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Transcription
00:00 On en parle avec mon invité Jean-Luc Racine, directeur de recherche émérite au CNRS, chercheur à l'Égia Center.
00:06 Bonsoir, merci beaucoup. L'Égia Center, on dit, je crois. Merci d'être avec nous ce soir.
00:11 D'abord, surprise, on est dans les estimations, ce ne sont pas du tout les résultats définitifs,
00:15 mais déjà, à 24 heures des résultats définitifs, Jean-Luc Racine, quelle leçon tirer de ce scrutin ?
00:22 – C'est évidemment un peu tôt. – Bien sûr, on le dit bien.
00:25 Votre correspondante le soulignait, ce ne sont même pas des estimations officielles.
00:32 Mais ça rappelle une question qui avait été posée dans les médias pakistanais sur ce que pourrait être,
00:41 on n'a pas les chiffres encore, la participation pour la première fois d'une nouvelle tranche de lecteurs,
00:46 puisque le Pakistan est un pays jeune. Et comme il a été dit,
00:53 tout a été fait pour empêcher le parti d'Imran Khan et Imran Khan lui-même de mener campagne,
00:59 à ceci près que la campagne s'est menée sur les réseaux sociaux.
01:02 – Avec les jeunes, donc. C'est ça, ce que vous dites.
01:05 – Donc, il est bien sûr trop tôt pour savoir si ce qui est sorti des urnes
01:11 dans quelques circonscriptions peut être indicatif.
01:14 Mais du moins, ça met un peu de piment dans une élection...
01:18 – Qui semblait jouer, d'avance.
01:19 – Qui semblait jouer dans la mesure où, quand même, l'ancien Premier ministre
01:25 a eu au fil des 8 ou 10 derniers jours 30 ans de prison, dans trois dossiers différents,
01:33 dont un dossier sur les modalités de son dernier mariage avec une épouse divorcée
01:37 qui ne l'aurait pas été suffisamment longtemps selon la loi islamique.
01:41 Enfin, tout était bon.
01:42 – Là, vous parlez d'Imran Khan.
01:43 – Oui, tout était bon pour l'extérieur du jeu.
01:45 – Oui, le symbole du parti, la batte de cricket,
01:51 puisque c'était un champion du monde des crickets,
01:54 a été retirée par la commission électorale.
01:57 La police au Punjab, ça a été dit, c'est la province principale,
02:01 avec plus de la moitié des sièges, a mené l'assaut contre les bureaux
02:07 ou les logements des leaders du parti.
02:10 Donc, tout a été fait pour l'empêcher.
02:13 – Oui, alors qui ?
02:14 Parce que justement, pour expliquer aux téléspectateurs
02:16 qui ne connaissent pas bien la situation au Pakistan,
02:19 qui, justement, avait intérêt à exclure Imran Khan de cette course ?
02:23 – Alors, il y a deux acteurs clés.
02:27 Le premier, bien sûr, c'est ce qu'on appelle pudiquement au Pakistan
02:30 l'establishment, c'est-à-dire en fait l'armée.
02:33 L'armée a multiplié les coups d'État militaire
02:35 dans les premières décennies pakistanaises.
02:38 La leçon a été tirée, et maintenant, elle tire les ficelles,
02:42 si j'ose dire, en coulisses, des coulisses plus ou moins ouvertes.
02:47 Imran Khan avait été élu en 2018 avec l'appui de l'armée
02:51 et des services de renseignement de l'armée.
02:54 – Et il a réussi à se la mettre à dos.
02:56 – Il s'est mis à dos en voulant imposer son candidat
03:00 à la tête des services secrets militaires.
03:02 Et ça, ça n'a pas plu du tout.
03:03 – C'est ça qui a démarré, en fait,
03:04 toute cette espèce de crispation autour de lui.
03:07 – Oui, donc il perd le pouvoir par un vote de défiance du Parlement.
03:14 Et quelques mois plus tard, ses partisans remplissent les rues
03:19 et s'attaquent à des bâtiments militaires,
03:21 voire même à la résidence du chef d'état-major des armées.
03:25 Chose qu'on n'avait jamais vue dans le pays.
03:27 Donc son sort était scellé au bénéfice de quelqu'un
03:31 qui avait eu à se plaindre de l'armée, Nawaz Sharif.
03:34 – Qui était en exil, en fait, pour le remédier à un fil.
03:36 – Qui est venu pour échapper lui-même à la prison
03:39 pour accusation de corruption, mais qui se refait,
03:43 si j'ose dire, une virginité politique face à les ruines,
03:51 en quelque sorte, de ce qu'était la coalition
03:54 qui a dirigé le pays au fil des derniers mois.
03:56 – Comment expliquer justement ce succès de Nawaz Sharif ?
03:58 Donc a priori, il est soutenu par l'armée, lui ?
04:01 – A priori, il est soutenu par l'armée.
04:02 C'est-à-dire que l'armée n'a pas beaucoup de choix.
04:04 Il y a quand même trois grands partis,
04:07 donc deux traditionnels, la Ligue musulmane de Sharif
04:09 et puis le parti du peuple pakistanais de Bilawal Bhutto,
04:14 le fils de Benazir Bhutto et le petit-fils
04:18 d'un autre Premier ministre, Zulfikar Ali Bhutto,
04:21 qui avait été précisément condamné à mort
04:25 par un jury qui était aux ordres de l'armée, là encore.
04:30 Donc, entre plusieurs mots, on choisit le moindre.
04:33 Et le moindre pour l'armée, c'était, semble-t-il, Nawaz Sharif.
04:37 – Qu'est-ce que ça dit de la démocratie pakistanaise ?
04:39 Parce que l'armée était aux commandes totalement jusqu'en 2013
04:42 et ensuite il y a eu une ouverture démocratique
04:44 qui avait l'air de fonctionner.
04:45 Est-ce qu'aujourd'hui, on est dans un recul ?
04:47 – Alors, on est dans ce qu'on appelle pudiquement au Pakistan
04:50 un régime hybride sur lequel les candidats,
04:54 permettez-moi un anglicisme, ne sont pas électés mais "selected".
04:58 – D'accord, c'est une quasi-cooptation alors si c'est ça.
05:01 – Voilà, enfin, tout le monde ne candidate pas à armes égales.
05:07 Donc, ce régime qualifié d'hybride laisse comprendre
05:13 que les enjeux politiques pour l'armée sont décisifs à plusieurs égards.
05:19 Sur le plan, évidemment, stratégique, le budget de l'armée,
05:23 c'est à peu près 2,5% du PNB, ce qui est quand même un très gros chiffre.
05:27 L'armée a aussi en son sein de grosses, on va appeler ça des entreprises
05:33 ou des conglomérats… – Et puissantes.
05:36 – Qui sont puissantes, donc aussi bien, bien sûr, sur les questions militaires,
05:40 sur les questions politiques étrangères et sur les questions économiques.
05:44 – Un mot sur l'Inde, il y a aussi des élections très bientôt,
05:46 Narendra Modi est le grand favori.
05:48 Est-ce que ça joue un rôle ?
05:50 On a l'impression que Narendra Modi, c'était aussi un petit peu l'outsider
05:54 et Imran Khan étant aussi un peu l'outsider.
05:57 Est-ce qu'on peut faire une sorte de parallèle ?
05:59 Est-ce que ça joue un rôle, ces élections en Inde ?
06:00 – Je pense que le parallèle ne s'impose pas vraiment dans la mesure où là,
06:04 pour les prochaines élections indiennes, les pronostics,
06:07 qui ne sont que des pronostics avant les résultats du mois de mai,
06:13 donnent à Narendra Modi réélu une seconde fois,
06:16 ce qui voudrait dire trois mandats consécutifs,
06:19 chose qu'on n'a pas vue depuis les années Nérou, c'est-à-dire les années 50 et 60.
06:24 – Donc là aussi, il y a un recul de la démocratie en Inde ?
06:27 – Alors ce n'est pas le même type d'Europe.
06:30 Mais il y a quelques préoccupations sur la façon dont sont traités les opposants,
06:36 à plusieurs égards et en ce moment, le pays est agité
06:40 par des dénonciations d'un fédéralisme biaisé.
06:43 – Un dernier mot sur la sécurité,
06:45 on a vu qu'il y a eu deux attentats hier devant les bureaux de vote,
06:48 revendiqués par l'Organisation de l'État Islamique.
06:50 Est-ce que tout cela est lié à la situation en Afghanistan, pour faire simple ?
06:53 – Alors c'est lié en partie à la situation de l'Afghanistan,
06:56 il faut noter que les relations bilatérales entre Islamabad et Kaboul
07:00 sont devenues très mauvaises puisque les Pakistanais considèrent
07:04 que les talibans protègent, les talibans afghans continuent de protéger
07:08 les talibans pakistanais qui eux-mêmes mènent des attentats.
07:12 Et donc la question sécuritaire, plus l'incertitude politique,
07:18 plus la crise économique, le futur Premier ministre,
07:21 quel qu'il soit, aura… – Du pain sur la planche.
07:24 – Du pain sur la planche.
07:26 – Merci beaucoup Jean-Luc Racine, directeur de recherche et mérite au CNRS,
07:29 chercheur à l'Asia Centre.

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