• il y a 10 mois
Jenna Boulmedais a dénoncé un rappeur dans un post Instagram. Suite à ce post, elle a reçue une vague de haine et de harcèlement.
Transcription
00:00 On entend beaucoup sur Internet que dénoncer, ça gage des carrières, ça ruine des vies.
00:05 Quand on voit que le rappeur que j'ai dénoncé a rempli trois soirs de suite l'accord Arena,
00:10 je me dis que sa carrière n'est pas si ruinée que ça.
00:13 Coucou, c'est Jenna Bouledaïs, j'ai 22 ans.
00:15 Le 19 juillet 2023, j'ai publié sur mon compte Instagram
00:19 une publication qui dénonçait le silence de l'industrie musicale
00:21 au sujet d'agressions sexuelles, violences sexuelles
00:24 que certaines femmes ont subies de la part d'un rappeur qui est très connu.
00:28 C'était suite à un témoignage que j'avais reçu au Francophonie de la Rochelle de la même année.
00:32 J'ai croisé une victime de ce rappeur qui, à moitié en larmes, en train de trembler,
00:37 m'a raconté son histoire et m'a raconté ce qui s'était passé en 2017.
00:40 Et ça m'a rendu complètement folle.
00:42 J'ai pris la décision d'écrire ça d'abord en story,
00:45 et à la seconde où les stories ont été publiées, j'ai fait une capture d'écran,
00:47 j'ai mis en publication avec écrit "pour que ça reste",
00:50 parce que je trouvais ça dégueulasse de me dire que tant de personnes étaient au courant
00:53 et ne disaient rien parce qu'elles avaient peur de perdre quelque chose,
00:56 alors que toutes ces femmes ont perdu bien plus.
00:58 Je savais un peu que j'allais m'en prendre plein la tête,
01:01 mais j'étais genre "bon bah c'est pas grave, je préfère ça et au moins que les gens soient au courant,
01:04 et s'il y en a qui sont pas d'accord, qui croient pas etc. c'est pas grave".
01:07 Quand j'ai publié mon poste, au début je me suis sentie genre assez soulagée.
01:11 Les gens vont être au courant et ça va être bien,
01:12 et en fait en 10 minutes, la publication était déjà extrêmement repartagée.
01:17 Je suis devenue super énervée parce que je me suis dit
01:19 "ah oui donc en fait toutes ces personnes de l'industrie musicale qui partagent,
01:21 c'était des personnes qui savaient et qui encore une fois n'ont rien dit".
01:24 J'ai reçu énormément de harcèlement après cette publication.
01:27 Les 3-4 premiers jours, je ne faisais rien d'autre que pleurer dans mon lit.
01:30 Je rafraîchissais en boucle les messages.
01:33 Je recevais une centaine de messages par minute,
01:35 à savoir que dans les centaines de messages,
01:37 il y avait 60 messages sympas pour 40 messages d'insultes et de menaces de mort.
01:41 Arrivé à un certain moment, 3-4 jours, les messages se sont calmés.
01:45 Mais par contre, ceux que j'avais étaient de plus en plus violents.
01:48 Donc je recevais l'adresse de mes parents,
01:50 avec des gens qui me disaient qu'ils allaient me retrouver.
01:52 On parle évidemment de fans du rappeur.
01:54 Un moment, j'étais à Paris et tu as des filles qui sont arrivées,
01:57 qui m'ont encerclée.
01:59 Elles étaient genre 5-6.
02:00 Elles me disaient "on veut des preuves, on veut des preuves, on veut des preuves".
02:02 Et il y en a une qui m'a craché au visage, après elles ont rigolé, elles sont parties.
02:05 C'est vrai qu'à ce moment-là, c'était tellement dur, j'avais tellement peur.
02:08 Je me coujais en panique, enfin c'était horrible.
02:11 Après avoir publié la publication, j'ai reçu une quinzaine de témoignages,
02:16 avec des gens qui acceptaient de porter plainte, des gens qui n'acceptaient pas.
02:19 Des personnes plus ou moins proches du rappeur, parce qu'on ne parle pas uniquement de fans.
02:23 Tous les témoignages dataient de 2016-2017.
02:27 Ce qui m'énervait, et là je bloquais et j'envoyais des messages pour vraiment embrouiller,
02:31 c'était les personnes qui commentaient qu'il n'y avait aucune victime face à cette affaire, etc.
02:37 Et ça c'est horrible.
02:38 Parce que quand tu es victime et que tu as déjà vécu des violences de la part de quelqu'un,
02:41 lire ça sur internet, c'est juste une deuxième violence et ça ne devrait pas exister.
02:44 Et en fait, les gens peuvent ne pas être d'accord, peuvent ne pas y croire,
02:47 mais juste gardez ça pour vous.
02:48 Je reçois encore beaucoup de harcèlement.
02:49 Moi, je suis créatrice de contenu sur internet et sur TikTok notamment.
02:53 Je crois qu'il n'y a pas un TikTok que je publie
02:55 dans lequel il n'y a pas un commentaire d'une personne qui me dit "et..."
02:59 pour l'interrogation, avec le nom du rappeur.
03:00 Ça ne s'arrêtera pas et en fait, tant que l'affaire ne sera pas terminée juridiquement parlant,
03:05 je continuerai de recevoir ces messages.
03:06 On entend beaucoup sur internet que dénoncer, ça gage des carrières, ça ruine des vies.
03:12 Quand on voit que le rappeur que j'ai dénoncé a rempli trois soirs de suite l'accord Arena,
03:17 je me dis que sa carrière n'est pas si ruinée que ça.
03:20 Il n'est pas encore mis en examen et pourtant, il y a des plaintes qui sont déposées contre lui.
03:23 Pour le moment, je n'ai pas reçu de plainte de la part de son équipe ou de lui.
03:25 Moi, je n'ai pas porté plainte contre lui parce qu'il ne m'a rien fait.
03:28 Peut-être qu'un jour, ils porteront plainte contre moi,
03:30 mais s'ils portent plainte contre moi d'office, c'est pour diffamation.
03:34 Après, que ce soit vrai ou faux, les témoignages sont là.
03:36 Donc si les témoignages sont là, les plaintes sont là.
03:38 Moi, ma publication, elle ne dit pas "les filles qui ont témoigné ont dit vrai".
03:42 Donc je ne risque littéralement rien.
03:44 Il y a plein de gens qui disent que les victimes n'ont pas porté plainte,
03:46 mais en fait, ce n'est pas parce que les plaintes ne sont pas publiques
03:47 que les plaintes ne sont pas là.
03:48 Il y a des plaintes, juste, elles ne sont pas publiques.
03:50 Et en fait, le jour où des médias accepteront ou auront la force ou l'envie de contacter le parquet
03:55 pour demander quelles sont les plaintes en cours pour cette enquête,
04:00 à ce moment-là, ils les récupéreront et ils verront.
04:02 Ma publication initiale parlait de la musique, mais aussi du cinéma.
04:05 Et dans toutes les industries artistiques, c'est toujours difficile de dire au revoir à quelqu'un,
04:09 d'oser mettre le point sur quelque chose qu'une personne fait mal
04:12 parce qu'on a peur de ne plus exister, on a peur de se mettre des gens à dos.
04:15 Derrière un artiste, je crois que vous ne savez pas le nombre de personnes qu'il y a,
04:20 et un artiste qui se fait griller, je pense à ce rappeur.
04:23 C'est tellement d'emplois qui n'existent plus.
04:25 Donc c'est toujours difficile d'ouvrir sa bouche ou d'accepter.
04:30 Ça ne veut pas dire que les gens ne sont pas au courant,
04:31 mais juste entre être au courant et oser le dire,
04:34 et oser perdre quelque chose d'aussi gros, c'est difficile.
04:37 Après avoir publié, j'ai reçu énormément de messages d'artistes
04:39 qui m'ont remercié pour ma publication.
04:42 Moi au début, un peu énervée, je ne comprenais pas pourquoi on me remerciait
04:45 et pourquoi ils ne l'avaient pas fait avant s'ils étaient au courant.
04:47 En fait, j'ai même reçu des messages de ces artistes-là qui m'expliquaient
04:50 qu'ils ne peuvent pas partager ma publication,
04:52 qu'on est OK, on est avec toi, on like.
04:54 Mais si je la partage, je me fais griller parce que mon tourneur,
04:56 c'est le même tourneur qu'eux, parce que mon label,
04:59 ils sont en coédition avec son label.
05:01 Il y a trop de micmac.
05:02 Tout est fait pour museler cette affaire,
05:05 tout est fait pour que personne ne parle.
05:08 J'ai lu partout qu'il fallait séparer l'homme de l'artiste,
05:11 ce qui est entendable quand on a 12 ans et demi
05:14 et qu'on écoute cet artiste depuis qu'on a téléchargé l'application Spotify.
05:19 Mais non, c'est horrible de dire ça.
05:20 En fait, derrière les écoutes que fait cet artiste,
05:23 déjà, il y a des textes qui sont hyper problématiques.
05:26 Il écoutait ces textes et puis en fait, il dit tout.
05:28 C'est un aveu.
05:29 Et en plus de ça, on finance l'artiste, on finance sa musique,
05:32 on finance ses futurs projets, on finance ses tournées,
05:36 on finance sa vie, on finance son égo
05:38 et probablement tout ce qui a fait qu'il en ait arrivé à agresser des femmes.
05:43 Si jamais vous avez vécu quelque chose de la part d'une personne plus ou moins connue
05:47 et que vous avez envie de dénoncer,
05:49 vous pouvez complètement aller porter plainte avec un avocat.
05:52 Et si vous ne voulez pas que ce soit public,
05:54 vous pouvez complètement le faire anonymement.
05:56 Si vous n'osez pas parler, ce n'est pas grave.
05:59 C'est quelque chose qui vous concerne, qui vous regarde.
06:00 Il y a toujours moyen d'être écouté.
06:03 En tout cas, on vous croit et vous ne serez jamais en tort.
06:06 et si vous avez un doute, c'est qu'il n'y a pas de doute.

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