Jean-Paul Matteï, président du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) et député des Pyrénées-Atlantiques.
Il partage avec François Bayrou un attachement au même territoire et une amitié de plus de 40 ans. Mais Jean-Paul Matteï a sa propre trajectoire politique. Il préside aujourd'hui le groupe Modem à l'Assemblée avec un style unique, parfois déroutant.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
Chaque jour, Clément Méric, dans un entretien en tête à tête de 13 minutes, interroge un parlementaire sur les personnalités, les évènements - historiques ou personnels - qui l'ont conduit à choisir la vie publique.
Car on ne naît pas politique, on le devient !
Il partage avec François Bayrou un attachement au même territoire et une amitié de plus de 40 ans. Mais Jean-Paul Matteï a sa propre trajectoire politique. Il préside aujourd'hui le groupe Modem à l'Assemblée avec un style unique, parfois déroutant.
Pourquoi s'engage-t-on en politique ? Comment tombe-t-on dans le grand chaudron de l'Assemblée ?
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00:00 -Il partage avec François Bayrou un attachement
00:02 pour le même territoire et une amitié de plus de 40 ans.
00:06 Mon invité a été un peu macroniste avant l'heure,
00:09 centriste dans l'âme.
00:10 Il préside le groupe Modem à l'Assemblée
00:12 avec un style unique, parfois déroutant.
00:14 Musique de tension
00:17 ...
00:29 -Bonjour, Jean-Paul Matéi. -Bonjour.
00:31 -On attend d'un président de groupe
00:33 qui fasse régner l'ordre dans ses rangs,
00:35 sauf qu'avec vous, président du groupe Modem,
00:38 c'est parfois l'inverse qui se produit,
00:40 notamment pendant le débat budgétaire 2022.
00:42 Vous avez mené la fronde contre le gouvernement
00:45 avec un amendement pour taxer les superdividendes
00:48 des grandes entreprises.
00:49 On va réentendre ceux qui ont pris la parole
00:52 dans l'hémicycle pour vous soutenir.
00:54 -On va voter l'amendement de notre collègue
00:57 parce qu'il prend le pognon là où il faut le prendre
00:59 pour le donner là où on a besoin.
01:01 -C'est une mesure de bon sens
01:03 et qui devrait rassembler extrêmement largement
01:06 sur ses bancs.
01:07 Nous votons ce dispositif.
01:09 -C'est un amendement très raisonnable,
01:11 très constructif, qui peut rassembler tout le monde
01:14 pour avancer sur un sujet qui fera du bien
01:16 à la démocratie et à la justice fiscale.
01:18 -Résultat du scrutin pour 227 contre 88.
01:24 L'Assemblée nationale a adopté.
01:27 -On vient d'entendre dans l'ordre Sébastien Jumel
01:30 pour le Parti communiste, Manuel Bompard
01:32 pour la France insoumise et Jean-Philippe Tanguy
01:35 pour le RN.
01:36 Tous ont voté votre amendement contre l'avis du gouvernement.
01:39 Êtes-vous dans votre rôle de président de groupe
01:42 de la majorité quand vous faites cela ?
01:44 -Est-ce que je suis dans mon rôle de président de groupe ?
01:47 J'ai une forte conviction sur cette mesure,
01:50 qui est un signe.
01:51 Comme je l'ai dit, dans l'hémicycle,
01:53 je ne suis pas d'un grand soir fiscal,
01:55 mais simplement d'une mesure qui, pour moi, était de bon sens.
01:58 Alors, effectivement, j'ai peut-être pas pris conscience
02:02 de mon rôle de président de groupe à ce moment-là,
02:04 mais je pense que mon groupe était totalement derrière.
02:07 D'ailleurs, ils ont tous voté l'amendement.
02:11 -Vous dites "peut-être pas pris conscience".
02:13 -Je cherchais pas un coup politique.
02:17 Pour moi, il était important d'envoyer un petit signe.
02:21 La société était un peu crispée
02:23 et je trouvais qu'il allait dans le bon sens.
02:25 L'ensemble des intervenants le soulignent.
02:27 J'ai pas cherché à faire un coup.
02:30 J'ai simplement voulu que l'on vote une mesure,
02:32 pour moi, de bon sens.
02:34 -Vous comprenez que certains responsables de la majorité
02:37 vous considèrent un peu comme un "Nanky-Kinner",
02:40 voire comme un dangereux gauchiste,
02:42 parce que vous en avez fait d'autres,
02:44 des coups un peu comme ça, sur la thématique de la fiscalité,
02:47 qui est votre domaine de prédilection.
02:50 -Je suis un profond libéral
02:51 et je sais qu'il peut y avoir des mesures de justice fiscale
02:55 qui accompagnent.
02:56 Est-ce que c'est de gauche, de droite ?
02:58 Non, c'était des mesures de bon sens.
03:00 J'envoyais un signe et, encore une fois,
03:03 je cherchais pas à jouer les francs-tireurs
03:05 ou les francs d'or,
03:06 mais simplement à porter ma pierre au débat budgétaire.
03:10 Je pense que le budgétaire a besoin de respirer
03:12 et d'envoyer quelques signes, notamment aux gens qui galèrent.
03:16 -Il y a eu les superdividendes,
03:18 mais il y a eu les rachats d'actions
03:20 de la banque de la reprise ou la niche fiscale d'Airbnb.
03:23 Sur ces sujets de fiscalité,
03:25 vous avez porté des mesures plébiscitées par la gauche.
03:28 Vous êtes au courant des surnoms que vous ont donnés
03:31 les députés de gauche ? -J'en ai entendu quelques-uns.
03:34 On m'a traité de camarade Matéi, je crois que c'est Jumel
03:38 qui m'a traité de camarade.
03:39 Euh...
03:41 -Notaire révolutionnaire ? -Notaire révolutionnaire, voilà.
03:44 -Ou l'insoumatéi.
03:45 -C'est Adrien Clouet de la France Insoumise.
03:48 -Il y a même un article qui m'a traité de punk.
03:50 -Il paraît que les écologistes ont imprimé des T-shirts.
03:54 -C'est ce qu'on m'a dit. Je n'ai pas vu les T-shirts,
03:57 mais c'est ce qu'on m'a dit.
03:58 -Vous êtes la star des députés de gauche ?
04:01 -Je ne cherche pas à être la star des députés de gauche.
04:04 Je cherche simplement à montrer qu'on peut dialoguer
04:07 et trouver des points d'atterrissage.
04:09 Mais je ne rêve pas.
04:10 Je sais très bien que même si certaines de mes mesures
04:13 avaient été adoptées, c'est pas pour autant
04:16 que je n'aurais pas voté le projet de loi de finances.
04:19 Quand vous dites "président de groupe",
04:21 c'est vrai que le mandat précédent,
04:23 je n'étais pas président de groupe,
04:25 j'ai porté des amendements sur l'augmentation de la FLAC tax.
04:29 -Ca a fait moins de bruit. -Oui.
04:31 -Vous avez travaillé main dans la main
04:33 avec des députés de gauche sur des questions de fiscalité,
04:36 notamment avec Eric Coquerel,
04:38 qui n'était pas président de la commission des finances,
04:41 mais c'était son domaine de prédilection.
04:44 Il y a une liste entre LFI et le gouvernement dans l'hémicycle.
04:47 C'est du spectacle et il serait possible
04:49 de trouver des accords ponctuellement avec LFI.
04:52 -Je pense qu'on peut trouver avec certains membres de LFI
04:56 des points d'atterrissage sur certains sujets.
04:58 Avec Eric Coquerel, on avait déposé un amendement en commun
05:02 sur le fait qu'un dirigeant de grande entreprise française
05:05 paie ses impôts en France.
05:07 C'était en écho à ce qui s'était passé avec Carlos Ghosn.
05:10 On a trouvé des compromis.
05:12 -Il y a une part de mise en scène dans la politique.
05:15 -Il est certain que moi, je suis dans l'hémicycle
05:18 comme à l'extérieur.
05:19 Je peux difficilement changer de style.
05:22 Pour moi, c'est compliqué d'avoir un autre style
05:25 dans l'hémicycle que l'extérieur.
05:27 Vous avez des députés qui sont un peu en scène,
05:31 qui font des capsules vidéo.
05:33 Moi, je sais pas ce que je cherche.
05:35 Je suis pas un fanat politique spectacle,
05:37 mais attention, je pense qu'un Parlement parle,
05:41 qu'il faut pas avoir un débat
05:42 et qu'il faut pas critiquer les grandes envolées lyriques.
05:46 Je pense qu'elles sont nécessaires au débat parlementaire.
05:50 Je suis un peu moins sur ce style.
05:52 Chacun a sa façon de voir les choses.
05:54 -Il y a autre chose qui fait de vous un président de groupe iconoclaste.
05:58 Vous êtes arrivé à ce poste un peu par hasard.
06:00 C'est possible de devenir chef en politique par hasard ?
06:04 -Alors, je m'étais pas préparé à être président de groupe.
06:08 Moi, le dernier quinquennat, j'ai fait un mandat assez assidu,
06:13 où je travaillais en commission des finances,
06:15 passionné par tout ce que je faisais.
06:17 J'étais vice-président du groupe Modem,
06:20 qui s'appelait pas Démocrate, Modem, mais indépendant.
06:23 Il se trouve que Patrick Mignola...
06:25 -A été battu en 2022.
06:27 -Qu'avait pris la suite de Marc Fesneau
06:29 a été battu en 2022 aux élections législatives.
06:32 Et donc, certains de mes collègues ont souhaité
06:35 que je me présente, et j'ai présenté ma candidature,
06:39 et j'ai été élu à la présidence de ce groupe.
06:42 Je suis totalement investi dans ce poste.
06:45 Le hasard s'est transformé en détermination.
06:48 -Vous avez une conception particulière
06:50 de votre rôle de président de groupe.
06:52 J'ai un rôle d'animateur, j'essaie de mettre de la rondeur.
06:56 Je suis un peu le tonton du groupe, le paternel attentif.
06:59 Pour vous, ce poste de président de groupe
07:01 n'est pas un poste politique ?
07:03 -C'est un poste politique, mais il n'est pas fait pour voir moi.
07:07 Mon but, c'est d'être créatif,
07:09 et je pense que la créativité,
07:11 vous l'avez à travers des femmes et des hommes
07:14 qui ont tous des talents,
07:15 et donc, mon rôle est de faire émerger ces talents
07:18 et qu'ils soient mis en avant.
07:20 Je ne cherche pas à me mettre en avant,
07:22 ce n'est pas mon rôle.
07:23 -Un autre point m'a arrêté.
07:25 Vous dressez un parallèle entre les raisons
07:28 qui vous ont fait choisir la profession de notaire
07:31 et les raisons qui vous ont fait vous engager
07:33 dans votre vie politique.
07:35 Vous dites que c'est pour mettre les gens d'accord.
07:38 -Oui. J'adore le compromis. Je pense que...
07:40 -Un notaire, c'est pareil.
07:42 -Un notaire, c'est quelqu'un qui passe sa vie
07:45 à mettre les gens d'accord, dans les partages de famille,
07:48 dans les conflits entre voisins. On est là pour apaiser.
07:51 C'est assez facile, ensuite, dans votre vie politique,
07:54 et notamment quand j'étais maire, d'avoir cette action de compromis,
07:58 mettre les gens d'accord, pas à peine qu'il y ait des conflits.
08:02 -Si vous êtes engagé en politique,
08:04 c'est aussi pour soutenir une personne.
08:06 Vous expliquez avoir flashé pour Giscard
08:08 quand vous étiez en terminale.
08:10 Votre mère est convaincue que c'est à cause de Giscard
08:13 que vous avez loupé votre bac ?
08:15 -Absolument. Ma mère, qui n'est plus de ce monde,
08:18 m'avait reproché un peu d'être très engagé, effectivement,
08:21 à l'époque.
08:22 Cet homme m'a séduit.
08:24 Cette façon de faire la politique un peu hors norme,
08:27 vous savez, quand je vois le parcours
08:30 du président Emmanuel Macron,
08:31 Valéry Giscard d'Estaing,
08:33 peut-être un peu plus d'antériorité en politique,
08:36 mais il est arrivé comme ça.
08:38 Quand on est jeune, on n'avait pas le droit de vote.
08:41 En 1974, le droit de vote était à 21 ans.
08:43 J'avais pas le droit de vote.
08:45 Je me suis engagé, je me suis passionné
08:48 pour cette cause-là.
08:49 Effectivement, j'ai un peu délaissé, à ce moment-là,
08:52 mon travail en terminale.
08:54 -Vous avez pris des responsabilités
08:56 dans le mouvement des jeunes giscardiens,
08:59 la génération sociale et libérale.
09:01 Vous avez même gardé la carte de membre.
09:03 -Je l'ai tout le temps, je peux même vous la sortir.
09:06 -Vous l'avez là. -Je l'ai là.
09:08 Je la porte pas tout le temps, mais je savais qu'il y avait...
09:11 -Vous y êtes attaché. -Oui.
09:13 J'ai trouvé ça l'autre jour en rangeant dans mes archives.
09:16 Vous savez, génération sociale et libérale,
09:19 c'est tout à fait dans la ligne de ce que je considère.
09:22 -C'est votre ADN. -Oui, humaniste, social.
09:24 -A la fac de Pau,
09:25 vous avez monté un syndicat étudiant
09:28 pour la garbure étudiante,
09:29 qui avait pour objectif de rassembler des gens
09:32 de sensibilités politiques différentes.
09:34 Plus tard, quand vous avez monté votre propre liste
09:37 pour devenir maire de Gers,
09:38 vous êtes allé chercher des gens de tous les bords politiques.
09:42 Le macronisme n'est rien d'autre que du mathéisme.
09:45 -Oui, enfin, on va rester à sa place.
09:47 J'ai eu cette chance d'être à la tête d'une commune
09:50 de 2 000 habitants pendant 16 ans,
09:52 avec, effectivement, des gens de tous les bords.
09:55 Au moment du mariage pour tous, par exemple,
09:57 il y a eu un peu de crispation dans mon équipe,
10:00 mais tout ça s'est apaisé.
10:02 On faisait des choses.
10:03 Avec des conceptions différentes, on faisait des choses.
10:06 Je trouve que c'est une très belle expérience.
10:09 Ca fonctionne. Je pense que ça peut fonctionner.
10:11 Je rêverais qu'on y arrive à l'Assemblée.
10:15 -Il y a une autre personne que Giscard
10:17 qui a compté dans votre parcours politique,
10:19 c'est François Bayrou.
10:21 Vous le connaissez depuis 1976, c'est un ami,
10:23 il vous a demandé d'être son suppléant en 2012
10:26 lors de la législative perdu à Pau.
10:28 Il vous a demandé de vous présenter en 2017
10:30 aux législatives.
10:32 Quelle est la nature de votre relation politique
10:34 avec François Bayrou ?
10:36 Dans la majorité, il y en a qui ont l'impression
10:38 que quand vous parlez, c'est François Bayrou qui parle.
10:41 Un responsable de la majorité, anonymement,
10:44 disait dans "Le Figaro" que Jean-Paul Matéi,
10:46 c'est la voix de son maître.
10:48 -François Bayrou m'appelle rarement pour me dire
10:51 qu'il faut faire si simple, on n'est pas dans cette relation.
10:54 On se voit, on se rencontre, mais on n'a pas...
10:57 Je ne reçois pas de consignes.
10:59 D'ailleurs, j'aurais du mal à les accepter,
11:02 non pas que ça m'agacerait vite,
11:04 non que je ne suis pas curatel ou tutel.
11:06 J'ai profonde admiration pour le personnage, son parcours,
11:10 une forte amitié et un fort respect,
11:13 mais on n'est pas dans une relation
11:15 du maître, la voix de son maître, non, pas du tout.
11:18 Je ne le ressens pas comme ça.
11:20 Je pense que lui a la même vision des choses.
11:22 -On va passer à notre quiz.
11:24 Je vous explique le principe, je vais commencer des phrases.
11:27 Ca va être à vous de les compléter.
11:29 -Je ne sais pas si je vais savoir faire.
11:31 -C'est très simple.
11:33 A chaque fois qu'on m'appelle, Jean-François Matéi.
11:36 Je l'ai fait il y a quelques instants.
11:38 -Je pense au ministre de la Santé.
11:40 -Ca vous agace ? -Non, pas vraiment.
11:42 -Vous reprenez les gens... -C'était quelqu'un de respectable.
11:45 -Il a été dans la famille centriste.
11:47 -Un très beau parcours.
11:49 -Non, au contraire.
11:50 Vous savez, les Matéistes, c'est un nom assez courant en Corse.
11:54 Mais ça ne me vexe pas, ça ne me crispe pas,
11:56 car j'ai beaucoup d'admiration pour son parcours.
11:59 -Ma dernière discussion en tête à tête avec Bruno Le Maire ?
12:03 -Ca remonte à la semaine dernière, au moment du Congrès des maires.
12:06 Il avait fait un pot avec l'ensemble des maires.
12:09 On a échangé. -Ca s'est bien passé ?
12:11 -Oui, ça s'est bien passé. -Vous avez été en conflit.
12:14 -Je pense qu'il y a un respect mutuel.
12:16 Bruno Le Maire a été un ministre
12:18 des Finances courageux, avec un grand talent.
12:22 Je ne partage pas sa vision.
12:24 Je trouve parfois un peu raide sur certains sujets,
12:27 mais je n'ai pas toutes ces contraintes.
12:29 Je suis dans mon rôle de législateur,
12:32 et il est dans son rôle de ministre des Finances.
12:34 -Si je devais choisir un député, avec qui traverser l'Atlantique
12:38 à la voile ? -Il y aurait soit Jimmy Pain...
12:42 -Oui, c'est vrai, ancien skipper.
12:44 -Parce que lui, il sait faire, et pourquoi pas Eric Coquerel ?
12:47 -Oui, c'est ce que j'avais en tête.
12:49 Il a organisé des courses transatlantiques à la voile.
12:52 -Oui, bien sûr. -Et les trois ensemble,
12:54 sur un même bateau. -Ca serait pas mal.
12:57 -Merci, Jean-Paul Matéi, d'être venu dans "La Politique et moi".
13:00 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
13:02 Générique
13:05 ...