"Il faut changer les bruits de la guerre par un son, par une harmonie". Bilal Alnemr a quitté la Syrie peu avant la guerre pour apprendre le violon en France. Pendant cinq ans, il n'a pas vu ses parents avant de réussir à les faire venir en Provence. Désormais, il joue auprès des plus grands musiciens, notamment au sein du West-Eastern Divan Orchestra : un orchestre fondé par le chef Daniel Barenboim, qui réunit des musiciens d'Orient dans un objectif de paix.
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00:00 * Extrait de « La vie de la vie » de Bilal Alnemer *
00:04 Moi je n'ai pas vécu la guerre, mais ma soeur et mes parents l'ont vécu.
00:07 Et je dis toujours qu'il faut changer ses bruits par un son et par une harmonie.
00:12 * Extrait de « La vie de la vie » de Bilal Alnemer *
00:13 Des fois on est d'avis politique extrêmement différents.
00:16 Mais quand les violons sont en accompagnement et puis la clarinette elle a le solo,
00:20 qu'elle soit ennemie ou pas, tout le monde doit se taire pour qu'elle lui laisse parler, servir l'autre.
00:25 * Extrait de « La vie de la vie » de Bilal Alnemer *
00:29 Bilal Alnemer est un violoniste d'origine syrienne.
00:32 Il naît en 1996 à Damas.
00:36 Mon père a toujours rêvé de faire de la musique, mais il n'a jamais eu les moyens.
00:40 Il était maître nageur au Liban et un soir au bord de la mer, il écoutait la radio
00:43 et il y a un violon qui a été à la radio.
00:45 Et il a dit « mon fils fera du violon ».
00:47 Et en rentrant en Syrie, j'avais 3-4 ans, il m'a offert un violon joué avec des boutons.
00:52 Et ensuite il m'a offert un vrai violon pour essayer.
00:55 C'était rien de né sur, il n'y avait pas vraiment de l'éducation de la musique classique.
00:59 Dans certains pays orientaux, il y a des satellites sur les toits.
01:03 Et donc mon père, pendant la nuit, il montait sur le toit pour tourner le satellite,
01:06 pour essayer de capter des chaînes occidentales.
01:09 Il y avait notamment Mezzo qui passait à ce moment-là,
01:12 énormément en Orient, au Liban, en Syrie.
01:14 Mais il fallait tourner le satellite, et par contre c'était interdit.
01:17 J'écoutais, j'écoutais, je regardais tous les artistes qui passaient à Mezzo.
01:22 Jamais en ayant l'esprit, à un moment donné, un jour,
01:25 qu'ils vont être soit mes professeurs, soit mes collègues.
01:28 C'est comme ça que j'ai eu mon éducation, en imitant un peu certains images et certains sons.
01:33 Un an avant la guerre en Syrie,
01:39 des professeurs de musique français repèrent le talent du jeune violoniste.
01:43 Ils lui proposent alors de rejoindre le conservatoire d'Aix-en-Provence.
01:46 C'est comme ça que je suis arrivé en France, en mai 2009.
01:50 Et puis la guerre n'a pas tardé à s'éclater un an après.
01:53 Pendant toutes ces années-là, pendant 6 à 7 ans,
01:58 je n'ai pas vu ma famille, je n'ai pas vu mes deux parents.
02:01 Mais ma soeur, j'ai réussi à la faire sortir en 2015.
02:04 Par la force des choses et par l'aide de beaucoup, beaucoup de personnes autour de moi,
02:07 j'ai réussi à faire sortir mes deux parents.
02:10 Avec l'aide du maire et des habitants,
02:12 sa famille s'installe dans le village de Vauvenargues, en Provence.
02:15 En parallèle, Bilal Alnemer poursuit son apprentissage du violon auprès des plus grands.
02:20 Sorti du conservatoire d'Aix-en-Provence, il rejoint les rangs du conservatoire de Paris.
02:24 Il joue auprès d'Hélène Grimaud, Renaud Capuçon, Barbara Hendrix
02:28 et se forme auprès du chef Daniel Barenboim.
02:31 D'abord dans son académie, puis dans son orchestre, le West Eastern Divine Orchestra,
02:35 qui réunit des instrumentistes venus des pays d'Orient, dans un objectif de paix.
02:40 Mon histoire avec le Divine est très amusante parce que je n'ai pas postulé pour le Divine Orchestra.
02:44 Quand j'ai passé mon audition pour la Barenboim Saïd Académie à Berlin,
02:48 il y a deux dames qui sortent de l'académie en disant "Bilal, Bilal, où es-tu ?
02:52 Ça fait dix minutes qu'on te cherche. Maestro Barenboim est en haut
02:55 et tout le monde parle de toi en haut et il veut te réécouter."
02:58 Donc j'ai dit "Ah non, non, je ne joue pas."
03:02 "Ah si, si, tu dois jouer."
03:03 Et je suis remonté et j'ai fait un petit tour de la salle.
03:06 Je suis rentré et il vient vers moi et me dit "Bonjour, je m'appelle Daniel Barenboim."
03:09 Il m'a dit "Tout le monde me parle de toi, joue-moi quelque chose."
03:12 Et puis il s'assoit dans son fauteuil, il met un pied sur l'autre, il me regarde comme ça,
03:17 avec un air extrêmement sûr et malicieux et il me dit "Juste Mozart."
03:22 Après il m'a dit "Mabrouk" en arabe, ça veut dire "félicitations"
03:25 et le lendemain j'ai reçu une invitation pour le Divine Orchestra pour une tournée à New York.
03:30 Sa présence, lui, c'est vraiment l'une des figures qui m'inspire énormément sur tout point de vue,
03:34 que ce soit sur le point philosophique, sur le point humain, sur le point musical.
03:38 On se retrouve aux mêmes pupitres avec l'ennemi
03:43 en essayant d'accorder le "la" exactement à la même hauteur,
03:48 de faire ça à la même vitesse, à la même vitesse,
03:51 et on se retrouve à la même position.
03:54 En essayant d'accorder le "la" exactement à la même hauteur,
03:58 de faire ça ensemble de la même façon.
04:00 Quand vous faites ça pendant 7 heures et après vous allez dîner,
04:05 c'est plus le même monstre que c'était hier.
04:08 Tout ce qu'on peut faire, ça sera modeste,
04:18 on ne va pas calmer une guerre avec la musique, il faut être vraiment pragmatique
04:22 et on ne change pas une guerre en faisant du violon.
04:25 On collabore tous, on emmène tous un tout petit peu d'une idée simple et humble
04:31 pour réunir les autres.
04:32 Rien qu'en jouant ensemble, il y a quelque chose qui se passe sans même qu'on parle de nos idées.
04:37 Il y a un ressenti, il y a l'ego qui descend
04:41 et puis qu'on essaye vraiment d'écouter l'autre.
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