• il y a 10 mois
A l'occasion de la journée spéciale sur France inter : « Vaccins, nouvelles thérapies, IA : la science face au cancer », le Professeur Jean-Yves Blay, oncologue, président d’Unicancer et le Docteur Suzette Delaloge, oncologue, spécialiste du cancer du sein, sont les invités de France Inter.

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Transcription
00:00 Et un grand entretien dans le cadre de notre journée spéciale consacrée à la science
00:05 face aux cancers sur France Inter.
00:07 Vaccins, nouvelles thérapies, intelligence artificielle, nous sommes peut-être à un
00:11 tournant dans la lutte contre cette maladie.
00:14 Où en est la recherche ? Que nous est-il permis d'espérer ? Et à quel horizon ?
00:18 Course de vitesse entre le nombre de cancers qui explose et les progrès de la science.
00:23 On va examiner tout ça.
00:25 Intervenez, chers auditeurs, faites-nous part de votre expérience, de vos espoirs, de vos
00:29 doutes également, au standard, au 01 45 24 7000 ou sur l'application France Inter.
00:35 Avec Marion Lourds, nous recevons deux grands spécialistes de la question.
00:39 Le docteur, la docteur Suzette Delaloge et le professeur Jean-Yves Blais.
00:44 Bonjour à tous les deux.
00:45 Bonjour.
00:46 Et bienvenue docteur Suzette Delaloge.
00:48 Vous êtes oncologue, directrice du programme de prévention personnalisée des cancers,
00:53 interception d'un institut dont on a tous le nom en tête lorsqu'il est question de
00:58 lutte contre le cancer, l'institut Gustave Roussy.
01:01 Et vous êtes spécialiste du cancer du sein.
01:03 Jean-Yves Blais, vous êtes oncologue également, directeur du centre Léon Bérard à Lyon
01:07 et président d'UniCancer qui est une fédération française des centres anti-cancer.
01:12 Merci de nous aider à y voir plus clair en ce jour où on a voulu s'emparer de ce sujet.
01:17 France Inter consacre une journée spéciale au cancer.
01:20 Une journée spéciale au crab.
01:23 Le mot seul de cancer suffit à faire peur à chacun d'entre nous.
01:27 On peut le vivre, le cancer, comme une fatalité, parfois comme une loterie, parfois aussi comme
01:32 une profonde injustice.
01:33 Qu'est-ce qu'il représente ou que représente cette maladie pour vous deux qui avez consacré
01:39 votre vie professionnelle à lutter contre elle ?
01:42 Merci beaucoup.
01:43 Merci.
01:44 Suzette Delaloge.
01:45 Merci de nous donner la parole.
01:47 Oui, c'est notre ennemi public numéro un.
01:49 C'est ce qui motive toute notre carrière, tous nos jours et la recherche.
01:54 C'est aussi probablement l'endroit dans la santé où on a fait le plus de progrès
01:58 dans les trente dernières années.
02:00 C'est là où il se passe des choses, là où tout bouge, là où aussi les relations
02:04 humaines avec les personnes sont les plus intenses.
02:06 Je pense qu'on vit ensemble une sorte de guerre avec beaucoup de personnes.
02:10 Et je crois qu'on va en discuter.
02:13 Mais les progrès qu'on a fait ces dernières années nous laissent vraiment un espoir pour
02:17 arriver à vaincre le cancer ou un certain nombre des cancers dans les années qui viennent.
02:21 On va y venir évidemment.
02:23 La guerre est déclarée.
02:24 Mais ce mot de cancer, la maladie elle-même, professeur, qu'est-ce qu'elle représente
02:30 pour vous ? Est-ce que c'est un ennemi, comme le disait la docteure à l'instant ?
02:34 Est-ce que c'est quelque chose qui est incarné, qui relève de l'imaginaire ?
02:39 Ou est-ce que pour vous c'est uniquement clinique ?
02:41 C'est évidemment une maladie dont l'importance sociale est majeure.
02:46 430 000 nouveaux cas, 160 000-170 000 décès parents liés au cancer.
02:51 Une augmentation nette du taux de guérison des cancers au cours des années précédentes
02:56 et ce, du fait d'un phénomène très important qui est la compréhension de la biologie de
03:01 la maladie.
03:02 En comprenant la biologie de la maladie, on est capable de délivrer des solutions thérapeutiques
03:06 qui n'existaient pas avant.
03:07 La biologie de la maladie, ça signifie pourquoi la cellule normale devient une cellule cancéreuse.
03:12 Quelles sont ces anomalies de fonctionnement qui font qu'on va pouvoir la traiter spécifiquement
03:17 et éviter de traiter les cellules normales qui n'ont pas besoin de nos traitements ?
03:20 L'Organisation Mondiale de la Santé anticipe 77% de nouveaux cas de cancer en 2050 par
03:27 rapport à 2022.
03:28 Ça veut dire quoi Suzette Delaloge ? Ça veut dire qu'un jour ou l'autre on va tous
03:32 être concernés ?
03:33 Oui, pour l'instant on a une probabilité d'avoir un cancer au cours de sa vie qui
03:36 est de l'ordre de 60%.
03:38 Avec le vieillissement de la population mondiale, globalement, le nombre de cancers va augmenter
03:43 très clairement.
03:44 Mais il y a d'autres effets.
03:46 Et ces effets sont des expositions endogènes, exogènes, ça vient de nos modes de vie,
03:53 de la façon dont on se reproduit, du fait qu'on a des grossesses plus tardives, moins
03:57 d'enfants pour les femmes.
03:58 Mais surtout, nos expositions, la sédentarité, le manque d'activité physique, une alimentation
04:05 trop riche, et c'est très très vrai pour les populations occidentales.
04:08 Il y a des expositions à des agents infectieux, mais ça c'est vraiment quelque chose auquel
04:13 on a fait face, le papillomavirus avec le vaccin qui a émergé dans les dernières
04:17 années.
04:18 On s'est éradiqué les lycobactères et tout ce qui a été agent infectieux dans les dernières
04:23 années, je pense qu'on a vraiment avancé de façon majeure.
04:25 Par contre, tout ce qui est l'exposition liée à nos modes de vie, à notre alimentation,
04:32 à la pollution diverse et variée, ça c'est quelque chose qu'on doit aujourd'hui prendre
04:37 en charge.
04:38 Et pour l'instant on en est encore au balbutiement.
04:40 Jean-Yves Bled, un nombre de cas qui augmente à cause du mode de vie, nous disait le docteur
04:44 Suzette de La Loge, mais aussi peut-être parce qu'on les détecte mieux ?
04:48 Alors, on les détecte mieux, c'est certain.
04:50 On a un diagnostic des cancers qui touche beaucoup plus globalement la population, mais
04:56 il faut se rappeler quand même que l'augmentation de l'espérance de vie, les cancers, ça
05:00 survient majoritairement chez les sujets âgés de plus de 55 ans.
05:04 Donc tabac, alcool, alimentation, absent d'exercice physique, pollution, sont des éléments importants
05:11 pour cette augmentation.
05:12 Mais professeur, vous savez, on le sait tous, il y a des jeunes qui ont le cancer et des
05:17 formes de cancer extrêmement graves, il y a même des enfants, on vit ça comme une
05:21 forme d'injustice totale, on ne peut pas faire uniquement ce lien de causalité, justement
05:26 c'est le côté loterie de cette maladie qui la rend irrationnelle et dangereuse.
05:32 Alors la loterie, c'est une très bonne expression, mais c'est juste quelque chose que l'on
05:39 ne comprend pas en fait sur le plan biologique, que nous allons comprendre je pense, parce
05:42 qu'effectivement les cancers des personnes jeunes, des enfants, ne résultent pas des
05:47 mêmes mécanismes que les cancers des sujets âgés.
05:49 Mais la compréhension de pourquoi ici et maintenant, pourquoi moi, pourquoi mon enfant,
05:56 c'est quelque chose qu'on est en train de décrypter actuellement.
05:58 Dr Suzette de Laloge, il y a un progrès sur la prévention, vous faites partie d'un
06:04 programme de prévention personnalisée, ça veut dire quoi ? C'est un progrès aujourd'hui
06:08 de la science ?
06:09 Absolument, comme l'a dit Jean-Yves, on a vraiment fait des grands progrès sur la
06:14 compréhension de pourquoi un cancer devient un cancer.
06:16 Presque la psychologie de la cellule cancéreuse en fait !
06:18 En fait, en le faisant très rapidement, on pensait naïvement qu'il fallait un certain
06:23 nombre d'événements au niveau de l'ADN dans les cellules qui, petit à petit, créaient
06:27 des mutations successives et donc il fallait des carcinogènes qui mutaient.
06:30 Et on a compris en fait que nos cellules normales avaient déjà des mutations dès la petite
06:36 enfance et que la plupart de ces cellules normales, même mutées, même avec des anomalies
06:40 de l'ADN qui pourraient faire un cancer, ne vont jamais faire de cancer, mais que sous
06:44 l'effet de changement de l'inflammation, de l'immunité, à cause de ce qu'on disait,
06:49 des expositions diverses et variées, un cancer peut survenir.
06:52 A partir de ça, on est aujourd'hui capable de construire de nouvelles interventions de
06:57 prévention.
06:58 Donc la prévention, il y a deux choses.
06:59 Il y a un, c'est ce qui s'adresse à la population générale.
07:01 Il ne faut pas fumer, il ne faut pas boire trop d'alcool, il faut bien manger, il faut
07:07 faire de l'exercice, etc.
07:08 Mais encore une fois, parfois, ça ne suffit pas.
07:10 Un, ça ne suffit pas.
07:11 Deux, on ne peut pas vivre ailleurs que le monde dans lequel on vit.
07:15 Nous sommes en 2024, nous sommes assis, vous êtes assis toute la journée.
07:19 On ne peut pas faire autrement.
07:20 Nos modes de vie, nous les subissons en partie.
07:22 Donc il faut absolument lutter contre ça.
07:25 Notre point de vue actuel, c'est qu'il faut, à un temps donné, chez une personne
07:29 donnée, construire quelque chose en plus.
07:31 C'est-à-dire une prévention un peu plus personnalisée.
07:34 Donc il y a le dépistage, la prévention normale, mais en personnalisant, ça veut
07:37 dire que chez moi, chez vous, à un temps donné, on va être capable d'identifier
07:41 le risque de développer un cancer dans les années qui viennent et faire en sorte que
07:44 chez vous, on évite le cancer ou on évite le cancer grave.
07:48 Plus de dépistage, plus de prévention.
07:50 Voilà l'idée.
07:51 - Professeur Jean-Yves Blais, quand on parle dépistage, prévention, on parle aussi intelligence
07:55 artificielle aujourd'hui ?
07:56 - Oui, on est capable effectivement, avec les outils qui sont à notre disposition,
07:59 de repérer sur des images radiologiques de manière très fine la nature potentiellement
08:05 maligne d'une tumeur.
08:07 Et également, sur les examens, ce qu'on appelle anatomopathologiques, c'est-à-dire
08:12 l'examen microscopique de la tumeur, on est capable de repérer, grâce à l'intelligence
08:16 artificielle, certaines formes particulières de cancer, voire même faire un diagnostic
08:20 de cancer.
08:21 - Que l'œil humain ne voyait pas jusqu'ici ?
08:23 - Que l'œil humain voyait, mais moins bien.
08:25 C'est vraiment une aide, un peu comme le scanner a aidé à la radiologie conventionnelle,
08:30 et c'est quelque chose qui va pénétrer le système de santé et notre organisation
08:34 de prise en charge de manière très profonde dans les années à venir, c'est certain.
08:36 - Alors on va faire le tour de ces innovations justement, mais le cancer c'est un fléau
08:40 qui est aussi vieux que la vie humaine ou qu'Homo sapiens.
08:43 Question naïve, on a vu la science et la recherche avancer à une vitesse absolument
08:47 fulgurante pour faire face à la pandémie de Covid, trouver des vaccins.
08:51 Qu'est-ce qui se passe avec le cancer ? Qu'est-ce qui résiste ? Et est-ce qu'on a l'espoir,
08:56 l'espoir raisonné de trouver un jour un vaccin ? Et à quel horizon ?
09:00 - C'est une excellente question, merci qu'elle soit pour moi !
09:04 - Je la pose à tous les deux !
09:06 - En fait, le cancer est une maladie, comme l'humanité, infiniment plus complexe et
09:11 qui résulte d'une très longue évolution, et qui est en partie dû au fait que nous
09:16 vivons bien plus longtemps, que notre espérance de vie a augmenté en 200 ans de façon majeure,
09:22 ce qui fait que notre ADN, notre constitution n'est pas faite pour vivre aussi longtemps,
09:28 contrairement aux éléphants qui ne font pas de cancer par exemple.
09:31 Donc ça c'est vrai pour une personne, mais c'est vrai aussi pour ses descendants, puisque
09:36 un certain nombre de choses se transmettent dans l'ADN ou dans les pieds génétiques,
09:40 etc.
09:41 Et donc par rapport à un virus simple, qui est un organisme avec quelques gènes, on
09:47 est infiniment plus complexe.
09:48 - Le SARS-CoV-2 par exemple !
09:49 - Voilà, et il y a plein de cancers, mais malgré tout, et d'ailleurs le SARS-CoV-2
09:54 nous a énormément aidés, malgré tout il est possible aujourd'hui d'envisager à
09:58 un horizon de 10 à 20 ans un certain nombre de vaccins qui pourraient empêcher la survenue
10:04 de cancer.
10:05 - 20 ans !
10:06 - Pas des vaccins qui s'adressent à des agents infectieux, ça on sait le faire ! Il faut
10:10 se vacciner contre le papilloma, on va éviter le cancer lié au papilloma qui est en grande
10:14 augmentation.
10:15 - C'est pas fait d'ailleurs aujourd'hui, il y a une grande campagne et les jeunes ne
10:19 se font pas vacciner.
10:20 - Oui c'est dramatique, on nous demande des vaccins, mais en même temps les gens ne font
10:22 pas les vaccins qui sauvent énormément de vies, c'est incroyable, c'est un aparté.
10:26 Mais là on parle de vaccins qui pourraient permettre d'empêcher des cellules de devenir
10:30 cancéreuses, oui ça existe.
10:31 Ça va commencer par des situations génétiques particulières mais ça pourra s'étendre
10:35 à beaucoup de personnes ensuite.
10:37 - Professeur, on parle de cancer, en fait il faudrait mettre un S à la fin, c'est au
10:41 pluriel qu'il faudrait parler de "des" cancers, il en existe des dizaines et ce ne sont pas
10:46 les mêmes selon qu'on est âgé ou qu'on est jeune, selon qu'on est un homme ou selon
10:50 qu'on est une femme.
10:51 Est-ce qu'à chaque fois il faut imaginer un traitement différent pour chacune de ces
10:56 formes de cancer ou est-ce que c'est un terme générique et un combat qu'on pourra mener
11:02 contre un ennemi public numéro un, comme le disait la notaire ?
11:07 - Vous avez tout à fait raison, c'est "des" cancers.
11:09 C'est d'ailleurs un des enjeux de la médecine dite de précision, que l'on voit se développer
11:13 au cours des années qui viennent de s'écouler, c'est que là où on pensait cancer du poumon
11:17 au singulier, on a des dizaines de maladies différentes, probablement avec un comportement
11:22 et une histoire naturelles différentes, qui réclament probablement des traitements différents
11:26 et on est à cette phase de décryptage de la complexité des maladies pour tous les
11:32 cancers.
11:33 Donc cancer au pluriel, traitement adapté, ça c'est certain.
11:35 - Le docteur Delaloge en parlait du vaccin qui est une des avancées en cours, une des
11:39 promesses aujourd'hui de la lutte contre le cancer.
11:42 Quand on parle lutte contre le cancer, en tout cas traitement, on parle aussi immunothérapie.
11:47 Qu'est-ce que c'est l'immunothérapie ?
11:48 - L'immunothérapie c'est quelque chose sur lequel nos immunologistes travaillent depuis
11:52 les années 70 et qui a émergé dans les 15 dernières années de façon majeure.
11:57 Un certain nombre de cancers sont assez dépendants de l'immunité de l'hôte et se développent
12:03 parce qu'ils ont des loups.
12:05 - L'hôte c'est la personne ! C'est la personne qui est malade.
12:10 - Absolument, oui, je suis désolée pour ce terme.
12:13 - Non, non, mais ce qui est extraordinaire c'est que vous en parlez avec le sourire,
12:17 le sourire de la combattante, le sourire de la joie de celle qui part au combat avec l'espoir
12:22 de vaincre.
12:23 - Oui, bon, je dois prendre des drogues probablement pour être comme ça.
12:26 - Mais qui sommes-nous pour juger ?
12:28 - Non, je suis droguée à l'optimisme.
12:30 En tout cas, un certain nombre de cancers s'écrètent des substances qui font que l'immunité
12:35 de la personne qui a ce cancer est dégradée.
12:39 En fait, l'immunothérapie recharge les batteries, permet aux cellules immunitaires de l'hôte
12:45 de reconnaître le cancer et d'aller détruire le cancer.
12:47 Et ça marche sur pas mal de cancers, ça a été révolutionnaire dans la prise en charge
12:51 de certains cancers, mélanomes, cancers du rein, du poumon, etc.
12:54 Aujourd'hui, on arrive à peu près à la fin de la première génération d'immunothérapie,
12:59 il y a d'autres générations qui arrivent.
13:01 Et l'association de ces immunothérapies à d'autres traitements est aussi assez remarquable.
13:05 On a encore un champ énorme d'immunothérapies à développer.
13:08 - Une question toute simple, est-ce que vous pouvez nous confirmer que le taux de guérison
13:11 progresse, professeur ?
13:13 Pour la plupart des cancers, on parle de guérison quand aucun signe de rechute n'a été perçu
13:20 après 5 ans, 5 ans après le traitement ?
13:22 - C'est une réponse qui est plus complexe que cela, mais effectivement, le nombre de
13:28 guéris augmente, la proportion augmente, ça varie selon les cancers, évidemment.
13:33 Et le chiffre de 5 ans est un chiffre probablement en partie inexact.
13:36 C'est vrai pour certains cancers, c'est vrai même plus tôt pour certains cancers, c'est
13:40 plus tard pour d'autres.
13:41 - Bonjour Guilhemette et merci d'être avec nous dans le grand entretien de France Inter.
13:46 - Oui, bonjour.
13:48 - Vous avez une question pour nos invités ou un témoignage en tout cas, puisque vous
13:52 êtes à la tête d'une association.
13:53 - Oui, tout à fait, c'était plutôt un témoignage.
13:56 Je dirige une association qui s'appelle Sentinelle et dont la vocation c'est de faciliter la
13:59 collaboration entre les chercheurs et les citoyens.
14:02 Et ceux à qui je voulais m'adresser aujourd'hui, c'est à ceux qui nous écoutent, pour leur
14:08 dire que la recherche c'est aussi notre affaire à tous, ce n'est pas que l'affaire des chercheurs.
14:12 Parce que les chercheurs, ils ont besoin de nous.
14:15 Pour avancer mieux, pour avancer plus vite, ils ont besoin qu'on participe activement.
14:20 Et on pense souvent aux essais thérapeutiques, aux essais pour des nouveaux traitements qui
14:25 sont hyper importants.
14:26 Mais il y a tout un autre pan de recherche qui sont des recherches sur les effets secondaires
14:33 des traitements, sur la qualité de vie dans l'après-cancer, sur l'impact de la maladie
14:38 sur la famille.
14:39 Et ils ont besoin qu'on participe, qu'on ait été malade ou qu'on n'ait pas été
14:43 malade.
14:44 Et ce sont des participations généralement assez simples.
14:47 On vous demande de rencontrer un chercheur, de répondre à un questionnaire.
14:49 Donc s'il vous plaît, amis auditeurs, participez.
14:52 Partagez vos datas.
14:54 Exactement.
14:55 Et vous, les journalistes, je voudrais vous interpeller en vous disant que la recherche
15:01 biomédicale c'est très important parce que ça sauve la vie des malades.
15:04 Mais il y a tout un autre pan de recherche qu'on ne met pas assez en avant, qui est
15:08 la recherche sur la qualité de vie, qui accompagne les patients pendant et après les traitements
15:13 et aussi tout leur entourage et qui est extrêmement importante au quotidien.
15:17 Merci infiniment Guilhemette pour votre témoignage.
15:20 Une question, est-ce que lutter contre le cancer, ce n'est pas aussi lutter contre
15:25 la dégradation physique, contre la douleur, est-ce que ça ne fait pas partie également
15:28 du traitement ?
15:29 C'est certain que la prise en charge des effets secondaires de la maladie est un élément
15:37 crucial pour non seulement la qualité de la prise en charge mais également l'efficacité
15:43 de la prise en charge.
15:44 Et on a montré de manière très récurrente dans de nombreuses études qu'une prise
15:48 en charge précoce des soins de support améliore de manière très significative l'efficacité
15:54 des traitements et bien entendu la qualité de vie des patients.
15:56 Donc ça, ça devrait être quelque chose de plus largement diffusé et on est en train
16:00 de le faire dans Unicancer et dans de nombreuses structures hospitalières qui ont intégré
16:05 très tôt la prise en charge des soins de support pour la prise en charge des patients.
16:08 Est-ce qu'aujourd'hui les hôpitaux sont suffisamment armés justement, Dr Suzette
16:13 de La Loge, pour accueillir tous ceux qui sont malades d'un cancer ? Je pense par exemple
16:19 au cancer des enfants par exemple, à la question pédiatrique, mais il y a de nombreux services
16:25 qui sont saturés.
16:26 Vous travaillez à l'Institut Gustave Roussy et c'est l'un des rares espaces où on
16:31 peut pratiquer certaines formes de médication ou de lutte contre la maladie.
16:37 La France est sous-équipée ? Aujourd'hui on est encore bien armé, puisque
16:42 je garde mes métaphores guerrières, mais ça se dégrade à une vitesse assez rapide.
16:47 Je ne veux pas envoyer des messages négatifs mais on manque beaucoup d'infirmières,
16:52 on manque beaucoup de soignants, on manque d'un certain nombre de professionnels.
16:56 On sait des projections de l'Union Européenne en particulier, qu'en fait il va falloir
17:00 doubler le nombre de personnes qui travaillent dans la santé en général, pas que pour
17:07 le cancer, mais c'est clair.
17:08 Donc là il faut absolument qu'on ait une réaction.
17:12 Aujourd'hui on est encore armé, en particulier pour le cancer.
17:15 Il y a eu beaucoup de moyens, il y a eu les plans cancer en France, mais je pense qu'il
17:19 faut absolument réagir, ce que le futur nous préoccupe pas mal.
17:22 Et plus les pénuries de médicaments, etc.
17:25 Professeur Blais, je continue mon tour d'horizon des différentes avancées.
17:30 On a parlé du vaccin, on a parlé de l'immunothérapie.
17:34 Autre chose, expliquez-nous simplement pour les B.O.
17:38 ciens que nous sommes, autre gros progrès récent, les thérapies ciblées, qu'est-ce
17:41 que c'est ? Les thérapies ciblées c'est en fait très
17:42 simple.
17:43 Maintenant qu'on comprend la biologie de la cellule cancéreuse, qu'est-ce qui est
17:47 muté ?
17:48 C'est le démarrage de la cellule cancéreuse.
17:49 Il s'agit au lieu de mettre dessus du desktop qui va la détruire, de bloquer la clé.
17:56 La chimiothérapie ?
17:57 La chimiothérapie.
17:58 C'est d'enlever la clé ou de bloquer la clé.
17:59 Et de cette manière-là, on comprend assez vite qu'on a une efficacité qui est spécifique
18:03 de la cellule cancéreuse, jamais complètement spécifique.
18:05 Parce que pendant très longtemps, on a pensé qu'il fallait tuer la tumeur pour guérir
18:08 du cancer ? Oui, parce que les cellules cancéreuses
18:10 sont paradoxalement un peu plus fragiles que les cellules normales, qui réparent mieux.
18:13 Mais maintenant, en comprenant mieux la biologie des cancers, on sait bloquer les clés.
18:19 En fait, il n'y a pas qu'une seule clé.
18:20 C'est une vision qui serait malheureusement idéale, mais qui n'est pas le cas.
18:24 On sait bloquer quelques clés de la cellule cancéreuse qui fait qu'elle s'arrête
18:27 ou qu'elle meurt parce qu'elle ne peut pas supporter de vivre sans ses démarreurs.
18:29 Et ça évite donc beaucoup d'effets secondaires.
18:31 On a un témoignage de Christian sur l'application qui dit que certains médicaments font plus
18:34 de dégâts qu'ils n'aident.
18:35 Alors, la chimiothérapie cytotoxique a des effets secondaires importants.
18:41 Les thérapeutiques ciblées peuvent en avoir.
18:42 La myothérapie peut avoir également des effets secondaires.
18:44 On ne maîtrise pas tout.
18:45 La radiothérapie également ?
18:46 Je pense que toutes les thérapeutiques qui sont actives vont par définition avoir des
18:50 effets secondaires sur les cellules normales.
18:52 La question c'est l'équilibre, le poids des effets secondaires par rapport aux bénéfices.
18:55 Et de ce point de vue-là, indiscutablement, les dernières années, on a progressé en
18:58 termes d'efficacité et en termes de réduction d'effets secondaires.
19:01 Bonjour Eric, vous nous appelez de Lyon, de Lyon justement où le professeur exerce.
19:07 Oui, bonjour.
19:08 Et vous avez une question qui est très importante justement sur le développement des nouvelles
19:14 thérapies contre le cancer.
19:16 Effectivement, mes deux parents sont décédés d'un cancer et je voulais savoir si j'ai
19:21 plus de chance ou de malchance d'avoir un cancer.
19:23 Réponse ?
19:24 Eric, en fait…
19:25 Il y a le facteur génétique.
19:28 Il peut y avoir des facteurs génétiques mais en fait, ce n'est pas additif entre les
19:31 deux branches familiales.
19:33 Ça dépend de l'âge et du type de cancer.
19:35 Je pense qu'il faut en parler à votre médecin pour qu'il vous dise précisément.
19:38 Effectivement, il y a entre 5 et 10% des cancers qui sont vraiment héréditaires.
19:43 C'est une petite quantité et c'est surtout pour les cancers les plus fréquents, le sein,
19:47 le côlon, etc.
19:48 Pas le poumon par exemple qui est beaucoup lié au tabac bien évidemment.
19:50 Mais ça vaut le coup d'en parler à votre médecin, de voir si chez vous, il pourrait
19:55 y avoir un sur-risque éventuellement de voir un généticien si besoin.
19:58 La question de la recherche en génétique, elle est cruciale également professeur, dans
20:03 la lutte contre le cancer et dans la nouvelle manière de lutter contre cette maladie ou
20:08 ces maladies.
20:09 Le prix Nobel qui a découvert les oncogènes, sa première phrase du discours du prix Nobel
20:13 c'était "le cancer est une maladie des gènes de la cellule tumorale".
20:16 Donc des gènes de la cellule tumorale.
20:19 Les gènes de la cellule tumorale sont mutés, activés, abîmés.
20:22 Et effectivement, analysé sur l'ensemble de la cellule tumorale, les gènes qui sont
20:27 mutés, il y en a des centaines, parfois des milliers, parfois des centaines de milliers
20:30 qui sont mutés.
20:31 C'est une manière de comprendre et donc de traiter efficacement.
20:36 Une question sur l'application France Inter qui vous est posée par Alexandre.
20:40 Les cancers explosent, mais pourquoi ? Nous n'avons probablement pas toutes les réponses
20:46 mais nous savons scientifiquement que les pesticides en sont l'une des causes.
20:49 Dans le même temps, j'entends dans votre journal, c'était évidemment dans le journal
20:53 d'Inter, que l'on assouplit les règles sur les pesticides sous la pression du monde
20:57 agricole.
20:58 Il y a une question sur la tête et il parle évidemment de cette décision prise par le
21:04 gouvernement de suspendre ce plan éco-phytose.
21:08 Oui, évidemment, c'est une bonne question et notre vie est faite de contradictions.
21:12 Donc il faut se situer toujours à un niveau macro-économique et macro-santé.
21:19 Il y a un certain nombre de choses qu'on a faites, de choses qu'on a développées
21:23 pour vivre plus longtemps et qui nous ont permis aujourd'hui d'avoir des espérances
21:26 de vie plus longues qui sont délétères.
21:29 Le développement de la nourriture ultra-transformée, ça permet à une grande partie de la population
21:33 mondiale de vivre plus longtemps, ça augmente le risque de cancer, de maladies métaboliques,
21:37 etc.
21:38 Et les pesticides, c'est exactement la même chose.
21:40 Donc à nous de trouver un équilibre ensemble dans les prochaines années, c'est la même
21:44 question que l'écologie.
21:45 L'écologie et la santé se rejoignent totalement dans de nombreux domaines.
21:49 Je pense qu'une vision globale écologie-santé pour le futur est absolument utile.
21:54 Je pense qu'à titre d'individu, on peut faire un certain nombre de choses, mais malheureusement,
21:58 on est plus dans des décisions de l'Union européenne, de nos gouvernements.
22:01 Professeure Blais, pour revenir au progrès dont on a parlé tout au long de cette interview,
22:07 on en parle, on va avoir des meilleures chances de survie, ce sont des espoirs.
22:11 Est-ce que ça sera accessible à tout le monde ? On va être remboursé, ça va être prescrit,
22:15 comment ça va se passer ?
22:16 C'est une importante question parce qu'effectivement, cette recherche a un coût, les médicaments
22:21 ont un coût.
22:22 Actuellement, les sociétés occidentales sont en train de s'armer pour voir s'il
22:29 est possible de délivrer tout ce nouveau traitement à tous les patients de manière
22:34 équitable.
22:35 Globalement, on peut dire qu'on est en France et en Europe occidentale plutôt bien dotés,
22:40 mais il y a des questions qui se posent.
22:42 Effectivement, c'est un des enjeux des années à venir d'avoir une médecine du cancer
22:45 équitable pour tous.
22:46 Et d'ailleurs, il y a la question des brevets.
22:48 On apprenait ces derniers jours que la France était troisième sur le podium européen
22:53 concernant les brevets pour lutter contre le cancer.
22:56 Troisième en même temps, très loin derrière l'Allemagne.
22:58 Et la moitié de ces brevets sont faits par les Américains.
23:03 Donc c'est vrai que la France est dans une position assez paradoxale.
23:06 Votre optimisme, il tient toujours docteur ?
23:09 Moi je suis très européenne et française aussi.
23:13 Je pense qu'en fait, on est en Europe, on est dans le monde.
23:16 C'est très important que la France soit compétitive.
23:19 Je suis absolument persuadée de ça.
23:20 Mais je pense que la recherche aujourd'hui, elle n'est pas dans un pays.
23:23 Elle est à l'échelle européenne, à l'échelle mondiale.
23:26 Notre espoir n'est pas que de la France.
23:28 Et je pense qu'il y a d'autres aspects.
23:30 Il n'y a pas que les médicaments.
23:31 Il y a des aspects de médecine digitale.
23:33 Il y a des aspects de médecine sociale sur lesquels on est très bon ou on peut être
23:37 très bon.
23:38 Il y a des aspects d'intelligence artificielle.
23:40 Les brevets à venir, ça va être des biomarquants de la biologie, des clés.
23:44 Et ça va être de l'intelligence artificielle aussi.
23:47 D'un mot, ce sera le mot de la fin, professeur.
23:49 C'est très important ce que dit Suzette.
23:50 Au-delà des progrès technologiques, on a également des progrès organisationnels
23:54 qui nous ont montré qu'on était capable d'améliorer la qualité du traitement et
23:59 le taux de guérison, simplement en s'organisant mieux et en coordonnant les prises en charge.
24:03 C'est très important.
24:04 Nous avons de très nombreux appels et messages d'auditeurs qui remercient le personnel soignant,
24:11 des personnes à qui on a détecté un cancer et qui disent qu'il faut absolument les
24:17 valoriser et qu'ils les remercient.
24:19 Et moi, je vous remercie en tout cas d'être venue ici sur France Inter pour lancer cette
24:26 grande journée consacrée à la science face au cancer.
24:30 Le mot de cancer, bientôt il sera plus synonyme de mort, docteur ?
24:34 Il est déjà plus synonyme de mort.
24:37 Il est déjà plus synonyme de mort ?
24:38 Il est plus synonyme de mort.
24:39 Bon alors on recrabe quand même !
24:41 Et en tout cas, je vous rappelle, chers auditeurs, que vous pouvez aller jeter un oeil sur le
24:47 site d'Inter pour voir l'ensemble des programmes consacrés à cette thématique
24:53 de la science face au cancer, notamment à l'intelligence artificielle dans le 13-14,
24:58 dans la Terre au carré et à 19h20 dans le téléphone sonne.
25:04 Ce sera également important pour vous entendre, chers auditeurs.
25:08 Merci infiniment à tous les deux d'avoir été nos invités.

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