30/01/2024 : L'invité d'actu 8h15 France Bleu Paris

  • il y a 9 mois
Frédéric Descrozaille, député Renaissance du Val-de-Marne

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Transcription
00:00 Avec notre invité Frédéric Descrosailles, bonjour.
00:02 - Bonjour.
00:03 - Vous êtes député Renaissance du Val-de-Marne et surtout vous êtes
00:06 celui qui avait fait la dernière loi Egalim qui porte votre nom,
00:10 censé protéger le revenu des agriculteurs.
00:12 On va tenter de comprendre ce qui coince avec vous,
00:15 mais d'abord votre réaction ce matin Frédéric Descrosailles
00:18 sur ce mouvement de colère très fort qui s'exprime.
00:21 On va écouter un agriculteur de Gironde, Vincent,
00:25 il est en route pour bloquer Rungis.
00:27 - Ça va pas desserrer les dents comme ça.
00:28 Pour certains, c'est peut-être la dernière manif si rien ne se fait réellement.
00:33 On arrête, pour ceux qui peuvent arrêter.
00:36 Non mais il y en a qui sont pendus, il y en a un on va le retrouver pendu.
00:39 - Vous l'entendez, c'est plus que de la colère qui s'exprime,
00:42 c'est un cri de désespoir Frédéric Descrosailles.
00:45 Est-ce que vous l'aviez vu venir ce mouvement ?
00:47 Est-ce que ça vous a surpris ?
00:49 - Non, très humblement je ne l'avais pas vu venir.
00:52 Ce type de... pour avoir une partie de ma carrière dans le syndicalisme agricole,
00:58 ce type de mouvement qui vient de la base,
00:59 qui n'est pas commandité par des responsables au niveau national,
01:03 c'est quelque chose... alors il y a des échos qui peuvent dire "ça va péter".
01:07 Parfois on le dit et puis ça ne... il n'y a pas de choses.
01:10 Et puis là, effectivement, il y a une extension.
01:12 La première chose dont il faut vraiment prendre la mesure,
01:14 c'est que c'est un mouvement européen.
01:16 - Mais c'est un échec, c'est un échec pour vous ?
01:18 - Bien sûr, c'est un échec pour les incohérences, en fait,
01:22 des politiques publiques conduites au niveau européen et au niveau national.
01:26 C'est-à-dire qu'il y a énormément d'injonctions contradictoires
01:30 qui sont adressées à presque tout le monde, en fait.
01:33 Et on va y venir tout de suite sur...
01:35 Là, nous, on est dans...
01:37 Je soutiens un gouvernement qui lutte contre la hausse des prix,
01:39 qui frappe les ménages,
01:41 mais moi je ne prends jamais la parole dans un média
01:44 sans rappeler que l'alimentation, on va la payer de plus en plus cher.
01:47 - C'est tout l'enjeu d'ailleurs,
01:49 c'est tout l'enjeu de ce qui se passe aussi en ce moment
01:51 avec ce mouvement des agriculteurs.
01:53 On va revenir, si vous le voulez bien sûr,
01:57 le problème qui fâche le revenu avec cette loi EGalim.
02:01 La dernière en date, c'est la vôtre, 1er avril 2023.
02:04 Il y a eu trois lois EGalim depuis 2018,
02:07 des lois qui sont censées protéger le revenu des agriculteurs.
02:12 Et aujourd'hui, on voit que ça pète, que ça ne marche pas.
02:14 Pourquoi ça ne marche pas, Frédéric Descrosailles ?
02:17 - Il y a un défaut d'application.
02:19 Le principe de ces trois lois, c'est
02:21 la marche en avant dans la construction du prix.
02:24 Ça doit partir du producteur.
02:25 Il y a une obligation de contractualisation
02:27 sur la base d'une proposition du producteur.
02:29 - Donc le producteur propose un prix.
02:31 - Il propose un prix et il y a une obligation de contractualisation.
02:34 Ça ne peut pas être fait sans aucune visibilité,
02:37 de n'y avoir un contrat qui prévoit un volume, un tarif,
02:40 et ça dans le temps.
02:43 Donc sur cette base, ensuite,
02:45 les deux lois suivantes protègent ce démarrage
02:48 dans la protection du prix sur la base d'indicateurs
02:51 de filière, en fait.
02:52 Parce que le prix, il est fondé sur une sorte de moyenne.
02:57 Cette méthode de calcul de l'indicateur
02:59 fait parfois elle-même l'objet d'une négociation.
03:02 C'est le cas du prix du lait qui est complexe à établir.
03:05 Et là, en ce moment, alors où on se parle,
03:07 il y a une médiation entre un gros industriel
03:09 et une partie des producteurs,
03:10 parce qu'ils ne sont pas d'accord sur la méthode de calcul du prix.
03:13 Mais ça, c'est fait pour, jusqu'au bout,
03:15 c'est-à-dire jusqu'au lien entre le transformateur et le distributeur,
03:19 il y a ce qu'on appelle une "sanctuarisation"
03:21 de la matière première agricole.
03:22 C'est-à-dire qu'une fois que le tarif a été établi
03:25 au stade de la première mise en marché, sortie production,
03:28 ça ne peut plus faire l'objet d'une négociation jusqu'au distributeur.
03:32 - Mais c'est quoi alors le problème avec ce tarif ?
03:34 Il est trop bas ? Il n'est pas respecté ?
03:36 - Le principe même de cette mise en avant
03:39 n'est pas correctement appliqué,
03:41 parce que typiquement, depuis 5 ans,
03:44 il y avait un gros distributeur qui a installé
03:46 une centrale d'achat à l'étranger, à Bruxelles,
03:48 qui a été suivie par d'autres distributeurs.
03:50 - Vous parlez de qui ?
03:52 - Je parle de Leclerc, je parle de Carrefour qui vient de s'y mettre,
03:55 je parle de System U avec Everest.
03:57 Ce sont des centrales d'achat qui se sont positionnées à l'étranger
04:00 et qui prétendent, en attaquant les fondements de la loi
04:04 au niveau européen,
04:06 qu'ils ne sont pas soumis aux droits applicables français.
04:10 - Donc en passant par Bruxelles,
04:12 comme ça ils peuvent négocier les prix vers le bas ?
04:15 - Ils négocient les tarifs sans tenir compte des contraintes
04:18 prévues par le législateur français.
04:19 - Alors comment on fait pour rectifier le tir ?
04:21 Est-ce qu'on peut revenir en arrière ? Est-ce qu'on peut faire mieux ?
04:24 - De toute façon, dans le contrôle d'application de la loi,
04:28 je démarre aujourd'hui une mission avec une collègue de la France Insoumise,
04:32 c'est toujours majorité opposition ce genre de mission,
04:34 de contrôle d'application de la loi qui porte mon nom.
04:37 On va très vite auditionner les services de l'État
04:40 pour leur dire que la loi est en vigueur depuis avril dernier,
04:43 qu'est-ce que vous avez constaté, qu'est-ce que vous avez remonté,
04:46 pour comprendre comment les services de l'État sanctionnent l'application de la loi.
04:50 Cette mission va nous permettre de savoir ce qui se passe,
04:53 parce que trop souvent, les législateurs ont voté,
04:55 et ensuite dans le contrôle d'application de la loi,
04:57 le contrôle du gouvernement, on est défaillant,
04:59 parce qu'on n'en prend pas suffisamment le temps,
05:01 et qu'on n'a pas suffisamment d'autonomie, d'expertise.
05:02 - Défaillant ? C'est le gouvernement qui est défaillant dans le contrôle ?
05:04 - Non, ce n'est pas le gouvernement qui est défaillant,
05:05 c'est en l'occurrence la relation législative-exécutive,
05:08 parlement-gouvernement, qui est déséquilibrée.
05:10 C'est-à-dire que le Parlement manque d'autonomie, d'expertise,
05:13 dans sa capacité à contrôler l'action publique,
05:17 et donc l'exécution de l'intention du législateur.
05:20 - Mais on comprend cette volonté de plus de contrôle, de renforcer le contrôle,
05:24 mais on voit bien que c'est sur un temps long,
05:26 et ce que demandent les agriculteurs, c'est maintenant.
05:29 - Alors en fait, il y a énormément de demandes en ce moment,
05:31 c'est-à-dire qu'il y a cette partie...
05:32 Alors, globalement, ils ne vivent pas suffisamment de leur métier,
05:35 il y a cette angoisse-là.
05:37 - Est-ce que le prix de base de la matière agricole peut être revu à la hausse ?
05:42 - Je pense que c'est absolument indispensable.
05:44 Avec tout ce qu'on a voté, comme contraintes sur la biodiversité,
05:48 le rapport à l'eau, les contraintes environnementales,
05:51 les standards, les qualités des lois égalimes dans les cantines,
05:55 de toute façon, la matière première agricole
05:57 ne peut pas être payée au même prix que depuis des décennies.
06:00 - Alors qui doit la payer ?
06:02 Ça voudrait dire réduire les marges des distributeurs, des industriels,
06:09 pour qu'ils payent plus les producteurs, ou c'est aux consommateurs de payer plus ?
06:14 - Le consommateur devra payer un peu plus.
06:16 En disant cela, j'ai bien conscience de heurter tous les ménages qui vivent mal,
06:21 et qui ne peuvent pas supporter la hausse de l'énergie,
06:25 des prix alimentaires depuis quelques années.
06:27 Donc je le dis humblement,
06:29 il faut qu'à notre niveau,
06:31 qu'en exercice du pouvoir, on soit plus efficace sur le logement,
06:33 sur d'autres postes du budget de ménage qui sont emprisonnés,
06:36 ce qu'on appelle les dépenses contraintes et non arbitrables.
06:38 Mais la partie alimentaire,
06:40 qui n'a pas arrêté d'être réduite depuis la deuxième guerre mondiale,
06:44 là on est au bout du bout,
06:46 et on paiera, je pense, notre alimentation un peu plus chère,
06:50 tout simplement parce que nous voulons de la qualité,
06:52 des signes de qualité du bio, de la biodiversité,
06:54 un meilleur respect de toutes les contraintes environnementales,
06:58 et ça, ça ne peut pas se faire au même coup que depuis des décennies.
07:02 - Les prix bas, c'est fini, on est au bout du bout, vous dites ?
07:05 - Je pense que là, les prix ne peuvent faire que monter.
07:10 Alors je parle de quelques centimes à l'assiette.
07:12 Il faut bien se rendre compte de ça,
07:14 j'ai recruté pendant trois ans pour la restauration collective.
07:16 - Quelques centimes plus quelques centimes,
07:18 on l'a vu avec l'inflation de ces derniers mois,
07:20 ça pèse lourd à la fin du mois.
07:23 - Ça pèse lourd, et je ne parle pas d'une inflation à deux chiffres,
07:25 mais là, typiquement, je pense que sur l'issue des négociations
07:29 qui sont en train d'être conduites,
07:31 il n'y aura pas de déflation.
07:33 Je pense qu'on va se retrouver à +2, +3, +4.
07:35 Donc il va y avoir une décrue de ce qu'on appelle l'inflation,
07:39 on aura la hausse des prix, mais qu'on va rester sur une tendance
07:42 avec des prix qui seront un petit peu plus élevés,
07:44 parce qu'on ne pourra pas avoir l'agriculture
07:46 à laquelle on tient tellement en France,
07:48 au même prix que ce qu'on a depuis des décennies.
07:51 Ça, ça n'est pas possible, je pense qu'il faut le dire.
07:54 - Frédéric Descrosailles, député Renaissance du Val-de-Marne,
07:57 restez avec nous, on prend les auditeurs
07:59 qui nous appellent tout de suite au 01 42 30 10 10.
08:02 - Bien sûr, la parole au consommateur.
08:04 Avez-vous changé vos habitudes suite à cette prise de conscience,
08:07 peut-être, et cette colère des agriculteurs
08:09 en allant faire les courses, notamment ce week-end ?
08:11 Bonjour Rémi.
08:12 - Bonjour, la première question que je dis, député Renaissance,
08:17 j'avais écrit au président Macron il y a plus de trois ans
08:20 sur le problème des agriculteurs, des pêcheurs et d'autres métiers.
08:23 Il n'a jamais voulu répondre.
08:24 J'ai fait un super powerpoint pour lui présenter
08:27 tous les problèmes et les sujections.
08:29 Ça, c'est la lettre morte.
08:31 - Alors, juste Rémi, qu'on comprenne bien
08:33 qu'est-ce que vous aviez mis dans cette lettre,
08:35 qu'est-ce que vous demandiez ?
08:36 - Justement, le problème des agriculteurs.
08:39 Moi, aujourd'hui, tout ce que je peux faire,
08:43 je vais directement chez l'agriculteur, le paysan ou à la ferme.
08:47 Donc, je vais acheter mes produits directement chez eux
08:49 et les prix sont très corrects et même moindres que les grandes surfaces.
08:53 Et j'avais aussi signalé que sur les étiquetages et tout ça,
08:57 tout ça, c'est du faux parce qu'aujourd'hui,
09:00 vous avez l'Union européenne partout.
09:02 Vous ne savez pas si c'est France ou pas du tout
09:03 puisque maintenant, on est l'Union européenne.
09:05 Quand c'est France, vous le voyez bien.
09:07 La dernière fois, je me suis fait envoyer,
09:09 j'ai cru prendre un beurre d'un agriculteur.
09:13 Finalement, je me suis aperçu que quand j'ai interrogé un peu internet,
09:17 le beurre, c'est du beurre d'Union européenne.
09:19 Donc, on se fait avoir parce qu'il n'y a rien de marqué.
09:22 C'est marqué beurre, crème de beurre, machin.
09:24 - Ça, c'est vrai que les étiquettes, ça fait écho à beaucoup de monde.
09:27 C'est très compliqué de s'y retrouver.
09:29 On a du mal à trouver la provenance par endroit,
09:31 surtout sur les produits qui peuvent être transformés notamment.
09:35 - Alors, j'ai été la dernière fois chez un marchand, c'est pareil.
09:38 Bon, un truc.
09:40 Et puis, ils mettent beurre, France.
09:42 Moi, je voulais acheter du beurre, pas du beurre.
09:44 Je voulais acheter du beurre.
09:45 Et on voit France ou l'Union européenne.
09:47 Je me dis, ce n'est pas normal, ça.
09:49 Qu'est-ce que c'est que ce bordel-là ?
09:51 Après, je vais ensuite en mettre dans le gazon de St-Louis.
09:53 Et puis, je vois France.
09:55 Et puis, en dessous, je regarde.
09:56 France, en réalité, ce n'est pas des bananes de Guadeloupe.
09:58 C'est des bananes de Costa Rica ou d'Équateur.
10:00 Mais je dis, mais attendez, c'est quoi, ça ?
10:02 Ce n'est pas normal.
10:03 Vous mettez n'importe quoi.
10:05 - Merci, Rémi.
10:06 - On emmerde les agriculteurs pour leur alorme.
10:09 Et on ne fait rien pour la grande distribution.
10:11 Et qu'ils aillent voir un peu ce qui se passe dans les distributions, je trouve.
10:14 - Ça, ça fait écho à beaucoup de monde.
10:16 Il y a beaucoup de gens qui sont agacés, justement, par ce manque de contrôle.
10:18 On l'entend avec Rémi, ce matin, sur France Bleu Paris.
10:21 - Oui, parce que vous disiez qu'on va devoir payer plus cher
10:24 pour protéger le revenu de nos producteurs.
10:28 Mais quand même, il n'y a pas un problème de marge, aussi, des distributeurs ?
10:33 - On peut se pencher sur cette question.
10:35 Je ne pense pas qu'il soit aussi important qu'on le dit.
10:37 J'ai des collègues qui pointent énormément les marges des gros industriels.
10:42 Et parfois, de la distribution.
10:44 - 30 à 40% de marge sur un poulet, quand le producteur fait 4 à 5% de marge.
10:50 On se dit, ce n'est pas normal.
10:52 - Tout à fait.
10:53 Le problème, c'est que le rôle d'un distributeur, c'est de jongler entre les marges.
10:58 C'est-à-dire qu'un commerçant, le métier de commerçant, c'est
11:01 "j'achète 5, je perds sur 4, je me refais sur le 5ème".
11:03 C'est inaudible pour un producteur.
11:05 Mais c'est le métier de commerçant qui veut ça.
11:07 C'est-à-dire qu'il va attirer des clients en écrasant complètement sa marge
11:11 sur un ou deux produits très emblématiques,
11:13 dans le cas des très grosses promotions.
11:15 Et il va se refaire avec ce qu'on appelle le "fond de rayon".
11:17 Donc à la fin, sur le caddie, ça va lui permettre de dégager un résultat positif pour son magasin.
11:21 Et il jongle entre les marges.
11:22 Parfois, il peut y avoir des très gros écarts, parce que ça permet d'attirer le client.
11:27 Et ces écarts de marge sont insupportables pour beaucoup de producteurs.
11:31 - Oui, c'est insupportable.
11:33 Vous le dites Frédéric Descrosailles, mais est-ce qu'on peut sortir de cette crise aujourd'hui ?
11:37 - Sortir de cette crise, je pense que ce qui est compliqué, mais ce qui est indispensable,
11:41 c'est de donner une visibilité, d'avoir une vision qui m'aide de l'ordre.
11:45 Aujourd'hui, vous avez une agriculture qui est contrainte par énormément de critères.
11:49 Le maintien de la biodiversité, ça sauvegarde.
11:52 Un moindre recours à l'eau, moins de chimie, moins de pesticides,
11:55 voir plus, on ne cache pas combien de temps passé.
11:57 - Toutes ces normes qui dénoncent.
11:58 - Mais aussi, protection du revenu agricole,
12:00 protection de la souveraineté alimentaire française.
12:02 On ne peut pas maximiser l'un des critères, parce qu'on ne peut pas les maximiser tous.
12:07 Si vous faites le plus sur l'eau, par exemple,
12:10 vous allez porter atteinte au rendement, peut-être à la souveraineté alimentaire.
12:14 Si vous faites le maximum pour...

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