Ça vous regarde - Quelles armes pour relancer la natalité ?

  • il y a 8 mois
Grand témoin : Renaud Dély, journaliste et auteur de « L'Assiégé » (JC Lattès)

GRAND DÉBAT / Quelles armes pour relancer la natalité ?

« Le récap » par Valérie Brochard

Face à une baisse historique du nombre de naissances et une fertilité descendante en France, le chef de l'État souhaite un « grand plan de réarmement démographique ». De nouveaux records négatifs ont été atteints en 2023 avec une baisse de 6,6 % du nombre de naissances par rapport à 2022, soit 678 000 bébés contre 723 000 en 2022, selon l'INSEE. S'ajoute la hausse constante de l'infertilité touchant 3,3 millions personnes en France l'année passée, soit un couple sur quatre en âge de procréer. Pour y remédier, le Président de la République veut, entre autres, remplacer le système du congé parental par un congé de naissance d'une durée de six mois, avec une rémunération plus importante. Le vocabulaire du « réarmement » et les mesures socio-démographiques suffiront-ils à redynamiser le taux de natalité des Français ?

Invités :
- Elodie Jacquier-Laforge, députée Modem de l'Isère et vice-présidente de l'Assemblée nationale,
- Julien Aubert, vice-président des Républicains,
- Gilles Pison, professeur au Museum national d'histoire naturelle et conseiller de la direction de l'Ined,
- Léa Chamboncel, militante féministe, autrice et fondatrice du média « Popol ».

GRAND ENTRETIEN / Renaud Dély : Dominique Venner, l'homme du grand remplacement

Le 21 mai 2013, au coeur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, Dominique Venner se suicide d'une balle dans la tête. Il ne s'agit pas pour lui d'évacuer un malaise, mais d'attirer l'attention sur le remplacement de la « race blanche européenne » et l'inaction des pouvoirs publics. Passionné par la violence et la défense des intérêts français, il s'engage en faveur de l'Algérie française mais ne supporte pas la cession de la colonie, au point de fomenter un attentat contre le général de Gaulle. Dominique Venner se retrouve dans l'idéologie de l'extrême droite, lui qui chérit l'occupation allemande, où sa grand-mère lui offrait des affiches du haut-commandant nazi. Après des années de lutte, Dominique Venner se lance dans l'écriture. L'essayiste propage des idées encore d'actualité à l'instar du grand remplacement ou de la stratégie de dédiabolisation. Dix ans après sa disparition, les idées de Dominique Venner sont-elles en train d'obtenir une résonnance qu'elles n'avaient pas eu de son vivant ?

Grand témoin : Renaud Dély, journaliste et auteur de « L'Assiégé » (JC Lattès)

LES AFFRANCHIS

- Vincent Hugeux, professeur à Sciences Po et ancien grand reporter,
- Yaël Goosz, éditorialiste et chef du service politique à France Inter,
- « Bourbon express » : Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP.

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux,

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00:00 [Générique]
00:05 [Générique]
00:06 Bonsoir et bienvenue, très heureuse de vous retrouver sur LCP Dans ça vous regarde, ce soir connaître l'histoire de l'extrême droite pour mieux la combattre.
00:15 Bonsoir Renaud Delis.
00:16 Bonsoir.
00:16 Merci d'être notre grand témoin ce soir, journaliste à France Info et à Arte, aux manettes de 28 minutes le week-end.
00:23 Vous publiez aujourd'hui "L'assiégé" chez La Tess, une enquête fouillée sur une figure discrète mais centrale de l'extrême droite française, Dominique Wehner.
00:34 Connue pour son suicide spectaculaire au pied de Notre-Dame il y a quelques années, obsédée par le grand remplacement, la race blanche.
00:42 Vous nous direz pourquoi il influence encore aujourd'hui largement le parti de Marine Le Pen et celui d'Éric Zemmour.
00:49 Notre grand débat ce soir, fête des enfants. Le chef de l'État a surpris en proposant de relancer la natalité en recul net dans le pays.
00:59 Congé de naissance, plan de lutte contre l'infertilité, de quoi inverser la tendance, moins de 700 000 naissances en 2023.
01:07 Nous en débattons dans un instant sur ce plateau avec mes invités.
01:12 Enfin, nos affranchis ce soir, le parti pris politique, Yael Ghose, l'international Vincent Hugeux et puis Bourbon Express, l'histoire du jour à l'Assemblée avec Elzamond Ndengava.
01:22 Voilà pour le menu, on y va Renaud Daly ?
01:24 - Allons-y ! - Ça vous regarde, c'est parti !
01:38 Nom de code, le réarmement démographique. Traduction, la relance de la natalité. Emmanuel Macron renoue donc avec une vieille ancienne.
01:46 Un pays qui va bien est un pays qui fait des enfants, mais a-t-il forcément raison ?
01:50 Pourquoi la famille nombreuse disparaît et va-t-on vers une société de l'enfant unique ? Enfin, que penser des propositions présidentielles ?
01:57 Bonsoir, Élodie Jacquie Lafort. - Bonsoir.
02:00 - Merci d'être là. Vous êtes députée modem de l'ISER et vice-présidente de l'Assemblée nationale.
02:06 Vous débattez ce soir avec Julien Aubert. Bonsoir, ravi de vous retrouver sur ce plateau.
02:10 Vous êtes vice-président des Républicains, ancien député LR de Vaucluse. Bonsoir, Gilles Pison.
02:16 - Bonsoir. - Bienvenue. Vous êtes chercheur à l'INED, l'Institut national des études démographiques.
02:20 Votre atlas de la population mondiale vient de paraître chez Autrement.
02:26 Enfin, bonsoir, Léa Chamboncel. - Bonsoir.
02:29 - Visage familier de cette émission. Merci d'être là, militante féministe et fondatrice du média en ligne Popol.
02:35 Vous aussi, vous publiez un livre, "Au revoir Simone", manifeste pour un féminisme politique et révolutionnaire.
02:41 C'est chez Belfont. Renaud Dely, n'hésitez pas à intervenir. Je vous ai entendu dans les informes et de France Info sur ce même sujet.
02:47 Donc allez-y, interpellez, analysez. On commence par planter le décor, les chiffres de la baisse de la natalité, les solutions présidentielles.
02:55 C'est dans le récap de Valérie Brochard.
02:58 Et bonsoir, chère Valérie. - Bonsoir, bonsoir à tous.
03:03 - Alors, ça ne va pas la natalité dans le pays, c'est un peu panique à bord.
03:08 - Exactement, Myriam. Les chiffres de l'INSEE sont tombés depuis 2010.
03:12 Les Françaises font de moins en moins d'enfants et la chute s'accélère depuis l'année dernière.
03:17 On note une baisse de 6,6 % en 2023, année qui a vu naître moins de 700 000 bébés sur notre territoire.
03:24 48 000 nouveaux-nés de moins qu'en 2022. Et bien, c'est l'équivalent d'une ville comme Saint-Malo.
03:30 Voilà qui rend la chose un petit peu plus concrète. Le taux de fécondité a donc dégringolé à 1,68 enfants par femme.
03:37 Des données qui inquiètent très, très sérieusement Sylvain Maillard.
03:41 - Une société qui ne fait pas d'enfants est une société qui va mourir.
03:44 Et donc, il est important pour nous, pour ce que nous sommes, pour ce qu'est la France, d'avoir des enfants.
03:49 On fait des enfants parce que c'est le sens de l'histoire de construire une civilisation qui est la nôtre, qui est française,
03:55 et de faire en sorte qu'elle continue, elle perdure.
03:58 - Alors, pour que perdure notre civilisation française, j'ai une question.
04:03 Dis président, comment on fait les bébés ?
04:06 Emmanuel Macron ne s'est pas caché derrière une bouteille de lait lors de sa conférence de presse.
04:11 Il a même lancé plusieurs pistes pour répondre à cette crise de la natalité. On l'écoute.
04:16 - Notre France sera aussi plus forte par la relance de sa natalité.
04:21 Je voudrais insister sur deux points pour essayer d'améliorer les choses.
04:26 Je crois profondément que la mise en place d'un nouveau congé de naissance sera un élément utile dans une telle stratégie.
04:33 La natalité baisse aussi parce que l'infertilité progresse.
04:37 Un grand plan de lutte contre ce fléau sera engagé pour permettre justement ce réarmement démographique.
04:44 - Donc, première munition, reprendre le rapport pour une grande stratégie nationale de lutte contre l'infertilité
04:52 qui avait été remise sur le bureau d'Olivier Véran quand il était alors ministre de la Santé.
04:57 Seconde cartouche, vous l'avez entendu, réformer le congé parental de 429 euros par mois aujourd'hui,
05:03 versé par la Sécurité sociale, qui sera donc transformé en congé de naissance
05:07 et ainsi donner droit aux parents à une allocation qui serait versée cette fois par la CAF d'une valeur proportionnée au salaire,
05:13 mais sur une période plus courte.
05:15 Voilà pour les solutions, plutôt des injonctions qui ne plaisent pas à tout le monde,
05:20 et ça, c'est ce qu'ont commencé par les associations féministes.
05:22 - De dire à toutes les auditrices qui ont fait le choix de ne pas avoir d'enfant qu'elles ont le droit,
05:27 que ça n'est pas un problème, qu'elles ne sont en train de trahir ni la patrie, ni leur famille,
05:32 et qu'il faut aussi faire attention avec tous ces discours,
05:36 qu'ils laisseraient à penser qu'il y aurait une bonne manière d'être une femme, et ce serait d'être une mère.
05:40 On peut être une femme sans être mère, il n'y a aucun problème avec ça.
05:44 - Est-ce que nos abdomens sont des armes, Myriam ?
05:47 - Le but de notre futur, des femmes en France, c'est de nous réduire à une mission de procréation,
05:52 mais la vraie question, la seule qui compte, Myriam, c'est pas d'en faire des enfants, c'est surtout ça.
05:57 - Taisez-vous ! Taisez-vous !
06:08 - Eh oui, Myriam, qui va s'en occuper après ?
06:14 Et combien ça coûte moins de bébés ? C'est aussi moins d'allocations à verser,
06:18 moins de dépenses pour les crèches ou le système scolaire.
06:22 Mais après, c'est aussi moins de travailleurs pour créer de la richesse.
06:27 Bref, je vous laisse réfléchir à tout ça sur le plateau pendant ce temps-là.
06:30 Moi, je vais passer un petit coup de fil à Emmanuel et Brigitte Macron
06:33 pour savoir si éventuellement ils seraient disponibles pour un petit babysitting samedi soir.
06:36 - Merci, merci beaucoup, Valérie.
06:41 On va parler des propositions du chef de l'Etat dans un instant, dans une deuxième partie,
06:45 mais on va commencer par les chiffres et puis des débuts d'explications à Gilles Pison.
06:49 Le Parisien, je suis sûre que vous avez vu ce titre il y a deux jours,
06:52 titrait sur la tentation de l'enfant unique un bébé et c'est tout.
06:56 Est-ce qu'on en est là, le "baby crash" français ?
06:59 Les Français ne veulent plus faire d'enfants ou c'est un peu aller vite en besogne de dire ça ?
07:05 - C'est pas du tout le cas, on le sait.
07:08 Et en plus, si on prend du recul, votre courbe qui s'est affichée tout à l'heure partait de 2010
07:15 et montrait une baisse des naissances depuis 2010.
07:18 Mais si on avait pris un recul historique plus important depuis la fin du "baby boom" il y a 50 ans,
07:25 le nombre de naissances fluctue d'une année à l'autre,
07:28 avec des périodes où elles ont tendance à baisser, comme depuis 2010,
07:32 et aussi comme dans les années 80 et le début des années 90,
07:37 et puis des périodes où elles ont tendance à augmenter.
07:40 - Mais quand même !
07:41 - Sur la période depuis la "baby boom", c'est les femmes pour lesquelles on peut faire un bilan.
07:47 Les femmes qui ont fêté leur 50e anniversaire l'an passé, en 2023,
07:51 donc qui sont nées en 1973, elles ont eu deux enfants en moyenne chacune.
07:55 Celles qui ont fêté leur 40e anniversaire, elles en ont eu un 99,
08:01 et donc d'ici 50 ans, elles en auront eu un peu plus que deux.
08:04 - C'est intéressant, vous parlez du taux de fécondité,
08:06 je vous interromps parce que quand même, 1,7, c'était plus de deux enfants en 2010.
08:11 - Il y a une stabilité de la fécondité.
08:13 La question, c'est est-ce que les femmes qui sont en train d'avoir des enfants,
08:18 qui sont dans la trentaine, puisque c'est l'âge moyen à la maternité, 31 ans,
08:23 elles en ont eu déjà 0,9, celles qui sont nées en 1993.
08:27 Est-ce que d'ici la cinquantaine, elles vont en avoir,
08:31 pour arriver à deux enfants à 50 ans, c'est la question.
08:35 C'est pas exclu, et donc, au-delà de ces fluctuations d'une période à l'autre,
08:40 en France, il y a une relative stabilité de la fécondité depuis la fin du baby boom.
08:45 - Donc pour vous, cette baisse, qu'on qualifie quand même d'historique,
08:48 parce que c'est la première fois qu'on passe en dessous de la barre des 700 000,
08:52 il y a 30 ans, c'est bon.
08:53 - Il y a 30 ans, 1993-1994, on a atteint un point bas.
08:56 - Mais est-ce qu'on est dans un mouvement de fond, selon vous ?
08:58 Est-ce que c'est structurel, ce qui se passe, ou est-ce que c'est conjoncturel ?
09:02 - C'est une question, justement, et on a besoin de recherches supplémentaires.
09:06 Il faut savoir que ce mouvement de baisse, on l'observe dans tous les pays européens,
09:10 pratiquement, au cours de ces dernières années,
09:13 et même si la fécondité baisse ces dernières années en France,
09:18 ce pays reste le plus fécond d'Europe.
09:21 - Donc, quand on part, on se console.
09:23 - Oui, on peut se poser la question, qu'est-ce qui se passe,
09:25 mais c'est vrai, il faut se la poser pour tous les pays d'Europe,
09:28 au-delà, en Asie de l'Est, Japon, Taïwan, la Corée du Sud,
09:34 où le niveau de fécondité en Corée du Sud a atteint 0,7 enfants par femme.
09:38 Vous voyez bien que la France n'en est pas là.
09:41 - On n'en est pas là, 1,7.
09:42 - On ne va pas vers un modèle, en tout cas pour l'instant,
09:45 avec uniquement un enfant, voire pas du tout.
09:48 - Elodie, Jacques et Laforge, on peut se consoler en regardant nos voisins européens,
09:53 l'Allemagne, par exemple, mais quand même, on voit bien que,
09:55 même si les Français veulent toujours faire des enfants,
09:59 ils en font moins, ça veut dire la famille, deux enfants, pas plus.
10:04 Le modèle de trois enfants, on voit qu'il est de moins en moins fréquent.
10:08 Ça vous inquiète ou pas ?
10:10 - Alors, moi, c'est pas forcément une inquiétude, comme ça,
10:15 tous les jours, je me dis pas, je suis très inquiète de la baisse de la natalité,
10:20 mais on voit effectivement qu'il y a à la fois, chaque année, une baisse,
10:24 et qu'en tout cas, il y a une préoccupation, aujourd'hui,
10:27 des Français sur ce sujet, une préoccupation politique qui existe.
10:32 - Mais des enfants, mais pas trop, finalement, ça correspond à l'époque.
10:37 Vous l'expliquez comment ? Il y a de l'anxiété, la vie chère, la peur de l'endemain ?
10:42 - En tout cas, je pense qu'il n'y a pas une seule raison,
10:44 qu'il peut y avoir, comme on le disait à l'instant, des raisons conjoncturelles,
10:48 il peut y avoir des raisons structurelles, en tout cas,
10:51 moi, ce qui me paraît extrêmement important, c'est tout ce qui concerne l'égalité.
10:56 Et finalement, le projet de parents, il doit se construire avec les parents,
11:04 avec les deux parents, il faut pouvoir accompagner les femmes
11:09 qui ont ce désir de maternité. - Et lever les freins.
11:12 - Lever les freins, mais c'est des freins qui sont relativement à l'égalité,
11:17 et donc, si on part sur les propositions qui sont faites,
11:21 pouvoir permettre d'avoir un accueil pour son enfant,
11:25 de pouvoir partir au travail qu'on soit la mère ou le père,
11:29 le coeur, en tout cas, pas forcément trop lourd,
11:32 de quitter son enfant et de savoir qu'il est bien
11:35 et que les choses vont bien se passer pour lui,
11:37 et tout ça, à mon sens, est lié à l'égalité,
11:39 puisque aujourd'hui, la Fondation des Femmes parle du coût d'être mère,
11:44 du coup, en termes... - Il existe, ce coût.
11:47 - Il existe, ce coût. - Indéniablement.
11:49 - C'est indéniable, à la fois en termes de progression de carrière.
11:52 On va poser la question à une jeune femme,
11:54 "Vous avez un projet d'enfant ? Est-ce qu'on va le poser à un homme ?"
11:57 Non. Un homme qui devient père, pas tous,
12:00 mais la plupart gardent le même temps de loisir.
12:03 - Donc, il y a une injonction sociale encore très forte.
12:05 - En tout cas, on voit bien que les questions de l'égalité,
12:08 pour moi, en tout cas, sont majeures aujourd'hui,
12:10 si on veut permettre à chaque parent de pouvoir mener à terme
12:13 son projet de parentage. - Les choses changent un peu.
12:16 - Dans quel sens, d'après vous ?
12:18 - Avoir un enfant, c'est devenu un choix parmi d'autres,
12:21 ou on n'en est pas là ?
12:23 - Oui, je pense que ça reste un choix parfois, comment dire,
12:26 effectivement contraint par la réalité de la répartition des charges
12:30 au sein d'un foyer, et je pense que vous avez raison
12:33 lorsque vous dites qu'il faut impérativement sortir aussi
12:36 de la charge mentale. On en a beaucoup parlé,
12:39 en disant qu'elle repousse essentiellement sur les mères
12:42 plus que sur les pères, la répartition aussi,
12:44 tout ce qu'on appelle le travail reproductif,
12:46 qui est de faire attention aux autres,
12:48 de s'occuper des enfants, etc., on voit que ça repose encore
12:51 beaucoup, hélas, sur les femmes, et qu'il faut un rééquilibrage
12:54 nécessaire. - Parmi les causes,
12:56 vous voyez cette difficile conciliation avec la carrière.
12:59 Il y a des pays, comme en Allemagne, où les féministes
13:02 ont un discours en disant que c'est impossible de faire les deux,
13:05 c'est l'un ou l'autre, la carrière ou la famille.
13:08 - Après, c'est très difficile d'être dans la tête des gens.
13:11 Vous disiez qu'on manque encore de données.
13:13 - On n'en est pas là, en France.
13:15 - On manque encore de données pour expliquer potentiellement
13:18 ce recul qui, vraisemblablement, selon monsieur,
13:21 n'est pas tout à fait avéré. Il y a effectivement
13:24 plein de raisons. On est dans une situation économique
13:27 qui est difficile. Vous parliez d'inflation.
13:29 Il y a aussi les incertitudes quant au changement,
13:32 au dérèglement climatique. Il y a aussi une situation
13:35 de l'enfance aujourd'hui qui est difficile en France.
13:38 On parle d'un pays où il y a près de 2 000 enfants
13:41 qui dorment dans la rue. Il y a aussi des choses
13:44 qu'il faut comprendre, des craintes de ce que c'est
13:47 que d'avoir aujourd'hui la responsabilité d'avoir des enfants
13:50 dans une société où les choses sont très difficiles.
13:54 Il y a des difficultés sociales qui sont réelles,
13:57 des incertitudes. - Et l'injonction un peu nataliste
14:00 du président, la Loirt ? - C'est vrai que pour moi,
14:03 elle me surprend dans le sens où on voit bien que c'est
14:06 une injonction... Déjà, on parle de réarmement.
14:09 Le terme n'est pas anodin. Quand on regarde et qu'on prend
14:12 un peu de recul par rapport à toute cette conférence de presse,
14:15 on voit que la question du réarmement est revenue régulièrement.
14:18 Il y a une volonté presque de décloisonner le civil du militaire,
14:21 qui est un peu surprenante. Les termes sont choisis.
14:24 Emmanuel Macron est quelqu'un d'intelligent,
14:27 les termes sont choisis. Il sait de quoi il parle.
14:30 - Mais le réarmement démographique, c'est pas forcément approprié.
14:33 - C'est une expression assez surprenante et qui, en plus,
14:36 donne l'impression qu'on a une envie de contrôler
14:39 le corps des autres. C'est quelque chose qui est
14:42 un peu inquiétant, à mon sens, parce que quand on voit aussi,
14:45 quand on regarde de manière plus large la question du retour
14:48 de l'uniforme à l'école, c'est aussi une façon plus ou moins
14:51 de contrôler les corps. - Donc l'Etat ne devrait pas
14:54 se mêler ? - Non. - Ni de natalité,
14:57 ni de vêtements à l'école. - Bien sûr.
15:00 - Comment vous entendez tout ça, pour la droite ?
15:03 Ca vous inquiète déjà ? On a l'impression que les Républicains,
15:06 le RN, sont vraiment inquiets, préoccupés par ces chiffres.
15:09 - Oui, parce que les enfants, c'est l'avenir du pays,
15:12 parce que ce sont les travailleurs de demain,
15:15 parce que ce sont les citoyens de demain,
15:18 parce que nous avons aussi, je ne veux pas parler
15:21 d'immigration, mais il y a le taux de fécondité
15:24 et d'Islam entre les Français de première génération
15:27 et les autres, ce qui peut conduire à des problèmes
15:30 d'assimilation républicaine, je dirais,
15:33 d'assimilation par le travail. - Le chef de l'Etat l'a dit
15:36 lors de sa conférence de presse, moins d'enfants,
15:39 moins d'oeuvres, c'est déjà le cas dans certains secteurs
15:42 en tension, où il y a de la pénurie, et donc il faudra
15:45 régulariser les étrangers. - On a eu des débats très tendus
15:48 sur la question migratoire. Je crois, si vous voulez,
15:51 qu'aujourd'hui, nous avons le choix de maîtriser
15:54 la fécondité, les femmes, mais aussi les hommes,
15:57 et que par conséquent, il y a un choix qualitatif
16:00 qui se fait, c'est-à-dire que nous investissons dans les enfants
16:03 de manière différente que nos prédécesseurs.
16:06 Moi, je me rappelle, ma grand-mère, elle avait perdu,
16:09 ils étaient 7 ou 8, elle avait perdu, je crois, 2 frères
16:12 ou 2 sœurs très jeunes, et c'était quelque chose
16:15 d'assez fréquent dans les sociétés rurales du début du siècle.
16:18 On ne s'attachait pas autant aux enfants. Aujourd'hui,
16:21 on a une situation, et donc on veut des enfants,
16:24 mais on veut pouvoir leur apporter d'abord une qualité de vie,
16:27 et aussi, pour les parents, une responsabilité
16:30 de s'en occuper, de bien s'en occuper. - Est-ce que ce n'est pas mieux,
16:33 ça, finalement ? - Oui, c'est très bien, mais du coup,
16:36 des problèmes comme le manque de crèche, le manque de bras
16:39 pour faire garder, l'injonction aussi
16:42 d'avoir une carrière et le fait de devoir arbitrer
16:45 en conséquence avec derrière la culpabilité d'être
16:48 une mauvaise mère, toutes ces questions rétroagissent,
16:51 et donc, je pense que vous avez une forme de calcul
16:54 de ceux qui, en tout cas, ont les moyens de faire ces arbitrages,
16:57 de dire "je vais peut-être avoir un ou deux
17:00 "et je vais pouvoir leur donner tout ce que je peux
17:03 "leur donner plutôt que d'en avoir trois ou quatre
17:06 "et de ne pas être en mesure de gérer ou de leur amener
17:09 "l'univers qualitatif qu'ils veulent." Et la question de l'anxiété
17:12 par rapport au monde fait partie aussi de cette question
17:15 de l'anxiété par rapport à la quantité, de dire
17:18 "ce monde de demain m'apparaît anxiogène,
17:21 "est-ce que vraiment j'ai envie d'avoir des enfants,
17:24 "je parle notamment des plus jeunes, qui vont grandir dans ce monde
17:27 "que je juge peut-être dangereux, sauvage, anxiogène,
17:30 "avec les sujets de climat, etc." - C'est intéressant,
17:33 c'est un sujet qui est évidemment intime,
17:36 qui est aussi social, sociétal, et très, très politique.
17:39 Il y a une obsession nataliste en France,
17:42 vous pensez que le président de la République,
17:45 c'est pas le premier, veut relancer la natalité ?
17:48 - Non, pas du tout, je pense que c'est fait partie des politiques
17:51 publiques, c'est évidemment une responsabilité
17:54 des gouvernants, quelle que soit leur couleur politique
17:57 et quelle que soit la période de l'histoire dans laquelle on est,
18:00 que de se soucier du renouvellement des générations d'un pays.
18:03 Ensuite, on peut discuter des termes ou des pistes,
18:06 évidemment, le réarmement démographique, c'est une formule...
18:09 Il faut éviter l'injonction morale, les femmes sont libres
18:12 de faire ce qu'elles veulent, il faut absolument pas
18:15 leur faire peser une quelconque forme de culpabilité sur celles
18:18 qui ont choisi de ne pas avoir d'enfants ou d'avoir un seul enfant.
18:21 Il faut éviter aussi de verser dans une vision apocalyptique
18:24 qui consisterait à prophétiser la disparition du pays
18:27 à court terme. Il reste qu'il y a une réalité,
18:30 il faut pas se voiler la face non plus, nous sommes un pays
18:33 et un continent, c'est un problème qui se pose dans le continent
18:36 et qui est un problème de vieillissement de la population.
18:39 Le fait qu'il y ait moins de naissances, moins de renouvellement
18:42 de génération et davantage de vieux, un vieillissement démographique,
18:45 c'est pas forcément un bon signe, c'est pas le signe
18:48 d'un pays ou d'un continent qui se porte bien.
18:51 Et c'est vrai que je pense que ça participe
18:54 de l'espèce de sentiment un peu de déclassement,
18:57 je sais pas quel est le bon terme, de névrose ou d'angoisse
19:00 quasiment à l'échelle européenne. -De dépossession, a dit le chef.
19:03 -Oui, d'être un vieux continent immobile en déclin,
19:06 entre guillemets, au regard d'un certain nombre
19:09 d'autres régions du monde. Et un dernier point, je pense pas
19:12 qu'une politique dite nataliste, à savoir les instruments
19:15 qu'on utilise, que ce soit une obsession de droite ou de gauche,
19:18 ça peut être classé à droite quand on tient un discours
19:21 apocalyptique sur l'éventuelle disparition d'une civilisation.
19:24 Mais c'est de gauche que de défendre le renouvellement
19:27 des générations pour assurer la survie du système de retraite
19:30 par répartition. Moins il y aura de jeunes, plus le système
19:33 de retraite sera en danger. -Est-ce que c'est les actifs
19:36 qui le financent ? -La droite a pas toujours mené
19:39 la même politique que la gauche. -On va se pencher sur les propositions
19:42 présidentielles pour relancer la natalité. Le chef de l'Etat
19:45 propose un nouveau congé, congé de naissance,
19:48 en lieu et place du congé parental actuel, plus court
19:51 mais mieux rémunéré. Explication Hélène Bonduelle,
19:54 réaction juste après.
19:56 ...
19:59 -Ca a été sage ? Ca s'est bien passé ?
20:02 -En 10 ans, le nombre de congés parentaux a diminué
20:05 de moitié. 246 000 parents seulement
20:08 ayant eu recours en 2020, moins d'un pour cent
20:11 des pères. Voilà pourquoi le président de la République
20:14 a décidé de le remplacer par un congé de naissance.
20:17 -Il sera plus court
20:20 que le congé parental actuel, qui peut parfois aller jusqu'à 3 ans
20:23 et qui éloigne beaucoup de femmes du marché du travail
20:26 mais qui aussi crée beaucoup d'angoisse parce qu'il est
20:29 extrêmement peu et mal rémunéré. -Actuellement, rémunéré
20:32 par un forfait de 429 euros mensuels,
20:35 le congé parental est peu attractif.
20:38 Le nouveau congé de naissance serait plus court,
20:41 6 mois, et il engloberait le congé de maternité
20:44 pour les femmes et de paternité pour les hommes.
20:47 Chaque parent pourrait choisir de le prendre en même temps
20:50 ou successivement. Pour l'Union nationale
20:53 des familles, c'est une bonne nouvelle.
20:56 -Le fait en tout cas qu'on permette, si possible,
20:59 de rendre ce congé plus attractif durant
21:02 la première année, ça nous paraît vraiment une bonne chose.
21:05 Mais il reste à voir quel sera le niveau d'anémisation. Il faut
21:08 qu'il soit vraiment conséquent pour que vraiment ce congé
21:11 soit pris. Il y a une véritable révolution, je dirais,
21:14 même dans la façon dont les parents peuvent concilier
21:17 leur vie familiale et leur vie professionnelle.
21:20 -Alors, comment sera-t-il rémunéré ?
21:23 Au forfait ou en proportion des revenus comme dans
21:26 certains pays nordiques ? La ministre de l'Égalité
21:29 entre les femmes et les hommes évoque un pourcentage
21:32 du revenu actuel, sans préciser combien.
21:35 -C'est ça qu'on est en train de déterminer, évidemment
21:38 bien au-delà des 429 euros. L'objectif, c'est que ce soit
21:41 proportionné au salaire. Alors évidemment, ce ne sera pas
21:44 maintien à 100% de votre salaire, pour des raisons
21:47 évidentes, mais on est en train de le déterminer. On ira
21:50 bien au-delà des 429 euros maximum, maximum
21:53 qui étaient accordés aux parents
21:56 chaque mois, parce que sinon, encore une fois, ça veut dire
21:59 que les classes moyennes, elles ne peuvent pas. -Reste aussi
22:02 à améliorer le mode de garde au retour du congé de naissance.
22:05 Les modalités doivent maintenant faire l'objet de discussions
22:08 avec les partenaires sociaux. -Gilles Bison,
22:11 le démographe que vous êtes, je suis sûre que vous avez
22:14 étudié les liens entre les incitations financières
22:17 et la natalité. Existent ces liens-là ?
22:20 On peut inciter en disant "Tiens, vous irez
22:23 en congé, si vous le souhaitez, plus longtemps, et en plus,
22:26 moins longtemps qu'actuellement, mais mieux rémunérés,
22:29 pourquoi pas même presque alignés sur le salaire ? Est-ce que ça, ça marche ?
22:32 -Alors, ce que nous apprennent
22:35 les comparaisons internationales, notamment en Europe,
22:38 c'est que tous les pays européens ont une politique familiale.
22:41 Tous, ils offrent des allocations pour les enfants,
22:44 des congés parentaux,
22:47 des offres de garde d'enfants aussi,
22:50 mais les pays du nord de l'Europe,
22:53 et il faut mettre la France avec ce groupe-là,
22:56 ont globalement
22:59 une politique familiale qui représente
23:02 un investissement en termes budgétaires
23:05 par du PIB qui est nettement plus importante
23:08 que celle des pays du sud, et notamment
23:11 les congés parentaux qui existent dans tous les pays,
23:14 notamment dans les pays du sud où les femmes ont le moins d'enfants.
23:17 C'est les Italiennes et les Espagnoles qui sont les moins fécondes
23:20 actuellement, avec 1,2 enfant par femme,
23:23 et la France avec 1,7 qui est en tête.
23:26 Il y a des congés parentaux, en Italie, en Espagne,
23:29 mais ils sont très faibles grands, rémunérés, ils sont longs.
23:32 -Un lien de correlation. -Cette mesure rapprocherait
23:35 la France de ce qui se pratique dans les pays du nord de l'Europe,
23:38 qui sont plus féconds, et aussi de l'Allemagne.
23:41 Mais les congés parentaux, bien rémunérés,
23:44 c'est une des mesures...
23:47 -Bien sûr. -De la familiale,
23:50 parce qu'il y a l'offre de garde d'enfants
23:53 qui est aussi très faible dans les pays du sud de l'Europe,
23:56 et les femmes, les couples, sont obligées
23:59 de garder eux-mêmes les enfants ou de recourir à la famille,
24:02 alors que dans les pays du nord de l'Europe et en France,
24:05 il y a une offre de garde beaucoup plus importante,
24:08 même si elle est insuffisante. -Même en France, quand même.
24:11 56 %, j'ai vu ce chiffre, des parents gardent
24:14 leur nourrisson chez eux, faute de mode de garde.
24:17 Donc ça ne peut pas suffire.
24:20 Vous allez voter tout ça, j'imagine, ça va passer
24:23 par la loi à l'Assemblée, ce nouveau congé de naissance
24:26 est une partie de la solution, c'est ça ?
24:29 -En tout cas, c'est vrai que c'est un sujet qui a d'ores et déjà
24:32 été testé, et c'est vrai que ce congé parental de trois ans
24:35 sous des précédents soucis... -Ca ne marchait pas.
24:38 Les femmes ne le prenaient pas. -La majorité, on voit...
24:41 Ca avait été élargi aux hommes. -Les hommes, encore moins.
24:44 -Mais on voit finalement que le fait, pour moi, en tout cas,
24:48 d'avoir une durée plus courte, mieux indemnisée,
24:52 ça répond, je crois, à la situation actuelle
24:55 qui est que 1 % des hommes ne prennent pas ce congé parental
24:59 parce qu'encore aujourd'hui, les salaires des hommes
25:03 sont plus élevés que ceux des femmes, c'est pour ça que je reviens
25:06 à l'égalité. -Donc si c'est proportionné,
25:08 la rémunération, en gros, les hommes qui gagnent bien
25:11 pourraient être incités à prendre leur congé.
25:13 -En tout cas, ça pénalise moins le ménage,
25:16 puisqu'on voit bien que tout ça est quand même assez concret.
25:20 -Ca va coûter assez cher à l'Etat, ça ?
25:23 -Ca va être chiffré. -Il faut savoir ce que vous voulez.
25:26 -Ca va être budgété. C'est quand même de façon
25:29 beaucoup plus courte. Moi, ce que je trouve intéressant,
25:33 c'est aussi que ça puisse se faire...
25:36 Dans l'idéal, je pense qu'il faut laisser vraiment
25:39 les familles s'organiser et pas forcément faire 6 mois, 6 mois.
25:43 Il faut peut-être aussi donner une certaine souplesse,
25:46 puisque ça peut permettre aussi aux pères et à la mère
25:49 de pouvoir adapter les choses. Je crois aussi qu'il faut
25:52 que l'on intègre de façon collective aussi qu'un père
25:55 qui prend un congé parental, c'est très bien, c'est normal.
25:59 De prendre ses congés paternités, c'est totalement normal aussi.
26:03 C'est à la société dans son ensemble et aussi aux employeurs
26:07 d'assimiler le fait que le père aussi a un enfant.
26:11 Ca paraît bizarre de le dire comme ça, mais c'est une réalité.
26:14 -C'est vrai que la question "qui va garder le nourrisson
26:17 avec le retour au travail ?"
26:19 c'est la grande question des parents.
26:21 Julien Aubert, vous n'êtes plus député,
26:23 mais vous auriez pu voter une telle mesure.
26:25 La droite, elle, veut carrément revenir sur le quotient familial.
26:29 -Je suis assez sceptique, parce que d'abord,
26:32 je pense que dans le coeur de la politique familiale,
26:35 c'est moins le congé à la naissance qui est important,
26:39 même si c'est un élément important,
26:41 que ce qui a été démantelé sous François Hollande,
26:44 c'est-à-dire l'universalité des allocations familiales
26:47 et, de manière générale, les aides de longue durée
26:50 qui permettent effectivement de neutraliser.
26:53 On parle souvent d'égalité.
26:55 Pour moi, le sujet, c'est que vous soyez un couple
26:58 qui décide d'avoir un enfant ou un couple qui décide
27:01 de ne pas en avoir, il ne faut pas que le choix d'avoir un enfant
27:04 vienne impacter votre mode de vie.
27:07 -Vous, aux affaires, on n'y est pas,
27:09 mais dans cette hypothèse, vous reviendriez
27:11 sur la mise sous condition de ressources
27:13 des allocations familiales.
27:15 -C'est ce qu'il avait installé.
27:17 Il y a une petite phrase, il n'y avait pas de droite suite
27:20 dans cette conférence de presse,
27:22 donc personne n'a pu sonder, préciser la pensée du président,
27:25 mais à cette question, Rohrberger avait dit
27:28 qu'on pouvait envisager de revenir sur cette mise
27:31 sous condition de ressources. Il a dit...
27:33 -Un choix auquel il aurait participé, puisqu'il était
27:40 à l'époque conseiller du président de la République.
27:43 -En tout cas, la mise sous condition précédente
27:46 mandature avait fait des propositions en ce sens.
27:49 -L'universalisation ?
27:51 -Quand on parle du congé de naissance...
27:54 -Vous y êtes favorable.
27:56 -Le débat entre, je dirais, le forfait
27:59 ou le pourcentage de salaire, c'est en réalité,
28:02 il faut parler des principes, c'est le fait de savoir
28:05 si, effectivement, on est pour l'universalité,
28:08 et si on est pour l'universalité, on prend un pourcentage du revenu.
28:11 Il faut se neutraliser, il faut se demander quel est l'objectif.
28:14 Pour moi, la première égalité, c'est l'égalité
28:17 entre ceux qui décident d'avoir des enfants et ceux qui ne l'ont pas.
28:20 Si, quand vous décidez de vous investir pour l'avenir de la nation
28:23 et aussi pour un projet de vie, vous êtes systématiquement...
28:26 -Vous n'avez pas forcément les mêmes besoins pour les élever,
28:29 vous avez des conditions de salaire importantes,
28:32 vous avez moins d'allocations familiales.
28:35 -Le principe de l'universalité, c'est ça, c'est de considérer...
28:38 -Vous avez aussi un biais, vous pouvez avoir des gens
28:41 qui ont des moyens d'avoir des enfants et qui n'en ont pas.
28:44 C'est pas forcément une bonne idée, parce qu'ils ont des choses
28:47 à transmettre, et la capacité, justement, aussi,
28:50 de pourvoir financièrement à leur développement et de les accompagner.
28:53 Donc, je pense que, si vous voulez, il faut pas que,
28:56 à un moment donné, la politique familiale ait un biais dans les cibles.
28:59 -Déjà, Jean-Baptiste Bonsel, il pourrait aller jusque-là,
29:02 Emmanuel Macron, venant du centre-gauche, relançant son quinquennat,
29:05 vous pensez que la droite voterait, le modem voterait ?
29:08 Les macronistes, c'est moins sûr, historique.
29:11 -C'est difficile à déterminer, mais je pense qu'il est aussi important
29:14 de replacer un peu les choses dans leur contexte et de dire
29:17 de quoi on parle réellement, puisqu'on se constate, en fait,
29:20 qu'il y a une association entre croissance démographique,
29:23 dans la tête du chef de l'Etat, et croissance économique.
29:26 Cette association n'est pas toujours vérifiée.
29:29 On prend le cas de l'Allemagne, qui est un pays où il y a une croissance
29:32 plus faible qu'en France, mais une croissance économique
29:35 bien plus importante. Il y a aussi un autre élément,
29:38 qui est celui des incitations, justement. On parlait des incitations
29:41 financières. Est-ce qu'elles ont un impact sur la natalité
29:44 et le taux de natalité ? Un de vos collègues,
29:47 que vous devez connaître, Hervé Lebrun, répondait
29:50 aujourd'hui dans Mediapart, un francophone, qui disait
29:53 qu'en fait, non, ça n'a jamais été vérifié.
29:56 Il y a aussi peut-être la question qu'il faut se poser,
29:59 qu'est-ce qu'on veut réellement ? Pourquoi relancer ce débat
30:02 actuellement ? Et puis aussi, quand même intéressant,
30:05 parce que c'est vrai qu'il y a ce sentiment d'injonction
30:08 qui est fait aux femmes. Je pense que c'est important qu'on y revienne.
30:11 Même qu'aujourd'hui, l'Assemblée nationale statuait sur l'IVG
30:14 dans la Constitution en commission. Le timing est un peu étonnant.
30:17 -Pour payer nos retraites, ça fait déjà pas mal.
30:20 -Croissance démographique = croissance économique ?
30:23 -A discuter. Mais pour compléter ce qui vient d'être dit,
30:27 quand on compare les pays, quand on compare
30:30 leur niveau de fécondité et puis leur politique familiale,
30:34 on s'aperçoit que les pays où les femmes et les couples
30:38 ont le plus d'enfants, c'est ceux aujourd'hui
30:41 où les taux d'activité féminin sont les plus élevés,
30:44 donc les femmes travaillent le plus, c'est les pays du nord de l'Europe,
30:47 la France, l'Allemagne sont en position moyenne,
30:50 c'est aussi et surtout les pays où les inégalités entre hommes
30:53 et femmes, que ce soit au travail ou à la maison,
30:56 sont les plus faibles.
30:58 Ca a l'air d'être un point-clé, c'est un meilleur partage
31:01 des tâches à la maison et une égalité au travail,
31:05 et c'est les pays du nord de l'Europe qui le réalisent,
31:09 même si les inégalités persistent dans ces pays-là.
31:12 -C'est justement... Evidemment que la croissance démographique
31:15 participe de la croissance économique, il n'y a pas de débat là-dessus.
31:18 D'ailleurs, quand il y a insuffisamment de naissances,
31:21 on a recours et on a besoin d'avoir recours à l'immigration,
31:24 pour assurer la croissance économique.
31:26 Mais pour cette question de l'inégalité,
31:28 c'est ça, le problème de fond, me semble-t-il.
31:31 C'est bien leur droit et c'est légitime que des femmes
31:34 ne veuillent pas avoir l'enfant,
31:36 car ça va briser leur carrière professionnelle,
31:39 elles vont endurer, supporter le poids que ça représente
31:42 d'élever un enfant au regard d'un père absent.
31:45 Pourquoi je suggère cette piste-là ?
31:47 Cette piste du congé de naissance raccourcie de six mois
31:50 est mieux rémunérée, me semble-t-elle,
31:52 car le congé parental prie par à peine 1, 2, 3 % des hommes.
31:55 Mais pourquoi ce congé de naissance
31:57 ne pas laisser la mère libre de le prendre ou pas
32:00 et l'imposer au père ?
32:02 Ça serait une vraie révolution.
32:04 -L'imposer au père, ça changerait tout.
32:06 -Ca changerait. -Allez, là-dessus,
32:08 et on termine. -Parce qu'on le voit bien,
32:10 ensuite, et ça, c'est une réalité sociétale
32:12 encore aujourd'hui,
32:14 effectivement, l'homme a beaucoup moins conscience
32:18 et assume beaucoup moins au fil de sa carrière,
32:21 de sa carrière professionnelle et de son parcours,
32:24 ce que représente le fait de s'occuper...
32:26 -Ca pourrait faire l'objet d'un amendement ?
32:28 -Oui, et ce que je voulais dire et compléter,
32:30 c'est que par rapport au fait 1 enfant, 2 enfants, 3 enfants,
32:33 finalement, plus il y a d'enfants dans la fratrie,
32:35 et moins le père participe.
32:37 -Ah oui ?
32:38 C'est désolant, vous me la prenez.
32:40 -Voilà, donc c'est pour dire que, finalement,
32:43 on compte, voilà, sur les pères...
32:45 -Donc, parfois... -Et l'encouragement social...
32:47 -Il faut peut-être la contrainte du législateur.
32:49 -On verra. On verra ce que ça donne.
32:51 -Je parlais pas d'injonction morale.
32:53 -La contrainte, moi, je parlais.
32:55 -Honnêtement... -Allez, on termine.
32:57 -Si un homme proposait qu'on impose aux femmes
33:00 d'arrêter de travailler pendant 6 mois,
33:02 tout le monde, je dirais, pousserait des cris d'orfraie.
33:05 Quand on parle de l'égalité homme-femme,
33:07 ça va aussi dans l'égalité de respect qu'on peut avoir.
33:09 Il faut arrêter aussi d'envoyer des injonctions aux hommes,
33:11 comme s'ils étaient responsables...
33:13 -C'est pas une injonction, là.
33:15 -De désinégalité salariale...
33:17 -Il y a du boulot en matière d'injonction
33:19 pour arriver à la parité. On s'arrête là.
33:21 -En plus, on a la parité sur le plateau.
33:23 -Merci beaucoup. On n'a pas eu le temps de parler de l'infertilité,
33:25 mais peut-être que c'est encore un autre sujet
33:27 qui fera l'objet d'un autre débat.
33:29 Merci à vous. Merci d'avoir participé en direct sur LCP à ce débat.
33:33 Vous restez avec moi. Renaud Delis,
33:35 dans une dizaine de minutes, les a franchis
33:37 pour leur parti pris ce soir.
33:39 Yael Ghos s'interroge. Macron est-il réarmé pour durer ?
33:42 Vincent Hugé revient sur la situation en Équateur
33:45 après l'assassinat du procureur à qui les gangs font la loi.
33:49 Et puis, au programme de Bourbon Express,
33:51 Elsa, ce soir, Elsa Mounengava,
33:53 je vous parle du coup de froid.
33:55 C'est pas la météo, c'est entre François Bayrou et Emmanuel Macron.
33:58 Merci, les amis. A tout à l'heure.
34:00 Mais d'abord, on va plonger dans la tête de Dominique Wehner,
34:04 au coeur de ses obsessions identitaires.
34:07 Votre enquête, Renaud Delis, est passionnante.
34:09 Elle se lit comme un roman. Elle est extrêmement documentée.
34:12 La siégée, chez La Tess, c'est l'histoire d'un gourou caché
34:15 de l'extrême-droite, terrorisé par l'effondrement de l'Occident.
34:18 Il est discret, mais pas moins influent jusqu'à aujourd'hui encore.
34:22 On voit cela dans l'invitation de Meite Frémont.
34:25 Elsa Mounengava, interview juste après.
34:27 -Si on vous invite, Renaud Delis,
34:34 c'est parce que vous nous faites découvrir une figure clé
34:37 et pourtant méconnue de l'extrême-droite contemporaine,
34:40 Dominique Wehner, dans "La siégée", le titre de votre livre.
34:45 De lui, on connaît surtout son suicide spectaculaire
34:49 dans la cathédrale Notre-Dame de Paris.
34:52 -Dominique Wehner a laissé derrière lui une dernière lettre
34:55 dans laquelle il dit se donner la mort
34:57 pour réveiller les consciences assoupies.
34:59 Son suicide a été salué hier soir
35:01 par quelques figures du Front national, comme Marine Le Pen.
35:04 -Renaud Delis, vous êtes journaliste,
35:06 fin observateur de la vie politique depuis près de 30 ans
35:10 et très tôt spécialiste de l'extrême-droite.
35:13 17 ouvrages à votre actif,
35:15 le premier en 1999 déjà une enquête sur le Front national.
35:20 Aujourd'hui, vous exhumez donc l'histoire de Dominique Wehner,
35:25 historien partisan de l'Algérie française
35:28 et précurseur de la théorie du grand remplacement,
35:31 celui des populations blanches, par celles venues d'Afrique.
35:35 Une menace obsessionnelle pour Wehner,
35:38 qui avait le sentiment d'être assiégé,
35:41 d'où le titre de votre livre.
35:43 Vous nous plongez dans la tête de ce gourou de l'extrême-droite
35:47 et du FN en particulier.
35:49 Enquête fouillée qu'il faut lire
35:51 à l'aune de la montée des populismes un peu partout dans le monde
35:55 et à quelques mois des élections européennes
35:58 pour lesquelles le parti de Marine Le Pen et de Jordane Bardella
36:02 est donné grand gagnant.
36:04 Alors, à l'heure où la théorie du grand remplacement
36:07 est entrée dans le débat public,
36:09 une question pour vous, Renaud Delis, ce soir.
36:12 Dominique Wehner a-t-il réussi à imposer ses obsessions
36:16 au-delà de l'extrême-droite ?
36:19 -Réponse.
36:22 -Au-delà, je sais pas, mais à l'extrême-droite,
36:25 lire et observer et enquêter le parcours de Dominique Wehner
36:29 permet de comprendre l'éclair de fonctionnement de l'extrême-droite,
36:33 de réconquête, comme à l'échelle européenne,
36:36 où la même obsession identitaire contribue à faire prospérer
36:39 l'extrême-droite.
36:40 -Quand on entend Emmanuel Macron reprendre un slogan
36:43 de Laurent Wauquiez 2018, Eric Ciotti, Eric Zemmour 2022,
36:47 "pour que la France reste la France",
36:50 qu'est-ce qui l'agite comme imaginaire ?
36:52 Une France menacée de quoi ? De disparaître ?
36:55 -Pour que la France reste la France,
36:57 la France du bon sens, de la résistance et des Lumières.
37:00 -Il a rajouté les Lumières. -Dans les références
37:04 d'Emmanuel Macron, l'autre jour en conférence de presse,
37:07 il y avait aussi bien des choses qui ressemblaient à Zemmour
37:10 ou Wauquiez que des allusions à Jean-Gérard.
37:13 -Ce fantasme du grand remplacement s'est installé
37:16 dans le débat public, il a été popularisé,
37:19 que vous avez décidé d'enquêter sur Dominique Wehner ?
37:22 -Il est un personnage extrêmement méconnu qui, dans l'ombre,
37:25 a contribué à inventer l'extrême-droite moderne.
37:28 Ca remonte aux années 50 et aux années 60,
37:30 plutôt aux années 60, c'est-à-dire une extrême-droite
37:33 à l'échelle européenne qui est obsédée par la question migratoire
37:36 et qui prophétise la disparition de ce qu'il appelait la race blanche.
37:40 Il a irrigué tout un pan de l'extrême-droite,
37:43 il a aussi repensé l'organisation de l'extrême-droite,
37:46 il a eu beaucoup d'élèves, beaucoup de disciples,
37:49 génération après génération, il a aussi fréquenté Jean-Marie Le Pen.
37:53 -Sur la notion de grand remplacement,
37:55 on l'attribue très souvent à l'écrivain Renaud Camus, c'est faux.
37:58 -C'est pas non plus Dominique Wehner,
38:00 c'est René Binet au début des années 50,
38:02 mais il a lu, lui, René Binet, Dominique Wehner,
38:05 c'était un intellectuel passionné des écrits les plus sulfurés,
38:09 et il a imprégné l'extrême-droite de cette obsession migratoire,
38:14 de ce concept complotiste qui consiste à dire
38:17 qu'effectivement, ce serait voulu par les élites
38:20 que de remplacer, pour reprendre leur terme,
38:22 la population occidentale par des populations venues d'Afrique.
38:25 Il était obsédé par la défense de l'Occident, Dominique Wehner,
38:28 et ça, on le voit, ça perdure dans le discours de l'extrême-droite.
38:31 -Alors, Rambaud Binon, Dominique Wehner,
38:33 né en 1935, enfant, sous l'occupation,
38:36 il est issu d'une famille de collabos.
38:39 Dans quel milieu grandit-il ?
38:41 -Il a un père qui est membre du PPF,
38:43 le Parti populaire français de Jacques Doriot,
38:45 collaborationniste, une grand-mère qui lui fait découvrir
38:48 la tenue, l'élégance des soldats allemands,
38:50 mais il est enfant pendant la guerre.
38:52 -Il a 10 ans en sortie de la guerre.
38:54 -Ce sont des images qui vont peupler son enfance.
38:57 Il y a un imaginaire qui repose sur ces souvenirs-là.
39:00 C'est quelqu'un qui, ensuite, va s'engager très tôt,
39:03 parce que c'est quelqu'un qui aime la guerre,
39:05 qui va s'engager très tôt en Algérie.
39:07 -En Algérie, notamment. Il a 19 ans, en 1954.
39:10 -Pas seulement pour défendre l'empire colonial,
39:13 mais pour défendre déjà à l'époque ce qu'il considère
39:16 comme l'Occident menacé, selon lui, par l'Afrique.
39:19 -En Algérie, c'est central.
39:21 Il passe à Tabad et les militants du FLN.
39:23 C'est là qu'il développe une passion
39:25 pour l'action violente.
39:27 Et les armes ? Il va loin.
39:29 Il n'est jamais inquiété ?
39:31 -Il n'a jamais été inquiété, il n'a jamais été poursuivi.
39:33 Mais comme à l'époque, il y a eu des actions
39:35 commises par l'armée française qui n'ont pas donné lieu
39:37 à des poursuites. Après l'Algérie,
39:39 après son engagement dans l'armée,
39:41 il est déçu par les officiers, par ses supérieurs,
39:43 qui le considèrent comme trop mou, trop légaliste.
39:45 Il va basculer dans le terrorisme,
39:47 avec du côté de l'OS un certain nombre d'attentats,
39:49 et notamment un attentat... -Ca, on l'apprend,
39:51 c'est complètement fou. -Contre le général de Gaulle,
39:53 et une prise de l'Elysée, qui n'aura pas lieu,
39:55 mais tout ça va lui valoir
39:57 plusieurs séjours en prison,
39:59 parce qu'il a basculé dans le terrorisme
40:01 toujours pour poursuivre ce combat identitaire
40:03 qui lui était cher.
40:05 -La prison, point de bascule.
40:07 Il change complètement de méthode
40:09 et il renonce à l'action violente. Pourquoi ?
40:11 -Il change de méthode, il change pas de projet.
40:13 Il va en prison et ensuite, dans divers écrits,
40:15 notamment un texte qu'il a écrit en prison,
40:17 qui s'appelle "Repenser l'extrême-droite moderne",
40:19 en disant qu'il faut que l'extrême-droite
40:21 arrête de se lamenter sur la perte de l'Empire colonial,
40:23 l'Indochine, l'Algérie, etc.,
40:25 ou qu'elle arrête d'être obsédée
40:27 par la réhabilitation de la Collaboration
40:29 et du Maréchal Pétain, mais elle doit défendre
40:31 l'Europe de demain, l'Europe des Blancs,
40:33 l'Occident, contre les vagues migratoires.
40:35 Donc, il va écrire un certain nombre de textes
40:37 qui vont irriguer des générations de militants
40:39 d'extrême-droite, il va repenser aussi
40:41 une organisation quasiment militaire,
40:43 militarisée, de petits partis
40:45 qui ont vocation à prendre le pouvoir,
40:47 et aussi, c'est l'inventeur, Dominique Weyner,
40:49 il faut le souligner, de l'art de la dissimulation,
40:51 c'est-à-dire qu'il explique
40:53 à toutes ces générations de militants,
40:55 il faut faire attention au choix des mots
40:57 qu'on utilise, il faut qu'on utilise
40:59 un lexique inoffensif,
41:01 qui ne fasse pas peur
41:03 pour pouvoir séduire plus largement,
41:05 donc il faut qu'on modère le ton,
41:07 les mots et les méthodes, sans changer de projet,
41:09 le projet, lui, est toujours aussi radical,
41:11 c'est aussi le pionnier
41:13 de ce qu'on appelle aujourd'hui la dédiabolisation,
41:15 et on voit qu'il a fait école
41:17 jusqu'au Rassemblement national. - 1965,
41:19 sa rencontre avec Jean-Marie Le Pen va être importante,
41:21 pendant la campagne présidentielle
41:23 de Tixier Vénancourt, le candidat
41:25 de l'extrême-droite, c'est lui qui va conseiller.
41:27 - Qui va conseiller justement
41:29 à Jean-Louis Tixier Vénancourt
41:31 d'intégrer dans son programme
41:33 l'obsession migratoire,
41:35 le rejet de l'immigration, le rejet de l'altérité
41:37 comme étant la principale menace,
41:39 l'extrême-droite avait été incarnée à un moment
41:41 par l'aventure dite de Pierre Poujade,
41:43 les petits commerçants contre l'Etat,
41:45 bureaucrate, la fiscalité, etc.
41:47 La question migratoire n'était pas dans ce logiciel-là,
41:49 le logiciel idéologique de l'extrême-droite,
41:51 il est changé, métamorphosé
41:53 par la porte de Vénère, à partir
41:55 de la campagne de 1965, effectivement,
41:57 Tixier Vénancourt, puis Le Pen, ça va nourrir...
41:59 - Il a une conception biologique,
42:01 et même hiérarchique des races,
42:03 avec la race blanche tout en haut de la pyramide,
42:05 les autres bien en dessous. - La multitude des cris.
42:07 - Vous racontez beaucoup d'anecdotes,
42:09 comme si on y était, parce que c'est très documenté
42:11 que Dominique Vénère va rencontrer François de Grosse-Ouvre,
42:13 le conseiller de François Mitterrand
42:15 dans les années 80. - Passionné de chasse.
42:17 Ils étaient obsédés par la décadence et passionnés de chasse.
42:19 - Celui qui va permettre de faire
42:21 les intermédiaires avec Jean-Marie Le Pen,
42:23 mais je voudrais qu'on s'arrête sur son suicide.
42:25 Arme à feu,
42:27 très préparé,
42:29 il ne renonce pas à sa radicalité,
42:31 parce que ce geste est complètement politique,
42:33 il est en bonne santé, pourquoi décide-t-il
42:35 de faire ça comme ça ?
42:37 - Il se suicide en 2013 à Notre-Dame,
42:39 c'est un geste totalement politique,
42:41 il n'est pas un geste...
42:43 Il est en bonne santé,
42:45 c'est un choix, un appel à la révolte.
42:47 - Au pied de l'autel de Notre-Dame.
42:49 - Au pied de l'autel de Notre-Dame,
42:51 c'est une extrême droite, en même temps,
42:53 il est un anti-chrétien, il a abandonné le christianisme
42:55 qu'il considère comme la religion des faibles,
42:57 parce que c'est la religion de l'accueil,
42:59 de l'accueil de l'étranger, du pardon.
43:01 - Il s'expose à un malentendu.
43:03 - C'est un tenant de l'extrême droite
43:05 dite païenne, qui est totalement
43:07 exalté par les mythes gréco-romains,
43:09 d'où ce mythe du sacrifice.
43:11 Il choisit Notre-Dame, car Notre-Dame,
43:13 dans cette mythologie païenne, a été bâti
43:15 sur un ancien temple à la gloire de Jupiter,
43:17 un temple gréco-romain au 1er siècle après J.-C.
43:19 Il choisit la dalle, justement,
43:21 où, selon cette mythologie, le temple a été bâti.
43:23 C'est donc un geste politique
43:25 pour rappeler le peuple français.
43:27 Il a laissé une multitude d'écrits et de lettres,
43:29 qu'il a fait envoyer par ses amis
43:31 dans les heures qui ont suivi son suicide,
43:33 pour rappeler le peuple français à se réveiller,
43:35 dit-il, contre la menace
43:37 de la disparition de l'Occident
43:39 et de la population européenne.
43:41 Il faut souligner que ce suicide,
43:43 ce geste éminemment politique,
43:45 cet appel à la révolte,
43:47 a été salué par Marine Le Pen.
43:49 - On va revoir son tweet.
43:51 On est en 2013. Ca avait suscité la confusion,
43:53 parce qu'avec Notre-Dame, il y avait ce côté
43:55 "manif pour tous",
43:57 et on a compris que ça n'avait rien à voir
43:59 avec Marine Le Pen qui dit à sa mort
44:01 "Tout notre respect à Dominique Wehner",
44:03 dont le dernier geste éminemment politique
44:05 aura été de tenter de réveiller
44:07 le peuple de France.
44:09 - C'est bien, elle reprend les termes
44:11 de Dominique Wehner et de tous ses écrits,
44:13 de tous ses engagements, qui ont été parfois violents,
44:15 qui ont compris des formes différentes.
44:17 On le disait, l'armée, le terrorisme,
44:19 le militantisme politique et le suicide,
44:21 c'est le même engagement politique
44:23 pour la même obsession identitaire,
44:25 réveiller le peuple français,
44:27 contre l'invasion, l'obsession migratoire.
44:29 Marine Le Pen, si vous la demandez,
44:31 elle va vous dire "c'est la préhistoire,
44:33 "c'était il y a des décennies".
44:35 Là, on est en 2013, lorsqu'elle salue,
44:37 lorsqu'elle applaudit ce suicide.
44:39 Elle a failli aller à ses obsèques,
44:41 elle n'y est pas allée par prudence électoraliste.
44:43 C'est un personnage trop radical et trop sulfureux
44:45 pour s'afficher à ses obsèques.
44:47 Elle y est en voyant, en revanche,
44:49 un de ses conseillers de l'époque,
44:51 qui a fait passer un message de soutien à la famille.
44:53 Elle reprend les mêmes obsessions.
44:55 C'est pas la préhistoire. Elle était déjà présidente
44:57 du Front national à l'époque,
44:59 elle s'était déjà présentée une fois en 2012
45:01 à sa première campagne présidentielle,
45:03 et déjà à l'époque, et depuis d'ailleurs
45:05 les années 2004-2005,
45:07 elle professait ce qu'elle appelle la dédiabolisation,
45:09 la banalisation d'une extra-droite
45:11 qui se veut sympathique, avenante et inoffensive.
45:13 Lorsqu'on regarde
45:15 quel est le contenu idéologique de ce projet,
45:17 on s'aperçoit que si la forme a changé,
45:19 si l'apparence peut sembler inoffensive,
45:21 le projet, lui, reste tout aussi radical.
45:23 -Dernière question.
45:25 -Tout aussi obsédé par les mêmes thématiques.
45:27 -Il y a toujours cette tension,
45:29 et cette question, comment combattre
45:31 le Rassemblement national et l'extrême droite en France ?
45:33 Est-ce qu'il faut s'attaquer
45:35 aux problèmes qui le nourrissent,
45:37 l'immigration, l'insécurité,
45:39 ou au contraire, rappeler ses origines
45:41 et l'argument moral ?
45:43 Vous vous situez où dans ce débat ?
45:45 -Très clairement, dans le premier
45:47 alternatif que vous évoquez,
45:49 c'est-à-dire que l'extrême droite ne progresse
45:51 pas, les partis de gouvernement échouent
45:53 et sont incapables de résoudre les problèmes
45:55 qui se posent aux Français.
45:57 C'est par l'action politique que les partis
45:59 gouvernement qu'elle se soit.
46:01 -Ce livre, il est là aussi pour dire aux gens...
46:03 -Ce livre... -Pas moral, mais historique.
46:05 -Il n'y a aucune intention morale dans ce livre.
46:07 C'est une enquête que j'ai,
46:09 évidemment, nourrie, alimentée
46:11 avec d'innombrables lectures, d'innombrables documents
46:13 et d'innombrables rencontres,
46:15 de personnages, de l'entourage
46:17 de Dominique Wehner, sa veuve,
46:19 le devoir de ses amis, etc.,
46:21 et j'ai ausculté ça pendant des mois et des mois.
46:23 Donc, il n'y a absolument aucune injonction morale
46:25 dans mon livre. En revanche, c'est une enquête
46:27 qui me semble assez fouillée pour essayer de raconter
46:29 effectivement quel est le logiciel idéologique
46:31 et quelle est l'histoire de Dominique Wehner
46:33 et au-delà de tous ses disciples
46:35 qui font toujours, aujourd'hui,
46:37 de la politique. -Une histoire qu'il faut connaître.
46:39 -Merci beaucoup. -Merci beaucoup, Renaud Dely.
46:41 Ca se lit comme un roman, même si tout est vrai.
46:43 Vous avez reconstitué toutes les scènes
46:45 et vous avez vu tous ceux
46:47 qui l'ont connue aujourd'hui
46:49 et ils se reconnaîtront. Certains sont même
46:51 encore les conseillers de Marine Le Pen.
46:53 Allez, c'est l'heure d'accueillir nos affranchis
46:55 pour leur parti pris. Ils vont vous faire réagir. On les accueille tout de suite.
46:57 On termine, comme chaque jeudi,
47:01 avec Yael Ghos de France Inter
47:03 et le grand reporter Vincent Eugeult
47:05 pour l'International. Bienvenue
47:07 à tous les deux. Bonne année, puisque c'est votre
47:09 première de 2024. Installez-vous. On commence
47:11 par Bourbon Express.
47:13 L'histoire du jour à l'Assemblée, c'est Elsa Mondingava
47:15 qui nous la raconte. Bonsoir, Elsa.
47:17 Bonsoir. Je vais vous parler d'une histoire de météo,
47:19 mais je ne vous parle pas du froid
47:21 qu'il fait dehors. Je vous parle du froid
47:23 qui existe entre deux hommes politiques,
47:25 Emmanuel Macron et François Bayrou.
47:27 Le patron du modem est, selon ses amis,
47:29 très énervé, agacé.
47:31 Pourquoi ? Eh bien, à cause du gouvernement
47:33 qu'il trouve trop à droite, avec, on le rappelle,
47:35 le maintien de ministres issus
47:37 des LR, Bruno Le Maire, Gérald Darmanin,
47:39 Sébastien Lecornu, ou encore l'arrivée
47:41 de Catherine Vautrin et de Rachida Dati.
47:43 Alors, le modem pas content.
47:45 On a posé la question à Aude Luquet,
47:47 c'est la porte-parole du groupe ici, à l'Assemblée.
47:49 Est-ce que là, vous diriez que les relations
47:51 sont un peu compliquées en ce moment,
47:53 un peu froides, c'est un peu le climat ?
47:55 Disons qu'il est vrai
47:59 que, lorsqu'on regarde,
48:01 je le redis, la composition
48:03 du gouvernement, ça a pu
48:05 nous interroger.
48:07 Il y a quand même beaucoup plus de ministres issus
48:09 de la droite que de ministres
48:11 issus de la gauche. - Et ça vous pose un problème ?
48:13 - Fondamentalement, non, ça ne nous pose pas un problème
48:17 tant qu'on n'a pas la suite
48:19 du remaniement, en fait.
48:21 Nous, on attend de voir les nominations, et c'est vrai
48:23 que, comme je l'ai déjà dit, on attend un rééquilibrage
48:25 audacieux. - Un rééquilibrage,
48:27 c'est-à-dire que le modem, il se perd bien
48:29 conserver ses trois postes gouvernementaux
48:31 quand on aura, si on a un jour,
48:33 la liste finale du gouvernement,
48:35 même s'ils reconnaissent que, de toute façon, le mal est fait.
48:37 - Le mal est fait.
48:39 Alors pourquoi ? Ils se sont trahis,
48:41 François Bayrou ? - Oui, trahis, déjà, de ne pas
48:43 avoir été mis dans la confidence de la nomination
48:45 de Gabriel Attal, lui qui poussait un autre
48:47 candidat, Julien Denormandie,
48:49 trahi aussi sur ses arbitrages,
48:51 puisque non seulement Catherine Vautrin et Raphida Dati
48:53 sont de droite, mais encore pire à ses yeux,
48:55 elles sont de droite sarcosiste,
48:57 et on sait que les deux hommes se détestent,
48:59 et donc François Bayrou, il a le sentiment que son
49:01 influence décroît, lui qui,
49:03 on le rappelle, en 2017,
49:05 s'était sacrifié, avait sacrifié sa
49:07 propre candidature à l'élection présidentielle
49:09 pour permettre l'élection d'Emmanuel Macron.
49:11 - Alors plus dur sera la revanche
49:13 du maire de Pau ou pas ? - Alors, chez Renaissance,
49:15 en tout cas, on ne panique pas, on pense que
49:17 les choses finiront bien par se tasser.
49:19 - Que ça frotte un peu dans ces
49:21 moments très politiques, c'est normal,
49:23 mais avec François Bayrou et le Modem,
49:25 ça s'apaisera très vite après. - Oui, moi,
49:27 je vois surtout que
49:29 depuis 2017,
49:31 François Bayrou et le Modem
49:33 sont des alliés solides
49:35 au sein de la majorité, mais qui
49:37 savent faire entendre leur voix
49:39 et c'est bien normal. Et donc, oui, nous sommes
49:41 dans un moment particulier de recomposition,
49:43 de remaniement ministériel.
49:45 Ils défendent leur intérêt, moi,
49:47 je serai à leur place, je ferai comme eux.
49:49 - Côté Modem, on a bien agité
49:51 la menace d'une liste indépendante
49:53 pour les Européennes, même si ça a un peu fait
49:55 pchit. On parle d'une prise de parole
49:57 du président du Modem bientôt,
49:59 mais on reconnaît qu'il est un peu coincé,
50:01 en tout cas jusqu'au 5 février, c'est la date du
50:03 délibéré dans le procès des assistants
50:05 parlementaires du Modem. - Merci beaucoup, Elsa.
50:07 Il a perdu du poids politique, c'est net ?
50:09 - Oui, en plus, il pensait, et ça a été le cas
50:11 de nombreuses reprises, être un peu l'homme
50:13 qui soufflait à l'oreille d'Emmanuel Macron depuis 2017.
50:15 Donc, toutes ces raisons, effectivement,
50:17 avancées sont vraies, bien sûr. Gouvernement trop
50:19 à droite, entre autres, à ses yeux.
50:21 Mais je pense qu'il y a aussi un autre problème, c'est un Premier ministre
50:23 trop jeune, à ses yeux. C'est humain.
50:25 Gabriel Attal a 34 ans, François Bayrou en a 72.
50:27 Donc, c'est sûr que c'est une nomination
50:29 qui n'a pas accueilli avec beaucoup d'enthousiasme.
50:31 - Allez, Yael Ghos, la politique.
50:33 On vient de vivre une des semaines les plus politiques
50:35 de ce quinquennat. Conférence de presse
50:37 du président de la République,
50:39 mardi soir. Emmanuel Macron,
50:41 s'est-il, selon vous, réarmé
50:43 dans la durée ? - C'est intéressant,
50:45 ce mot "durée" que vous utilisez,
50:47 parce que sous la Ve République, quand tout va mal,
50:49 c'est le temps, la gestion du temps
50:51 qui est la dernière ressource que vous avez encore
50:53 à votre disposition, dans laquelle puisez
50:55 pour espérer rebondir quand on est un chef
50:57 de l'Etat malmené. De ce point de vue,
50:59 la réponse est oui, Emmanuel Macron
51:01 a repris le contrôle de l'horloge.
51:03 Il faut voir d'où l'on vient.
51:05 Il y a un mois, il était obligé de convoquer
51:07 sa majorité à l'Elysée en catastrophe
51:09 pour la forcer à voter une loi immigration
51:11 rédigée par la droite, inspirée
51:13 par l'extrême droite. Emmanuel Macron,
51:15 l'homme du barrage, en 2017,
51:17 puis en 2022, obligé, même s'il s'en défend,
51:19 de concéder une victoire
51:21 symbolique à Marine Le Pen.
51:23 Ce ne sont pas les voeux du 31 décembre
51:25 qui ont changé la donne, mais tout ce qui a suivi,
51:27 première quinzaine de janvier,
51:29 remaniement interne à l'Elysée, changement
51:31 de communicant, chamboulement à Matignon,
51:33 Gabriel Attal, évidemment, la surprise,
51:35 nomination d'un gouvernement non poids lourd
51:37 et l'ouverture jusqu'à Rachida Dati.
51:39 - Donc vous nous dites que la politique,
51:41 c'est du casting. - Dans la maîtrise
51:43 de l'horloge, Myriam, le remaniement,
51:45 c'est l'une des aiguilles, c'est la trotteuse.
51:47 Et Emmanuel Macron, il veut la faire tourner
51:49 tout au long du mois de janvier, voire un peu plus.
51:51 L'équipe finale ne sera sans doute
51:53 pas connue avant le discours de politique
51:55 générale de Gabriel Attal, ça serait inédit.
51:57 Et ça fiche les oppositions
51:59 dans l'attente et dans la réaction.
52:01 Et puis, il y a l'aiguille du temps long,
52:03 c'est la conférence de presse gaullienne
52:05 d'Emmanuel Macron mardi soir, là encore,
52:07 avec pour effet de saturer l'espace,
52:09 des chantiers sont ouverts,
52:11 tous azimuts, parfois un peu vagues,
52:13 natalité, qu'est-ce qu'on va faire exactement ?
52:15 Contrôle des écrans pour la mineure,
52:17 mais c'est pas grave. Pour les mineurs,
52:19 on en parle, ça fait des vagues,
52:21 ça fait du mouvement. Quand il n'y a plus
52:23 de mouvement à Macronie, que l'aile droite
52:25 et l'aile gauche se regardent en chien
52:27 de faïence quand ça bouge.
52:29 -C'est gagné pour vous, il a repris
52:31 le contrôle de son mandat ? -Je dirais pas
52:33 qu'il est réarmé, je dirais qu'il a retrouvé
52:35 de l'oxygène, mais seulement ça,
52:37 parce que l'hypercommunication
52:39 n'empêchera jamais les couacs,
52:41 les erreurs grossières, polémiques,
52:43 et puis nomination prématurée,
52:45 nomination candidature, pardon,
52:47 prématurée de Rachid Atati pour Paris.
52:49 Le bougisme emprunté à Nicolas Sarkozy
52:51 n'empêchera pas la semaine prochaine
52:53 le Conseil constitutionnel
52:55 de censurer une bonne partie
52:57 de la loi immigration. L'hypercom
52:59 ne peut rien non plus contre
53:01 une courbe du chômage et des tarifs
53:03 EDF à la hausse.
53:05 Emmanuel Macron le sait, il fait de la politique,
53:07 même blessé, il fait du judo,
53:09 au moins jusqu'au JO.
53:11 Problème, si les Européennes se passent mal,
53:13 est-ce que ce dispositif,
53:15 son nouveau dispositif, aura encore
53:17 du sens s'il est largement devancé
53:19 par l'ERN ? L'horloger ne sera plus
53:21 très loin de la retraite.
53:23 - Merci beaucoup, Yael Ghoz.
53:25 Je vous laisse du temps pour réagir à la chronique
53:27 sur l'Équateur, parce que c'est important
53:29 ce qui s'y passe, Vincent Eugeux.
53:31 Vous allez nous parler de ce pays
53:33 en proie aux gangs et aux
53:35 narcotrafiques. Un procureur a été
53:37 assassiné. - Et oui, Naguère, considéré
53:39 comme un havre de paix, l'Équateur,
53:41 désormais livré à la loi des cartels
53:43 et des gangs, n'en finit plus de sombrer.
53:45 Sans doute, vous vous souvenez de
53:47 l'épisode ubuesque qui, le 9 janvier,
53:49 avait propulsé sous les feux
53:51 de rampes médiatiques ce petit pays
53:53 latino-américain aux 18 millions d'âmes.
53:55 Ce jour-là, un commando d'une douzaine
53:57 de porte-flingues encagoulés
53:59 surgit sur le plateau d'une chaîne de télévision
54:01 de la cité portuaire de Guayaquil.
54:03 Ses membres plaquent au sol,
54:05 puis tiennent en joue des techniciens et journalistes
54:07 terrorisés, sans se priver
54:09 de fanfaronner devant les caméras.
54:11 Bien sûr, la police mettra fin promptement
54:13 à ce direct glaçant,
54:15 mais certes pas à ce mauvais feuilleton.
54:17 D'abord, parce que l'assaut n'est que le point d'orgue
54:19 d'un déferlement de violences déclenché
54:21 par l'évasion d'un caïd redouté
54:23 surnommé Fito, avec
54:25 mutiné dans les prisons, prise d'otages
54:27 de gardiens, mais aussi équipé sauvage
54:29 dans les rues de Guayaquil et de la capitale
54:31 Quito. Ensuite, et surtout,
54:33 parce que le procureur chargé de l'enquête,
54:35 Carlos Suárez, a été assassiné
54:37 hier au volant de sa voiture,
54:39 on en oublierait presque que le flanc ouest
54:41 de l'Equador est baigné par l'océan Pacifique.
54:43 - Donc le pays a perdu
54:45 le contrôle de son destin.
54:47 - Et oui, pour son malheur, il a accédé
54:49 au statut peu enviable de tête
54:51 de pont des réseaux d'exportation de la cocaïne
54:53 produite par ses voisins Pérou
54:55 et Colombie. 70%
54:57 de la coque qui arrive en Europe
54:59 provient d'Équateur, et les 4/5
55:01 de ce funeste flux partent du port
55:03 de Guayaquil. Précisément comment ?
55:05 Très simple. À bord de Pirogue,
55:07 les narcos approchent les tankers en partance,
55:09 se hissent à bord à l'aide
55:11 d'échelles et de grappins, font sauter
55:13 les scellés des conteneurs pour y glisser
55:15 leur poudre mortelle. Reste à leurs
55:17 associés des cartels mexicains
55:19 et de la mafia albanaise à orchestrer
55:21 la réception sous nos latitudes.
55:23 Qui l'eût cru ? Le narcotrafic
55:25 et la corruption ont peu à peu gangréné
55:27 l'appareil d'État, à commencer par la police,
55:29 la magistrature, l'administration
55:31 pénitentiaire, ceux qui ont l'audace
55:33 de le combattre, de dénoncer un tel cancer
55:35 le paie souvent de leur vie,
55:37 et les politiques n'échappent pas au carnage.
55:39 À preuve, l'assassinat en août dernier
55:41 d'un candidat à la présidence,
55:43 Fernando Villa Vifencio,
55:45 ou celui du maire de la ville de
55:47 Manta. - Alors comment les autorités
55:49 réagissent ? Est-ce qu'elles
55:51 arrivent à enrayer
55:53 cette dérive ? - À un peu plus
55:55 d'un an du prochain scrutin présidentiel,
55:57 le trentenaire Daniel Noboa
55:59 a choisi la guerre totale
56:01 entre couvre-feu
56:03 et déploiement de 20 000 militaires.
56:05 Pas sûr que cette option, dictée par l'urgence,
56:07 suffira à neutraliser les
56:09 vannes de gangs recensées sur le
56:11 territoire. Les précédents du Salvador,
56:13 du Mexique, de la Colombie,
56:15 invitent à la circonspection. Tous
56:17 les experts s'accordent sur ce constat.
56:19 La manière forte peut s'avérer
56:21 efficace à court terme,
56:23 jamais dans la durée. À quoi bon, par exemple,
56:25 rafler trafiquants et tueurs
56:27 pour les entasser dans des prisons
56:29 que contrôlent de fait les cadors de la
56:31 CAM ? En bastiller les chefs, fort
56:33 bien. À ceci près que leur mise à l'ombre,
56:35 d'ailleurs toute relative, favorise
56:37 l'émergence d'héritiers plus
56:39 jeunes, plus imprévisibles, plus
56:41 impitoyables. Point de remède miracle
56:43 donc. Voilà pourquoi Mexico et Bogota
56:45 ont amorcé une inflexion stratégique
56:47 priorité, affichée en tout
56:49 cas aux programmes sociaux et à la
56:51 lutte contre la pauvreté. Ceux qui
56:53 prétendent qu'ils ont mieux en magasin
56:55 que cet effort de longue haleine à
56:57 l'issue incertaine, fourguent des chimères
56:59 et se shootent aux mensonges. - Merci
57:01 beaucoup, Vincent Eugeux. On en parle
57:03 peu, on se croirait dans une série
57:05 Netflix dans Narcos, et c'est
57:07 la réalité. - Quand on observe effectivement l'effondrement de l'Équateur
57:09 depuis quelques semaines, on mesure
57:11 à quel point un certain nombre de gangs
57:13 sont devenus
57:15 quasiment des mafias,
57:17 quasiment des multinationales, qui se font la
57:19 guerre en plus, parce que si l'Équateur
57:21 exporte de plus en plus ces gangs
57:23 de cocaïne vers
57:25 l'Europe, c'est aussi parce qu'il y a moins de débouchés
57:27 en Amérique du Nord, parce qu'il y a
57:29 la concurrence d'une autre drogue
57:31 qui fait des ravages en Amérique du Nord, c'est le fentanyl,
57:33 cette fameuse drogue dite du zombie,
57:35 ou là, on a d'autres
57:37 mafias qui sont notamment,
57:39 qui viennent notamment d'Asie et notamment de
57:41 Chine aussi, qui fournissent les produits pour
57:43 produire cette drogue
57:45 qui produit des effets terribles aux Etats-Unis.
57:47 - Plus que le Covid aux Etats-Unis, les opiacés...
57:49 - Les ports des Pays-Bas sont perméables
57:51 à ces gangs désormais, aux Pays-Bas, chez nous.
57:53 - On mesure cette rivalité entre ces différents...
57:55 - C'est intéressant, c'est que dans la relation
57:57 tempétueuse entre Pékin et Washington,
57:59 on parle beaucoup et à bon droit de Taïwan,
58:01 mais ceci est l'un des dossiers
58:03 majeurs, et lors des derniers contacts
58:05 directs entre le Chinois Xi Jinping
58:07 et Joe Biden, il a été question du fentanyl
58:09 et de ces ravages absolument dévastateurs
58:11 dans toutes les grandes villes des Etats-Unis.
58:13 - Merci beaucoup. On s'arrête là.
58:15 Merci, Elsa Franchi, merci Elsa.
58:17 À très vite, et merci à vous.
58:19 - Merci beaucoup. - Renaud Delis, il faut lire
58:21 "L'assiégé dans la tête de Dominique Veyner",
58:23 le gourou caché de l'extrême-droite
58:25 chez la TESS, Dominique Veyner,
58:27 sans mauvais jeu de mots, toujours assez vénéré
58:29 par certains à l'extrême-droite.
58:31 Très belle soirée documentaire
58:33 sur LCP avec Jean-Pierre Gracien.
58:35 À demain.
58:37 ...
58:49 [Générique de fin]
58:51 Merci à tous !

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