appelait "Les Jardins d'Allah",
05:34 avec des bungalows luxueux, on y croisait Gary Cooper,
05:37 on y croisait Lauren Bacall, Humphrey Bogart, etc.
05:40 Et Apo Marx vient se reposer là, après 3 ans à Broadway avec Animal Crackers,
05:45 avec ses frères, et...
05:48 Premier jour de repos, il entend un pianiste qui jouait sans arrêt toute la journée,
05:53 ras-le-bol, il sort sa harpe, et il s'est mis à jouer le prélude numéro 9
05:58 en mi-bémol mineur de mémoire de Serge Rachmaninoff.
06:03 Le lendemain, silence complet.
06:06 Donc il s'adresse à la réception, il a appris que le voisin avait demandé à déménager
06:11 parce qu'il ne supportait pas le bruit de la harpe,
06:13 mais le voisin s'appelait Rachmaninoff, qui est mort d'ailleurs à Los Angeles.
06:17 - Elle est bien, elle est pas mal.
06:19 - Il y a tout un passage consacré à l'étrange jargon que vous ne connaissez peut-être pas,
06:24 utilisé par les musiciens, que vous connaissez, vous.
06:27 - Il y a beaucoup de vacheries, il y a par exemple, faire un pain,
06:30 c'est faire une mauvaise note.
06:32 A l'opéra, c'est beaucoup plus chic, ça nous convient, mon cher William,
06:36 on dit faire une brioche, c'est beaucoup plus chic.
06:38 Mais pourquoi ? Parce que quand il y a des musiciens qui font une fausse note,
06:43 il y a une petite cagnotte qui a été prévue à cet effet,
06:45 on met quelques pièces et à la fin on achète une brioche et tout le monde se régale.
06:49 Sauf que celui qui faisait des pains, pour qu'on le remarque beaucoup mieux,
06:53 devait arborer une broche en forme de brioche.
06:56 Voilà l'explication.
06:58 Il y a aussi le biftec écrasé, c'est-à-dire quand on a les lèvres complètement fatiguées,
07:02 pour les trompettistes.
07:04 Il y a aussi celui qui a les mains baladeuses, c'est l'accordeur de piano.
07:09 Sur les touches du clavier, je vous rassure, par les temps qui courent...
07:13 - Oui, oui, attention. - Et vous mieux préciser.
07:15 - Oui, un peu tenu quand même.
07:17 - Bon, alors juste la petite dernière, celui qui avait l'habitude de menacer son public,
07:23 ce qui n'est pas une bonne idée.
07:25 - Ah, c'est Georges Anteil, qui était un très bon compositeur,
07:28 un peu timbré lui aussi, à sa manière.
07:31 Il avait travaillé pour Fritz Lang et pour John Huston.
07:34 Et quand il arrivait sur scène, il avait une délicatesse.
07:39 Il arrivait avec un revolver à la main, déjà c'était inquiétant.
07:42 Et il posait le revolver sur le piano, de façon à dissuader les gens
07:46 de siffler ou de partir pendant le concert.
07:49 Mais cet homme n'était pas qu'un pianiste brillant,
07:53 il était aussi ingénieur, et avec Eddie Lamar,
07:56 qui était une comédienne remarquable, magnifique,
07:59 ils ont inventé un brevet de transmission pour le décodage des torpilles
08:03 pendant la guerre, qui n'a pas été breveté par l'armée,
08:06 mais réutilisé après la Deuxième Guerre mondiale.
08:10 - Et on dit même que ce système de codage, si je me souviens bien,
08:13 était l'ancêtre d'Internet.
08:16 - C'est ce qui se dit, c'est pour ça qu'on voit la brillance
08:19 du pianiste au revolver.
08:21 - Il y en a plein comme ça, avec des gens que vous connaissez aussi.
08:24 - Non, il n'a jamais tiré.
08:26 - Merci, Christian, de votre visite.
08:29 "Note légère", c'est volume 2, "Nouvelles histoires légères
08:33 de la musique classique", c'est publié aux éditions First.
08:37 J'espère que vous avez fait aussi toutes les illustrations,
08:39 car vous savez faire ça.
08:41 - Oui, c'était moi qui ai tout dessiné, puisque c'est mon vrai métier.
08:44 Au départ, j'en ai un quand même.
08:46 - Oui, parce que c'est vrai que le métier que nous faisons,
08:50 c'est juste pour s'amuser qu'on fait ça.
08:53 - Exactement.
08:54 - Mais lui, il est clarinettiste, il est musicien.
08:57 - Merci beaucoup.
08:58 - Merci de votre visite. À bientôt.
09:00 [Musique]