• il y a 11 mois
L'avenir de l'arbre en ville. C'est le thème d'une conférence, ce soir à 18H30, à Monferrier-sur-Lez.
Conférence organisée par l'association NON AU BETON. Et à laquelle participera une architecte-paysagiste spécialisée dans l'urbanisme végétal, Caroline Mollie.
Caroline Mollie est notamment l'auteur d'un livre intitulé "A l'ombre des arbres, planter la ville pour demain".
Et depuis une quarantaine d'années, elle s'intéresse beaucoup à la vie des arbres dans la ville de Montpellier et à leur évolution.

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Transcription
00:00 de l'arbre en ville, on en parle avec notre invitée ce matin Guillaume.
00:02 - Bonjour Caroline Molli. - Bonjour Guillaume.
00:05 - Vous êtes architecte paysagiste spécialiste notamment de l'urbanisme végétal.
00:12 Tiens donc c'est un peu contradictoire ça l'urbanisme et le végétal, non ?
00:16 - Ah non pas du tout, non. Vous pouvez pas imaginer quand même une ville sans arbre, au contraire.
00:22 - Bien sûr, sauf que pendant longtemps on a privilégié l'urbanisation
00:27 peut-être au détriment du végétal quand même, vous le reconnaissez ça non ?
00:29 - Ça dépend de ce que vous entendez par "pendant longtemps" parce que on peut dire que
00:34 depuis la dernière guerre mondiale, les 30 glorieuses ont été catastrophiques pour le patrimoine végétal.
00:39 Mais avant, en France on a une tradition qui date de trois siècles quand même
00:43 de composition de la ville avec le végétal.
00:46 - Alors vous vous animez effectivement cette conférence ce soir à Montferrier-sur-Lez,
00:51 conférence organisée par l'association "Non au béton" donc évidemment ça veut tout dire.
00:56 Vous venez d'écrire un livre qui est intitulé "À l'ombre des arbres, planter la ville pour demain".
01:02 La ville de demain, elle doit, j'imagine nécessairement, on va un peu enfoncer à une porte ouverte là,
01:06 elle doit nécessairement être végétale.
01:08 - Oui, elle doit être végétale et c'est l'ADEME qui a fait des études particulièrement sur
01:16 le rafraîchissement de la ville en fonction des perspectives de réchauffement climatique,
01:24 a considéré que c'était les arbres qui étaient les plus importants et surtout l'ombre des arbres.
01:29 Et ça c'est très très important de considérer que c'est l'ombre des arbres,
01:32 parce que pour avoir de l'ombre, il faut avoir de beaux arbres.
01:35 Et c'est un peu le thème de ma plaidoirie si vous voulez, c'est plaider pour des arbres.
01:39 Ok, tout le monde est d'accord, mais plaider pour de très beaux arbres en ville.
01:43 - Oui, vous dites qu'il ne s'agit pas seulement de planter, planter, planter, planter,
01:47 il faut faire attention à ce qu'on plante, en quelles conditions, quelle est la distance entre...
01:51 - Mais vous avez tout compris.
01:52 - Je voudrais surtout que nos auditeurs le comprennent.
01:55 On va revenir là-dessus, mais avant ça, depuis 20-30 ans, vous observez de très près,
01:59 vous n'êtes pas Montpellier-Rennes, vous êtes Nîchoises,
02:01 mais vous vous intéressez de très près à ce qui se passe à Montpellier.
02:03 Vous avez suivi l'évolution de cette ville, y compris sur le plan végétal.
02:07 - Oui, en fait en tant que paysagiste et urbaniste, nous étions tous intéressés par l'opération de Beaufil,
02:15 Antigone à Montpellier.
02:16 - Le quart de Beaufil, oui. Architecte.
02:18 - Oui, architecte, mais c'était quand même une opération très importante dans les villes françaises.
02:23 Montpellier, à l'époque, était une des premières à faire un nouveau quartier comme ça, de cette ampleur.
02:27 Et donc j'ai voulu voir, et en même temps que j'ai visité cette opération, il y a 30 ans ou 40 ans,
02:33 j'ai constaté, j'ai pris des photos de l'état du patrimoine végétal qui avait été planté,
02:40 en me disant "bon ben voilà, je ne savais pas que j'en reviendrais".
02:42 Et puis ensuite, ayant eu la possibilité de travailler sur un programme national sur l'arbre d'ornement,
02:48 je me suis dit "tiens, ben je vais retourner".
02:50 J'y suis retournée 20 ans après, j'y suis retournée 30 ans après,
02:53 et j'ai constaté effectivement, alors là c'est flagrant,
02:56 qu'on est dans les problèmes traditionnels, enfin classiques des villes, qui plantent trop,
03:02 et qui ensuite sont encombrées par un patrimoine végétal qui n'est plus en très bonne santé
03:08 parce qu'il est trop dense, et qui ne peut plus être éclairci,
03:13 parce que les citadins, et on les comprend, n'arrivent pas à accepter l'idée qu'on supprime des arbres.
03:20 - Alors c'est ça, vous dites "on plante trop et on plante n'importe comment",
03:23 et aujourd'hui on ne peut plus couper un arbre sans être taxé des structures de l'environnement.
03:27 - C'est très compliqué, c'est très très compliqué.
03:29 Je reprends cet exemple d'Antigone, là, les services techniques de la ville ont des gros gros problèmes,
03:35 justement, pour entretenir ce patrimoine, et n'arrivent pas à obtenir de la mairie une autorisation,
03:43 je dirais, de gestion raisonnée, gestion raisonnable, gestion raisonnée,
03:47 comme on fait un peu dans les milieux forestiers.
03:50 - Donc vous dites, quelque part, qu'il ne faut pas hésiter à couper un arbre quand il est...
03:55 Non pas quand il gêne, comme ça a pu être le cas notamment avec,
03:59 vous avez forcément entendu parler de cette histoire de chêne à Castelnau.
04:02 Non, mais pas quand il gêne, mais au moins quand lui-même ne s'épanouit pas correctement
04:06 et ne remplit pas le rôle qu'il est censé remplir.
04:09 - C'est un terrain quand même assez glissant, assez difficile, si vous voulez.
04:12 Ben oui.
04:13 Bon, on a un patrimoine existant, ce patrimoine il est hyper important
04:18 de l'entretenir au mieux pour les générations futures.
04:21 On a quelque chose, donc on l'entretient.
04:23 Mais bon, ce qu'il faut envisager quand même, c'est que c'est le patrimoine du futur
04:28 et ne pas reconduire les erreurs du passé.
04:30 Là on s'est aperçu qu'en plantant, mais on le sait déjà,
04:33 en plantant des arbres tous les 4 mètres ou tous les 5 mètres, ça ne marche pas.
04:36 - C'est une erreur.
04:37 - On a des grands arbres, il faut les planter tous les 8 mètres.
04:39 Alors évidemment quand vous plantez des arbres tous les 8 mètres dans une ville,
04:43 les gens vont vous dire "ah mais alors vous ne plantez pas, c'est pas bien, etc."
04:46 Mais si c'est très bien planté, je peux vous assurer que
04:50 au bout de 5 ans, 7 ans, 8 ans, vous avez de l'effet déjà.
04:54 Et vous avez la masse végétale, la masse de couronne qui vous permet déjà
04:59 de rafraîchir l'air et d'avoir de l'ombre.
05:03 - Alors vous dites les arbres, c'est bien, mais il n'y a pas que ça.
05:05 Il y a ce qu'on appelle aussi les murs végétaux.
05:07 Et notamment vous saluez l'exemple de ce qui se fait auprès du musée Fabre à Montpellier.
05:12 - Ah oui ? - Le musée végétal.
05:13 - Oui, absolument. - Ça vous dit que ça par contre c'est bien.
05:15 Pourquoi c'est bien ?
05:17 - Alors c'est bien, oui, c'est bien.
05:19 C'est bien par rapport à ce qu'on fait d'habitude en termes de murs végétaux.
05:22 Les murs végétaux le plus souvent ce sont des couches de terre rapportées
05:28 verticalement sur une façade dans lesquelles on plante des petites plantes.
05:32 Et c'est un déjeuner de soleil.
05:34 Ça coûte extrêmement cher d'entretien.
05:36 Et c'est pas... Bon, sur le plan du rafraîchissement, ça rafraîchit une cour, ça rafraîchit...
05:42 Mais sur le plan de la gestion générale du végétal dans la ville, c'est trop cher.
05:49 Ça s'abîme au bout de 8 ans, ça peut faire des fuites.
05:51 Enfin bon, c'est artificiel.
05:53 - Donc quand vous dites que c'est bien, c'est sur un plan purement esthétique,
05:55 mais pas forcément au bureau de Montreal.
05:56 - Ah, ça peut être très beau, mais ça ne dure pas longtemps.
05:58 Il y a un mur végétal à Avignon dont ils ne savent pas quoi faire,
06:02 ils ne peuvent pas le refaire parce que c'est très compliqué.
06:04 Et ça coûte quand même 60 000 euros par an d'entretien.
06:08 Moi ce que je dis, c'est que la nature est très très bien faite.
06:11 Elle a inventé les plantes sarmenteuses et les plantes grimpantes.
06:14 Donc vous plantez des plantes grimpantes au pied d'un immeuble,
06:17 et au bout de quelques années vous avez un magnifique mur végétal.
06:20 Et c'est ce qui se passe au musée Fabre, au restaurant du musée Fabre.
06:23 C'est très beau.
06:24 Ça a duré quelques années, j'ai pris des photos avant, après, il n'y a rien à dire.
06:27 - Vous êtes très critique à l'égard des fameux 8 ormes de la place de la comédie
06:32 qui viennent d'être plantées il y a quelques semaines.
06:34 Vous dites, ouais, ce n'est pas ça.
06:36 Alors ça va faire un petit peu d'ombre,
06:38 mais bon, c'est quelque part aussi un peu de la com' et de l'affichage,
06:42 mais ça ne va pas régler le problème du refroidissement,
06:47 ou si on peut dire du rafraîchissement de la place de la comédie.
06:51 - Je suis critique, oui, je suis assez critique,
06:57 parce que consacrer plus de 2 millions d'euros sur 8 arbres en centre-ville,
07:04 comme ça, c'est...
07:06 Bon, on peut se poser la question par rapport à une gestion générale des arbres dans la ville,
07:10 s'il n'y avait pas une meilleure répartition,
07:14 un projet plus global sur la ville de Montpellier,
07:18 plutôt que de concentrer tout sur la place de la comédie.
07:21 J'ai compris qu'il y avait une très forte demande,
07:23 parce que cette place de la comédie, il ne faut pas l'oublier,
07:25 était une innovation quand elle a été réalisée,
07:28 cette grande esplanade qui reliait Antigone à la ville ancienne.
07:31 - Mais très minéralisée.
07:32 - Mais très minérale, mais ça se faisait à l'époque,
07:34 et maintenant on dit non, on veut des arbres.
07:36 Mais ça, c'est trop compliqué, je veux dire,
07:39 on dépensait énormément d'argent pour 8 arbres,
07:42 des ormes qui ne sont pas forcément des arbres qui vont résister à la sécheresse,
07:47 et ça veut dire tout un système d'entretien, d'arrosage,
07:51 et on sait que les systèmes d'arrosage pérennes ne sont pas forcément les meilleurs,
07:56 il peut y avoir des manques d'eau et tout,
08:01 donc c'est une erreur,
08:05 ils ont essayé de la réparer comme ils pouvaient,
08:07 mais vraisemblablement ça ne répondra pas à l'ombrage nécessaire et voulu de la place de la Grande-Bretagne.
08:15 - Et dernière chose, Caroline Molli, très intéressante,
08:17 vous dites, vous dénoncez aussi ce qu'on appelle les forêts urbaines,
08:20 je crois qu'il y a aussi, c'est dans les tuyaux à Montpellier,
08:23 vous dites les forêts urbaines ça va faire de la broussaille,
08:25 c'est pas ce qu'on attend, les gens veulent de l'ombre,
08:28 et vous dites le problème c'est qu'on développe ce type de projet de forêt urbaine
08:32 parce que c'est bon pour la biodiversité,
08:35 mais on fait passer la biodiversité finalement avant le rafraîchissement de l'atmosphère,
08:41 et ça c'est peut-être une erreur aussi.
08:43 - Alors moi en tant que paysagiste, si vous voulez,
08:46 ce que j'aime c'est les lieux magnifiques et ombragés dans la ville,
08:49 j'aime les jardins, j'aime les squares, j'aime les promenades plantées,
08:53 j'aime toute une typologie qui est traditionnelle dans la ville,
08:57 et la forêt urbaine, pour moi c'est vraiment quelque chose qui est complètement incongru,
09:02 créer une forêt alors que vous ne pourrez pas pénétrer dans cette forêt,
09:07 que vous ne pourrez pas y emmener vos petits-enfants ou vos enfants,
09:09 ça fait un buisson, alors évidemment ça produit de l'oxygène un petit peu,
09:14 ça produit de la biodiversité,
09:16 mais ça ne répond pas aux besoins réels, je crois, des habitants des villes.
09:20 - Est-ce que vous êtes automobiliste ?
09:22 - Eh oui !
09:23 - Qu'est-ce que vous pensez lorsque vous arrivez sur une route
09:26 qui est un petit peu défoncée par les racines des pins ?
09:29 Alors le pin il est superbe, il est magnifique, il fait de l'ombre,
09:32 mais pour le coup les racines ne sont pas profondes,
09:35 donc du coup ça déforme les routes,
09:37 est-ce que vous vous dites "bon ben c'est pas grave, on a un arbre, c'est bien"
09:40 ou est-ce que vous vous dites "peut-être que cet arbre n'est pas adapté à cette situation, à cet endroit-là" ?
09:43 - Ecoutez, c'est une question de planter le bois d'arbre au bon endroit,
09:46 et de lui donner aux arbres suffisamment d'espace pour leur développement racinaire,
09:54 parce qu'il ne faut pas oublier que si on veut des belles couronnes et si on veut de l'ombre,
09:58 il faut des racines, donc il faut des systèmes racinaires,
10:02 et là vraisemblablement la terre n'est pas suffisamment épaisse,
10:05 parce que si les racines vont en surface, c'est qu'elles ont besoin d'eau et d'oxygène en surface,
10:12 et qu'elles n'ont pas ça en profondeur,
10:14 donc elles ont été plantées dans des dés à coudre, elles ont été mal plantées,
10:18 et elles cherchent à vivre désespérément, vous voyez,
10:21 donc c'est pas de leur faute.
10:23 - Ah non non, je me dis que c'est de leur faute, j'ai pas engueulé le pin !
10:26 - Peut-être à se rengueuler celui qui s'est dit "tiens on va mettre un pin ici"
10:29 ou alors du coup on va faire une route trop proche du pin, ou plutôt ça !
10:31 - Alors maintenant il faut savoir ce qu'on veut, si vous voulez, dans certaines conditions,
10:34 mais il faut accepter que la route soit un petit peu chaotique
10:37 pour que les pins continuent à nous produire de l'ombre.
10:40 - Oui, on accepte, c'est pas ça le souci, mais alors du coup ça pose problème régulièrement.
10:44 On refait la route à chaque fois et on se dit "bon ben ça va revenir".
10:48 - Caroline Moly, vous êtes ce soir à 18h30 à Montferrier-sur-L'Est
10:51 pour cette conférence organisée par l'association Noms au béton,
10:54 et je rappelle donc le titre de votre dernier ouvrage qu'on peut trouver très facilement sur...
11:00 Oui, dans un bon libraire...
11:02 "À l'ombre des arbres, planter la ville pour demain".
11:05 On s'est fait une idée très précise grâce à vous ce matin de ce que doit être la ville de demain.
11:09 En tout cas merci Caroline Moly d'être avec nous ce matin.
11:11 - Merci à vous. - Bonne journée, merci beaucoup.
11:12 Vous retrouvez tout ça sur francebleu.fr. Un petit coup d'œil sur...

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