"Si tu ne manges pas d’andouille, je suis désolé mais je ne te marie pas." Benoît Rivalan est le fondateur de la Maison de l’andouille. Pour neo, il dévoile les secrets de fabrication de l’andouille de Guémené.
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00:00 Là, on a l'impression que ça ressemble à un joli brochet sorti du Scorfe.
00:04 Le secret d'une bonne andouille de Guemnay, comme d'une bonne andouille de Vire,
00:07 il est là en fait, il est dans le feu.
00:09 Le savoir-faire, si on le veut, vient surtout de l'équilibre
00:13 entre le salage, le fumage et la cuisson.
00:16 Les andouilles sont différentes, les mangeurs d'andouilles sont aussi différents,
00:20 donc normalement, on devrait en trouver pour tous les goûts.
00:23 Je compare ça à du chocolat.
00:25 Ça sert à rien, entre guillemets, mais qu'est-ce que ça fait du bien quand même.
00:28 Ça vous dit d'apprendre à faire l'andouille de Guemnay, bien sûr.
00:32 Alors le secret, c'est les gros intestins du cochon et beaucoup de patience.
00:38 Allez, suivez-moi.
00:39 De recettes miracles pour l'andouille, il n'y en a pas.
00:41 Les ingrédients sont ultra simples.
00:43 Donc la base, c'est les gros intestins du cochon, qu'on appelle les chaudins,
00:47 du sel de guérande, du bois pour le fumage et de l'eau pour la cuisson.
00:52 Donc les outils de la ficelle de lin.
00:57 L'aiguille qui est là, moi qui étais élevé dans une ferme, on faisait des pommes de terre.
01:00 C'est les mêmes aiguilles qui servaient à coudre les sacs de jute pour les fermer.
01:04 Là, j'ai les gros intestins de trois cochons.
01:07 Comme l'andouille de Guemnay, c'est des couches les unes sur les autres,
01:10 il va falloir les enfiler les uns sur les autres.
01:12 Donc on va les trier en fonction de leur diamètre
01:14 pour être sûr de pouvoir les enfiler les uns après les autres.
01:17 Donc il y aura 18 couches.
01:19 Alors maintenant, voilà ce qui fait la spécificité de l'andouille de Guemnay.
01:23 Donc on passe l'aiguille à l'intérieur,
01:25 ce qui permet de faire coulisser le long de la ficelle et donc sur le cœur.
01:29 Donc on vient piquer une fois, deux fois et trois fois.
01:34 Donc je vais pousser le truc jusqu'au bout.
01:37 Donc voilà ce que ça fait, ça va dessus.
01:39 Pour faire ça régulièrement toute la journée,
01:41 il faut quasiment entre six mois et un an selon les personnes.
01:45 Ça ressemble à l'enfilage d'une chaussette sur un pied.
01:49 Et donc pour être sûr de ne pas avoir froid,
01:51 on l'a reprise au bout pour pouvoir la fermer.
01:54 Donc on va enfiler et dégraisser au fur et à mesure.
01:59 Cette méthode-là qui consiste à enfiler les chauduns les uns sur les autres,
02:03 on en parle déjà en 1776 dans un almanac,
02:08 en parlant de l'andouille de Guemnay comme une des merveilles du royaume de France.
02:13 Alors qu'est-ce qui m'a amené à l'andouille ?
02:15 En 1988, je rencontre une jeune fille charmante qui s'appelle Françoise
02:19 et dont le papa est charcutier.
02:21 Et ce charcutier-là fabrique aussi de l'andouille.
02:23 Alors moi, je n'aime pas l'andouille normalement au départ,
02:25 donc je n'en goûte pas.
02:26 Et là, on se décide de se marier.
02:28 Et le prêtre de l'époque à Guemnay, qui s'appelait Manu, me dit
02:33 "Benoît, est-ce que tu aimes l'andouille chaude purée ?"
02:35 Ben, je lui dis "non, je ne mange pas d'andouille".
02:38 Et là, il me dit "Benoît, si tu ne manges pas d'andouille,
02:40 je suis désolé mais je ne te marie pas".
02:42 Donc du coup, j'accepte d'y goûter.
02:45 Je m'aperçois que ça me convient, que c'est bon.
02:48 Donc là, on s'est mariés en 1990.
02:51 Il m'a fallu un an, donc après c'est un concours de circonstances
02:54 pour faire ma première andouille.
02:56 Et donc après, c'est encore un concours de circonstances.
03:00 Mars 1992, je suis chez mes beaux-parents.
03:05 Il y a une employée qui tombe malade, donc je la remplace.
03:08 Et le jeudi qui suit, il y a une équipe de Jean-Pierre Coiffe
03:11 qui vient tourner chez mes beaux-parents,
03:13 dès le passage de l'émission, pendant 18 mois.
03:15 Il y a 50% de demandes d'en plus.
03:18 Donc du coup, ce cher Benoît se joint à Thérèse et Germaine
03:21 pour assurer la fabrication d'andouilles,
03:23 pour répondre à la demande.
03:25 Et donc, je n'ai jamais arrêté depuis.
03:27 Donc ça, c'est ma signature.
03:29 Donc chaque personne qui travaille ici a une façon de faire les nœuds.
03:32 Voilà, donc là maintenant, on va la mettre à fumer.
03:35 On a l'andouille qui va fumer, donc entre 12 et 48 heures.
03:38 On va voir le résultat tout de suite après.
03:40 Donc 4-5 jours après, ça va ressembler à ça.
03:43 Ça, c'est 2 à 3 semaines de séchage.
03:45 Elle est prête à être cuite pour faire la normale.
03:47 Sur le plafond, il y a des andouilles de plusieurs mois
03:49 qui elles vont sécher 9 mois pour donner la tressage.
03:52 Je suis persuadé que l'andouille n'a pas été créée à Gemnays-sur-Scorfe.
03:56 Je pense que l'andouille a été créée dans une ferme,
03:59 dans les 30-40 km à la ronde,
04:01 par quelqu'un qui en avait marre de voir ses andouilles éclater,
04:04 qui avait sûrement dû regarder un morceau de bois
04:06 et remarquer les différentes couches qui se superposaient.
04:09 Et donc, qui s'est dit, moi je vais faire une andouille couche sur couche
04:13 pour qu'elle évite d'éclater à la cuisson.
04:16 Les andouilles faites de cette manière-là, à mon avis,
04:18 un jour on la trouvait sur le marché de Gemnays.
04:20 Le but du fumage n'était pas d'apporter du goût.
04:23 Le but du fumage, c'était d'être capable de la garder très longtemps.
04:26 La cheminée, c'était le garde-manger.
04:28 L'enceinte de fumage, cette pièce-là,
04:39 on va dire que c'est quasiment la partie essentielle du magasin.
04:44 Si on réussit ici, on réussit l'andouille.
04:47 Il y a des différences de couleurs entre le haut et le bas,
04:49 parce que forcément, la température n'est pas homogène.
04:52 Si vous aimez une andouille bien fumée et que vous voulez prendre une demi,
04:55 c'est dans la demi côté ficelle que vous trouverez le plus le côté fumée.
04:58 Et inversement, si la fumée vous aimez bien mais pas trop,
05:02 dans les parties basses d'andouille, on le voit, sont plus claires,
05:05 donc ça permet d'avoir quelque chose d'un peu moins typé.
05:07 Donc là, on arrive à la dernière étape, donc c'est la cuisson.
05:10 Sorties d'ici, les andouilles sont bonnes à la dégustation.
05:12 On pourrait même imaginer les manger chaudes tout de suite avec des pommes de terre.
05:16 Donc pour vérifier que l'andouille est cuite, on pique avec une fourchette.
05:20 En fait, il faut que ça rentre comme dans du beurre.
05:23 Ça me paraît plutôt bien.
05:25 Voilà les beaux petits bébés. C'est comme des enfants.
05:28 On les fait d'une manière similaire, on n'obtient jamais la même chose.
05:31 Et surtout, si vous tournez la tête cinq minutes, il y a une boulette.
05:35 On est dans le vivant, donc dans le vivant, la matière première n'est jamais la même,
05:38 le feu n'est jamais le même, le climat n'est jamais le même.
05:41 Donc il faut qu'on s'adapte en permanence.
05:43 Ça, c'est une étape pour nous qui est très, très importante.
05:46 On ne cherche pas à récupérer le gras, on cherche surtout à l'enlever pour que ça ne se retrouve pas dans l'andouille.
05:51 C'est quasi diététique parce que dans la charcuterie,
05:53 hormis le jambon, il n'y a rien de plus maigre que l'andouille.
05:57 Moi, pour juger si l'andouille est bien ou pas bien,
06:01 première chose, c'est la couleur.
06:04 En fait, quand on a une couleur, enfin crème qui tire vers un léger marron,
06:10 c'est qu'on est bien.
06:12 La deuxième chose, c'est qu'on peut le sentir au couteau.
06:16 Si elle est dure à couper, il y a des chances qu'elle ait manqué un peu de cuisson, ce qui n'est pas le cas.
06:20 Et puis un des critères importants aussi, c'est est-ce qu'il y a du gras dedans ?
06:24 Le gras, c'est simple, on le voit.
06:25 S'il y a du gras, c'est blanc.
06:26 Ça a commencé en 1931, c'était mes arrières-grands-parents,
06:34 Joseph et Julienne Kiddu, qui avaient un café charcuterie.
06:37 Ensuite, c'était mes grands-parents, Laurent et Yolande Kiddu,
06:41 qui avaient la célèbre charcuterie Placelotte, dont tout le monde se rappelle encore.
06:45 Et après ça, mon grand-père a tout appris à mon père.
06:49 Du coup, mon frère Thomas et moi, on a toujours travaillé ici avec nos parents.
06:53 J'étais logique, on venait toutes les vacances scolaires, les week-ends,
06:56 donner un coup de main à la boutique.
06:58 Moi, ça fait 11 ans que je suis là tous les jours maintenant, à plein temps.
07:01 Mon frère était là aussi depuis une dizaine d'années avec nous.
07:04 Là, il a monté son restaurant à Gemnay aussi, autour de l'andouille.
07:06 Et maintenant, il y a mes enfants aussi qui viennent régulièrement au magasin,
07:10 donner un petit coup de main aussi de temps en temps,
07:12 jouer à couper des petites tranches d'andouille.
07:15 Et donc, pour le moment, ce n'est pas prévu que ça s'arrête.
07:17 Et puis, il y a une espèce de devoir de conservation du produit,
07:20 de garder la tradition familiale.
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