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00:00 Riyad Mahrez, très fort !
00:02 Oh, Riyad Mahrez !
00:03 De la tête de Boubacar !
00:04 Oh, la main de Shaker à dur !
00:06 Non, mais ça là, c'est lui que vous effraiez le plus.
00:08 Mais je suis pas fou, il a cité la fin du match, là !
00:10 Incroyable ! J'avais vu ça !
00:12 Retour le 8 janvier 2010.
00:27 Nous sommes près de Kabinda, capitale de la province du même nom,
00:31 en Angola, au sud du golfe de Guinée.
00:34 L'image est saisissante.
00:37 Emmanuel Adébayor, la star de la sélection togolaise,
00:41 s'effondre en larmes sur le capot d'un mini-bus.
00:44 Autour de lui, ses coéquipiers ont l'air agarres,
00:47 complètement déboussolés par ce qu'ils viennent de vivre.
00:51 Quelques dizaines de minutes plus tôt,
00:54 le bus des éperviers, le nom de la sélection de ce petit pays
00:57 coincé entre le Ghana et le Bénin,
01:00 subit une violente attaque armée.
01:03 Plusieurs membres de la délégation sont entre la vie et la mort.
01:07 La Coupe d'Afrique des Nations doit débuter deux jours plus tard.
01:10 Mais à ce moment-là, le football est bien loin de toutes les pensées.
01:15 J'ai compris quand je me suis levé de ma place et que j'ai vu le sang.
01:20 Alors joueur du FC Nantes à l'époque,
01:22 Thomas Dossevi était l'un des joueurs togolais présents dans ce bus ce jour-là.
01:27 Rouge. Normalement, les sauts de bus, c'est blanc.
01:32 D'une certaine couleur, c'était rouge, avec une belle quantité.
01:35 Donc j'ai compris que là, on était sur quelque chose de grave.
01:38 Le bilan final est lourd. Trois morts.
01:49 Deux membres du staff, l'entraîneur adjoint et le chef de presse,
01:53 ainsi que le conducteur du bus.
01:55 Alors que l'un des événements les plus importants du continent africain doit se tenir,
02:00 comment un drame pareil a-t-il pu survenir ?
02:03 Et surtout, à qui la faute ?
02:06 Les assaillants et leurs revendications ?
02:08 Le gouvernement angolais en charge de la sécurité ?
02:11 Ou la CAF, l'organisateur de cette 27e édition de La Canne ?
02:16 Remontons le fil de l'histoire et reprenons tout depuis le début.
02:20 Après avoir effectué sa préparation au Congo voisin,
02:29 la sélection du Togo rallie à bord de deux bus
02:32 la province enclavée de Cabinda, qui appartient à l'Angola.
02:36 Depuis plus de 30 ans, cette terre est revendiquée par des séparatistes.
02:41 La guerre civile s'est conclue quelques années auparavant.
02:45 Et dans ce mouvement de paix, semble-t-il retrouvé,
02:48 la CAF décide que certains matchs se tiendront dans cette ville
02:52 de plus de 600 000 habitants et qui vit essentiellement de l'activité pétrolière.
02:58 Un choix qui va s'avérer lourd de conséquences.
03:01 Le convoi entame son périple vers l'enfer.
03:07 À peine les deux véhicules se sont enfoncés dans la forêt de Moyembe,
03:11 à quelques encablures de la frontière,
03:13 que des membres armés du FLEC, le Front de Libération de l'enclave de Cabinda,
03:18 ouvrent le feu sur eux.
03:20 Il y a quelques joueurs qui se sont levés, ils ont cru que c'était des pétards.
03:27 Mais il y a certains joueurs qui ont vite compris ce qui se passait.
03:31 Je ne sais pas, c'est l'instinct.
03:33 Moi je me suis mis directement sous le siège.
03:36 Alors qu'il y en a qui se sont levés, qui ont regardé ce qui se passait à l'extérieur.
03:40 C'est eux qui ont été touchés en premier.
03:43 L'attaque va durer une trentaine de minutes.
03:46 Le temps que l'armée angolaise, qui escortait le bus depuis le départ,
03:50 parvienne à repousser tant bien que mal les assaillants.
03:53 Ah ouais, c'était interminable.
03:56 Il y a eu un quart d'heure où ça a été vraiment, on a été canardé.
04:00 Il y a eu un petit temps de repos où on s'est dit, ça y est,
04:03 ceux qui nous protègent, ils sont morts.
04:05 Et ça y est, ils vont envahir le bus.
04:07 Et puis ça a repris.
04:10 Et ensuite le calme.
04:12 J'ai toujours cru en ma bonne étoile,
04:16 mais c'est vrai qu'il y avait quelques joueurs qui priaient, qui pleuraient.
04:20 Je voyais qu'il se passait quelque chose de fou,
04:25 mais je ne réalisais pas vraiment sur le moment.
04:28 Et là, il y a des gens qui ont commencé à...
04:30 qui sont rentrés dans le bus,
04:32 et là on ne savait pas trop si c'était des gens pour nous défendre
04:36 ou des gens pour nous tuer.
04:38 Mais on a du mal à réaliser qu'on arrive dans un pays pour jouer au football
04:43 et qu'on se fait tirer dessus.
04:45 Le choc est total, brutal, dévastateur.
04:57 Rapidement, la délégation est rapatriée vers Cabinda,
05:01 les blessés envoyés en urgence intensive à l'hôpital.
05:04 Le gardien de but amateur de la JSI Pontivy, Kodjovi Obilale,
05:09 gravement blessé, est entre la vie et la mort.
05:12 Si le bilan final est de trois morts,
05:15 l'attaque aurait pu être bien plus sanglante,
05:18 sans un coup du destin.
05:20 Le second bus fermait initialement la marche
05:23 après avoir finalement changé de position,
05:26 durant le voyage.
05:31 Ce premier bus a été le plus canardé.
05:34 Je pense que le signal en plus, ça a été un tir de roquette.
05:40 Et il a quand même été bien canardé ce bus-là.
05:44 Donc heureusement qu'on n'était pas dans celui-là.
05:47 Et on doit aussi l'avis au chauffeur qui a réussi à rouler
05:51 sur 200, 300 mètres, mais il a été touché à la tête.
05:56 Très rapidement, la décision est unanime pour les Togolais.
05:59 La délégation doit rentrer au pays pour enterrer ses morts.
06:03 Un choix loin d'être logique pour la CAF.
06:06 La Confédération africaine menace la sélection
06:09 d'être exclue des prochaines compétitions
06:12 qu'elle organise si le Togo décide de ne pas jouer la canne.
06:15 C'est une expérience traumatisante.
06:17 Je ne sais pas si on allait être performant.
06:20 Il faut être clair.
06:22 Quand on sait qu'il y a trois morts après une attaque,
06:25 qu'on va enterrer les morts,
06:27 qu'on a demandé à revenir,
06:29 je ne sais pas si on allait être performant.
06:32 Mais le fait de nous empêcher de revenir,
06:35 je trouve ça pas très grand au final.
06:39 C'est pas...
06:41 Je pense pas que ça a été la meilleure des solutions.
06:46 Et il y a des fois, quand il y a des choses
06:48 qui sont plus graves que le football,
06:50 il faut savoir à un moment donné mettre le football de côté.
06:53 Et voilà.
06:54 On fait comme si de rien n'était.
06:56 On permet à l'équipe de rejouer.
06:58 Soit on arrête totalement la compétition
07:00 et on dit "voilà, c'est grave".
07:02 Il ne faut pas qu'il y ait une histoire de gros sous
07:05 qui permette d'accepter des choses innommables.
07:08 Même Didier Drogba, icône du foot en Afrique,
07:20 attaquant vedette de la Côte d'Ivoire et de Chelsea,
07:23 ne semble pas avoir su apporter le poids nécessaire
07:26 auprès du combat des Togolais.
07:28 La première chose que Didier m'avait dit,
07:34 il me dit "non mais nous on va pas jouer,
07:36 on jouera pas".
07:38 Et on comptait sur eux.
07:40 C'est ça aussi, c'est que si eux ils jouaient pas,
07:43 ça allait mettre un poids.
07:45 S'il y a personne qui jouait dans le groupe,
07:47 clairement tu repoussais jusqu'à ce qu'on revienne.
07:50 Mais bon, il a eu aussi je pense des pressions d'eux
07:54 par sa fédération comme quoi ils étaient pas concernés directement.
07:59 Mais voilà, cette solidarité, s'il avait été jusqu'au bout,
08:03 bon bah le groupe il se jouait pas
08:06 et il se jouait quand à nous on sera revenu.
08:09 Ça aurait été logique.
08:11 La CAF reste intransigeante.
08:14 Et va même plus loin en pointant le Togo
08:16 comme fautif dans l'histoire.
08:18 L'instance aurait au préalable prié les équipes concernées
08:21 de se rendre à Cabinda uniquement en avion.
08:25 Ils ont pensé plus organisation,
08:28 l'organisation, l'organisation.
08:30 Déjà, voilà, nous on ne sait pas ce qu'il y a eu
08:33 en termes de dédommagement, je répète,
08:35 mais on ne sait pas ce que la CAF a décidé.
08:38 Mais quand on a vu qu'ils voulaient nous sanctionner
08:41 de ne plus participer au Cannes pendant trois ans,
08:45 trois sessions de Cannes,
08:47 on s'est dit mais c'est grave,
08:49 on a des morts et en plus on est sanctionnés sportivement.
08:52 On a vraiment pas compris la décision.
08:55 Des mois après avoir exclu le Togo de la Cannes 2010,
09:06 la CAF, consciente de son erreur,
09:09 reviendra sur sa sanction envers les éperviers.
09:12 Mais le mal est fait et les stigmates de ce jour maudit
09:15 restent encore bien ancrés chez Mathieu Dossevi et ses coéquipiers.
09:19 C'est vrai que quand on en parle,
09:21 ça fait toujours, c'est pas facile.
09:24 Il y a eu quand même des décès, des morts.
09:28 C'est vrai que, profiter de l'interview,
09:32 je me disais mais finalement on n'a même pas eu
09:35 d'indemnisation compensatoire de tout ça.
09:38 On a été choqués mais aucun joueur n'a reçu de l'argent
09:43 pour compenser ce désagrément, cette tragédie.
09:47 Et on n'a même pas fait de démarche pour récupérer l'argent.
10:05 Plus de dix ans après, ni la CAF ni le gouvernement togolais
10:09 ne semblent avoir apporté quelconque soutien financier
10:12 pour dédommager les victimes.
10:14 Thomas Dossevi retient davantage l'investissement sans limite
10:18 d'Emmanuel Adébayor, alors avant-centre de Manchester City.
10:22 Cette attaque marquera la fin de la génération dorée des éperviers.
10:34 Celle qui était parvenue à se qualifier pour la première fois
10:38 de son histoire à une Coupe du monde en 2006.
10:41 Battue en face de groupe par les futurs finalistes,
10:45 les Bleus de Zinedine Zidane.
10:48 Mitraillée, endeuillée, méprisée,
10:51 cette équipe du Togo de 2010 restera, quoi qu'il arrive,
10:55 à jamais liée par une des histoires les plus sombres
10:59 que peut nous réserver la Coupe d'Afrique des Nations.
11:03 Sous-titrage ST' 501
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