L'éditorialiste, Guillaume Bigot, est revenu sur la colère agricole, dans l'émission Face à l'Info : «Les Français sentent qu'il n'y aura plus de pays s'il n'y a plus de paysans».
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00:00 À mon avis aucun. Si l'idée c'est que ça va faire retomber la colère, aucun.
00:04 Ça peut peut-être éventuellement encore les galvaniser un peu plus, mais
00:08 pour utiliser l'expression un peu familière, je pense que les agriculteurs en France, une grande partie d'entre eux, sont vraiment au bout du rouleau.
00:15 Je rappelle qu'il y en a un sur cinq qui vit
00:17 sous le seuil de pauvreté.
00:19 Je rappelle qu'il y en a deux qui se suicident par jour. Je rappelle aussi qu'ils ne sont plus qu'1,5% de la population active
00:26 et que dans dix ans la moitié de ceux-là seront partis à la retraite.
00:29 Donc ils ont bien compris eux-mêmes que cette révolte, c'est la révolte de la dernière chance.
00:34 L'idée c'est de défendre leur métier, de défendre la capacité à nourrir la France et de défendre leur dignité.
00:40 Voilà, je crois qu'ils sont au bout du rouleau. Et d'ailleurs, évidemment, ça crée une dangerosité particulière,
00:45 outre le fait que les autorités en France, depuis toujours, se méfient énormément des révoltes paysannes parce que ce sont des gens qui sont
00:53 endurcis, parce que ce sont des gens qui ont du matériel comme des tracteurs. Mais on se souvient de, en 1907,
00:58 Clemenceau avait été obligé de faire donner l'armée et de tirer sur la révolte des agriculteurs dans le Languedoc, les bonnets rouges, etc.
01:05 Donc il y a eu une appréhension. Mais la réaction des autorités face à ça,
01:09 c'est, il y a deux tentations. Je pense que la première solution, la première tentation,
01:14 c'est de dire "Allez, on va négocier, on va les calmer, on va les apaiser,
01:18 on va lâcher du lest". Alors ça a déjà été fait sur le GNR, le fameux gasoil non routier.
01:24 Il y a l'idée que, bon, la FNSEA va quand même un peu contrôler. Moi, je ne pense pas du tout qu'ils arrivent comme ça à
01:30 canaliser le mouvement, à contrôler le mouvement. Pourquoi ? D'abord parce que le mouvement vient de la base.
01:34 Et puis les jeunes agriculteurs, ils sont assez incontrôlables.
01:37 Ah, ils sont très colères. Ils sont très très colères. Ça vient de la base.
01:41 C'est exactement comme les Gilets jaunes. C'est-à-dire qu'il y a une petite goutte de gasoil de plus qui a déclenché,
01:46 mais il y a vraiment un vase d'iniquité qui s'est rempli pendant 30-40 ans.
01:50 Il n'y a plus de confiance. Pour négocier, il faut de la confiance. Ils n'ont plus de confiance. Aucune.
01:54 Alors l'Union Européenne, c'est clair. Ni les agriculteurs français, ni leurs homologues dans l'Union Européenne,
01:58 ils ont bien compris, au contraire, que l'Union Européenne avait l'intention de liquider, pour des raisons
02:04 d'idéologie verte, mais aussi de concurrence d'échelle mondiale,
02:08 l'essentiel de l'agriculture en Europe. Qu'il y aura quelques survivants peut-être, mais l'idée,
02:13 c'est de les faire mourir à coups d'aides. Donc ça, ils l'ont bien compris. Et ils ont, les nôtres, bien compris le double discours du gouvernement.
02:18 Monsieur Feneau qui leur dit "on va vous protéger de l'Europe", alors que l'Europe, elle est accélérée
02:22 par le macronisme au Parlement européen, et pas qu'eux.
02:25 Donc, la deuxième solution qui pourrait tenter le gouvernement, si la négociation ne marche pas, je pense qu'elle ne marchera pas,
02:31 c'est finalement de les laisser
02:33 se discréditer eux-mêmes par une espèce de
02:36 fuite en avant, un peu la politique du pire ou du pourrissement. On a vu ça pendant les Gilets jaunes.
02:42 Ensuite, ça sera facile de dire "on va les discréditer", finalement. Voilà. Je pense que là, le gouvernement
02:47 se trompe. Se trompe s'il pense qu'il va isoler, comme ça, les agriculteurs du reste de la population. Et pourtant, ça peut sembler
02:55 contradictoire parce qu'il ne forme qu'un virgule un, cinq pour cent de la population active.
02:59 Mais je pense que les Français ne lâcheront pas leurs agriculteurs, pour une raison matérielle,
03:03 et peut-être pour une raison plus profonde. La raison matérielle, c'est que les gens savent bien que ce qui les attend, c'est de la
03:09 malbouffe, c'est de la viande synthétique, c'est de manger des grillons, etc. Et les Français n'en veulent pas. Pour des raisons matérielles aussi, parce que
03:16 ils sont, en fait, totalement derrière leurs agriculteurs. Les Français aspirent largement à ce qu'il y ait des barrières douanières
03:24 équitables. Et pour une raison, je pense, plus profonde, c'est que les Français sentent au fond qu'il n'y aura plus de pays. Comme dit l'autre,
03:30 il n'y a plus de paysans.
03:32 [Musique]
03:34 [Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org]