L'interview d'actualité - Martin Vettes

  • il y a 7 mois
Ce 7 février, Salah Abdeslam a été extrait de sa cellule en Belgique pour être transférer vers la prison de Réau, en France. Nous recevons ce matin Me Martin Vettes, son avocat. 

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Transcript
00:00 Bonjour Maître Vette.
00:01 Bonjour.
00:01 Alors Salah Abdeslam a été condamné par les justices françaises et belges
00:05 pour sa participation aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris
00:09 et de mars 2016 à Bruxelles.
00:11 Il a été extrait hier matin de sa cellule en Belgique
00:13 et transféré en France, à Réau, en Seine-et-Marne.
00:17 Alors déjà, est-ce que vous avez eu contact avec Salah Abdeslam
00:20 depuis son transfertement ?
00:22 Alors depuis son transfertement, nous n'avons pas eu de contact.
00:24 Les choses se sont faites de façon extrêmement précipitée
00:27 et sans que nous en soyons informés.
00:29 Donc pour l'instant, nous n'avons pas de contact
00:30 et même si nous en avions eu un évidemment,
00:33 nous nous sommes tenus au secret professionnel.
00:35 Alors vous dites que ça a été fait de manière précipitée,
00:37 pourtant ce retour en France, il avait été décidé de longue date.
00:41 Et ce n'est pas une surprise si l'on en croit le tweet,
00:44 la publication sur X du garde des Sceaux sur X.
00:47 Donc Salah Abdeslam, on va voir le tweet.
00:49 Salah Abdeslam vient d'être incarcéré dans une prison de la région parisienne.
00:52 Conformément à la décision de la justice française
00:56 et au souhait des associations de victimes,
00:58 il purgera sa peine de perpétuité incompressible.
01:01 Alors ça semble très clair, mais pourtant cette décision, vous vous la contestez.
01:05 C'est clair quand on dit des contre-vérités.
01:10 Il oublie juste le garde des Sceaux de mentionner une décision
01:12 puisqu'il parle de la décision de Paris.
01:14 Il parle du souhait des victimes et je vais y revenir dans un instant.
01:16 Donc c'est une publication mensongère selon vous.
01:18 C'est une publication qui est incomplète
01:21 puisqu'il oublie juste de mentionner la décision du 3 octobre dernier
01:24 de la cour d'appel de Bruxelles
01:27 qui fait interdiction à l'État belge de remettre Salah Abdeslam à la France.
01:31 C'est une décision de justice qui a été totalement bafouée,
01:36 qui est ignorée par le garde des Sceaux,
01:38 qui a été bafouée aussi bien par la France que par la Belgique.
01:41 Et j'ajoute une chose, puisque le garde des Sceaux
01:44 mentionne le souhait des associations de victimes.
01:46 J'ai le plus grand respect pour les victimes,
01:49 qu'elles soient d'ailleurs de Paris ou de Bruxelles.
01:51 Le plus grand respect.
01:53 En revanche, s'il vous plaît, il y a le souhait des associations de victimes d'une part,
01:56 et puis il y a des décisions de justice d'autre part.
01:59 Le garde des Sceaux, M. Dupond-Moretti, est garde des Sceaux.
02:03 Il n'est pas garde des victimes.
02:05 – Alors qu'est-ce que ça change concrètement
02:07 qu'il soit en France et pas en Belgique ?
02:09 – Alors attendez, sur M. Dupond-Moretti,
02:12 il n'a pas à se conformer au souhait des victimes,
02:14 il n'a pas à œuvrer.
02:15 Une victime hier a pris la parole chez vos confrères
02:19 pour dire qu'il avait eu un contact direct avec le garde des Sceaux
02:22 et que le garde des Sceaux hier l'avait personnellement appelé
02:24 sur son téléphone portable pour lui dire que c'était fait,
02:26 que M. Abdeslam était de retour en France.
02:29 – Mais on savait qu'il allait revenir en France.
02:30 – Non, non, on ne savait pas, ce n'était pas du tout prévu
02:31 puisque la France elle-même avait accordé un délai de remise supplémentaire à la Belgique.
02:37 – Temporaire. – Temporaire, mais attendez,
02:40 ce délai devait expirer au mois de mars
02:44 et nous aurions dû avoir une audience,
02:45 et nous avons toujours une audience de prévue le 13 mars prochain,
02:47 pour statuer là-dessus.
02:48 Ce qui se passe est parfaitement et profondément anormal.
02:51 Nous avons encore une fois deux États qui ont décidé de bafouer
02:54 une décision de justice qui a été rendue le 3 octobre
02:57 et qu'opportunément le garde des Sceaux au met de citer dans son tweet.
03:00 – Mais concrètement, qu'est-ce que ça change pour Salah Abdeslam
03:03 d'être en France et pas en Belgique ?
03:04 – Ce que ça change c'est que… – Très concrètement.
03:05 – Ce que ça change c'est qu'il est loin de sa famille.
03:08 Ce que ça change c'est qu'il a été détenu en France jusqu'à présent
03:13 dans des conditions qui s'assimilent à de la torture blanche.
03:15 – C'est-à-dire ?
03:16 – C'est-à-dire être filmé dans sa cellule 24 heures sur 24
03:19 par deux caméras de surveillant, être à l'isolement complet,
03:21 ce sont des conditions de détention qui sont parfaitement indignes
03:24 et ce sont des conditions de détention qui étaient un petit peu meilleures en Belgique.
03:28 Donc nous, nous avons la crainte qu'une fois en France,
03:31 ces conditions de détention soient plus drastiques.
03:35 Il est loin de sa famille et puis il y a aussi la question effectivement
03:39 de l'exécution des peines puisque la peine française
03:41 qui a été infligée à Salah Abdeslam dans le cadre du procès du 13 novembre 2015
03:45 a fait l'objet aussi de contestations qui sont tout à fait légitimes de notre part
03:50 au niveau belge et la justice belge nous a donné raison sur ce point.
03:54 Ça veut dire que la peine qui a été infligée à Salah Abdeslam
03:57 est problématique au regard des droits fondamentaux
04:00 protégés par la Convention européenne des droits de l'homme
04:03 à laquelle la France et la Belgique sont toutes les deux parties
04:05 et par conséquent la Belgique était tout à fait légitime
04:08 à rendre une décision sur ce point contrairement à ce que j'entends depuis hier.
04:11 – Donc vous dénoncez ces conditions de détention,
04:13 pour vous Salah Abdeslam doit être traité comme un détenu comme les autres ?
04:17 C'est ce que vous nous dites ?
04:17 – Salah Abdeslam ne sera jamais traité comme un détenu comme les autres,
04:20 il n'est même pas traité comme un justiciable comme les autres
04:24 puisque nous voyons bien que s'agissant de Salah Abdeslam,
04:26 les décisions favorables qui sont rendues à son encombre
04:29 ne sont même pas respectées par les États qu'ils soient belges ou français.
04:32 Donc Salah Abdeslam définitivement, et c'est bien tout le problème,
04:35 n'est pas du tout traité comme un justiciable comme les autres
04:37 ni comme un détenu comme les autres et c'est tout le problème.
04:40 Parce que je veux juste terminer sur ce point,
04:42 mais encore une fois le terrorisme nous pose une question fondamentale.
04:46 Est-ce que nous sommes en mesure de garantir notre état de droit,
04:50 y compris quand nous sommes face à des personnes
04:53 qui veulent porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ?
04:55 Et bien la réponse qui est donnée aujourd'hui est une réponse négative
04:58 puisque c'est la raison d'état qui l'emporte sur l'état de droit.
05:00 – Est-ce que vous comprenez ce matin que le fait qu'il soit traité comme une victime,
05:03 ça a pu choquer beaucoup de personnes ?
05:05 – Il n'est pas du tout traité comme une victime.
05:06 – Est-ce que ça vous le comprenez ou pas ?
05:08 – Il n'est pas, nous ne sommes pas là pour victimiser Salah Abdeslam.
05:11 – On parle quand même de la dureté de ses conditions de détention,
05:14 que c'est plus difficile en France qu'en Belgique,
05:16 et certaines familles de victimes, pour elles,
05:17 c'est assez compliqué d'entendre ce discours.
05:20 – Alors pour certaines familles de victimes peut-être,
05:21 mais pour d'autres ça ne l'est pas, puisque nous ne sommes pas les seuls.
05:25 Il y a aussi des victimes, figurez-vous, les victimes,
05:26 vous savez ce n'est pas un bloc monolithique.
05:27 – Donc vous avez été en contact avec des familles de victimes ?
05:29 – Les victimes ne sont pas un bloc monolithique,
05:30 il y a des victimes qui se sont d'ailleurs émues de la peine
05:32 qui avait été prononcée à son encontre au procès du 13 novembre 2015,
05:35 et Salah Abdeslam, que ça vous plaise ou pas,
05:38 Salah Abdeslam a une dignité qui est la même que n'importe quel être humain,
05:42 et nous sommes là en tant qu'avocat pour la garantir.
05:46 Il a aussi des droits, il a aussi des droits que nous sommes là pour faire respecter,
05:49 ses droits sont bafoués,
05:50 ça n'est pas d'en faire une victime que de dire que ses droits sont bafoués,
05:53 c'est simplement la réalité la plus factuelle.
05:55 – Alors une dernière question pour vous,
05:56 là je m'adresse à l'homme et pas à l'avocat,
05:59 est-ce que ça reste très impopulaire d'être l'avocat de Salah Abdeslam ?
06:02 On sait que Sven Marie à l'époque avait dénoncé des menaces de mort,
06:05 est-ce que c'est compliqué pour vous à certains moments d'assurer sa défense ?
06:09 – Franchement, je n'ai vraiment pas envie de parler de moi, ce n'est pas le sujet.
06:11 Le sujet c'est qu'on a une décision de justice qui a été rendue en Belgique,
06:14 qui a été totalement bafouée,
06:15 mon cas personnel n'a absolument aucune importance,
06:18 et moi je suis très fier de porter la voix de Salah Abdeslam.
06:21 – On vous a entendu, merci beaucoup Maître Vette,
06:22 c'est l'avocat de Salah Abdeslam au France d'avoir été avec nous ce matin.

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