Céline Durosay, présidente du syndicat de la Coordination nationale infirmière (CNI) à l'hopital nord Franche Comté

  • il y a 7 mois
Transcript
00:00 6/9, France Bleu, Belfort Montbéliard.
00:02 Il est très exactement 8h moins le quart, c'est ici matin sur France Bleu, Belfort Montbéliard, sur France 3, Franche-Comté.
00:07 Je vous le disais avec l'invité du 6/9 Thierry Compredon, on va au chevet du service des urgences de l'hôpital d'en Franche-Comté.
00:13 Un service au bord de l'implosion hier, près d'une quarantaine de patients attendaient sur un brancard pour avoir un lit.
00:20 Alors face à cette situation, l'hôpital va recevoir l'aide de la réserve sanitaire nationale, c'est-à-dire elle est venue en renfort de médecins, infirmiers et aides-soignants.
00:29 Et ce matin, on vous pose cette question, est-ce qu'on va trop souvent aux urgences pour un oui ou pour un non, et ce qui engorge inutilement le service ?
00:36 Vos remarques, vos commentaires au 0384 22 82 82.
00:40 Bonjour Céline Duroset.
00:41 Bonjour.
00:42 Vous êtes la présidente de la coordination nationale infirmière à l'hôpital d'en Franche-Comté.
00:46 À partir de demain, l'hôpital va recevoir le renfort de 3 médecins, 10 infirmiers, 10 aides-soignants et l'ouverture de 15 lits supplémentaires.
00:55 La situation est grave à ce point ?
00:56 Oui, mais oui. Alors nous, on ne vous cache pas que quand on a appris les chiffres du nombre de personnel qu'on attendait de la réserve sanitaire,
01:04 on savait que la situation était grave, on s'est dit là vraiment il y a une prise de conscience, ça ne va plus du tout, du tout.
01:09 C'est énorme des chiffres comme ça.
01:10 C'est du jamais vu ?
01:11 Non, sur l'hôpital d'en Franche-Comté, non.
01:13 Alors ce qui est étonnant, c'est qu'il y a eu du renfort lors de la période du Covid en 2020,
01:19 depuis il n'y en a pas eu et pourtant on ne peut pas dire que les urgences sont saturées par des épidémies ou bien par des chutes ou autre chose ?
01:27 Non, non, non, non, non. Là, ce week-end en particulier, il n'y avait strictement pas de pic épidémique,
01:34 il n'y avait pas de verglas qui puisse justifier des accidents de la route ou des glissades, il n'y avait rien de tout ça.
01:39 On était sur un week-end normal, classique, où on n'aurait pas dû trouver cette affluence qu'on n'explique pas.
01:46 Alors pourquoi les urgences sont régulièrement saturées ?
01:49 La problématique sur notre territoire, c'est quand même qu'on a un bassin de population qui est extrêmement important,
01:54 avec très peu de services d'urgence en périphérie, donc tout le monde vient aux urgences.
01:59 Et tout le monde vient aux urgences, pourquoi ?
02:02 Parce qu'aussi, on n'arrive plus à avoir en médecine de ville un suivi généraliste.
02:07 Aujourd'hui, quand on veut une consultation médicale pour un simple problème, un rhume, une grippe,
02:13 on se tord le poignet, on a mal au cou, on a mal au dos, pour avoir un rendez-vous de consultation médicale générale,
02:20 ça peut être 15 jours, 3 semaines.
02:22 - Mais est-ce qu'on abuse pas un petit peu du service des urgences ? On parle souvent de bobologie, vous aimez pas ce terme-là ?
02:27 - Non, moi j'aime pas ce mot, parce que je vais pas dire qu'il n'y a pas des gens qui viennent aux urgences
02:36 pas par plaisir, mais pas forcément pour quelque chose, c'est vraiment très à la marge.
02:40 Vous allez trouver une ou deux personnes qui vont venir parce qu'ils ont envie de leur arrêt du lundi matin,
02:45 mais c'est plus qu'à la marge.
02:47 La bobologie, non, non, nous on aime pas ça, parce que quand on vient aux urgences, on sait qu'on va attendre,
02:51 on vient pas pour rien.
02:52 Soit on a un problème physique, soit on a un problème psychologique caché derrière, mais on vient pas pour rien.
02:57 - Des gens qui ont simplement besoin de parler à un professionnel, à un médecin, ce qui ne se fait plus en ville, ou quasiment plus ?
03:03 - Non, parce que non seulement vous avez du mal d'avoir un rendez-vous médical,
03:07 mais en plus quand vous arrivez à l'avoir, les médecins de ville sont également tellement surchargés
03:11 qu'ils n'ont plus le temps qu'ils avaient avant.
03:12 Donc il n'y a plus cet échange avec les patients et aux urgences, c'est vrai qu'on essaie de leur donner ça,
03:18 même si là ça devient franchement compliqué.
03:20 - Ici matin, il est 7h48, est-ce qu'on va trop souvent aux urgences de l'hôpital, et parfois sans raison valable ?
03:25 Vos remarques, vos commentaires, dites-le franchement, 0380 82 82 82.
03:29 - Et justement, nous avons en ligne Daniel, qui nous appelle, de Sainte-Suzanne, bonjour !
03:35 - Bonjour à tous !
03:37 Oui, bien sûr, quand vous avez un petit bobo, comme on dit,
03:44 moi j'ai fait une infection urinaire.
03:52 Moi, quand j'ai téléphoné à mon médecin, à Dr Rible, pour avoir un docteur,
04:01 et bien on m'envoyait au 115, il faut téléphoner au 115.
04:05 Alors le 115, il appelle les pompiers, et on vous emmène aux urgences.
04:09 Alors que c'est des trucs qu'on devrait pouvoir traiter tout de suite.
04:13 Même à votre médecin, même à votre dentiste, j'ai eu une rage dedans,
04:19 j'ai attendu presque un an pour qu'on me rappelle pour aller chez le dentiste.
04:23 Et j'avais un abcès, bien sûr qu'on s'affole, quand on est comme ça,
04:27 et en plus quand on vit tout seul, voilà, et qu'on est taré.
04:31 Voilà ce que je voulais dire.
04:33 - Merci beaucoup, Daniel, pour votre témoignage depuis Sainte-Suzanne.
04:37 Votre témoignage est très intéressant, car c'est toute la chaîne de soins qu'il faudrait revoir.
04:43 Vous en pensez quoi, vous, à la coordination nationale de l'infirmière ?
04:47 - Je pense que quel dommage qu'on n'ait pas écouté les professionnels de santé il y a 30 ans.
04:51 Parce qu'aujourd'hui, la réponse, ce qui manque aujourd'hui, c'est quoi ?
04:54 C'est le travail personnel, à tous les niveaux.
04:56 En ville, on n'a plus assez de médecins généralistes, les spécialistes on n'en parle même pas,
05:00 et dans les hôpitaux, on en a de moins en moins.
05:03 Mais s'il y a 30 ans, on nous avait un peu écouté sur le fait que ça allait s'égrader,
05:07 qu'on avait un problème avec le bibi-boum, que la population était vieillissante,
05:11 donc qu'on allait se retrouver avec des personnes âgées polypathologiques à prendre en charge,
05:14 on n'en serait pas là.
05:16 On n'en serait pas là aujourd'hui, on ne nous dirait pas "mais oui, il faut attendre que ça sorte,
05:19 on a enlevé les quotas, donc on va avoir plus de médecins qui sortent",
05:21 oui mais dans 10 ans, on fait quoi aujourd'hui ?
05:23 - Un autre appel en provenance de Bavan, c'est Bernard qui nous appelle.
05:27 Bonjour Bernard ! - Oui bonjour à toute l'équipe.
05:30 - Votre réaction à cette question, est-ce qu'on va trop souvent aux urgences de l'hôpital ?
05:35 - Écoutez, moi je ne pense pas qu'on va...
05:37 Si on va aux urgences, on peut estimer que c'est ce qu'on a besoin.
05:40 Moi je vais raconter juste mon cas rapidement, ce qui m'est arrivé en 2022.
05:44 J'avais un gros problème à l'oeil, je ne rentre pas dans les détails.
05:47 Moi j'ai fait le 15, je n'ai pas été aux urgences, et le 15 m'a très très bien conseillé à orienter.
05:53 Ils m'ont orienté directement en ophtalmologie, c'était un dimanche, après-midi.
05:58 J'ai été très bien pris en charge, le docteur était super.
06:01 Mais ce cas, je ne suis pas passé par les urgences, je suis passé par le 15, qui m'ont orienté avant.
06:06 Voilà. Je pense qu'il faut des fois faire le 15 avant d'aller aux urgences, dans certains cas, voilà.
06:11 - Merci beaucoup pour votre témoignage et votre commentaire Bernard.
06:15 Céline Durezay, il y a une question d'orientation aussi en amont, qu'il faut prendre en compte.
06:21 - Là on a des créneaux qui sont possibles, effectivement.
06:25 Si vous n'arrivez pas à avoir votre médecin traitant, appelez le 15 avant d'aller aux urgences.
06:29 Peut-être que lui pourra vous orienter vers des médecins.
06:32 Ils ont un listing de médecins éventuellement pour vous orienter en cas de besoin urgent.
06:36 Vous avez aussi les pharmacies où on voit se développer les consultations en visio.
06:40 Ce n'est pas l'idéal du tout, mais des fois ça peut permettre d'attendre un petit peu.
06:44 - Dernière question. Pourquoi selon vous c'est difficile de recruter du personnel à l'hôpital public ?
06:50 Alors ce n'est pas qu'à Belfort, c'est partout en France.
06:52 - Oui, c'est un cercle vicieux. Là maintenant on est dans un cercle vicieux.
06:56 On a eu une suppression des lits.
06:58 Avec la suppression des lits, vous avez l'augmentation de la charge de travail.
07:01 Avec l'augmentation de la charge de travail, vous avez la dégradation des conditions de travail.
07:06 - Et avec de moins en moins de médecins en ville, donc tout ça, ça fait une énorme boule de neige.
07:11 - Tout se cumule et aujourd'hui, on est devant un mur.
07:14 - Merci beaucoup Céline Dubroset. Je rappelle que vous êtes la présidente de la coordination nationale infirmière à l'hôpital Laufranche-Comté.
07:21 L'hôpital qui va donc recevoir demain le renfort de la réserve nationale qui va rester sur place 6 jours.
07:27 Ça ne veut pas dire qu'après le problème sera résolu.
07:29 - Non, malheureusement.
07:31 - Merci beaucoup, bonne journée. - Merci, bonne journée.
07:33 - Et retrouvez cet entretien sur l'application ICI par France Bleu et France 3. Il est 7h52.

Recommandée