• l’année dernière

Category

🥇
Sport
Transcription
00:00 Riyad Mahrez, très fort !
00:02 Oh, Riyad Mahrez !
00:03 De la tête de Boubakar !
00:04 Oh, la main de Sheikha Haddour !
00:06 Moi, Maitre Salah, c'est lui que je vous effraie le plus.
00:08 Mais je suis pas fou, il a cité la fin du match, là !
00:10 C'est incroyable ! J'avais vu ça !
00:12 Nous sommes le 9 mars 1974.
00:23 Le stade Nasser du Ker est plein comme un oeuf.
00:27 L'Egypte, pays organisateur de la 9e édition,
00:31 affronte le Zahir en demi-finale de la Coupe d'Afrique des Nations.
00:35 Après avoir mené 2 à 0,
00:37 les pharaons sont rattrapés au score après le retour des vestiaires
00:40 par de redoutables panthères.
00:43 Nous jouons la 72e minute de jeu,
00:46 lorsqu'un milieu de terrain au nom à la résonance toute particulière aujourd'hui
00:50 sort un geste somptueux.
00:53 Il faut se mettre à l'extérieur du pied pour prendre à défaut toute la défense adverse
00:57 et servir son attaquant Pierre Ndiaye Moulamba,
01:00 qui inscrira le but de la qualification pour la finale.
01:03 Alors que le numéro 17 Mahouba, j'espère que cette fois c'est bien son nom.
01:12 Mahouba...
01:17 Et peut-être le 3e but de Zahiroua !
01:20 Oui, 3e but pour Zahiroua !
01:23 Marqué par Zahir,
01:26 but marqué à la 25e minute de cette seconde mi-temps.
01:30 C'est la consternation dans le stade Nasser.
01:34 Le seul, du deux poignets de supporter Zahiroua laisse éclater sa joie.
01:40 Moi j'étais fier de voir ces images, je me suis dit "ah oui technique quand même".
01:44 J'ai dit technique, mais apparemment la technique elle saute les générations.
01:48 Cette voix, vous l'aurez peut-être reconnue,
01:51 est celle du fils du fameux passeur en question.
01:54 Rempli à chaque fois de la même émotion lorsqu'il évoque son père,
01:58 Rio Mahouba, ancien grand milieu des Bleus aux 426 apparitions en Ligue 1 avec Bordeaux et Lille,
02:05 n'a jamais crié sur tous les toits que son père était un double vainqueur de la canne avec le Zahir.
02:11 Non, pourquoi on le sait peu ?
02:14 Parce que je pense que je ne me suis jamais trop exprimé là-dessus.
02:17 C'est vrai que de nature, comme je n'aime pas forcément parler de moi et de tout ça,
02:21 peut-être parce que moi je n'en ai pas souvent parlé,
02:24 et peut-être que justement il n'y a pas eu des gens comme toi qui s'en sont enseignés là-dessus aussi,
02:28 qui m'ont questionné là-dessus.
02:30 Pourtant, la carrière et la vie de Ricky Mahouba méritent bien d'être mise en lumière.
02:38 Mais d'abord une question,
02:40 comment est-ce possible que 40 ans après le deuxième sacre de son père,
02:44 Rio Mahouba ait, de son côté, participé à la Coupe du Monde,
02:49 non pas avec le Zahir, mais sous le maillot de l'équipe de France ?
02:53 Remontons le fil de l'histoire et reprenons tout depuis le début.
03:09 Ricky Mahouba voit le jour le 15 décembre 1949 à Léopoldville,
03:14 l'actuel Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo.
03:19 Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le pays est encore une colonie belge.
03:23 En 1960, le Congo acquiert son indépendance.
03:27 Et après cinq ans d'instabilité politique,
03:30 le général Mobutu s'empare définitivement du pouvoir.
03:37 Le gouvernement national congolais a décidé de neutraliser le chef de l'État
03:42 jusqu'à la date du 31 décembre 1960.
03:46 Il ne s'agit pas d'un coup d'État militaire,
03:49 mais plutôt d'une simple révolution pacifique.
03:52 Celui que l'on qualifiera plus tard de dictateur
04:01 met en place une politique nationaliste et d'authenticité africaine.
04:06 Cette doctrine lui permet de tenir fermement le pays de sa main.
04:10 Il chasse les étrangers et contrôle les nombreuses ethnies du territoire,
04:14 ayant aussi recours à des systèmes de corruption généralisées.
04:18 Pour prouver au monde entier que sa nation est unie,
04:21 Mobutu se sert du football comme vitrine.
04:24 Il place l'intransigeant yougoslave Blagoje Vidinic sur le banc de la sélection.
04:30 Et avec lui, l'arrière-boutique est bien moins reluisante.
04:34 Entre les entraînements à outrance, en mode commando,
04:37 et l'interdiction pour les meilleurs joueurs du pays de tenter leur chance en Europe,
04:42 Rekim Avouba était l'un d'entre eux.
04:45 Et malgré la pression de tout un peuple,
04:47 les Panthères du Zahir deviennent rapidement l'une des nations les plus importantes du continent.
04:54 Moi, ce que je sais, c'est que forcément, quand j'étais petit,
04:58 on n'a pas pu forcément évoquer tout ça avec mon père.
05:02 Mais ce que je sais, ce que ça représentait, c'est quand je croise beaucoup de gens,
05:07 que ce soit dans les gares, dans les aéroports, dès que je croise des Congolais,
05:12 ils me parlent tous de lui.
05:14 Puis j'ai joué dans le Nord, près de la Belgique,
05:16 donc je peux vous dire qu'il y avait beaucoup de Congolais que je croisais
05:20 et qui m'en parlaient, et j'étais fier.
05:24 J'étais vraiment fier de m'en parler, et pour moi, forcément, ça me rendait fier.
05:28 Tu penses, tu fais des images,
05:32 en tout cas, tu dis que c'est beau, parce que l'image qu'il a laissée,
05:35 je n'ai jamais vu une personne venir me parler en mal de lui.
05:38 Milieu de terrain, comme son fils plus tard,
05:42 Larousse, comme on le surnomme depuis son plus jeune âge,
05:45 pour son incroyable lecture du jeu, n'hésite pas à se montrer offensif.
05:50 J'étais trop petit, mais ce qui est sûr, c'est que j'ai vu des images,
05:57 et oui, il se projetait un peu plus dans la surface.
06:01 Il était plutôt félin, vif, et je l'ai vu mettre des beaux buts.
06:08 J'ai vu des images où il met des très beaux buts dans la surface de réparation.
06:15 Réki Mavouba a aussi une spécialité invraisemblable,
06:19 celle d'inscrire des cornères directes, et même de le prédire avant de les botter.
06:25 Oui, c'est ça, c'est exactement ça.
06:27 Quand il pensait qu'il marquait, il a jeté ce mouchoir blanc,
06:29 et c'est vrai que c'était plus sur les cornères, en effet.
06:32 Là-bas, là, Mavouba, spécialiste des cornères brossées.
06:39 Et ça a été un truc qui a été, parce qu'après, le public, de ce qu'on me dit,
06:46 le public répondait aussi, il sortait aussi des mouchoirs quand il tirait les cornères.
06:51 Donc pour moi, ça fait partie un peu d'une légende, mais comment les gens en parlent ?
06:57 Il y en a qui l'ont vécu, il y en a qui m'ont dit « j'étais au stade ».
07:00 Voilà, ça avait l'air d'être un truc de fou.
07:04 De cette période faste, le Zaire et Mavouba remporteront donc deux Coupes d'Afrique,
07:09 en 1968 et 1974.
07:12 Mais peut-être encore plus fort, les Panthères participeront à la Coupe du Monde,
07:17 la même année en Allemagne de l'Ouest,
07:20 devenant le premier pays d'Afrique noire à disputer un mondial.
07:24 Mais si l'histoire avait tout pour être idyllique,
07:30 elle se terminera pourtant sur un échec cuisant.
07:33 Des primes non payées poussent les joueurs à baisser les bras
07:36 dès le deuxième match contre la Yougoslavie.
07:39 Le gardien, Kazady Mwamba, ira même jusqu'à se mettre en grève des arrêts.
07:44 Résultat, défaite humiliante 9-0.
07:48 Hors de lui, Mobutu ordonne alors aux joueurs de perdre de moins de 4-0 le match suivant,
07:53 s'ils veulent être autorisés à rentrer au pays.
07:56 Face au tenant du titre, le Brésil, les Panthères parviennent à ne concéder qu'un 3-0.
08:01 Mais moi je pense que forcément, ça devait pas être simple ce qu'ils ont vécu.
08:09 Alors t'as la fierté de te dire qu'on va faire une Coupe du Monde,
08:14 mais en fait de l'autre côté, t'as le sentiment de te faire un peu avoir par la fédération,
08:19 si je peux dire, ou par le gouvernement.
08:22 Donc eux n'ayant pas de primes, etc.,
08:26 ben ils sont... voilà, je pense qu'ils avaient plus envie de jouer.
08:29 Ils ont un peu...
08:31 Donc voilà, on se doute bien qu'il s'est passé des choses pour qu'il y ait autant d'écarts.
08:35 Et d'ailleurs, il me semble qu'il y a un de ses exploits qui pique,
08:39 il a dû carrément fuir le pays, je crois.
08:41 J'avais bien lu qu'il avait dû fuir le pays,
08:43 parce que ça avait été très compliqué pour les joueurs.
08:46 Alors pour mon père, bon ben apparemment ça a été.
08:50 Il n'y avait plus de problème avec l'État, avec le gouvernement,
08:53 mais je sais que ça a été une période compliquée pour le football africain,
08:56 en tout cas pour le Congo à cette période-là,
08:58 qui était une des meilleures équipes, mais qui n'avait pas,
09:01 en contrepartie, ce qu'elle devait avoir, en tout cas les primes qu'il méritait.
09:04 L'histoire retiendra surtout que 40 ans plus tard,
09:10 Rio Mavuba participe à son tour à une Coupe du Monde.
09:14 Sélectionné dans la liste des 23 bleus de Didier Deschamps
09:17 pour le Mondial 2014 au Brésil,
09:19 Rio Mavuba entre en jeu à la 65e minute de jeu contre le Honduras.
09:24 Alors Yohann Kabaye va céder sa place.
09:29 Prochaine interruption.
09:36 Rio Mavuba.
09:38 Oui, bien sûr, ému, très ému.
09:41 Évidemment, il y a un match à jouer,
09:44 mais bien sûr que dans ma tête, il y a tout qui est passé très vite.
09:49 Et même le jour du match, de toute façon, j'y pensais.
09:53 Je ne savais pas s'il allait rentrer ou pas,
09:56 mais forcément, j'y pensais.
09:58 En plus, c'est la fête du jour des pères.
10:01 Donc, c'était beaucoup de choses qui rentraient en compte.
10:04 Et voilà, en plus, moi, je n'ai fait qu'une compétition,
10:07 de toute façon, avec les bleus, c'est la Coupe du Monde au Brésil,
10:10 40 ans après.
10:11 Donc, c'était beaucoup de choses comme ça,
10:14 de signes comme ça, qui étaient beaux.
10:17 Et bien sûr, en termes d'émotion personnelle,
10:20 c'est le plus beau moment.
10:23 - Pour en arriver à jouer avec les bleus,
10:26 c'est encore à travers son histoire personnelle et celle de son père
10:30 qu'il faut y trouver un lien.
10:32 Rio est né en 1984, au beau milieu de l'océan Atlantique,
10:36 à bord d'un radeau de fortune,
10:39 alors que ses parents tentent de fuir la guerre civile angolaise,
10:43 le pays de sa mère.
10:46 Lui, ses parents et ses 11 frères et soeurs
10:50 s'installent rapidement dans la région bordelaise,
10:53 où Mahbouba va passer son enfance.
10:56 Celle-ci sera évidemment bercée par le football.
10:59 Rapidement doué avec ses pieds et un ballon,
11:02 il rejoint sous les conseils avisés de Ricky,
11:05 les Girondins de Bordeaux.
11:07 - D'abord, je jouais dans un petit club.
11:09 Donc, ils m'emmenaient de temps en temps, quand ils pouvaient.
11:12 Je jouais à un club qui s'appelait Transports en Commun,
11:14 donc ils m'emmenaient quand ils pouvaient.
11:16 Et après, au Girondins, il est venu me voir à quelques reprises,
11:19 parce qu'il était déjà un petit peu malade,
11:21 donc il était venu me voir à quelques reprises.
11:23 Et j'avais pas forcément de conseils particuliers qu'ils me donnaient,
11:27 mais je me souviens d'une fois où j'avais peut-être pas rangé ma chambre
11:31 ou un truc comme ça, et ils m'avaient interdit d'aller en trainement.
11:35 Et ça, ça m'a marqué, ça m'a marqué, parce que je me dis,
11:39 bon, certes, ils aimaient que j'aille au foot,
11:42 mais il y avait quand même cette rigueur qui...
11:45 Voilà, OK, le foot, c'est bien,
11:47 tu fais ce que t'as à faire déjà à la maison,
11:49 et après, le foot, ça viendra après.
11:51 Donc ça, c'est un truc qui m'est resté,
11:53 et voilà, je pense que c'est des choses qui sont hyper importantes,
11:55 mais c'est des valeurs qui sont importantes,
11:57 et il n'y a pas que le foot dans la vie.
11:59 André-Joseph Makelele, le père de Claude,
12:04 était aussi une panthère du Zahir en 1974.
12:08 Toujours dans cette quête de transmission,
12:11 il a plusieurs fois raconté son histoire commune avec Rikimavouba.
12:15 En fait, c'est comme si, pour eux, j'étais l'héritage, la succession.
12:23 Alors, ce qu'ils me disaient, ils étaient fiers,
12:25 parce qu'ils disaient que c'était un nom important,
12:28 notamment dans le football africain,
12:29 et que de voir son fils qui joue ici, en Europe et en France,
12:33 c'était une fierté pour eux.
12:35 Mais pour moi, c'était aussi presque une...
12:37 Je ne vais pas dire que j'étais validé,
12:39 mais comme j'étais le fils de...
12:42 de mon père, de Rikim, forcément...
12:46 On va dire que j'étais adoubé,
12:50 et j'avais le respect des gens.
12:53 Rikimavouba ne les a pas oubliés en retour.
13:03 En avril 2009, il crée l'association "Les Orphelins de Makala",
13:08 qui porte le nom du quartier à l'est de Kinshasa,
13:11 d'où son père est originaire.
13:13 Un orphelinat et un foyer ont été construits
13:16 pour les enfants les plus démunis.
13:18 C'était important pour moi.
13:20 C'est vrai que j'avais, depuis le début,
13:22 que j'avais commencé, j'avais envie de...
13:24 On va dire de...
13:26 de faire perdurer, rendre hommage à notre nom, du coup,
13:30 et à ce qu'il a fait, lui, pour le Zahir.
13:33 Et c'est vrai que ma première idée,
13:35 c'était de faire peut-être une école de foot,
13:37 parce que, je me dis, par rapport à ce moment,
13:39 ce qu'il a fait, moi, aujourd'hui...
13:41 Mais dans cette idée-là, à l'époque,
13:43 le sport féminin n'était pas très développé.
13:45 Je me suis dit, on va aider peut-être que des garçons,
13:47 alors que je sais que c'est un pays qui est en difficulté.
13:49 Donc, du coup, on a décidé de partir sur l'orphelinat,
13:51 par rapport aussi à ma vie, à ce que j'ai vécu,
13:53 et que là-bas, il y a beaucoup d'enfants aussi
13:55 qui seraient dans les rues,
13:56 et au moins, on pouvait aider tout le monde.
13:58 En tout cas, c'est donner une deuxième chance à tout le monde.
14:00 Et on est content de l'évolution,
14:03 parce qu'aujourd'hui, on a des jeunes qu'on a eus très tôt,
14:06 des enfants qui sont devenus adultes, diplômés,
14:09 qui ont eu le bac, d'autres qui travaillent,
14:11 qui sont devenus avocats.
14:13 Enfin, voilà, on est vraiment content de l'évolution.
14:16 Comme celle des Mavuba, l'histoire est perpétuelle.
14:20 Pour rendre hommage au combat et aux réussites de nos ancêtres,
14:24 qui méritent d'être mises en lumière,
14:26 comme celle de Rikimavuba,
14:28 n'oublions pas de la raconter,
14:30 pour qu'elle ne soit jamais oubliée.
14:32 [Musique]

Recommandations