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00:00 [Musique]
00:12 Vous avez appelé les victimes des viandes, pourquoi ce mot ?
00:15 Une viande c'est quelqu'un qui utilise une seule main ou deux doigts pour taper sur un clavier,
00:19 qui va mettre son prénom en guise de mot de passe, ou le nom de son chien, ou sa date d'anniversaire,
00:25 qui n'a qu'un seul mot de passe. Une viande c'est quelqu'un qui n'a pas de conscience numérique.
00:29 Une viande c'est quelqu'un qui par définition est destiné à se faire manger par des cybercriminels.
00:33 Tu ne peux pas aujourd'hui en fait accorder 10 heures de ta vie à un écran numérique
00:38 sans comprendre ce qui se passe, les enjeux, les risques, comment se protéger, tu n'as pas le droit.
00:43 [Musique]
00:48 Ce qui se passe avec les cybercriminels, c'est qu'ils ne voient pas la souffrance qu'ils causent.
00:53 Ils ont toutes les informations, tous les détails scabreux, et à présent on n'a aucun contrôle
01:01 sur qui détient ces informations et sur ce qu'ils vont faire de ces informations.
01:05 C'est comme de la dynamite.
01:08 Si l'ordinateur qui contrôle l'oxygène ne fonctionne pas, l'hôpital paiera la rançon.
01:14 Pourquoi ? Parce que des gens sont sur le point de mourir.
01:17 [Musique]
01:19 Ils sont craignants en guise de mot de passe, quelqu'un qui n'a pas de conscience numérique,
01:23 destiné à se faire manger par des cybercriminels.
01:28 [Musique]
01:30 Pas de conscience numérique.
01:32 Manger.
01:34 [Musique]
01:39 Jamais les pirates informatiques n'auront été aussi puissants qu'aujourd'hui.
01:44 Ils profitent des failles de notre monde hyperconnecté pour s'y infiltrer.
01:48 Ils s'en prennent à notre argent, à nos documents, et vont jusqu'à voler nos données les plus intimes.
01:55 Toute la planète est frappée de plein fouet par cette nouvelle criminalité.
01:59 Particuliers, entreprises, hôpitaux, écoles, administrations, rien ne semble arrêter les pirates.
02:07 Alors, jusqu'où iront-ils ?
02:10 [Musique]
02:13 Des gens se sont aperçus qu'ils pouvaient gagner beaucoup plus d'argent en restant chez soi, sans prendre de risques.
02:18 Vous n'avez pas besoin de braquer une banque et de venir avec un pistolet, et puis voilà, le risque de vous faire tuer.
02:24 Dans la cybercriminalité, il n'y a quasiment rien qui peut vous arriver.
02:28 Vous êtes anonyme. Et puis finalement, de chez vous, vous pouvez pirater absolument n'importe quelle cible que vous choisissez.
02:35 [Musique]
02:37 6 000 milliards de dollars, c'est le montant astronomique dérobé dans le monde par les pirates, selon des experts américains.
02:44 En Suisse, cible riche, la cybercriminalité représente près de 40% des délits.
02:50 Et le phénomène explose. L'an dernier, les cyberattaques ont augmenté de 26% en Europe, et de 38% au niveau mondial.
03:00 [Musique]
03:02 Le maillon faible, le "avec un grand L", c'est l'être humain. Voilà.
03:07 Si on a beau inventer tous les systèmes de sécurité possibles et imaginables, ça n'empêchera pas qu'une personne à qui vous téléphonez,
03:14 vous demandez son utilisateur et son mot de passe, elle vous le donne.
03:17 Ça arrive.
03:19 [Bruit de voiture]
03:22 Tomber dans le piège tendu par des cybercriminels, c'est ce qui est arrivé à un couple de retraités vaudois.
03:28 Christian était cuisinier, Dominique s'occupait d'enfants.
03:33 Ils ont décidé de témoigner pour éviter à d'autres de se faire avoir.
03:39 Au mois de mai 2022, j'ai malheureusement perdu ma maman, qui est décédée subitement.
03:47 Nous avions des habitudes en commun, puisqu'elle habitait juste à côté de chez moi.
03:53 Et ne voyant pas le store ouvert, je me suis un peu inquiété, puis j'ai été voir chez elle directement,
04:01 puis c'est là que je l'ai trouvé décédée et allongée par terre.
04:05 [Musique]
04:08 Donc il a fallu faire les démarches, appeler le médecin, le service des pompes funèbres, venir lever le corps, etc.
04:14 Donc un chamboulement qui était assez important.
04:17 Et le vendredi, j'ai voulu aller sur Internet pour trouver des informations concernant des avis de décès.
04:28 [Musique]
04:31 En cliquant sur un site, j'ai eu un petit message où j'étais infété par un virus,
04:36 et j'avais un numéro de téléphone pour appeler, pour résoudre le problème.
04:41 J'ai appelé les 022, en confiance que c'est un numéro suisse.
04:46 La personne m'a répondu que j'avais été infecté par un virus, et que ça serait bien que je puisse être protégé.
04:54 Et il m'a proposé un antivirus qui s'appelait MacAfee.
04:58 [Musique]
05:00 Christian Delus donne toutes les coordonnées de sa carte de crédit pour payer l'antivirus.
05:06 L'escroquerie dont il sera victime, la police la connaît bien.
05:10 Elle est en augmentation en Suisse romande et porte un nom, l'arnaque aux faux supports informatiques.
05:16 Aujourd'hui, les numéros 022, enfin des numéros suisses, peuvent être utilisés avec des systèmes de téléphonie IP,
05:23 donc via Internet, et puis l'utilisateur de ce numéro peut se trouver à l'autre bout du monde.
05:30 C'est absolument légal, ces escrocs utilisent un numéro local qui correspond physiquement à leur victime,
05:38 pour le mettre en confiance.
05:40 J'ai accepté qu'ils prennent possession de mon PC.
05:44 Donc à ce moment-là, l'écran est apparu noir, et par téléphone, il m'a dit "voilà, on va commencer l'étude de votre PC,
05:54 ça va prendre un peu de temps, ça va suivre son cours".
05:59 Chaque fois il disait "vous inquiétez pas, vous inquiétez pas, c'est tout bon, on avance, petit à petit on avance,
06:04 on arrive à déchiffrer, à enlever tout ce qui est sale dans votre ordinateur, c'est tout bon, vous inquiétez pas".
06:13 Donc on sentait très bien, c'était un homme qui apaisait, mais après sur la durée, il n'apaisait plus.
06:22 Si l'écran de son ordinateur est plongé dans le noir, celui de son téléphone portable, lui, s'active.
06:30 Christian Delus reçoit 9 SMS à intervalles réguliers.
06:34 Il figure à chaque fois la somme de 999 francs.
06:38 Le retraité se souvient qu'à chaque message, son interlocuteur lui demande de confirmer la destruction d'un virus.
06:45 De 16h à 21h, il était donc au téléphone ?
06:52 Oui.
06:53 Ça vous a inspiré confiance ?
06:54 Pas du tout.
06:55 Mais j'avais beau lui causer à côté, il n'écoutait pas.
06:58 Donc il était vraiment, il croyait vraiment que la personne en face allait pouvoir...
07:04 Résoudre le problème.
07:05 Résoudre le problème de l'ordinateur.
07:07 Le lendemain, il appelle sa banque. Aucun retrait n'a été effectué.
07:14 Dans le doute, Christian Delus demande de bloquer toutes ses cartes bancaires.
07:19 Une semaine passe.
07:23 Et en allant examiner la situation, j'avais ma carte de crédit, Visa, qui avait été débitée de 10 000 francs.
07:31 Les 10 000 francs étaient versés sur un compte en Angleterre.
07:36 La banque des Delus affirme que tout a été fait correctement.
07:40 Au revoir, merci.
07:41 Entre culpabilité et révolte, le Vaudois porte plainte.
07:45 Alors vous avez des informations ?
07:47 On enquête sur le cas, effectivement.
07:50 Mais ça peut prendre encore quelques mois avant qu'on ait des résultats concrets.
07:55 Si 60 à 80% des victimes de criminalité traditionnelle portent plainte,
08:02 seulement 10 à 15% des gens escroqués par les cybercriminels contactent la police.
08:08 Honte, ignorance, beaucoup se disent "il n'y a rien à faire".
08:12 Pas sûr.
08:14 Porter plainte aide les enquêteurs.
08:18 On va détecter des séries, on va savoir que la plainte de M. X ou de Mme Y est en lien avec d'autres plaintes.
08:24 Et puis on va pouvoir travailler sur la série et pas individuellement sur des plaintes éparses.
08:29 On arrive à avoir des informations maintenant relativement précises sur qui peuvent être ces cybercriminels et où ils se trouvent.
08:36 C'est inhumain. Vous n'avez qu'à aller travailler 8h30 par jour,
08:44 au lieu d'être derrière l'ordinateur et de vous remplir les poches.
08:48 En étant conscients que vous faites du mal à des gens.
08:52 Et à des gens et à des familles entières.
08:55 On a été vraiment très très blessés.
08:59 Ça fait très très mal.
09:01 Je me définis encore comme hacker.
09:14 Vous avez fait beaucoup de victimes.
09:16 Non, je n'ai fait aucune victime.
09:18 Moi je ne cause aucun mal. Dans un premier temps, c'est important de le dire.
09:22 Je n'ai pas fait de victime.
09:24 C'est juste que si tu voulais 250 000 adresses e-mails brésiliennes, je pouvais te les vendre.
09:32 Je pouvais te les vendre à un bon prix. Et c'était frais.
09:34 Ah ben il y a des gens derrière.
09:36 Il y a des gens derrière effectivement.
09:39 Mais ce que je veux dire c'est que moi je ne sais pas ce qu'il va en faire la personne.
09:42 Prenons un exemple.
09:44 J'ai un client qui me demande d'acheter 250 000 adresses e-mails brésiliennes.
09:47 Et il décide d'envoyer à ces 250 000 personnes un spam.
09:50 Et si tu cliques sur le spam, ton ordinateur est infecté.
09:52 Et après ils volent ton argent.
09:54 Parce que moi je suis responsable de ça.
09:56 Je suis responsable de ça parce que j'ai donné la donnée à ce mec là.
09:59 Mais ce n'est pas moi qui ai fait le virus.
10:02 Ce n'est pas moi qui ai envoyé l'e-mail.
10:03 Ce n'est pas moi qui t'ai forcé à cliquer.
10:05 Ce n'est pas moi en fait qui ai fait en sorte que tu n'as pas la conscience numérique pour cliquer.
10:10 Si tu es une viande, si tu es véritablement destiné à cliquer, tu cliqueras frère.
10:14 Et je suis désolé, c'est violent de dire ça, mais c'est la vie quoi.
10:18 Ce Parisien de 28 ans vaut une admiration à Robin Desbois et est de confession juive.
10:26 D'où son pseudo "Rabbin Desbois".
10:28 Il parle aussi à la troisième personne.
10:31 La synagogue, c'est lui.
10:33 Et avance toujours masqué.
10:34 Signe particulier, esprit frondeur, ascendance cynique.
10:39 J'ai toujours aimé travailler.
10:40 Je pense que le travail c'est une valeur qui est très importante.
10:42 Je pense que sans travail on va nulle part et qu'il n'y a rien de pire que la fainéantise.
10:45 Mais le travail intelligent, c'est aussi ce qu'il y a de plus beau.
10:50 C'est à dire que mon père il s'est cassé le cul pour gagner des 15 euros de l'heure toute sa vie
10:57 pour être dans un bloc, pour avoir une retraite qui est misérable.
11:00 Tu crois que moi je vais suivre le même chemin que lui ?
11:03 Jamais de la vie.
11:04 Je vais tout faire justement pour gagner 100 fois plus avec beaucoup moins d'efforts et de souffrance.
11:10 J'ai perdu ma mère à l'âge de 13 ans.
11:18 J'ai pris une gifle de lucidité.
11:21 En gros c'est très compliqué de grandir normalement quand il t'arrive quelque chose comme ça.
11:25 Donc j'ai eu tendance, enfin j'ai pas eu de tendance en fait, j'ai passé ma vie derrière un écran.
11:31 J'ai trouvé sur l'ordinateur un véritable appel en fait.
11:35 Alors ça a commencé avec des petites arnaques à gauche à droite.
11:38 Mais j'ai très vite réalisé qu'en fait c'était le crime de demain
11:41 et que tu pouvais gagner beaucoup d'argent sans avoir énormément de compétences.
11:45 J'ai rencontré des personnes exceptionnelles au cours de cette carrière.
11:49 Des gens que tu rencontreras jamais de ta vie.
11:52 Tu n'entendras même jamais leur voix de ta vie.
11:54 Mais t'es avec eux 10 heures par jour en fait.
11:56 Et tu parles de tout, de rien.
11:58 Tu gagnes de l'argent avec ces personnes, tu disputes avec ces personnes.
12:01 Et tu vis en fait.
12:04 Ma jeunesse à moi personnellement c'était ça quoi.
12:07 Y'avait pas de soirées, de foot, de trucs, de machin.
12:10 J'ai passé ma jeunesse sur un ordinateur à me dire "ok, comment je sors de la merde ? Comment je gagne de l'argent ?"
12:14 La réponse, il l'a vite trouvée.
12:18 Plongée dans le darknet, lieu de tous les trafics.
12:22 Drogues, armes, logiciels piratés, pédopornographie, données et documents d'identité volés.
12:30 Tout se vend et tout s'achète dans l'anonymat le plus total, sans possibilité de localisation.
12:36 Se retrousser les manches pour explorer cette jungle virtuelle, c'est ce que nous avons fait.
12:45 Nous avons acheté un ordinateur utilisé pour le darknet uniquement.
12:51 Un spécialiste en cybersécurité nous a guidés et aidé à nous protéger.
12:55 Et puis go !
12:56 Pour frôler ce peuple des ténèbres, il faut fréquenter les forums de discussion ou de vente.
13:01 Moi je vendais uniquement.
13:04 J'ai vendu tout un tas de choses, même des choses que je vais garder dans ma tête.
13:08 Parce qu'on sait jamais, la DGSI regarde toujours et qu'on voudrait pas qu'une bricole arrive à la synagogue.
13:14 Des bricoles, il en est arrivé à la synagogue.
13:18 Après un piratage qui a mal tourné, la police vient le cueillir chez lui.
13:22 Il échappe à la prison mais il a eu chaud.
13:25 Il décide de tirer la prise.
13:28 Le darknet, c'est fini.
13:31 La dernière fois que je me connecte dessus, on est en 2017, après mon arrestation, quand je décide d'arrêter tout ce qui est crime.
13:37 J'ai un truc genre 2500 contacts dessus.
13:40 Moi je perds des amitiés avec des mecs que j'ai côtoyés pendant longtemps.
13:46 C'est dur, c'est très dur.
13:48 Mais c'est un choix que j'ai dû faire.
13:50 Désormais, il s'est donné une mission.
13:53 Alerter les gens sur les cyberdangers et développer leur conscience numérique.
13:58 Livres, conférences, interviews, il est sorti du bois et sa reconversion est médiatique.
14:05 Mais difficile de savoir si avec ses économies de hackers, il ne sera plus jamais sur la paille.
14:11 Vous êtes riche, Raven ?
14:12 Je suis riche dans le cœur, bien sûr.
14:13 La synagogue est riche du cœur, bien évidemment.
14:15 Très riche même.
14:16 Et puis du porte-monnaie ?
14:17 Du porte-monnaie ?
14:18 Ça dépend.
14:20 Ça dépend des jours.
14:22 Ça dépend du cours du bitcoin, je vous dirais même.
14:24 Combien de bitcoin ?
14:25 Oh, ça c'est des questions qui ne se posent pas, ça.
14:27 Parce qu'après il y a Bercy, donc Trakfa, le fisc, qui regarde.
14:31 Et après, la police retourne chez le jeune rabbin et la synagogue se refait manonter, en fait.
14:36 C'est un secret.
14:38 C'est pas un secret.
14:39 Il faut avoir ma déclaration 2042, madame.
14:41 Ma déclaration fiscale pour savoir combien d'argent j'ai.
14:43 Voilà.
14:44 Désolé, vous ne saurez pas.
14:46 Pas grave, il y a plus urgent.
14:49 La cybercriminalité progresse à grands pas.
14:52 Dans le top 5 des victimes, les entreprises.
14:55 En Suisse l'an dernier, le nombre de cyberattaques a bondi de 61% dans le domaine.
15:02 Et en Europe, de 26%.
15:05 S'attaquer aux institutions, organisations, banques ou industries, c'est la spécialité des groupes organisés.
15:13 Leur arme, les logiciels malveillants.
15:16 Enjeu, des postes de travail.
15:18 Patron d'une PME en Suisse alémanique, Necha Mehta a vu sa vie professionnelle brisée par les hackers.
15:27 Swiss Windows fabrique alors des fenêtres et emploie jusqu'à 200 personnes.
15:32 Lorsqu'il achète l'entreprise en 2016, le Suisse d'origine serbe a tout prévu.
15:38 Sauf les cyberattaques.
15:42 Aujourd'hui, toute la production, tous les départements, tout est numérisé.
15:47 Ce qui rend les cyberattaques d'autant plus critiques.
15:50 Car si les ordinateurs ne fonctionnent pas, rien ne fonctionne.
15:53 Tout est paralysé.
15:54 Vous savez, la vie change parfois soudainement.
15:59 Et un jour, mon destin a basculé.
16:02 Je m'en souviens encore très bien.
16:09 Tout était paralysé, les écrans étaient noirs, impossible de redémarrer.
16:13 C'était un vendredi.
16:15 On est alors en mai 2019.
16:18 Swiss Windows est une des premières victimes suisses d'Attack on Somewhere.
16:22 Un programme malveillant conçu pour verrouiller les systèmes informatiques.
16:26 Le but des pirates, obtenir une rançon pour rétablir l'accès aux données.
16:31 Nous avons clairement informé la police.
16:37 C'est un tout nouveau métier pour eux.
16:39 Un seul policier est venu.
16:41 Il en va de l'existence de 200 personnes.
16:44 Et il n'y a qu'un seul policier qui vient et inspecte un peu.
16:48 Grand moment de solitude pour le CEO et son équipe.
16:53 Comment récupérer les données informatiques de l'entreprise ?
16:57 Les sauvegardes sont aussi infectées.
16:59 Les hackers voulaient une rançon.
17:04 A l'époque en bitcoins, environ un million.
17:08 Nous n'avons pas payé pour des raisons économiques.
17:12 Comme nous étions les premiers ou parmi les premiers hackers,
17:17 nous ne savions pas si en payant, nous allions vraiment récupérer nos données.
17:22 Aidé par une entreprise externe, Swiss Windows reconstruit tout son système informatique.
17:32 La tâche est gigantesque.
17:34 Les collaborateurs, eux, restent à la maison.
17:37 Swiss Windows arrête de produire.
17:40 Elle n'a plus accès à son calendrier de livraison.
17:42 Et elle est perdue dans l'amoncellement des fenêtres prêtes à être livrées.
17:46 Au début, les clients compatissent.
17:49 Mais très vite, finit la pitié.
17:51 Ils exigent des rabais importants pour les retards de livraison.
17:58 Et finalement, cet événement avait pris tellement d'ampleur
18:03 que Swiss Windows a manqué de liquidités.
18:07 L'entreprise a dû déposer son bilan en février 2020.
18:12 La faillite a provoqué un dommage énorme.
18:15 Ce qui se passe avec les cybercriminels, c'est qu'ils ne voient pas la souffrance qu'ils causent.
18:27 C'est tout à fait différent pour les autres criminels.
18:30 Si quelqu'un cambriole un magasin, il voit la peur panique des gens.
18:35 Il voit tout ce qu'il provoque.
18:37 Mais le cybercriminel, lui, est tranquillement chez lui, quelque part dans le monde.
18:42 Il ne voit pas la souffrance des 200 collaborateurs, des nombreux clients et fournisseurs.
18:48 C'est un simple clic qui a provoqué un tel naufrage.
18:53 Un employé de l'entreprise a reçu un e-mail et a mordu à l'hameçon.
18:57 Le nom de cette ruse ? Le phishing.
19:00 La personne ouvre une pièce attachée infectée ou clique sur un lien.
19:04 Un geste qui déclenche l'installation d'un virus dans son ordinateur.
19:08 80% des attaques observées, 80% c'est du phishing.
19:16 - Il y a encore des gens qui se font attraper ?
19:18 - Oui. Vous seriez surpris.
19:20 On fait des campagnes de sensibilisation dans deux entreprises.
19:24 On obtient des ratios de gens qui cliquent sur les liens de l'ordre de 30%.
19:28 Dans une entreprise qui fait plusieurs centaines de personnes,
19:31 c'est assez facile pour un pirate d'avoir une collaboration involontaire, interne.
19:36 Ce qui est d'autant plus surprenant, c'est que non seulement il y a beaucoup de gens qui cliquent,
19:40 mais dans un délai qui est absolument phénoménal.
19:42 En l'espace de 30 secondes, vous avez des clics.
19:44 - Plus on monte dans la hiérarchie, plus les gens devraient être conscients qu'on ne clique pas, non ?
19:49 - Ils devraient, mais je ne peux pas parler de ce sujet-là.
19:53 On est humain. Quel que soit notre niveau, on peut tomber dans les mêmes biais.
19:59 Je connais même des responsables de sécurité qui se sont fait avoir.
20:02 Il n'y a aucune garantie dans ce domaine-là.
20:04 La sécurité informatique, Dominique Vidal connaît.
20:08 Il a été quatre fois vice-champion de la compétition Capture the Flag à Las Vegas,
20:13 les Jeux Olympiques du piratage informatique.
20:16 Ingénieur, il dirige une entreprise de cybersécurité de 30 personnes basée en Suisse romande.
20:22 Ses clients ? Banques, assurances, industries, PME.
20:27 Aujourd'hui, la direction d'un nouveau centre médical bernois veut tester sa sécurité.
20:33 Leur préoccupation ? Le bien de leurs patients.
20:37 Est-il possible de voler leurs données médicales,
20:40 comme c'est arrivé à des milliers de patients en Suisse romande l'an dernier ?
20:44 Prudent, ils ont mandaté SecuLabs pour un test d'intrusion.
20:49 Le test d'intrusion, c'est un outil qui peut être utilisé dans plusieurs cas de figure.
20:54 Ça peut être un outil qui est utilisé par une entreprise pour dire
20:57 "Ok, on a fait tout ce qu'il fallait de bien au niveau de la sécurité,
21:01 on pense qu'on va résister à une attaque si jamais il y a quelqu'un qui nous prend pour cible."
21:07 Donc le test d'intrusion va permettre de répondre à cette question,
21:10 c'est "Est-ce que je suis vraiment résistant ?"
21:14 En Suisse, la progression de la cybercriminalité pousse entreprises,
21:18 banques ou institutions à se soumettre à des tests de pénétration.
21:22 On appelle ça des "pen tests".
21:25 L'attaque se passe en ligne, mais également sur place.
21:31 Oui, il arrive que les hackers se déplacent.
21:34 Et maintenant, nous allons vous montrer quelque chose d'inédit.
21:38 Près de Berne, 4 collaborateurs de Dominique Vidal vont se transformer en hackers.
21:44 Les faux pirates sont équipés de caméras cachées.
21:51 Contrairement à la direction, aucun des employés n'est au parfum.
21:55 Cette opération commando est suivie à distance par Dominique Vidal.
22:03 Dans cet endroit de coworking innovant,
22:06 il est possible de louer des cabinets médicaux et aussi des salles de réunion.
22:10 Les pirates ont réservé une salle.
22:13 C'est vraiment le travail du pen tester d'essayer toutes les possibilités de connexion
22:19 qui sont offertes par les différents appareils présents sur l'horizon interne.
22:23 "On l'a."
22:25 "Tu l'as, tu as la connexion ?"
22:26 "On a la connexion."
22:27 "Joli."
22:28 "C'est beau ça."
22:29 "Oui."
22:31 Les hackers fouillent partout.
22:33 Trouvent des documents confidentiels dans les poubelles virtuelles,
22:36 des failles, des mots de passe à la portée de tous.
22:39 "En fait on a accès à énormément de données médicales."
22:44 "Donc on a un peu de correspondance."
22:46 "On a des images de vraisemblablement où est localisée la douleur du patient."
22:52 "Et puis ici on a même des coordonnées directement de la personne."
22:57 Bouquet final, un des pirates part à la recherche d'une victime.
23:01 Le but ? La convaincre d'insérer une clé USB dans son ordinateur.
23:06 "Bonjour."
23:08 Un pen test, c'est aussi mettre les collaborateurs à l'épreuve.
23:12 "C'est possible d'imprimer un document ?"
23:15 "Oui, bien sûr."
23:17 Geste fatal.
23:18 En cliquant sur le fichier pour imprimer les documents demandés,
23:21 la collaboratrice va installer un document.
23:24 Dans quelques secondes, les hackers auront pris le contrôle de son ordinateur.
23:28 Ils auront accès à tout son contenu et pourront désormais suivre en direct tout ce qu'elle fait.
23:33 "Super, merci."
23:35 De plus en plus déterminés, les pirates sont désormais passés à une autre dimension.
23:48 Ils s'attaquent aux collectivités.
23:50 Ils se jettent sur nos données personnelles et les exhibent sur le Darknet
23:54 si la rançon exigée n'est pas payée.
23:56 Une petite ville suisse en a fait la cruelle expérience.
24:04 Fin août 2021, la nouvelle fait le tour du pays.
24:08 Roll a été piraté.
24:10 Les hackers ont volé et publié des milliers de documents confidentiels.
24:14 Plus de 200 000 documents.
24:16 Plus de 5 300 habitants sont touchés.
24:19 C'est la stupéfaction.
24:21 "Et elle a de quoi donner des surfroides à nos autorités locales."
24:28 "Et maintenant, parlons de la cyberattaque."
24:31 "Les hackers ont publié les données personnelles des habitants."
24:34 Comment une commune a pu en arriver là ?
24:37 Bref retour en arrière.
24:39 Près de trois mois plus tôt, Roll se fait pirater.
24:42 Comme elle a de bonnes sauvegardes, le système informatique est rétabli après une dizaine de jours.
24:47 Mais la syndic et la commune ne perdent rien pour attendre.
24:51 "Ils demandaient une rançon les hackers ?"
24:53 "Oui, enfin ils avaient laissé une adresse mail où on pouvait les contacter."
24:58 "Bien sûr, on ne l'a pas fait puisque la Confédération..."
25:01 "C'est même sur le site de la Confédération, il dit si vous faites cyberattaquer..."
25:05 "surtout ne payez pas de rançon."
25:09 Comme la demande de rançon échoue, les représailles fusent.
25:13 Les hackers publient les documents volés.
25:15 Pendant deux mois, la commune est au courant, mais elle se tait.
25:20 Et puis au mois d'août, le scoop.
25:23 Un média découvre ces gigaoctets de données sur le Darknet.
25:27 C'est le tsunami médiatique.
25:30 On n'a pas communiqué.
25:32 Je pense que c'était notre grande erreur, puisqu'on nous avait dit au départ de ne pas communiquer.
25:38 On l'a fait, on a fait un coup de poing.
25:41 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
25:45 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
25:49 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
25:53 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
25:56 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
25:59 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
26:02 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
26:05 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
26:08 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
26:11 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
26:14 On a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing, on a fait un coup de poing.
26:17 Dans le cas de Rol alors, ils auraient dû communiquer.
26:21 Oui, mais ils l'ont fait. Plus tard.
26:24 Une fois qu'ils se sont rendus compte, une fois que ça leur a un petit peu sauté à la figure.
26:31 C'est justement quand ça a apparu dans les journaux qu'on a commencé d'avoir des gros problèmes.
26:37 La population s'est posée énormément de questions.
26:41 Et on a eu à peu près 800 demandes de citoyens qui voulaient savoir quelles étaient les données les concernant sur le Darknet.
26:50 Un peu plus de 5000 dossiers d'habitants ont été jetés en pâture sur l'Internet clandestin par les hackers.
27:00 Y figurent notamment le nom, l'adresse, la date de naissance, le numéro AVS des citoyens.
27:07 On découvre aussi des copies de cartes de crédit, un registre de signature, le rapport de licenciement d'un employé.
27:14 On trouve encore les coordonnées de propriétaires et la valeur de leur résidence secondaire.
27:19 Et même la demande d'exonération fiscale d'une entreprise de rôle.
27:23 Ces données demeurent à jamais dans les profondeurs du Darknet.
27:27 S'il y a des données à haute valeur, elles vont pouvoir être réutilisées.
27:34 Alors réutilisées parce qu'il y a plein de vautours qui vont venir se jeter sur les données qui ont été publiées.
27:39 Alors soit par curiosité malsaine ou alors simplement pour les réutiliser pour faire des malversations.
27:46 Si vous avez des copies de documents d'identité, avec ces documents d'identité, des criminels vont pouvoir ouvrir des comptes.
27:54 Que ce soit des comptes financiers ou des comptes e-mail ou des choses comme ça qui nécessitent la validation par un document d'identité.
28:05 Les grands groupes comme Babook, Lockbit ou Blackcat publient les données volées sur leur site, véritables tableaux de chasse.
28:13 Mais où sont installés tous ces criminels ?
28:15 On arrive plus ou moins à déterminer des régions du monde en fonction des différents phénomènes.
28:23 On sait que certains types d'arnaques simples sont faits plutôt par des ressortissants d'Afrique subsaharienne.
28:30 Ce qui est des ransomware, on est plutôt dans la région qui est l'est de l'Europe voire l'Asie.
28:36 Après cet épisode catastrophique, la commune a changé ses processus de sécurité, formé ses employés et procédé à des tests de vulnérabilité de son système informatique.
28:49 Donc Roel, ça pourrait se reproduire ?
28:52 Alors Roel elle-même, je ne sais pas si elle va être de nouveau attaquée.
28:56 Mais qu'une commune, qu'elle soit vaudoise ou d'un autre canton, subisse une cyberattaque, c'est certain.
29:01 Vous êtes pessimiste ?
29:03 Non, réaliste.
29:04 Et les faits lui donnent raison. Dans le monde de 2021 à 2022, les attaques ransomware ont augmenté de 35%.
29:15 C'est un piratage toutes les 3 heures.
29:19 Ce modus operandi est la signature des groupes organisés. Ils sont structurés comme des entreprises.
29:25 A chacun ses compétences.
29:27 Développer des virus, repérer de nouvelles cibles grâce aux failles de leur système informatique, pénétrer leur système et voler leurs données.
29:38 Le commercial, lui, négocie le paiement de la rançon.
29:41 Le comble, des équipes d'assurance qualité garantissent des virus zéro bug.
29:47 Installés dans le monde entier, ces escrocs forment une vraie internationale du crime.
29:52 Vice Society, c'est le nom de l'un de ces grands groupes. L'attaque de Roll, c'est eux.
29:59 Ils appellent leurs victimes des partenaires et les présentent sur leur site avec un humour au vitriol.
30:07 Ils répondent aux questions des journalistes, mais uniquement par e-mail.
30:12 C'était facile de hacker Roll ?
30:16 Oui.
30:17 Vous avez choisi Roll au hasard ?
30:19 Oui.
30:20 Vous travaillez combien d'heures par jour ?
30:23 Plus ou moins 12 heures. Parfois on travaille pendant 24 heures.
30:26 Quand on commence à attaquer, il n'y a aucun moyen de revenir en arrière, dormir ou faire autre chose.
30:30 On éteint alors notre ordinateur que dans deux cas.
30:33 On a encrypté tout ce qui se trouve dans le réseau, où ils nous ont repéré et bloqué toutes les voies d'accès.
30:37 Vous avez peur de vous faire arrêter ?
30:42 Avant de lancer Vice Society, on a beaucoup discuté et lu à propos de notre sécurité.
30:46 On sait que tout peut changer d'un jour à l'autre. On a accepté les risques et décidé d'essayer.
30:51 On ne peut pas être pris, mais on n'a pas peur.
30:53 Vous avez parfois mauvaise conscience ?
30:55 On n'a pas mauvaise conscience. Pourquoi ?
30:58 Premièrement, parce que ce n'est pas nous qui laissons les écoles, les universités ou les hôpitaux sans sécurité.
31:02 Deuxièmement, on donne toujours une chance de tout récupérer très rapidement et en toute sécurité.
31:08 On ne demande pas des centaines de millions. S'ils décident de ne pas payer de rançon, c'est uniquement de leur faute.
31:12 La syndic de Roll a passé une année terrible à cause de ce piratage. Vous avez quelque chose à lui dire ?
31:19 Vous auriez dû payer. On aurait pu vous aider et tout réparer très rapidement.
31:23 A la prochaine, et on espère que vous serez plus intelligente.
31:27 L'insolence doublée de cynisme, c'est l'étendard de ces nouveaux pirates.
31:37 Cette contre-culture sans foi ni loi a sa propre logique et nous entraîne en plein Far West version cyber.
31:43 Aux trousses de ces truands, le FBI, Europol et beaucoup de police.
31:49 Un homme les traque également. Et il en a fait une affaire personnelle.
31:59 Nous sommes allés à Berlin pour le rencontrer. Il a fondé une entreprise de cybersécurité avec deux partenaires.
32:06 Soutenus par le gouvernement allemand à hauteur d'un million d'euros,
32:09 ils ont développé un outil 100% germanique pour scanner le Darknet.
32:14 Nous disposons d'une plateforme qui nous permet de suivre en temps réel les cybercriminels sur ce que l'on appelle le Darknet.
32:22 De voir quelles sont leurs activités, quelles sont les victimes, c'est-à-dire les entreprises et les infrastructures qui les intéressent.
32:31 Et de voir aussi quelles données volées sont peut-être déjà en vente et surtout,
32:35 quelles sont les opérations qui sont proposées pour éventuellement attaquer une future cible.
32:39 C'est en cuisine qu'Abdelkader Cornelius débute sa carrière.
32:45 Il exerce son métier de cuisinier avec passion lorsqu'un drame secoue sa famille.
32:50 Son oncle vend d'anciens objets militaires dans un magasin en ligne.
32:54 Un jour, il est victime d'un piratage.
32:59 Les hackers échangent son compte bancaire avec leur compte.
33:02 Avec des cartes de crédit volées ailleurs, ils font des commandes sur le magasin en ligne de son oncle et encaissent l'argent.
33:10 Son oncle sera tenu responsable de ces escroqueries.
33:14 Et ça a été ma motivation personnelle.
33:19 Comprendre comment de nos jours, quelqu'un réussit à détruire une vie, toute une existence,
33:24 avec un appareil, un ordinateur ou un smartphone.
33:29 Mon oncle ne s'est jamais remis de cette dette.
33:31 Il n'a jamais surmonté ce qui s'est passé et il est décédé avec le reste de ses dettes.
33:35 Au total ? 476 000 euros.
33:40 Il avait tellement honte qu'il s'est suicidé.
33:45 Je n'ai pas compris comment une telle chose avait pu arriver.
33:54 Alors je me suis dit, ok, maintenant tu te lances dans l'informatique et tu fais en sorte,
33:59 ou tu fais de ton mieux, pour que plus personne ne soit touché par une chose pareille à l'avenir.
34:05 Le jeune cuisinier passe dorénavant tout son temps libre sur Internet et le Darknet.
34:12 Il se forme en autodidacte, puis propose ses services comme freelance.
34:17 Il travaille jusqu'à 70 heures par semaine, derrière les fourneaux et devant son écran.
34:23 Il y avait déjà quelques cours, mais ce ne sont pas des choses que l'on apprend sur des sites publics normaux.
34:28 En matière de cybercriminalité, il faut aller en profondeur,
34:32 trouver les bons cercles pour pouvoir communiquer avec les pirates informatiques et comprendre leur motivation.
34:37 Lui-même a fini par se fondre dans ce monde clandestin.
34:42 Infiltré dans les forums de hackers sous couverture derrière de multiples pseudos, il est dès l'heure.
34:49 Il repère les coûts en préparation, assiste à toutes sortes d'échanges,
34:54 de débutant au grand groupe qui cherche à attaquer des banques.
34:58 Lors d'une conversation avec un pirate qui prépare un coup, le berlinois lui pose une question.
35:04 Tu dois travailler combien de temps pour gagner près d'un demi-million d'euros ?
35:09 Ben, je dois travailler environ 14 heures pour ça.
35:12 On voit bien que ces gens n'ont jamais vraiment travaillé.
35:16 Dès le début, ils ont vu à quel point c'est facile et rapide de gagner de l'argent dans la cybercriminalité.
35:21 Ils n'ont aucune idée de ce que veut dire travailler dur pour gagner sa vie.
35:25 C'est une perte de contact avec la réalité.
35:29 Et si en plus, ils commencent à porter atteinte à des infrastructures critiques et que des hôpitaux ou autres sont menacés ?
35:36 Perdre le sens des réalités, s'en prendre à nos données lusées,
35:44 les pirates ont franchi une limite et le cauchemar est absolu.
35:47 A des milliers de kilomètres de Berlin, toute une communauté a été prise en otage.
35:57 En Israël, l'homosexualité est encore stigmatisée, surtout dans les milieux religieux.
36:03 Telhaviv avec ses guépraïdes et sa vie nocturne est une exception.
36:12 C'est dans cette ville ouverte d'esprit que Matan, historien, a fondé les archives LGBTQ israéliennes et juives.
36:18 J'ai étudié dans un lycée privé pour musiciens et danseurs.
36:23 En fait, tout le monde était gay, mais j'ai été le premier de l'école à faire mon coming out.
36:28 Dans l'école, on avait des gens qui étaient les plus gays.
36:32 Et on avait des gens qui étaient les plus gays.
36:36 En fait, tout le monde était gay, mais j'ai été le premier de l'école à faire mon coming out.
36:40 Je l'ai fait en huitième année, j'étais donc très jeune.
36:45 À une époque, j'étais une drag queen et mon père était inquiet parce que je mettais des vidéos ou des choses comme ça sur Internet.
36:56 Il disait "ça t'entrera toute ta vie, ça vous entrera uniquement si c'est un secret".
37:05 Si vous parlez ouvertement de votre vie, personne ne peut utiliser des informations contre vous.
37:10 Et donc personne n'avait de pouvoir sur moi.
37:13 Comme des milliers d'homosexuels, Matan est alors sur Atraf, le plus ancien site de rencontres LGBT en Israël.
37:21 Il a un compte depuis 20 ans.
37:32 Fin 2021, des hackers iraniens piratent un fournisseur israélien de services Internet.
37:37 Parmi ses clients, Atraf. La rançon n'est pas payée.
37:41 Les données fuitent sur Telegram, une application de messagerie grand public. C'est l'horreur.
37:47 Quand ça a fuité, ils ont dit qu'il y avait des informations sur près d'un million de profils.
37:54 Il y avait plus de 900 000 profils.
37:59 Mais tous les gens inscrits avaient plusieurs profils.
38:02 C'était courant.
38:04 Parce que vous aviez votre profil officiel et un profil plus secret.
38:11 C'est quoi la différence entre les deux ?
38:14 Les photos qui étaient postées.
38:16 Vous savez, avec des hommes gays excités, il se passe des choses.
38:21 Les gens écrivaient pour eux-mêmes, par exemple, des commentaires comme "celui-ci a une grosse bite",
38:28 "voici le nombre de centimètres de bite qu'il avait"
38:30 ou "celui-là m'a refilé des morpions".
38:33 Les gens écrivaient leurs mémos pour eux-mêmes, et puis tout a fuité.
38:38 Tout.
38:40 Je suppose que maintenant vous comprenez pourquoi c'est si dramatique.
38:45 Oui, mais vous riez.
38:47 Je ris parce que, comme je l'ai dit, je n'ai pas de secret.
38:50 Il n'y a rien qu'ils puissent...
38:52 ou disons que je n'imaginais pas qu'ils puissent me faire du tort.
38:57 Mais c'est ce qu'ils ont fait.
38:58 Une nuit, j'étais sur le point d'aller au lit.
39:03 Il était minuit passé.
39:05 Je me suis couché et j'ai reçu un SMS en hébreu.
39:08 "Vous êtes LGBT, c'est la raison pour laquelle vous devez être exterminés.
39:15 Vous méritez une punition très sévère.
39:18 L'expulsion du pays et la mort.
39:23 Nous serions heureux de vous aider à vous convertir.
39:26 Envoyez un message au numéro WhatsApp...
39:29 blablabla, pour obtenir de l'aide.
39:32 Vous êtes seul à la maison, vous lisez ce message,
39:38 et soudain, vous ne ressentez plus ce sentiment de sécurité dont je vous parlais tout à l'heure.
39:42 Soudain, vous vous dites, "Attends une seconde.
39:50 Quelqu'un a mon numéro de téléphone et sait que je suis gay.
39:53 Maintenant, il y a une faction homophobe qui me veut du mal,
39:57 et elle sait exactement qui je suis.
40:00 Et moi, je ne sais pas qui sont ces gens.
40:04 Et demain, je peux aller travailler et me faire attaquer à la sortie de mon immeuble.
40:17 Aux premières loges pour calmer la panique soulevée par la publication des données,
40:21 à Gouda, l'association pour l'égalité LGBT en Israël.
40:25 Sa hotline est submergée par les appels des victimes.
40:29 Nous avons donc reçu un grand nombre d'appels paniqués,
40:34 de personnes disant, "Je ne peux plus dormir depuis des jours,
40:37 depuis que je suis au courant de ce piratage.
40:40 Qu'est-ce que je peux faire ? Je n'ai aucune information sur ce qui se passe."
40:43 Certains pleuraient, d'autres étaient en colère.
40:46 Tout s'agissait à sa manière.
40:47 Les gens ont honte de s'adresser à leurs amis et à leurs familles pour leur dire,
40:50 "Écoutez, j'ai peur. Je suis stressée parce que je suis sur Atraf,
40:53 et que maintenant, mes informations seront peut-être diffusées,
40:56 et vous verrez peut-être des choses."
40:59 Sur Atraf, ce n'est pas obligatoire d'écrire ses préférences sexuelles ou son statut VIH,
41:07 mais beaucoup le font, parce que ça facilite les contacts entre les gens.
41:14 Il s'agit d'informations très privées,
41:16 surtout pour ceux qui n'ont pas encore révélé leur homosexualité,
41:19 et personne n'a envie de voir ça.
41:21 Même le statut VIH des membres d'Atraf a été jeté en pâture.
41:27 Mais ce n'est pas tout.
41:30 Ils ont tous les détails scabreux qu'une personne a partagé sur ses fantasmes,
41:37 sur ce qu'elle aime sexuellement, ou ce qu'elle aurait voulu essayer sur le plan sexuel.
41:43 À présent, on n'a aucun contrôle sur qui détient ces informations.
41:47 Que vont-ils faire de ces informations ? Comment vont-ils les utiliser ? Et quand ?
41:54 C'est comme de la dynamite.
41:57 Voir sa vie dynamité, c'est ce qu'a vécu un jeune homme gay de la communauté juive ultra-orthodoxe.
42:07 Il était sur Atraf.
42:09 C'est impossible d'être homo et de rester dans la communauté.
42:12 La Torah est truffée de condamnations pour ce type d'orientation.
42:16 Dans le judaïsme, il est littéralement mentionné un interdit suprême de partager sa couche avec un autre homme.
42:23 C'est un immense péché, passif de lapidation.
42:26 Mon nom est Moshé, j'ai 34 ans, je suis homosexuel.
42:37 Je suis né à Beibrak, grande ville ultra-orthodoxe.
42:40 Depuis l'âge de 6 ans jusqu'à 18 ans, on apprend tout sur la Torah.
42:47 Et le parcours habituel est de continuer en yeshiva.
43:01 J'ai subi alors un événement traumatique qui m'a affecté tout au long de ma vie.
43:07 J'ai subi en fait un viol commis par un rabbin.
43:10 Ça a provoqué un chamboulement chez moi.
43:13 Sa famille, ses amis, les membres de la communauté ultra-orthodoxe,
43:21 personne ne sait qu'il est homosexuel.
43:24 Tout le monde le pousse à enfin se marier.
43:28 Mais cela fait 6 ans qu'il fait des rencontres sur Atraf.
43:31 Un jour j'entends aux infos que le site Atraf a été piraté par les Iraniens.
43:40 J'étais sous le choc.
43:43 Je me suis mis à transpirer.
43:46 J'ai appelé des copains pour me concerter avec eux,
43:50 pour savoir comment me protéger.
43:55 Pour savoir comment me protéger de ma famille.
43:58 Trop tard, un de ses frères l'a identifié parmi les innombrables photos volées publiées par les pirates.
44:07 Il le dénonce.
44:09 On était en plein repas de Shabbat et il a dit
44:16 "Vous savez qu'on a vu les photos de Moshe nu sur Telegram."
44:23 On était une vingtaine à table, une grande famille.
44:26 A ce stade, je me suis levé, j'ai pris mon sac, mon portable,
44:35 et je suis sorti dans la rue.
44:37 Je ne suis jamais revenu à la maison depuis.
44:42 Lorsque j'étais dans le taxi, j'ai éprouvé cela physiquement dans mon corps.
44:47 Le même ressenti que lorsque le rabbin m'avait agressé.
44:52 J'ai même eu une terrible montée d'angoisse que je ne savais pas comment gérer.
44:58 J'ai été touché par un homme qui m'a fait des bêtises.
45:02 J'ai été touché par un homme qui m'a fait des bêtises.
45:08 J'ai été touché par un homme qui m'a fait des bêtises.
45:11 J'ai un ami qui m'a pris dans ses bras et qui a su m'apaiser.
45:16 Mon univers s'était effondré d'un coup.
45:19 Ma famille était essentielle dans mon existence.
45:28 En plein Covid, toutes les fêtes, tous les événements qu'on célébrait en famille,
45:38 je les passais désormais seul.
45:40 Entre quatre murs, dans mon studio à Tel Aviv.
45:44 Durant cette période, je n'arrêtais pas de penser au suicide.
45:51 Des amis le poussent à consulter un psychiatre.
46:01 Il remonte la pente et grâce à un médiateur de la communauté ultra-orthodoxe,
46:06 il a renoué des liens avec sa famille.
46:08 Violer l'intimité est effroyable, mais il y a pire.
46:17 S'attaquer à la vie.
46:19 En véritable barbare, les pirates n'hésitent pas à transgresser ce tabou.
46:25 Ils paralysent les hôpitaux, volent les données des patients.
46:29 Fin 2022, l'Agence de l'Union Européenne pour la Cyber-Sécurité a publié un rapport.
46:35 Ses conclusions ? Le secteur médical est particulièrement en danger.
46:39 Dans le monde, des milliers de centres hospitaliers ont été piratés.
46:44 Aux États-Unis, un bébé est même mort à cause d'une machine bloquée.
46:48 Pirater un hôpital, c'est du terrorisme.
46:54 Il s'agit de tuer des gens, de perturber toute une culture, tout un pays.
46:59 L'hôpital va payer.
47:03 Pourquoi ? Parce que des gens sont sur le point de mourir.
47:06 Si l'ordinateur qui contrôle l'oxygène ne fonctionne pas, l'hôpital paiera la rançon.
47:11 Ilan Greyser sait de quoi il parle.
47:15 Expert en hacking, il enseigne la façon de penser et d'opérer des attaquants.
47:19 Même des entreprises suisses se déplacent à Tel Aviv pour lui.
47:23 C'est aussi un pionnier en matière de tests de pénétration.
47:30 En 2008, avec d'autres experts, il se rend dans le plus grand hôpital du pays et le hack pour son bien.
47:36 Vous ne pouvez pas entrer dans une banque et accéder aux serveurs de la banque.
47:41 Mais dans un hôpital, vous pouvez vous déplacer un peu partout.
47:44 Et vous pouvez connecter votre ordinateur au mur et vous asseoir sans que personne ne dise quoi que ce soit.
47:49 Nous avons donc commencé par ça.
47:51 Nous avons travaillé avec quelques collaborateurs de l'hôpital qui savaient que nous allions venir.
47:56 Et puis, c'était tellement facile.
47:59 Trop facile.
48:00 Nous avons fait ça pour prouver au pays que certains secteurs ne sont pas aussi bien protégés que d'autres.
48:06 Nous nous sommes assis avec les responsables de l'hôpital et leur avons appris à mieux se défendre.
48:11 Nous ne nous sommes pas contentés de dire que tout allait mieux, puis de rentrer chez nous.
48:15 Nous sommes ensuite allés au Parlement.
48:17 Nous avons pris la parole devant le Parlement et le gouvernement, pas seulement à cause de nous,
48:22 a donné beaucoup d'argent pour commencer, juste pour commencer, à protéger les hôpitaux israéliens.
48:28 C'est ce qu'a fait l'hôpital Il El Yafé à Hadera, au nord de Tel Aviv.
48:32 Malgré les mesures de sécurité, les pirates ont pénétré dans son système.
48:37 Cette polyclinique emploie plus de 2700 collaborateurs.
48:41 Lorsqu'elle se fait hacker, on est alors en plein Covid.
48:45 Tout a commencé un peu avant 6 heures du matin.
48:48 Et 45 minutes plus tard, la situation s'est transformée.
48:53 Tout a commencé un peu avant 6 heures du matin.
48:56 Et 45 minutes plus tard, la cyberattaque a été identifiée.
48:59 Immédiatement après, nous avons déconnecté toute l'activité informatique de l'hôpital.
49:04 Par chance, il n'y a pas eu de vol de données.
49:11 Mais si les appareils médico-électriques, tels les scanners ou les respirateurs, marchent,
49:16 les ordinateurs, eux, sont hors service.
49:20 Pour analyser cette crise, l'hôpital a tout filmé dès les premières heures.
49:24 Ce type d'attaque est un véritable tremblement de terre,
49:28 bien au-delà de ce que le Covid avait provoqué.
49:31 En matière de gestion de l'hôpital, c'est le plus grand défi.
49:35 Il faut savoir que tous les postes informatiques se sont effondrés en un seul instant.
49:48 Quand les ordinateurs fonctionnent, en deux clics, nous accédons rapidement aux bases de données.
49:54 Par exemple, les précédentes interventions que nos patients ont subies,
50:02 leur historique médical.
50:05 Toutes ces informations que nous pouvions avoir très facilement ne nous étaient plus accessibles.
50:15 Comme vous pouvez le voir là, nous avons ressorti les dossiers à remplir manuellement.
50:20 Ceux-là même que nous avions utilisés lorsque j'étais encore en stage il y a 30 ans.
50:26 L'hôpital s'organise pour poursuivre ses activités,
50:33 et la direction communique immédiatement la nouvelle à tout le pays.
50:37 Décision plus exemplaire encore, elle transforme cette cyberattaque en cas d'école.
50:43 Nous avons ouvert nos portes aux responsables de tous les hôpitaux du pays,
50:47 pour venir observer dès les premières heures ce qui se passait chez nous.
50:52 Tous les spécialistes des hôpitaux étaient invités à circuler dans la salle des urgences,
50:58 les salles d'accouchement, les salles d'opération,
51:01 pour voir et tirer la leçon de ce que nous étions en train de vivre.
51:07 Une cyberattaque n'est jamais simple, tout d'abord il faut admettre que c'est arrivé.
51:11 Quelque part, nous avons réussi à en changer les règles du jeu.
51:15 Pour une fois l'histoire finit bien, et elle prouve une chose.
51:22 Alors que la cybercriminalité monte en puissance et contamine les systèmes informatiques du monde entier,
51:28 la mécanique de la cybercriminalité est un instrument de protection.
51:34 Pour les systèmes informatiques du monde entier, la meilleure défense reste la prévention.
51:39 En effet, il ne faut jamais oublier une chose,
51:43 lorsque nous nous connectons à internet, nous nous retrouvons avec le monde entier à notre porte.
51:48 Et tout ce monde ne nous veut pas forcément du bien.
51:53 L'histoire de la cybercriminalité
51:58 La cybercriminalité
52:02 La cybercriminalité
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52:33 La cybercriminalité
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52:42 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
52:45 [Sous-titres réalisés par la communauté d'Amara.org]

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