• il y a 9 mois
En octobre 2016, Véronique Lardé se suicide dans sa cellule de la prison de Sequedin, alors qu'elle est jugée à Saint-Omer pour le meurtre de son ex-mari. L'avocat Loïc Bussy publie ces jours-ci un livre sur cette affaire, tentant de percer les mystères de cette empoisonneuse supposée, mais qui restera une "éternelle innocente" aux yeux de la justice.

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Transcription
00:00 - Bonjour Loïc Bussi. Cette veuve noire, comme on l'a surnommé, s'appelait Véronique Lardet, accusée d'avoir
00:05 tué son mari près d'Arras en 2011. Véronique Lardet qui n'a jamais été jugée
00:09 puisqu'elle s'est suicidée dans sa cellule le soir du premier jour de son procès.
00:15 Nous sommes en octobre 2016, vous êtes alors avocat, vous défendez la famille du mari tué, vous apprenez le suicide le matin de Véronique Lardet
00:22 en vous rendant au palais de justice.
00:24 - Oui absolument.
00:24 - Ça fait partie des premières choses que vous décrivez dans le livre.
00:26 - Oui c'est un choc pour nous qui étions avocats, nous étions deux, l'avocat de la famille de Frédéric Butanovic.
00:32 Et la première chose, lorsqu'on arrive au palais de justice, la greffière nous dit "voilà, la présidente veut vous voir parce qu'il y a une difficulté".
00:38 Alors moi je m'en doutais un peu, je sais pas, j'ai eu ce pressentiment parce qu'il n'y avait pas le fourgon dans la cour.
00:43 Et je me suis dit "il y a une difficulté".
00:45 Et là on nous a annoncé le suicide de cette femme qui était accusée.
00:49 Et les conséquences légales c'est que ce procès s'est arrêté par l'extinction de l'instance, d'où le titre du livre "L'éternelle innocente".
00:56 - Avec ce suicide, vous l'écrivez dans ce livre, Véronique Lardet s'en va avec une partie de la vérité.
01:02 Est-ce que c'est pour cela que vous avez voulu écrire ce livre ?
01:05 Pour que quelque chose soit écrit quelque part ?
01:06 Parce que cette histoire n'a jamais été racontée, finalement, comme il n'y a pas eu de procès.
01:09 - C'est ça, ce livre est le fruit d'une colère et d'une frustration par rapport à la famille que nous représentions avec ma consoeur.
01:18 Car ils sont doublement victimes, ils ont perdu un frère, un fils, mais également victimes d'un système judiciaire qui n'a pas permis la manifestation de la vérité.
01:31 Et qu'on trouve un point final à cette histoire.
01:33 Et ça c'est quelque chose de terrible pour la famille de la victime.
01:37 - Et sur cette vérité, justement, dans votre livre, Loïc Bussi, vous revenez longuement sur l'enquête.
01:41 Donc en 2011, si on refait le fil, Frédéric est retrouvé mort dans un cimetière militaire.
01:45 Véronique, son ex-femme à l'époque, est soupçonnée.
01:49 Elle donne une première version qui est grosso modo la légitime défense suite à un viol.
01:53 Mais au cours de l'instruction, cette version va s'effriter petit à petit.
01:56 Vous faites partie de ceux qui croient aujourd'hui à la thèse de l'empoisonneuse.
01:59 - Alors, je l'écris clairement dans le livre.
02:03 Je me refuse de faire un procès post-mortem.
02:06 Ça n'a pas de sens.
02:08 Et je n'ai pas véritablement à donner mon avis.
02:11 J'ai écrit les choses les plus brutes possibles.
02:13 Ça correspond le plus au dossier d'instruction.
02:16 Il y a des éléments, des faisceaux d'indices, des convergences de faits
02:20 par rapport à l'administration de médicaments, par exemple,
02:24 à son premier mari, à son second mari, à son troisième mari.
02:28 De là, la qualifiée d'empoisonneuse, elle est partie innocente.
02:31 Elle n'a jamais été poursuivie pour ça.
02:33 Donc je me garderais bien une quelconque qualification.
02:36 - Effectivement, on commence à s'intéresser à cette femme.
02:39 Elle est arrêtée à l'époque parce qu'on retrouve Frédéric, son ex-mari,
02:43 mort dans un cimetière.
02:45 Mais on se rend compte au cours de l'enquête qu'elle avait accès à des médicaments,
02:48 que les hommes de sa vie ont souffert de trous noirs,
02:50 certains diarrhées aigües.
02:51 Il y a son premier mari qui est mort lui aussi.
02:53 Et à l'époque, elle n'est pas inquiétée après la mort de son premier mari,
02:56 alors qu'on retrouve des médicaments dans son organisme
02:59 au cours de l'autopsie.
03:00 Comment vous l'expliquez ?
03:02 - On trouve d'utéralène dans l'organisme de son premier mari,
03:07 alors qu'aucune prescription médicale n'avait été faite
03:10 pour qu'il prenne cette substance.
03:12 Elle n'a pas été poursuivie.
03:14 A l'époque, on a conclu une sorte de suicide ou d'accident
03:19 parce qu'après l'absorption de cette molécule,
03:22 il se serait tranché la gorge en tombant de son lit.
03:24 Alors ça peut nous paraître bizarre, mais c'est ainsi.
03:27 Elle n'a pas été poursuivie.
03:28 Ce dossier ressort au moment de l'enquête de la disparition de Frédéric.
03:33 - C'est à tort 49.
03:34 Vous êtes sur France Blaneur et nous sommes en direct avec l'avocat Loïc Bussi
03:38 pour son livre "L'éternelle innocente".
03:40 Vous écrivez beaucoup de choses dans votre livre, Loïc Bussi,
03:43 mais Véronique Lardais n'a jamais donné de mobile.
03:46 Et ça, vous-même, vous n'en êtes pas sûr.
03:48 Je l'ai lu hier, vous ne savez pas pourquoi elle a fait ça.
03:51 - On ne sait pas et on ne saura jamais.
03:52 Déjà, si c'est elle, si elle est coupable.
03:55 - Parce qu'elle accuse à l'époque aussi un de ses amants d'avoir tué...
03:59 - Son troisième mari.
04:02 - Son troisième mari d'avoir tué Frédéric.
04:05 Il y a deux mobiles possibles.
04:06 Le mobile de l'argent, mais qui est peu plausible en l'espèce,
04:08 puisque Frédéric lui donnait quasiment l'intégralité de son salaire tous les mois.
04:12 Donc si elle l'a fait disparaître,
04:14 elle perdait, entre guillemets, cette possibilité d'avoir de l'argent.
04:18 Et puis après, reste le mobile amoureux.
04:21 Voilà, qui est une possibilité.
04:22 Mais là aussi, vu que le procès n'a pas été mené à son terme,
04:26 il subsistera des points d'interrogation.
04:28 À jamais.
04:29 - Vous avez intitulé ce livre "L'éternelle innocente",
04:32 parce qu'effectivement, Véronique Lardais est toujours innocente aux yeux de la justice,
04:35 puisque l'action publique s'est éteinte avec sa mort.
04:38 Mais est-ce que vous ne la condamnez pas d'une certaine manière ?
04:40 Vous continuez à jouer votre rôle d'avocat des partis civils,
04:43 pour le coup, avocat de Frédéric, l'homme qui a été tué.
04:45 C'est une manière pour vous de la condamner ?
04:48 - Non, absolument pas. Je vous le répète.
04:50 Je l'ai écrit.
04:52 Je ne veux pas faire un procès post-mortem.
04:54 Ça n'a pas de sens.
04:55 Je peux donner, moi, mon intime conviction en tant qu'avocat de la partie civile.
04:59 Je l'ai écrit également en disant "je pense que vous étiez coupable".
05:03 - Pourquoi s'est-elle suicidée ?
05:05 C'était un aveu de culpabilité ?
05:07 - Chacun l'interprétera comme il veut.
05:09 Je pense que ce qui est sûr, c'est que c'était une femme qui avait fait 4 ans de détention.
05:14 C'était très long.
05:15 Elle avait des fragilités psychologiques.
05:17 Et je pense que l'événement de ce procès a été quelque chose qui était plus fort qu'elle.
05:22 Parce que c'est violent un procès.
05:25 La famille était à la barre.
05:28 Elle n'a pas dit des choses très agréables à concernant.
05:31 Et je pense qu'elle n'était pas prête.
05:33 Et elle n'était pas équipée psychologiquement pour surmonter ce procès.
05:36 - Vous émettez aussi dans ce livre, Loïc Bussi, plusieurs réflexions sur la manière dont fonctionne aujourd'hui la justice,
05:43 mais aussi l'administration pénitentiaire.
05:45 Vous vous demandez par exemple quand on sait que quelqu'un a des difficultés psychologiques,
05:48 quand on sait que ce que vous venez de décrire est un procès très compliqué,
05:51 qu'il ne faut pas aussi augmenter les rondes.
05:53 Parce qu'en fait, elle se suicide dans la nuit à la prison de Secodin.
05:56 Et il n'y a pas de rondes qui sont effectuées la nuit.
05:58 Et on la retrouve à 6h du matin, alors que potentiellement elle s'est pendue vers 20h.
06:02 - Évidemment.
06:03 Il y a une responsabilité de l'État français et de l'administration pénitentiaire
06:08 sur la prise en charge des détenus.
06:10 Et notamment au climax de leur incarcération qui se situe au moment du procès.
06:13 Et puis après, post-sententiel.
06:15 On va nous dire, c'est une question de moyens.
06:17 Évidemment, j'ai consulté les chiffres officiels.
06:21 En 2022, il y a 215 personnes détenues qui se sont suicidées dans les prisons en France.
06:25 C'est énorme.
06:27 On n'évite pas les conséquences.
06:29 - Comme voilà, ces réflexions, l'histoire également de cette affaire,
06:32 l'affaire de la veuve noire du Pas-de-Calais.
06:34 On met tout ça entre guillemets, puisqu'encore une fois,
06:36 il n'y a jamais eu de procès.
06:37 L'éternelle, innocente, c'est le titre de votre livre, Loïc Bussi,
06:41 qui sort aux éditions.
06:43 Michalon, c'est désormais disponible.
06:45 Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation ce matin sur France Bleu Nord.

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